La Catéchèse (Le Maître T’appelle n°003 – Octobre – Décembre 2011)



CATÉCHÈSE :
Peut-on tout pardonner ?
Il y a des coups qui font si mal, qu'on en reste profondément
blessé. Pas facile d'oublier, mais surtout de pardonner. Une démarche
souvent longue qui permet pourtant
de retrouver la tranquillité intérieure
et d'aller de l'avant.
Qui n'a jamais été victime d'une insulte, d'une
trahison, d'un mensonge, d'une injustice, d'une
humiliation ou d'une agression ? Quelle que soit
la gravité des actes qui nous ont touchés, la
blessure est bien là, souvent très douloureuse.
Et tout aussi forte l'envie de se venger, de rendre
le mal, de blesser à notre tour celui qui nous
a blessé ou même ceux qui ne nous ont rien fait.
Après une rupture douloureuse, une fille vit une
nouvelle relation. Mais elle ne peut s'empêcher
d'agresser son nouvel amoureux. "J'ai l'impression
qu'elle me fait payer ce que son ex lui a
fait subir", raconte celui-ci.
Parfois on ne pense pas à se "venger" réellement, mais on garde un gros
ressentiment, une "dent", une agressivité rentrée contre celui ou ceux qui
nous ont fait mal. Cette envie de vengeance, terriblement humaine, est le
premier obstacle à écarter sur le chemin de la guérison. En effet, sans
se placer sur le plan moral (est-ce bien ou mal ?), d'un simple point de vue
psychologique, l'esprit de vengeance a des effets dévastateurs:
- cela nous maintient dans le passé et nous empêche d'investir nos énergies
dans le présent ou dans la construction de l'avenir ;
- l'esprit de représailles avive la blessure en la rappelant sans arrêt ;
- attaquer par vengeance, c'est un peu imiter malgré soi l'agresseur, se
laisser contaminer par un venin. On en sort encore plus blessé, et un peu
moins soi-même ;
- utiliser la souffrance de l'autre pour soulager sa propre humiliation entraîne
un sentiment de culpabilité. Il peut aussi y avoir la crainte d'une
contre-attaque, d'où un état d'anxiété constant ;
- enfin la vengeance entretient l'hostilité, le ressentiment et la colère, des
sentiments qui génèrent du stress et peuvent même aller jusqu'à provoquer
chez certains des troubles physiques
(migraines, maux de ventre, douleurs,
etc.). Si le ressentiment et la vengeance
n'apportent pas vraiment d'apaisement,
que faire ? Pardonner ? Oui mais par
n'importe comment...
Pardonner, ce n'est pas nier ou oublier
On a souvent de fausses idées du pardon.
"Allez, c'est bon, c'est oublié"... "Je
préfère ne plus en parler"... Pardonner,
ce n'est pas oublier. D'ailleurs, il est quasiment impossible d'oublier un
événement qui a provoqué en vous beaucoup d'émotion : de la peur, de la
colère, de l'humiliation.
Ce n'est pas non plus nier la blessure ou l'attaque dont nous avons été
l'objet. "Ce n'est pas grave, je ne t'en veux pas"... Parfois on souffre tellement
d'avoir été trompé ou humilié par une personne très proche, qu'on
préfère minimiser les choses ou lui chercher des excuses. "Elle m'a trompé,
mais pour moi, ce n'est pas grave". "... Ces attitudes ressemblent à des
pardons, mais ce ne sont pas des pardons. Juste des masques, des cachemisère,
des refus de voir la vérité en face.
Elles ne peuvent pas apporter d'apaisement profond.
Pardonner n'est pas non plus renoncer à ses droits. Si vous êtes victime
d'agression, d'injustice, il est légitime et important de porter plainte.
Ne pas le faire, c'est nier le mal qui vous a été fait, et c'est un peu vous
nier vous-même. La justice est un premier pas, nécessaire pour sortir du
trouble et commencer à guérir sa blessure. Cela n'a rien à voir avec une
vengeance personnelle. Il est inutile également de vouloir pardonner à
quelqu'un qui continuerait de vous attaquer. Il faut d'abord faire cesser
cette situation ou ces actes : vous ne pouvez pas pardonner à votre chef
ses paroles humiliantes si cela se se reproduit chaque jour. Essayez
d'abord de vous soustraire à ses sarcasmes : changez de service, de travail,
intentez un recours, si vous le pouvez allez lui parler pour qu'il cesse ses
réflexions.
Exprimer sa souffrance, parler de sa douleur à quelqu'un
Non seulement il ne sert à rien de nier sa souffrance, mais il est important
d'y repenser. Les psychologues conseillent de laisser remonter les émotions
que l'on a ressenties et de ne pas
avoir peur de les analyser. Dur, dur... Koffivi
a été victime d'un copain qui lui avait
proposé de placer son argent mais s'est
envolé avec toutes ses économies comme
un vulgaire escroc. En y repensant, il a
l'estomac complètement noué. Il ressent
de la colère, de l'amertume et de l'abattement.
Il en veut à son prétendu ami de
l'avoir trompé bien sûr, mais se rend
compte peu à peu qu'il est aussi en colère
contre lui-même. Il s'en veut de s'être laissé
avoir et ressent même un peu de honte...
L'idéal pour exprimer toute cette souffrance est de ne pas rester seul mais
de trouver une oreille attentive pour être écouté. Un confident, un ami,
une personne de confiance, discrète, qui ne va pas vous accabler de
conseils ou chercher à tout prix à vous consoler. Parler de sa blessure permet
de se sentir moins seul pour la porter. Cela permet aussi de revivre
l'événement blessant avec plus de calme, en se sentant sécurisé. Si vous
avez été victime de violences, vous pouvez recourir à un professionnel :
lieux d'accueil psychologique, etc.
En exprimant vos émotions, vous les apaisez peu à peu, et vous identifiez
mieux les points douloureux : Koffivi se rend compte qu'il souffre autant
de l'humiliation de s'être fait avoir que de la perte de son argent. Ce n'est
pas s'enfermer dans sa souffrance ou se regarder le nombril, mais découvrir
et accepter ses propres fragilités. A ce stade, il faut s'accepter, vulnérable
: oui, je suis susceptible sur la question du travail car j'ai très peur de
l'échec. Il n'y a plus alors qu'à être indulgent avec soi-même, et parfois à
se pardonner. Cela permet de retrouver son estime de soi : j'ai un point
sensible, mais je ne suis pas nul ! On m'a humilié sur un point de mon
physique, mais cela ne m'empêche pas de plaire et d'être aimé, etc.
Finalement, le fait d'accepter la souffrance que l'on nous a infligée permet
de la soigner et de la transformer à son avantage. "Il en est du mal que
l'on t'a fait comme d'un hameçon dans le doigt : tu ne peux pas l'enlever
en l'arrachant, mais tu dois l'arracher davantage dans la chair pour en dégager
la pointe de manière à l'extirper", indique un psychologue dans un
livre sur le pardon.
Comprendre celui ou celle qui nous a fait mal
Le pardon est un cheminement assez long, qui peut prendre du temps
comme une blessure qui doit cicatriser. Il y a plusieurs étapes sur ce
chemin, que l'on ne peut pas sauter.
Après l'acceptation de sa souffrance,
souvent, on peut com- mencer à penser
à l'agresseur pour es- sayer de mieux
comprendre son geste.
C'est une étape in- contournable
mais là encore, il ne faut pas se tromper
: il ne s'agit pas de lui trouver des
excuses, mais de porter un regard plus
réaliste sur les raisons de son geste.
Dans les premiers temps après le coup subi,
bien sûr, on est aveu- glé par la colère
et la douleur. On est si blessé, qu'on ne peut que le haïr, le diaboliser.
Mais avec le temps, peu à peu, la colère peut laisser la place à ce besoin
de le comprendre. Pourquoi a-t-elle agi ainsi ? Pourquoi a-t-il eu ce geste
? Quelle était son intention ? Qu'est-ce qui peut expliquer sa violence ?
La raison reprend alors sa place à côté des émotions. L'agresseur est vu
comme un être humain avec ses fragilités et ses faiblesses, sa dignité aussi
même si son geste reste très grave. Bien sûr, si celui-ci peut reconnaître sa
faute et demander lui-même pardon, il sera plus facile de pardonner, mais
ce n'est pas toujours possible.
Trouver un sens à ce qu'on a subi
Pour avancer encore sur ce chemin de guérison et de pardon, un jour, il
est bon de se demander ce que l'on a retiré de positif de son épreuve. "J'ai
appris à dire non quand ça ne correspond pas à mes valeurs", "J'ai plus
d'attention ou de compréhension pour les autres", "J'ai cessé de chercher
à me faire valoir", "Je me connais mieux", etc, etc.
Toute expérience, même douloureuse , peut porter du fruit et trouver un
sens. Au départ, notre vie peut sembler détruite, comme un puzzle démantelé
parce qu'on a subi, mais peu à peu une nouvelle vision de la vie se
reforme, les pièces du puzzle forment un nouveau dessin. "Il y a beaucoup
de choses qu'à présent je trouve futiles. D'autres, au contraire, qui
me semblent extrêmement importantes", a dit Mama Galledou après son
procès.
Voilà pourquoi il est particulièrement
important de faire ce chemin de pardon
pour les grandes épreuves. Nous
ne pourrons peut-être pas tout pardonner,
mais plus nous sommes détruits et
atteints, plus il est important de faire un
chemin de pardon pour pouvoir nous
reconstruire.
Faut-il se réconcilier ?
Un jour enfin, on se sent plus léger,
libéré de son ressentiment, de ses envies de vengeance, de son statut de
victime. A-t-on oublié son agresseur ? Non, ni ce que l'on a subi, mais on
n'est plus obnubilé par le passé. On peut alors décider librement de pardonner,
sans se faire violence : il n'y a plus qu'à accueillir ce mouvement
du pardon comme un fruit mûr qui tombe d'un arbre.
Cela veut-il dire que l'on doit se réconcilier avec celui qui nous a fait
mal ? Pas forcément. On peut se réconcilier, mais si l'on reprend une relation
interrompue, les choses ne peuvent être exactement "comme avant" :
c'est à nous de tirer parti de ce que nous avons découvert. On peut aussi
décider de ne pas poursuivre la relation ou ne plus avoir l'occasion de revoir
notre agresseur.
Tout ceci n'empêche pas d'accorder intérieurement son pardon. C'est ce
qu'a pu faire une fille devant le lit de mort de son père qui était inconscient.
En lui disant intérieurement qu'elle lui avait pardonné, elle s'est sentie
apaisée. Une chose est sûre : le pardon brise des chaînes bien pesantes
et donne une nouvelle liberté pour aller de l'avant.

 

 



17/09/2011
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