HISTOIRE DE LA PROVINCE 1964 - 2004 Présence Combonienne en Afrique Occidentale (40 ans d’évangélisation)


 

 

PRESENTATION

 

Les gens nous attendent !...

 

 

Chers confrères,

C’est avec joie et reconnaissance que je vous présente l’« Histoire de notre Province : 1964-2004 ». Joie de voir finalement se réaliser ce souhait que nous avions exprimé maintes fois et que nous attendions depuis quelques années ; reconnaissance envers le P. Elio Boscaini qui nous a laissé ce « cadeau » avant de quitter pour l’Italie, il y a quelques mois.

Comme bien le souligne le P. Elio dans son introduction, il s’agit d’une toute première tentative de jeter un regard sur notre passé. Notre histoire n’est pas « ancienne », mais quarante ans - le temps biblique d’une génération - sont bien l’âge de la « maturité ». La plupart des « anciens » de notre Province sont encore vivants (akpe na Mawu !) mais une nouvelle génération est en train de prendre le « flambeau » pour assurer la relève. Dans ce contexte de « passation », « visiter » notre histoire n’est pas une démarche « nostalgique », mais une exigence pour entrer en possession du patrimoine que l’Esprit nous a légué.

C’est le Chapitre de 1991 qui avait demandé une « élaboration critique de l’histoire des provinces » (n° 23). Cette requête - dans un moment crucial de notre histoire, avec l’ouverture de maisons de formation dans toutes les provinces - semblait essentielle pour préserver notre identité charismatique et développer notre héritage spirituel et missionnaire. En effet, oublier notre histoire, signifie ignorer les « merveilles » accomplies par l’Esprit, protagoniste de la mission, et être condamné peut-être à répéter les erreurs de nos prédécesseurs!

Cette « histoire » est donc un « exercice de mémoire » pour nous tous. Mémoire à récupérer mais aussi à accroître, en apportant notre contribution pour l’enrichir, parce que c’est « notre » histoire. Nous en sommes tous les protagonistes. J’espère donc que la « pierre » jetée par le P. Elio dans les « eaux » (placides ?) de notre passé les « agite » aussi pour les rendre « vivantes » et les empêcher de « stagner ». Le « passé » - dans ce qu’il a de beaux et de moins bons souvenirs ! - nous le portons en nous. Le « revisiter » peut susciter joie et gratitude mais peut faire « mal » aussi. Pour cela, ce travail de mémoire doit être avant tout une démarche de foi qui vise la louange et la guérison, outre qu’un acte de sagesse qui veut apprendre du passé, soit-il fait de réussites ou d’échecs.

À la genèse de notre histoire, il y a l’invitation de Mgr. Dosseh, archevêque de Lomé à l’époque : « Les gens vous attendent !... ». Cette phrase, dans sa simplicité et banalité, nous rappelle que notre arrivée sur les côtes de l’Afrique de l’Ouest n’est pas une initiative à nous, mais la réponse à une « attente » qui était là au cœur des situations missionnaires plus défiantes. « Les gens vous attendent », c’est aussi le titre que porte un livret de recueil des témoignages de six confrères de notre Province qui ont achevé leur course (1993). « Les gens nous attendent !... », c’est aussi le cri qui nous parvient encore aujourd’hui, à travers l’appel persistant de quelques évêques du nord de notre région, et qui nous invite à un nouveau « départ » !

Que ce regard sur les « eaux profondes » de notre histoire nous fasse encore « rêver » d’un futur glorieux ! Qu’il pompe dans nos veines le « sang pur » qui a irrigué les artères de tant de confrères de notre Province qui ont donné leur vie pour la Mission ! Qu’il nous donne le goût et le courage de l’aventure ! LES GENS NOUS ATTENDENT !...

 

P. Manuel João Pereira Correia

Lomé, 10 Septembre 2007

150ème anniv. du 1er voyage de Comboni



 

INTRODUCTION

 

 

Les pages qui vont suivre représentent la tentative d’une chronique de la présence combonienne dans l’Ouest de l’Afrique, et précisément  au Togo, Ghana, Bénin, de 1964 à 2004. Parler d’histoire, alors que six des huit premiers protagonistes de cette « aventure missionnaire » sont encore vivants, m’a paru prématuré. Je me suis donc tout simplement laissé conduire par les archives provinciales et par ce que j’ai pu trouver dans le Bollettino (devenu MCCJ Bulletin) et dans La Voix du Togo. Selon ma sensibilité, j’ai retenu ce qui me semblait important pour mieux comprendre comme nous en sommes arrivés à vivre notre présent, après 40 ans d’un début qui n’a pas été facile. Les « papiers » à ma disposition parlent beaucoup du Togo, beaucoup moins du Bénin et moins encore du Ghana. On peut  donc envisager un rédacteur de la présence combonienne au Bénin et surtout au Ghana. Je tiens à m’excuser en particulier avec les confrères de ce dernier Pays, mais j’ai une bonne excuse, celle justement du manque de documents. Le défis leur est donc lancé de penser à une chronique ghanéenne et rédigée en anglais.

En travaillant sur des papiers parfois jaunis par le temps, j’ai pensé de faire chose utile, surtout à nos plus jeunes confrères, en faisant en sorte que la mémoire historique ne se perde pas. D’ailleurs l’institut demandait cela depuis. Les plus âgés et les pionniers je souhaite qu’ils s’y retrouvent en tant que protagonistes. Leurs réactions seront utiles à préciser ce qui a pu être négligé. Mais surtout qu’ils rendent grâce au Seigneur pour le travail qu’il nous a donné d’accomplir pour l’avènement de son Règne dans cette région d’Afrique.

Un moment important dans cette chronique est représenté par l’ouverture du postulat, candidats-prêtres d’abord (1983) et frères ensuite (1987). Consciemment ou non, le postulat a changé notre manière d’être missionnaires et d’être présents: il a rendu notre visage beaucoup plus africain. Et ces Eglises, au milieu desquelles nous exerçons notre charisme combonien, sont devenues plus missionnaires. Surtout, sous nos yeux parfois éblouis, elles ont vite grandi, en nombre de fidèles et plus encore en agents pastoraux (prêtres et religieux/euses en particulier).

Ce que nous dit que notre saint Fondateur avait vu loin et que son rêve est en train de devenir réalité.

 

 

p. Aurelio Boscaini

Tabligbo, 8 décembre 2006

en la solennité de l’Immaculée Conception

 

 

 

 

Première Partie

L’AUBE

(1964-1974)

 

C’était un nouveau printemps de l’Eglise et à Rome, les évêques réunis en concile s’efforçaient de situer le peuple de Dieu au cœur du monde. L’Esprit Saint permettait aussi aux gens du monde entier de s’apercevoir de la présence aux assises conciliaires d’évêques africains autochtones, pas très nombreux à l’époque. Et à ces évêques de nouer, pour la première fois, de contacts au niveau de toute l’Afrique.

Pour notre histoire, fructueux furent les contacts informels entre Mgr Robert Casimir Dosseh-Anyron, archevêque de Lomé, qui avait été consacré le 10 juin 1962, quelques mois seulement avant l’ouverture du concile, et le vicaire apostolique de Wau, au Soudan, Mgr Irénée Dud. Entre ces deux évêques africains le discours ne pouvait pas ne pas tomber sur l’urgence de l’évangélisation du continent. Voilà donc l’évêque soudanais parler à son collègue togolais de ces Fils du Sacré-Cœur de Jésus ou Missionnaires de Vérone qui depuis bientôt un siècle, sur les traces de leur fondateur Daniel Comboni, travaillaient à l’évangélisation de son peuple. Mgr Dud les décrivait, ces comboniens, comme d’inlassables travailleurs apostoliques, capables de faire cause commune avec les gens, d’en parler la langue, de manger comme eux, rompus aux plus grandes difficultés et maintenant même aux persécutions. Oui, parce que l’Eglise au sud Soudan se trouvait persécutée par le pouvoir arabo-islamique qui dirigeait le pays depuis l’indépendance (1956). L’expulsion des missionnaires rendait disponible une partie de ces ouvriers de la vigne.

Le jeune archevêque de Lomé (37 ans) ne croyait pas ses oreilles. Dans son pays il n’avait connu que les missionnaires des Missions Africaines de Lyon (SMA) qui inévitablement portaient la peau du colonisateur français qui en 1917 avait remplacé les allemands, créateurs du Togo moderne. Et voilà que tout à coup l’opportunité se présentait d’avoir, pour le Togo indépendant, cette nouvelle espèce d’apôtres. C’est ainsi que Mgr Dosseh prenait contact avec le supérieur général des comboniens, le p. Gaetano Briani, à qui, finalement, l’idée d’envoyer certains de ses fils en Afrique Occidentale ne déplaisait point, car il devenait urgent pour lui de trouver un nouveau champ d’apostolat à ces comboniens que l’expulsion du Soudan semblait contraindre au… chômage apostolique. C’est ainsi que le p. Briani descendait au Togo pour voir

Le 3 avril 1963 il écrivait de Vérone (où résidait alors la DG) aux confrères : « Il y en a qui aimeraient connaître les résultats de mon voyage en Afrique Occidentale. Malheureusement, je ne suis pas encore en mesure de vous annoncer quelque chose de définitif, parce que la Congrégation de Propaganda Fide attend une réponse de l’archevêque de Lomé (Togo) à propos d’un questionnaire qu’on lui a soumis. Je vous invite à prier le Cœur de Jésus afin qu’il nous illumine pour décider à sa plus grande gloire et pour le salut des âmes» (Bollettino, n° 65). Mais déjà le 5 mai suivant, le p. Briani pouvait écrire de la maison mère à Mgr Dosseh : « Je peux finalement vous écrire que nous avons conclu de venir coopérer dans votre archidiocèse. Notre conseil général a approuvé le projet d’envoyer six pères et deux frères. La difficulté maintenant nous vient de Mgr Sigismondi, secrétaire de la Congrégation pour la Propagation de la Foi, qui me disait d’attendre jusqu’à ce que votre excellence ne donnera pas une réponse concernant la division de l'archidiocèse… En attendant, j’envoie les missionnaires apprendre le français ».

Depuis Rome, le 9 octobre 1963, le p. Briani était très heureux d’annoncer aux confrères que « désormais était en train de se concrétiser le départ de nos confrères pour d’autres champs d’apostolat ». Il pensait au Burundi, Congo et au Togo. « Pour l’instant, nous prendrons deux paroisses dans le même diocèse choisi. Plus tard - continuait Briani - nous développerons, avec l’aide de Dieu, d’autres paroisses, de manière à avoir un territoire à nous. Mais il nous sera difficile d’avoir des évêques de notre congrégation. Car désormais le Saint Siège s’oriente à la nomination d’évêques africains. Je ne crois pas que de notre part il y aura difficulté - terminait le Général - : nous sommes les soldats de l’armée pacifique du Christ, qui ont le seul désir d’élargir son royaume d’amour sur toute la terre » (Bollettino, n° 67).

Le 6 décembre 1963, au terme de la 2ème session du concile, c’est Mgr Dosseh lui-même qui dans l’Eglise San Nicolò, à deux pas des arènes de Vérone, présida la cérémonie de la remise de croix aux huit comboniens choisis pour le Togo ainsi qu’à d’autres missionnaires partant pour le Burundi, le Zaïre (ex Congo belge) et d’autres pays encore. S’exprimant magistralement en italien, l’ancien étudiant du collège de Propaganda à Rome devenu archevêque, demandait aux partants pour la terre de leur rêve missionnaire l’amour à Jésus Christ, à l’Eglise et à leur institut. Et de conclure : « A ceux qui viendront dans mon diocèse, je veux dire que tous les gens les attendent et les accueilleront avec grande joie ».

Ces huit missionnaires étaient : les pères Francesco Cordero, Francesco Grotto, Mario Piotti, Giovanni Radaelli, Ezio Rossi, Alfonso Zulianello et les frères Nevio Calligaro et Adone Santi. A leur tête, le 6 décembre 1963, le p. Briani avait nommé son représentant dans l’archidiocèse de Lomé et ‘supérieur religieux’, le p. F. Cordero, qui aura donc autorité sur tous les religieux et il sera de son devoir de faire observer les vœux, les constitutions et la règle. Le p. Briani - toujours dans sa lettre de nomination - dit que son représentant « se souciera afin que chaque confrère progresse dans l’esprit religieux et dans le zèle missionnaire. Il veillera à que l’on pratique entièrement la vie spirituelle selon la règle et que les directives de l’ordinaire du lieu soient observées fidèlement. Si l’ordinaire pensait d’offrir aux confrères d’autres paroisses, aux deux initialement prévues, le supérieur religieux devra recevoir l’accord explicite du supérieur général. Il devra encore s’intéresser afin que maison, nourriture, habillement soient en tout conformes à l’esprit de pauvreté mais, en même temps, convenable au climat et au travail apostolique à accomplir ».

Le p. Cordero aurait eu 40 ans juste un mois après son arrivée au Togo et était à sa première expérience missionnaire après avoir été à Florence d’abord et à Gozzano ensuite, père maître des novices pendant huit ans. Des autres, deux étaient des anciens du Soudan (le p. Grotto y avait travaillé pendant onze ans et le p. Piotti six), les pères Radaelli et Zulianello étaient à leur première affectation africaine, le p. Rossi et le fr. Calligaro avaient précédemment travaillé dans le monde musulman, et le fr. Santi était aussi néophyte missionnaire.

 

 

‘Già fischia e l’àncora…’

 

La nouvelle expédition missionnaire vers le Togo, tout préparatif accompli, se mettait en branle le soir du jour de l’an 1964. Les 8 confrères quittaient la maison mère pour atteindre d’abord Marseille en train. Là les attendait le bateau à destination de Lomé. Le soir du 2 janvier ils étaient les hôtes des SMA à Marseille. Après avoir célébré au sanctuaire de la Vierge de la Garde le 4 janvier matin, les missionnaires s’embarquent avec tous leurs bagages. Ce n’est que le soir que le bateau Général Mangin quitte le port de Marseille. Les missionnaires se tiennent en soutane noire (pour ne pas salir la blanche !) et voyagent en classe touristique. Le voyage est paisible et tranquille. Seulement les pères Rossi et Radaelli auront quelques légers malaises liés au mal de mer.

Après avoir touché les îles Baléares, Alger (avec une visite à Notre-Dame de l’Afrique), Casablanca (avec une visite touristique à pieds à la Médina, conduits par un missionnaire SMA qui faisait route avec eux ensemble avec une religieuse africaine), Dakar (où les missionnaires sont accueillis chez eux par les pères italiens du St Sacrement), Conakry, Monrovia (où ils mirent les pieds rien qu’au port), Abidjan, Tema (où il y avait le nouveau port : le bateau était le premier à y mouiller) et Cotonou (où ils restèrent sur le bateau car il n’y avait alors de vrai port et donc le bateau s’arrêta au large), le matin du dimanche 19 janvier le bateau français jetait l’ancre dans le wharf de Lomé.

Le débarquement se fait ‘en panier’, comme on disait alors. Le bateau ayant stoppé à quelque distance, le panier étant sur le bateau, on y montait à quatre personnes, plus un minimum de bagages. La grue descendait le panier dans la pirogue, puis après avoir déposé les gens, remontait chercher d’autres personnes et ainsi de suite jusqu’à ce que la pirogue soit pleine. La pirogue se dirigeait vers le wharf. Les grues remontaient les voyageurs avec les paniers. Et on marchait jusqu’à la route. Les bagages suivaient. Le port autonome de Lomé n’existait pas encore à l’époque... Le p. Bosetti, canadien d’origine italienne et membre des SMA, ainsi que l’abbé Gérard Nyuiadzi étaient là pour accueillir les nouveaux arrivés. Mais les missionnaires étaient descendus du bateau trop tôt : il fallait donc les… cacher quelque part afin de permettre aux chrétiens de les accueillir comme il se devait. On les amena donc au petit séminaire St Pierre Claver de Tokoin, pendant qu’à la radio nationale on annonçait leur arrivée et les gens commençaient à se rassembler à la plage.

 

 

Accueil triomphal

 

Ayant changé leur soutane noire avec la blanche, après 10 heures, les missionnaires furent ramenés au wharf pour l’accueil, qui fut extraordinaire, simple et grandiose en même temps. Un long cortège se forme qui avance vers la cathédrale dédiée au Sacré-Cœur en chantant au son harmonieux d’une fanfare. Pendant une demi-heure les missionnaires, qui avancent au milieu de la foule en portant sur la tête un chapeau de cow-boy pour se défendre du soleil africain, ont l’impression que toute la ville est venue à leur rencontre. Ils auront tout le temps d’expérimenter ce Togo qui semble être le pays de l’hospitalité souriante et de l’accueil fraternel. Au milieu d’une épaisse poussière que de centaines de pieds dansant soulèvent, en distribuant des sourires et en agitant les bras, les missionnaires arrivent à la cathédrale où le curé, l’abbé Jean Gbikpi-Benissan, leur présenta le « crucifix que chacun d’entre eux a embrassé avec amour et profond respect ».

Cet accueil triomphal ne pouvait pas ne pas rappeler le débarquement très discret des 5 premiers missionnaires Verbites allemands arrivés à Lomé, alors un tout petit village, le 27 août 1892, et qui le lendemain, le dimanche 28 août, fête de St Augustin, le grand évêque africain patron de leur congrégation, en célébrant l’eucharistie dans une des pièces qu’on leur avait si aimablement prêtées, fondèrent officiellement la mission catholique togolaise. C’était les pères Schäfer et Dier, les frères Norbert, Johannes et Venantius. Alors il n’y avait pratiquement pas de chrétiens au Togo ; aujourd’hui ils semblent si nombreux à exprimer toute leur joie et toute leur reconnaissance à ces nouveaux apôtres venus de si loin leur annoncer rien d’autre que la bonne nouvelle de Jésus !

L’archevêque de Lomé, à la tête de toute cette foule, était radieux : sa promesse aux chrétiens de la capitale se réalisait. En effet, quelques jours avant son départ pour Rome où il aurait participé à la 2ème session du concile Vatican II, il avait visité les chrétiens de Kodjoviakopé, le quartier à l’ouest de la ville, sur la frontière avec le Ghana. Au cours de sa réception, prenant la parole, il avait promis à ses ouailles des missionnaires qui seraient venus s’installer à Kodjoviakopé l’année suivante.

Mgr Dosseh prend la parole et exprime aux missionnaires sa joie de les revoir au Togo après la cérémonie émouvante de la remise des croix à Vérone, et souhaitait à ces jeunes missionnaires pleins d’ardeur, un long et heureux ministère en terre togolaise. Le chroniqueur de Présence chrétienne à qui nous empruntons ces expressions, continue son récit de l’accueil aux huit missionnaires italiens, en écrivant : « Traduisant en éwé, monseigneur nous ajouta le grand souci qui l’accable pour les stations secondaires qui n’ont pas encore de prêtres. Ceux que nous recevons aujourd’hui - poursuivit-il - sont pour Kodjoviakopé et Afagnan qui auront chacun trois prêtres et un frère. Chose rare que ce grand nombre accordé à une seule station. Les nouveaux missionnaires s’installeront dans leur paroisse respective après l’examen passé sur l’étude de la langue éwé, étude qu’ils vont bientôt commencer. Après que l’archevêque eut fini de nous parler, les six nouveaux prêtres nous donnèrent leur bénédiction, suivie du Mawugã que Mgr l’archevêque nous demanda de chanter avec vivacité. C’est dans la cour de la mission, devant la grande école, qu’eurent lieu la réception des chrétiens et les discours de bienvenue ». Le p. Cordero dit aussi quelques mots de circonstance.

Des fleurs et des dons furent offerts aux nouveaux missionnaires. Dans son discours, le secrétaire de la paroisse de Kodjoviakopé leur donna une signification : « Excellence, comme on le voit, la chrétienté de Lomé se joint à vous son chef spirituel pour accueillir avec allégresse les nouveaux missionnaires. Nous leur adressons nos souhaits de bienvenue. Révérends pères, permettez-nous de vous exprimer le langage symbolique de nos dons : 

-           le bouquet de fleurs représente la grande joie que nous cause votre arrivée ;

-           le dindon, oiseau orgueilleux, est symbole du premier des péchés capitaux à faire disparaître chez nous, afin que nous nous humiliions plutôt à Dieu ;

-           l’igname est pour nous le symbole d’une année de bonne récolte. Elle représente les belles âmes de Kodjoviakopé que Dieu récoltera à tout moment qu’il lui plaira ;

-           enfin, le pain et le vin symbolisent le matériel de la sainte cène et vous rappellent la sainte nourriture que vous distribuerez aux fidèles afin que l’âme de chacun d’eux ait la force pour aller à son Dieu.

Excellence, si Lomé se réjouit ce matin parce qu’il reçoit de pêcheurs d’âmes pour le Christ, Kodjoviakopé se réjouit d’avantage ; car, d’ici quelques mois seulement, suivant votre bonne promesse, vous vous plairez à dire à vos chers pêcheurs de poissons de Kodjoviakopé et à quelques uns des nouveaux missionnaires que nous recevons aujourd’hui : - Enfants, voilà vos révérends pères ; révérends pères, voilà vos enfants ».

Le lendemain, le p. Cordero écrivait au p. Battelli, vicaire général des comboniens, pour lui annoncer « Nous sommes arrivés ! Le voyage ? Excellent. Quelques légers ennuis ont eu les pères Rossi et Radaelli, mais de courte durée : tous les autres très bien : cuisine excellente, nous avons beaucoup de repos et charité fraternelle. Hier, accueil spectaculaire : archevêque, autorités, fanfare et foule immense ». Mais le père ne cache pas sa déception, car ils espéraient, les confrères, de pouvoir vivre avec les missionnaires SMA. Il parle de la ferveur religieuse très poussée, avec la paroisse de la cathédrale qui compte 25mille catholiques, 1500 élèves et l’abbé Gbikpi qui dit aux confrères : « que si tout marche comme à présent, d’ici 15 ans tout le Togo sera catholique. Ici à Lomé (90mille habitants), 60% sont catholiques et parmi l’intelligentsia 80% ». « J’imagine que les débuts coûteront un peu de sacrifice, même du point de vue matériel - répondait huit jours après le p. Giovanni Battelli - mais après vous vous trouverez certainement mieux, surtout alors que vous aurez vos paroisses et un travail apostolique ».

 

 

Quelle Eglise ?

 

Dans quelle Eglise les comboniens venaient-ils de se greffer? Comme nous l’avons déjà dit plus haut, c’est les missionnaires allemands de la Société du Verbe Divin (SVD) qui avaient fondé l’Eglise catholique au Togo. Une vieille photo d’archive nous donne de revivre la scène des cinq missionnaires, deux pères assis et trois frères debout, qui soucieux fixent la caméra. Les prêtres sont habillés en blanc, les frères en noir. Chacun tient un sac en bandoulière et sa tête est couverte d’un casque colonial. Derrière eux la tente ou « habitation tropicale démontable » que le bon fr. Johannes avait préparée à Steyl, chez la maison-mère de l’institut. C’était la première fois que les verbites, fondés par Arnold Janssen (qui sera canonisé en même temps que Comboni par le Pape Jean Paul II le dimanche 5 octobre 2003), s’adonnaient à l’aventure d’évangéliser l’Afrique. Le 22 avril 1892, la congrégation de Propaganda Fide avait créé la préfecture apostolique du Togo en la confiant à la jeune congrégation missionnaire allemande.

Les premiers 5 missionnaires ouvrirent officiellement la mission au Togo le 28 août 1892. Le surlendemain, 30 août, ils débutèrent les classes d’une école primaire avec douze élèves dans leur très modeste habitation. Le 18 septembre, ils bénirent la première chapelle à Lomé dédiée aux Sept douleurs de la Vierge Marie et abritant une Pietà qu’ils avaient apportée. Ils achetèrent aussi des terrains à Agbodrafo et à Adjido. Le 25 octobre de la même année, ils ouvrirent le catéchuménat et, en la fête de Noël, huit personnes furent solennellement baptisées. Tout alla donc très vite au début de la mission au Togo, mais tout n’était pas couronné de succès. Il y eut aussi des échecs comme, par exemple, le fait que les missionnaires ne réussirent pas à ériger un lieu de pèlerinage marial à Bê, le grand centre du culte des fétiches en ce temps-là.

En janvier 1893, cinq autres missionnaires, quatre frères ( !) et un prêtre, renforcèrent les rangs des premiers missionnaires. Cela leur permit à Pâques d’ouvrir une deuxième station à Togoville. Malheureusement les missionnaires ne firent pas assez attention à leur santé. En 1895, deux d’entre eux moururent et un troisième en 1897. Ce fut aussi en l’an 1897 que les premières religieuses arrivèrent au Togo, quatre Servantes du Saint Esprit, une congrégation religieuse également fondée par A. Janssen. Mais hélas ! deux mois après leur arrivée, leur supérieure mourait déjà et en janvier 1900, encore deux autres sœurs la suivirent dans l’au-delà.

Dans leurs relations avec les autorités de l’administration coloniale, les missionnaires suivirent le principe d’être gentils et polis, mais sans craindre d’entrer en conflit avec les autorités civiles quand il s’agissait de défendre les droits de la population. En 1903, par exemple, les missionnaires portèrent plainte contre un commissaire à Atakpamé qui avait abusé d’une fille mineure et maltraité certaines personnes parmi lesquelles se trouva aussi le chef traditionnel. A la suite d’un procès judiciaire et d’un débat au parlement de Berlin, beaucoup de responsables durent quitter le Togo, mais malheureusement sur l’ordre venu de Rome, Mgr Hermann Bücking, premier préfet apostolique du Togo (1896-1907) et vaillant défenseur des droits de l’homme, dût aussi se résigner et quitter le Togo avec deux autres pères. Alors le saint Fondateur, indigné des jeux politiques, écrit à Rome : « En Allemagne, les catholiques luttent pour la liberté de l’Eglise, mais qu’est-ce qui se passe à Rome ? ».

Les missionnaires virent clairement qu’il fallait d’abord établir une base solide de leur présence à la côte avant de pouvoir fonder des stations de mission à l’intérieur du pays. Pour cela, dans la première période, allant de 1892 à 1900, ils ont fondé, à partir de Lomé, les stations de Togoville, Adjido, Agbodrafo et Aného. Dans la seconde période de leur travail, allant de 1900 à 1912, ils fondèrent Atakpamé, Kpalimé, Kpandu, Ho, Agou, Assahoun, Adéta et Tsévié. La troisième période de travail a commencé en 1913, avec la fondation de la station d’Alédjo. Mais hélas ! le déclenchement de la première guerre mondiale empêcha la continuation de cette entreprise si prometteuse.

Les verbites travaillèrent avec zèle et ténacité. Ils apprirent la langue des gens, ouvrirent des écoles primaires et professionnelles, fondèrent une typographie, ils se mêlèrent aux gens en visitant souvent les familles et en soignant les malades. Leur œuvre d’évangélisation fut formidable. La sympathie pour ces missionnaires-là est restée profondément ancrée dans le souvenir des chrétiens… Pour ce qui est de notre histoire, il est à souligner que ce sont eux qui fondèrent deux des paroisses qui seront confiées par l’archevêque Dosseh aux comboniens: Adjido (à Aného) et Togoville. En 1902, était inaugurée la cathédrale de Lomé, dédiée au Sacré-Cœur. En 1914 la préfecture apostolique du Togo devenait vicariat, mais son premier vicaire apostolique, Mgr Franz Wolf, qui s’était rendu en Europe pour son sacre (il fut consacré évêque à Steyl dans la maison mère de la SVD, le 28 juin 1914), ne reviendra jamais plus au pays à cause de la guerre qui se déclencha le 28 juillet, et il ne reçut pas la permission des nouvelles autorités coloniales de revenir.

L’occupation allemande du Togo avait durée 30 ans (1884-1914). Les autorités coloniales, mais les civiles aussi, furent capables de faire du Togo, en un si court délai, une ‘colonie modèle’ (musterkolonie). Nombreux sont encore les togolais qui évoquent avec nostalgie la colonisation « dure mais juste » de l’Allemagne. La déclaration de guerre en 1914 surprit le Togo en plein essor économique. Les allemands durent se rendre aux anglais et aux français qui avaient envahi le pays en provenance de la Gold Coast (aujourd’hui Ghana) et du Dahomey (Bénin). Les missionnaires furent traités comme des ‘ennemis’. Il ne leur était pas permis de quitter leur résidence. Les écoles furent fermées. Vers la fin de 1917, tous les missionnaires de moins de 45 ans (32 prêtres et 12 frères) furent amenés en Angleterre comme prisonniers de guerre. Quelques semaines plus tard, les missionnaires plus âgés et les sœurs durent suivre le même chemin : c’en était fini de la mission catholique allemande au Togo. C’est ainsi que le Togo fut la proie des anglais et des français qui se partagèrent l’ancienne colonie allemande.

Quand la guerre éclata, les missions du Togo étaient dans une phase de développement merveilleuse. Dans leurs écoles se trouvaient plus d’élèves que dans toutes les écoles des cinq Etats de l’Afrique occidentale française ! Les baptisés étaient au nombre de 19.740 et les catéchumènes 5.221. Au service de l’Eglise au Togo, on comptait 40 prêtres, 15 frères et 22 religieuses.

En Janvier 1921, Mgr Jean-Marie Cessou des Missions Africaines de Lyon qui avaient remplacé les verbites allemands, était nommé vicaire apostolique du Togo français, alors que Mgr Herman, de la même société missionnaire, était nommé vicaire apostolique du Togo britannique. Mgr Cessou fut un évêque de grande envergure qui pendant 24 ans, jusqu’à sa mort (3 mars 1945), travailla à réorganiser la vie religieuse et l’apostolat. Ce fut un combat serré et généreux qui lui valut la victoire même dans le domaine scolaire. Il aurait voulu à ses côtés les missionnaires allemands, mais ses projets se brisèrent devant les obstacles de qui considérait une collaboration Lyon-Steyl impossible. C’est donc la province alsacienne des SMA qui pourvoira le personnel à la renaissante mission au Togo. Mgr Cessou eut la joie d’ordonner les premiers 5 prêtres togolais. A lui on doit aussi la fondation de l’école normale de Togoville confiée aux Frères des Ecoles Chrétiennes, et la préparation de l’évangélisation du nord du pays qui en 1937 était érigé en préfecture apostolique de Sokodé, avec à sa tête Mgr Joseph Strebler.

Les reines du vicariat de Lomé passèrent, à la mort de Mgr Cessou, à Mgr Strebler, un infatigable missionnaire alsacien qui continua l’œuvre de son prédécesseur. C’est à lui qu’on doit la fondation du collège St Joseph de Lomé (1948), une des écoles supérieures de la capitale ; la fondation de la première congrégation togolaise (1952), les Petites Servantes togolaises des saints Sacrés-Cœurs de Jésus et de  Marie à Noépé (qui deviendra Soeurs Notre Dame de l’Eglise en 1966) ; le foyer Pie XII, siège central de l’Action Catholique ; le secrétariat social et le petit séminaire de Tokoin.

Le 19 février 1956, Lomé devenait un archidiocèse et Sokodé un diocèse suffragant. C’est le cardinal Tisserant qui le 24 février 1956 intronisait solennellement Mgr Strebler comme archevêque de Lomé. Mgr Jérôme Lingenheim, lui, recevait la consécration épiscopale le 28 octobre 1956 à la cathédrale de Strasbourg et le 1er Juin 1957 prenait possession de sa cathédrale à Sokodé, comme premier évêque.

En 1958 arrivaient au Togo les premiers franciscains de la province de Paris pour l’évangélisation de l’extrême nord du pays. Début 1961, les moines bénédictins d’En-Calcat (France) sont les premiers contemplatifs à s’établir au Togo. Ils commenceront leur fondation à Dzogbégan, sur le plateau pittoresque de Danyi. Toujours cette même année là voit l’arrivée des Frères de St Jean de Dieu ou Fatebenefratelli au Togo. Les deux premiers frères, Onorio et Aquilino (d’origine italienne) c’est à Afagnan qu’ils ouvrirent un dispensaire et fondèrent l’hôpital. C’est ces deux frères qui vont accueillir les premiers comboniens à Afagnan.

Les temps couraient vite. Comme nombreux autres pays africains, le Togo avait eu accès à la souveraineté internationale en 1960. Une nouvelle réalité interrogeait l’Eglise. Avec l’indépendance il devenait normal de céder la place des sièges métropolitains et suffragants des diocèses à des titulaires africains. En Afrique de l’ouest Mgr Bernardin Gantin, intronisé archevêque de Cotonou le 17 mars 1960, ouvre la série. Le 4 août 1961, Mgr Strebler publiait une lettre pour annoncer que Rome avait accepté sa démission et qu’il restait à Lomé comme administrateur apostolique en attendant son successeur. Le 4 avril 1962, Mgr Robert Dosseh, vicaire général depuis 1960, est nommé archevêque de Lomé. Le sacre est fixé au dimanche de la Pentecôte, le 10 Juin 1962, et il aura lieu dans la grande cour de la paroisse St Augustin d’Amoutivé. Le prélat consécrateur sera le card. Julius Döpfner et les co-consécrateurs seront Mgr Strebler et Mgr Gantin. Au premier rang de l’assistance se trouvent le président Sylvanus Olympio ainsi que les plus hautes personnalités du pays.

Avec le sacre d’évêques autochtones à Atakpamé et Sokodé les années successives, en 1965 la hiérarchie du Togo sera la première à avoir une majorité de prélats africains. Seulement le nord (Dapaong) était encore confié à un évêque missionnaire. Le pays avait aussi la population chrétienne plus nombreuse de l’Afrique occidentale francophone.

 

 

Togo indépendant

 

Le Togo qui accueillait les premiers comboniens était devenu indépendant le 27 Avril 1960. Un plébiscite organisé le 9 mai 1956 dans le Togo britannique voyait la majorité se prononcer pour son rattachement au Ghana, à la grande déception des éwé du sud qui rêvaient toujours d’un grand Togo, comme les allemands l’avaient voulu. Le Togo sous tutelle française est proclamé république autonome le 30 août 1956. Le 27 avril 1958 des élections pour l’assemblée nationale furent remportées par Sylvanus Olympio avec son parti, le Comité d’Unité Togolaise (C.U.T.). Elles marquèrent donc le triomphe des partisans de l’indépendance complète. La chambre de 1958 comptait 37 catholiques (sur 46 députés) et catholiques étaient 6 des 8 ministres du cabinet.

A l’aube de l’indépendance, dans son discours à la chambre des députés et devant les amis venus de partout partager la joie du peuple togolais devenu « une nation indépendante, souveraine, appelée à participer à la vie internationale de concert avec les autres nations, sur un pied de complète égalité », le président Olympio avait dit : « Ce jour est avant tout un commencement, un départ. Certes, ce qui nous tenait à cœur, et qui était notre premier objectif, l’indépendance, est maintenant un fait accompli, une réalité tangible. Mais il nous appartient désormais, et à nous seuls, d’assumer la responsabilité de notre développement économique et social, d’imposer le respect de nos opinions et de nos droits, d’affirmer notre existence dans l’honneur et la dignité. Tout cela ne se fera qu’avec le concours de vous tous. Togolaises et togolais, résolument unis, résolument décidés à travailler tous ensemble à l’œuvre commune. Nous ne disposons pas actuellement de ces énormes capitaux indispensables à tout progrès matériel, mais nous disposons de nos bras et de nos têtes qui peuvent souvent en tenir lieu. Mettez-vous à l’œuvre, que la tâche qui incombe à chacun de nous soit toujours accomplie de la manière la plus parfaite et le reste nous sera donné de surcroît ».

 

 

Premier putsch

 

Le 13 janvier 1963 au petit matin, le cadavre de S. Olympio, abattu à la mitraillette, est relevé sur les marches de l’ambassade américaine à Lomé. Les militaires occupent la ville: dans le moins militarisé des Etats africains venait de se produire le premier putsch. L’exemple fera tache d’huile : il sera suivi en cinq ans d’une vingtaine d’autres dans l’ensemble du continent ! Le petit Togo donnait le mauvais exemple à toute l’Afrique, même dans la prose militaire qui annonce à la radio la chute d’un régime.

« Togolaises ! Togolais ! Emmanuel Bodjollé, chef du comité militaire insurrectionnel de la République Togolaise vous parle : Comme vous le savez, la situation économique et politique de notre jeune Etat, dirigé par une équipe de profiteurs, s’était considérablement détériorée. Depuis l’avènement de cette équipe, la démocratie était bafouée et remplacée par un paternalisme autoritaire et arrogant. Sur le plan intérieur, le nombre des chômeurs a augmenté sans cesse. Les salaires des travailleurs du secteur public comme du secteur privé sont bloqués depuis des années. Les jeunes cadres de la nation sont mal utilisés. Plusieurs d’entre eux, du fait de cette situation, ont préféré s’expatrier. Le commerce, activité importante des femmes togolaises, connaissait jusqu’à présent un véritable déclin. Nos prisons regorgeaient de détenus politiques, la plupart, éléments valables, nécessaires à la promotion et au développement de notre pays. Tout cela était pratiqué par un gouvernement qui bafouait ouvertement les droits fondamentaux de l’homme, au mépris de la constitution de la nation et de la Charte des Nations Unies. En un mot, notre situation intérieure était des plus critiques. Du fait du régime autoritaire défunt, le bon peuple gémissait, impuissant (…).

« Voilà pourquoi un comité insurrectionnel militaire a énergiquement pris la situation en main. Ce C.I. dont j’ai pris la tête, est composé de neuf membres issus des trois armes de la nation… L’état major du C.I. comprend : moi-même, Emmanuel Bodjollé, adjudant-chef de l’infanterie togolaise, chef du C.I. ; Kleber Dadjo, chef de bataillon, chef des armées ; Janvier Chango, mon premier adjoint ; Etienne Eyadéma, mon deuxième adjoint… A l’heure où je vous parle le chef de l’ancien gouvernement est mort pour avoir essayé de résister à la volonté du C.I  ; la plupart de ses ministres sont arrêtés, les autres qui sont en fuite, sont activement recherchés par la sécurité nationale… Je tiens à préciser qu’il n’est pas dans l’intention du C.I. de confisquer le pouvoir à votre détriment. La parole sera donnée au peuple dès que les circonstances le permettront. En attendant, un gouvernement provisoire civil sera bientôt installé pour gérer les affaires publiques, pour préparer une nouvelle constitution et organiser les élections libres et démocratiques d’où sortiront l’assemblée nationale constituante et le gouvernement de votre choix ».

Les quelques mots prononcés par l’archevêque de Lomé aux obsèques d’Olympio à Agoué (Dahomey) peuvent peut-être mieux éclairer la figure du premier président du Togo : « Devant cette tombe qui s’ouvre inopinément par des circonstances tragiques et qui met fin à une vie de dévouement et de sacrifices et que nous aurions aimée moins indifférente et plus chrétienne, notre devoir est de nous recueillir dans la prière pour le repos de l’âme de celui que nous pleurons. Nous avons vu tout un peuple saisi d’épouvante et de stupeur à l’annonce de sa mort… et quelle consolation nous apporterait un panégyrique détaillé, révélant jour après jour les gloires dont est tissée la vie du premier président de la République Togolaise : nous préférons inviter le Togo et le Dahomey, la famille Olympio et les familles amies, et jusqu’aux plus hautes autorités de l’Etat, à lever avec nous les yeux vers le ciel. Quand on perd de vue le ciel, la terre seule apparaît avec ses horizons bornés et ses désolants spectacles. Prions donc pour le repos de l’âme de notre illustre président que tous nous avons vu courir à travers les privations et les fatigues à ce terme dernier où s’arrête le dévouement parce qu’il ne peut pas aller plus loin, parce qu’il ne peut pas donner plus que la vie, parce qu’il rencontre dans l’immolation cette preuve suprême de l’amour à laquelle Jésus Christ, notre Maître, a rendu hommage par ces divines paroles : il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ».

Au coup militaire aucune opposition ne se manifesta. Et en quelques heures, tous les chefs de circonscription se rallièrent au nouveau régime. On est encore là, après quelques décennies, à se demander comment un pouvoir qui paraissait si fort et personnifié par le prestige d’homme d’Etat qui était depuis près de 5 ans celui de S. Olympio, a-t-il pu être balayé aussi vite. Le mécontentement était réel, mais rien s’explique sans le complot militaire et, peut-être ou certainement, par les rivalités nord-sud. Les quelques centaines de militaires à 80% originaires du Togo septentrional que le pays comptait en 1963 et déjà sensibilisés par le complexe de frustration du nord (2 ministres seulement représentaient les populations du nord), commandés par des sous-officiers également du nord, étaient prêts à suivre le premier mot d’ordre contre le gouvernement.

Les putschistes font appel au président Nicolas Grunitzky et à Antoine Méatchi. Le premier, ancien député du centre, est sûr de pouvoir gagner la confiance des éléments modérés de Lomé et Aného, alors que Méatchi appartient pour une branche de sa famille au peuple kabyè, par une autre à l’aristocratie cotokoli. Tous les deux inspirent confiance aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Le gouvernement provisoire constitué le 16 janvier avait besoin de cette confiance car la réaction internationale au meurtre d’Olympio fut mauvaise. Le président assassiné, en effet, jouissait de la confiance des pays occidentaux et aux Etats Unis d’un immense prestige. Le 5 mai, une nouvelle constitution fut approuvée et le lendemain au matin le Togo retrouva sa légalité. Mais le bicéphalisme constitutionnel ne rendra pas la vie facile à une équipe gouvernementale qui fera preuve de beaucoup de divisions. La malédiction du meurtre d’Olympio semble planer sur ce petit bout d’Afrique. Une tentative de coup d’état le 21 novembre 1966 sonne l’alarme.

Le 13 janvier 1967, quatre ans jour pour jour après le meurtre du président Olympio, les militaires saisissent le pouvoir. La constitution est suspendue, l’assemblée nationale dissoute, un comité de réconciliation nationale est mis en place dont le président est le colonel Kleber Dadjo, le plus ancien dans le grade le plus élevé des militaires togolais. Trois mois après, c’est le lieutenant-colonel Etienne Eyadéma qui le 15 avril s’adresse par la radio à la nation en dénonçant les manœuvres de ceux qui « veulent préparer le retour au pouvoir d’hommes sourds à la voix du cœur et de la raison ». Le nouveau gouvernement, qui compte 12 membres, comporte pour la première fois dans l’histoire du Togo une majorité de ministres originaires du nord. C’est une ère nouvelle qui commence, l’ère Eyadéma et de ses militaires.

 

 

Un début difficile

 

Mais revenons à nos confrères à qui, à dire vrai, la situation politique du pays semble ne pas avoir créé de véritables difficultés dans l’exercice de leur ministère.

La fête d’accueil des nouveaux missionnaires terminée, on s’attaqua aux choses sérieuses. Les comboniens qui, peut-être, espéraient - nous l’avons déjà dit - de pouvoir vivre leurs premiers mois en terre togolaise avec les missionnaires de Lyon, furent au contraire partagés comme suit : les pères Cordero et Radaelli et le fr. Santi à la cathédrale  ; les pères Grotto et Zulianello et le fr. Calligaro à Amoutivé, à un kilomètre de la cathédrale  ; les pères Rossi et Piotti à Kpalimé, à 120 kms de Lomé.

A Amoutivé les missionnaires sont accueillis avec beaucoup d’attentions par le curé, l’abbé Philippe Kodah, et son vicaire, l’abbé Ephrem Dravie. Trois jolies chambres accueillent les ouvriers apostoliques, dont deux sont pourvues même de douche ! Le cuisinier est un ancien soldat qui connaît bien son métier.

Un peu moins de chance pour les hôtes de la cathédrale. Le curé, l’abbé Gbikpi, en effet, est un peu sui generis. « Un saint homme - écrit le p. Cordero au vicaire général des comboniens le 31 janvier - mais il a avec lui une dizaine de garçons, quelque chose comme des pensionnaires d’une maison de correction. Chaque jour l’un ou l’autre s’enfuit. Ils sont toujours à table avec nous. Imaginez la saleté, les petits vols… A un certain moment nous craignions ne pas pouvoir tenir le coup. Les deux plus jeunes en particulier me faisaient de la peine. J’ai dit au curé de nous approvisionner plus en fruits et en vin. Maintenant les choses vont mieux. Tout ira bien quand nous aurons notre maison (nous espérons d’ici deux ou trois mois) ». Mais le supérieur religieux était loin d’imaginer qu’une fois les trois mois chez l’abbé Gbikpi terminés, il leur aurait fallu attendre encore… trois ans avant d’avoir une maison à eux à Kodjoviakopé ! Et il continuait en écrivant : « Aux confrères j’ai demandé de ne pas faire des économies en ce qui concerne la nourriture et la boisson, car si nous tombons malades, c’est fini ! Les deux confrères qui sont à Kpalimé je crois qu’ils sont bien car l’air de là-bas est bon, étant la ville proche des montagnes. Le moral et la charité marchent très bien. Nous sommes tous heureux et ne désirons rien d’autre que dépenser toute notre vie ici. D’ailleurs chaque jour nous voyons qu’il y a beaucoup à faire ».

Le dimanche après leur arrivée, le 26 janvier, les missionnaires sont accueillis à Kodjoviakopé pour y être présentés à la communauté chrétienne, dépendante alors de la cathédrale. Accueillis à l’entrée du village, vers la plage, ils sont conduits en procession à la mission avec différents chants religieux. C’est à 8h30 que le p. Cordero monte à l’autel de la petite chapelle-école pour y célébrer sa première messe. L’interprète du sermon du célébrant ce sera l’abbé Gbikpi lui-même ! Le p. Cordero remercia tout le monde pour l’accueil joyeux qui leur avait été réservé et il expliqua le but de l’arrivée des missionnaires à Kodjoviakopé : l’amour du Christ et du prochain en aurait été le fondement. Un vin d’honneur suivi d’un petit déjeuner offert en l’honneur des missionnaires, permettait à l’abbé Gbikpi de présenter aux nouveaux évangélisateurs les personnalités du village et de la communauté. « Et comme il n’y a jamais de fête sans tam-tam chez les africains - conclut le chroniqueur de Présence chrétienne - il y a eu dans l’après-midi plusieurs groupes de jeux de tam-tam dans la cour de la mission de Kodjoviakopé… Nous avons terminé cette belle journée de fête inoubliable par la bénédiction du St Sacrement, donnée par le père supérieur italien ».

 

 

Etude de la langue

 

Les missionnaires s’adonnent à l’étude de la langue des gens. Il s’agit de l’éwé, la langue du groupe majoritaire dans le sud. L’impact linguistique fut… terrible ! Personne qui arrive à expliquer à ces pauvres élèves non plus ‘adolescents’ que la langue éwé se caractérise par être monosyllabique (comme le…vietnamien ; ça se comprend !) et tonale. On se débrouille… A Amoutivé les leçons démarrent le 24 et c’est Théophile, speaker de la radio nationale, qui donne le ‘la’. Les missionnaires veulent s’imposer de ne pas parler l’italien ; ils prient le curé, l’abbé Kodah, qui a fait ses études de théologie à Rome et qui parle donc italien, de ne s’adresser à eux qu’en français. On arrivera à féliciter le p. Grotto qui, quelques semaines après, s’adresse aux membres d’une ‘congrégation’ pour son premier discours lu en éwé. Le chroniqueur relate avec humour qu’avec un peu de bonne volonté les gens avaient essayé de… comprendre !

Le problème de l’initiation linguistique au Togo semble être un de ceux qui… s’éternisent. En 1911 déjà, le p. Blum, p. Général des verbites, au terme de sa visite aux confrères, insista, parmi d’autres points, sur la prédication de la parole de Dieu dans la langue des gens. Dans Histoire de l’Eglise au Togo on peut lire : « Avec un vrai souci pastoral, il demande qu’on prêche si possible dans la langue du pays ». Et encore : « On observa fidèlement le souhait du p. Blum à propos de la prédication dans la langue du pays. Jusqu’alors, la plupart des pères recouraient à un interprète pour leurs sermons d’abord en anglais, puis en allemand. Dès maintenant, chaque père, au bout d’une année de mission, devait prêcher au moins une fois par mois dans la langue indigène. Les missionnaires prirent cette habitude et la gardèrent autant qu’ils le purent. Les togolais parlent encore aujourd’hui avec enthousiasme de cette époque où on leur annonçait la parole de Dieu dans leur propre langue ».

Vingt ans après l’arrivée des premiers comboniens au Togo, le p. Général Salvatore Calvia, après sa visite aux confrères, écrira au provincial, le p. Neno Contran : « Je voudrais que le cours de langue et le cours d’initiation des nouveaux au milieu local soit pris en sérieuse considération. Il est vrai qu’il s’agit d’une langue difficile et d’un milieu assez complexe ; mais ceci ne fait que mettre à feu, à mon avis, la nécessité d’un cours d’introduction sérieux et un sérieux cours de langue pour tous les nouveaux missionnaires qui arrivent en province. Je te dis toute ma surprise de remarquer que nos missionnaires, presque tous, parlent par interprète interposé. J’avais déjà remarqué cela en 1973, à l’occasion de ma première visite en qualité d’assistant général, mais je n’aurais pas cru - je te le dis en toute sincérité - que la situation aurait été la même en 1984 ! Je crois qu’une des priorités doit être justement celle de soigner ce cours de langue et ‘obliger’ tout le monde à le suivre et, une fois les éléments de base de la langue appris, d’obliger tous à s’en servir. Je ne connais pas d’autres pays où l’on s’exprime par interprète interposé… »

Les efforts d’un cours de langue accéléré de nos pionniers furent couronnés par un examen réussi d’aptitude linguistique à la confession. L’examinateur fut l’abbé Gbikpi et tous furent admis. Cela se passait le 1er juillet à Lomé et l’archevêque félicitait les confrères. Mais cette connaissance de la langue n’avait pas évité, par exemple, au p. Zulianello de ne rien comprendre, même pas un seul mot, quand le premier vendredi du mois de juin il s’était rendu à Assakondji (aujourd’hui paroisse d’Anfoin) pour les confessions. La première pénitente, une vieille maman, s’exprima très bien non pas en éwé, mais en mina et le p. Alphonse n’y put rien ! Beaucoup d’autres, à leur tour, feront la même… enthousiasmante expérience !

 

 

Foi populaire

 

Pendant les mois d’initiation à la langue, les missionnaires qui vivent dans les paroisses, ont l’opportunité de découvrir quelques unes des expressions caractéristiques de la foi populaire de la communauté catholique au Togo. A Amoutivé ils remarquent une très forte fréquentation aux sacrements (2mille personnes aux deux premières messes du dimanche avec distribution de la communion pendant un quart d’heure avec trois prêtres et la messe du soir fréquentée par les européens qui… arrivent en retard !) et un grand goût pour les sacramentaux et la pratique extérieure : ils voient la foule participer à la fête de la présentation de Jésus au temple le 2 février (ils comptent jusqu’à 3mille bougies pour la chandeleur !) ; les gens qui se pressent pour la bénédiction de la gorge le jour de la Ste Blaise ; la grande dévotion à la Vierge de Lourdes le 11 février et la ruée et l’engorgement qui s’en suit, le mercredi début du carême, pour recevoir les cendres (jusqu’à une heure de distribution des cendres par trois prêtres !). Les missionnaires ne cachent pas leur étonnement devant les mamans qui viennent aux cendres en les demandant aussi pour le bébé qu’elles portent au dos ou les papas qui s’approchent avec deux ou trois de leurs petits. Emerveillement aussi le Vendredi Saint à l’occasion du chemin de croix : trois mille personnes sous le soleil cuisant de midi ! Le chroniqueur d’Amoutivé note que le chemin de croix est immédiatement suivi par la liturgie de la passion et que l’adoration de la croix s’est poursuivie pendant deux heures et que le tout se termine alors qu’il fait déjà sombre ! Il parle de neuf mille fidèles à l’occasion de la Pâques.

C’est ainsi que les missionnaires finissent par se convaincre d’avoir affaire à une moisson abondante. D’ailleurs le curé de la cathédrale ne leur avait pas prophétisé, à leur arrivée à Lomé, que si tout marchait comme alors, en 15 ans le Togo aurait été catholique ? Cependant les missionnaires ne tarderont pas à comprendre que la réalité était un peu différente et que les statistiques officielles pouvaient être trompeuses !

C’est après Pâques que les missionnaires quittent leur demeure provisoire pour s’installer dans les deux nouvelles paroisses fondées par l’archevêque et érigées canoniquement le 5 mai : Kodjoviakopé à Lomé et Afagnan à 80 km de la capitale, dans le sud-est du pays. C’est le 16 avril que la communauté d’Amoutivé donne l’adieu aux confrères. Le chroniqueur écrit : « Nous souhaitons à cette paroisse de St Augustin où nous avons commencé notre vie au Togo, avec joie et consolation spirituelle, de grandir toujours et de se multiplier en sainteté et vie de grâce. Un merci particulier au curé qui nous a accueilli et à l’abbé Dravie pour leur exquise charité ».

Kodjoviakopé

 

Kodjoviakopé, fondée vers 1880 par Joseph Kodjovia Antonio de Souza, d’origine brésilienne et chrétien instruit, n’était à l’origine qu’une immense brousse. Kodjovia s’installe à Kodjoviakopé avec une équipe de pêcheurs (Togbui Eklu Tsipohorn et sa suite) et sous son impulsion la pêche et l’agriculture se sont développées. Ses qualités humaines, son sens de la justice et de l’organisation lui permettent d’être apprécié par les autorités de l’époque qui le recherchent aussi comme interprète. Kodjoviakopé devient un immense champ de cocotiers recherchés pour leur coprah. C’est en 1950 que le chef du village avait offert avec joie à Mgr Strebler le terrain sur lequel avait surgi une école où le dimanche les chrétiens se réunissaient pour la prière. A l’arrivée des comboniens, Kodjoviakopé était devenu un gros village d’agriculteurs et pêcheurs.

A la mi-mai la maison des confrères à Kodjoviakopé n’est pas encore prête. Les pères Cordero, Rossi et Piotti et le fr. Nevio s’installent officiellement dans le quartier, le 22 juin 1964, dans une maison louée par l’archevêque, avec des inévitables tracas et privations, sans compter les inconvénients. Mais tout cela est aussi le signe de la bénédiction du Sacré-Cœur ! Cette installation dans le provisoire va durer trois ans. La paroisse est formée d’un grand quadrilatère limité par l’Atlantique et le Ghana, à l’ouest de Lomé, et des villages autour de Lomé sur un rayon de 25 km. La population évaluée à 45mille personnes est formée en grande partie de féticheurs. A la fin de la première année, p. Rossi deviendra curé d’Adjido et sera remplacé par le p. Zancanaro. Celui-ci quitte à la fin de la deuxième année pour Vogan et est remplacé par p. Fabio Gilli.

L’installation canonique du premier curé en la personne du p. Cordero se fait le dimanche 25 octobre par Mgr Bernard Ogouki-Atakpah, nouvellement élu évêque d’Atakpamé. Le chroniqueur de Présence chrétienne relate ainsi l’événement : « Vers 8 heures, la cour grouillait de monde : les différentes congrégations (N.-D. du Perpétuel Secours, Ste Elisabeth, Ste Thérèse de l’Enfant Jésus) émaillaient de leurs habits multicolores le grand rassemblement ; les Cœurs Vaillants, fiers de leur première apparition à la paroisse, attendaient impatiemment le moment d’ouvrir le cortège ; les élèves de l’école de la mission étaient bien rangés avec leurs maîtres, tandis que les légionnaires prenaient soin de tous les autres enfants. Les membres du comité paroissial, qui avaient tout organisé dans le détail, veillaient à ce que rien ne se fasse sans ordre et discipline. Vers 9 heures les membres des familles royales de Lomé arrivaient à la mission (nous sommes touchés de ce qu’ils aient voulu honorer le Christ-Roi en la paroisse qui lui est dédiée ; nous souhaitons que cela se répète à l’avenir). En même temps arrivaient plusieurs fidèles de nos stations secondaires.

« A 9 heures 30, la procession accompagnait le curé vers l’autel dressé près de l’apatam. Mgr Atakpah, l’installateur, l’accompagnait. La série des gestes symboliques qui devaient marquer cette installation commença par la remise des clés de l’église par le chef du quartier. Ensuite, après le chant du Veni Creator et quelques mots d’explications dits par Mgr Atakpah, celui-ci remit au p. Cordero l’étole, la clé du tabernacle, la clochette, le conduisait au confessionnal et aux fonts baptismaux et il lui confia la garde de l’église. On espère qu’une véritable église remplacera la chapelle-école, grâce à la généreuse collaboration des paroissiens. Le curé remerciait tout le monde et conviait les fidèles à se rendre digne du Roi qu’on honorait en ce jour. Il annonçait sa ferme détermination de réaliser un programme d’instruction religieuse surtout parmi les jeunes gens, et de promouvoir la vie chrétienne par la pratique assidue des sacrements ».

Aux missionnaires de Kodjoviakopé nouvellement installés, l’archevêque confia aussi l’évangélisation des villages et des fermes autour de la ville, tels que Adakpamé, Togblékopé, Agoényivé, Adidogomé et jusqu’à Zanguéra. Le travail était énorme. Et le jour viendra où nos évangélisateurs trouveront la charge de tous ces villages trop lourde : l’archevêque les soulagera en partageant les zones entre les  différentes paroisses de la capitale.

Les missionnaires s’adonnent de tout cœur à leur travail d’apôtres. Ils s’occupent du catéchuménat, de la préparation aux sacrements, de la formation chrétienne des jeunes et des écoliers, ils forment les chrétiens des différentes congrégations et ils planifient leur présence. Ils commencent par connaître leur portion d’Eglise et de moisson, en sillonnant la région, en visitant les familles (chose qui n’avait plus était faite depuis le départ des allemands !), découvrant souvent l’abandon spirituel et moral dans lequel les gens avaient été laissés.

A souligner le travail précieux fait par p. Piotti. Il a commencé avec les enfants de chœur et continué avec les C.V.A.V. (Cœurs vaillants et âmes vaillantes), l’action catholique des enfants. La Légion de Marie est présente ainsi que d’autres ‘congrégations’, deux chorales et un conseil paroissial engagé. Pour les adultes les difficultés sont là : le fétichisme et la polygamie, « vrai plaie qui emporte tout », comme la définit le p. Cordero. En trois ans on ne célébrera que 26 mariages ! La jeunesse féminine est pratiquement laissée à elle-même : il n’y a pas de religieuses sur la paroisse. Tout cela n’empêche pas les missionnaires de se sentir bien accueillis, estimés et aimés et de regarder aux gens comme disponibles à l’annonce de l’évangile.

 

 

Défaut de moyens

 

On voudrait faire beaucoup et vite, mais les moyens font terriblement défaut. Au p. Général, le p. Cordero écrit début novembre : « Nous sommes tous en bon état de santé, malgré l’humidité très forte. Chez tous, bonne volonté et enthousiasme dans le travail... Nous avons à présent commencé le travail systématique d’instruction religieuse qui paraît être la chose la plus urgente. J’ai commencé aussi à visiter maison après maison (souvent hutte après hutte). La situation de la famille ne me paraît pas florissante (il me semble que seulement 10 % des familles soit en règle). Nous comptons beaucoup sur les jeunes et l’école (ici au centre nous avons 700 élèves). Quand aux stations secondaires, nous pouvons malheureusement faire très peu, faute de voiture. J’ai calculé que nous avons 99 villages à desservir ! Espérons de pouvoir bientôt arriver partout. Il serait beau si du renfort pouvait arriver, mais malheureusement nous n’avons pas encore de maison à nous, soit ici soit à Afagnan (la nôtre est sortie des fondations, mais à présent les travaux sont suspendus faute de ciment) ». Et le p. Cordero de terminer : « De toute manière nous ne nous effrayons pas et nous voulons bien travailler avec l’aide de Dieu ».

Le Général répondait le 19 novembre de ne pas se décourager : « Vous êtes missionnaires - écrit-il - pour porter les âmes à Dieu et sa grâce vous aidera à vaincre tout obstacle ». Et il annonce que l’archevêque à déjà signé la convention (voir Annexe 1), en lui rappelant qu’il doit pourvoir la voiture, qu’il s’excuse pour le retard dans la construction de la maison dû aussi au manque de ciment, et le p. Briani de commenter : « Il faut beaucoup de patience ». Il termine en annonçant l’arrivée de trois nouveaux pères et plus tard d’un frère aussi.

Le 26 novembre le p. Cordero revient au Général pour lui dire d’avoir donné aux confrères d’Afagnan la permission de changer de voiture (celle donnée par l’archevêque était complètement inutilisable) en achetant une nouvelle Renault, et demande pour Kodjoviakopé aussi la permission d’acheter une Renault nouvelle (350mille f cfa environ) car « c’est inutile - l’expérience passée enseigne - d’attendre que l’archevêque tienne la promesse de nous en pourvoir une. Regardez-moi ça ! - continuait le p. Cordero - alors que dans beaucoup de pays d’Afrique les missions ont les mains liées par les gouvernements, ici nous pourrions faire un monde de bien dans la plus grande liberté ; et voilà que nous en sommes empêchés par de très banales difficultés : manque d’un moyen de transport, de maison... Mais nous espérons que tout va s’arranger. Pour le reste nous sommes heureux et nous essayons de faire tout ce qui est de notre pouvoir pour travailler et bien faire ».

Le p. Général répondait en donnant avec réticence la permission d’acheter une autre voiture : « Je dis réticence - écrit le p. Briani - car je veux que ce soit l’évêque à vous acheter la voiture et pas vous. Si le précédent est passé que nous achetons notre voiture, alors il sera inutile que j’insiste qu’il vous donne aussi le nécessaire pour vivre ; il pensera que vous allez vous arranger comme vous avez fait avec la voiture. Et la congrégation ne pourra, certainement pas, pourvoir à tout, surtout quand vous serez devenus nombreux ».

En effet une convention entre Mgr Dosseh et le p. Briani avait été signée à Rome le 13 octobre. On y lit : « Il appartient à l’ordinaire de pourvoir églises, écoles, chapelles et autres édifices nécessaires au travail pastoral comme les moyens de locomotion pour l’apostolat… Le diocèse prendra en charge la subsistance convenable et l’entretien (habillement) des missionnaires, suivant les normes en vigueur dans l’archidiocèse ». Il est vrai qu’on y lit aussi que « le concours des missionnaires par la constitution d’un réseau de bienfaiteurs d’Europe ou d’ailleurs fournira en ce domaine un précieux appoint » et que « les religieux concourront bien volontiers dans la mesure de leurs possibilités à subvenir aux dépenses de la paroisse ou de l’œuvre à eux confiée », mais l’archevêque aurait dû être le premier responsable du côté matériel-financier de la mission.

Les ‘questions matérielles’ (sans nommer les difficultés personnelles…) feront souffrir pas mal les confrères dans leurs rapports avec l’archevêque. Le p. Cordero déjà le 31 janvier 1964 en écrivant au vicaire général, le p. Battelli, disait que l’évêque l’attendait pour les « questions matérielles », mais que jusque là il avait toujours repoussé le rendez-vous. Et terminait en écrivant : « D’après les missionnaires de Lyon, il ne faut pas s’attendre à grand chose… il faudra se débrouiller ». Trois semaines après, le 20 février, il revient sur le sujet : « Les frères Santi et Calligaro ont déjà préparé le projet de notre maison à Kodjoviakopé. Monseigneur a approuvé et promis que ce sera lui à payer. Pour le reste, église, etc., je ne sais pas encore comment nous allons faire : il faudra certainement se donner de la peine… Je n’ai pas encore parlé avec son excellence à propos du payement de notre voyage... D’ailleurs je ne connais pas exactement le contrat (le p. Général m’avait parlé de l’évêque qui aurait payé seulement une partie des dépenses). Pour le reste, les relations avec l’évêque sont très cordiales : je ne voudrais pas tout gâcher au début. Il nous estime beaucoup (il a entendu parler bien de nous de Mgr Irénée Dud). Et il nous estime beaucoup plus que les franciscains. J’espère qu’un modus vivendi de collaboration cordiale puisse s’établir. (D’ailleurs nous en avons déjà une petite preuve : les pères de Lyon m’ont dit que de la part de monseigneur ils n’ont jamais rien reçu, ni pour les églises, ni pour les presbytères et qu’il était absurde d’espérer… alors que lui même nous a promis de nous bâtir la maison à ses propres frais ».

Le p. Cordero revient sur la question financière avec le p. Briani, après lui avoir dit la douleur des confrères qui avaient appris de l’expulsion des confrères du Soudan. Le 5 mars il lui écrit : « Malheureusement (ou heureusement ?) font beaucoup défaut les moyens matériels : les missionnaires de Lyon vivent dans une authentique pauvreté et leurs œuvres aussi ne s’épanouissent pas comme ils voudraient (par exemple, pour bâtir des églises il faut des années, alors qu’il faudrait faire et faire vite !) ». « Dès que je saurai exactement ce que l’évêque peut nous donner et surtout ce qu’il ne peut pas nous donner - termine Cordero - je vous en informerez et surtout je vous exposerai nos projets ».

Le temps et l’expérience finiront par convaincre tout le monde qu’il ne fallait pas compter beaucoup sur la générosité de monseigneur… D’ailleurs il n’est pas exagéré de dire que la mauvaise gestion des affaires financières de l’archidiocèse de Lomé a été une des causes de la « chute » de Mgr Dosseh (nous y reviendrons).

Cela n’empêche la joie des missionnaires d’être venus au Togo et d’avoir de merveilleuses perspectives apostoliques. Ils se portent bien et ils remarquent la disponibilité des gens à recevoir l’évangile et là où ils vont ils sont invités à s’arrêter. Ils remarquent aussi la générosité des gens qui s’exprime par des cadeaux presque quotidiens (fruits, nourriture… des petites choses mais qui disent le bon cœur et beaucoup de bienveillance), les intentions de messe, le denier du culte…

Visite aux familles

 

Et voici comme quelques années après l’arrivée des comboniens à Kodjoviakopé, un confrère décrivait la réalité et son travail apostolique :

« Je reviens de ma randonnée matinale, de ma visite systématique à toutes les familles de la paroisse. J’entre dans toutes les cours, je frappe à toutes les portes, même si j’ignore l’accueil qui me sera réservé. C’est ainsi que chaque jour je progresse de deux ou trois rues vers la limite occidentale de la ville. Notre quartier est densément peuplé, et nombreux sont ceux qui ne nous connaissent pas encore. Je m’en aperçois tout de suite à leur exclamation d’étonnement, quand ils s’aperçoivent que ‘je parle la langue’. Mais la couleur de ma peau ne les rassure guère. Elle va bien plutôt leur rappeler le proverbe qui dit : - Quand le blanc te demande quelque chose, il cache toujours une autre idée dans la tête. Et qui sait quel projet révolutionnaire cet étranger porte dans son cœur, lui qui se présente - selon la coutume traditionnelle - comme le nouveau venu qui dit bonjour aux voisins ?... J’avais commencé par les habitations élevées le long de la plage, car elles sont les plus pauvres. Plus j’avance vers l’intérieur et plus nombreuses deviennent les maisons en dur. Elles offrent certainement l’avantage de la sécurité contre les intempéries mais au prix de la fraîcheur des autres huttes. Et pourtant, qui trouve un travail dans un bureau ou dans une boutique de la ville, investit vite son salaire dans une construction en ciment, certificat publique de richesse. Et quand un quelqu’un se croit riche, alors comme le dit l’apocalypse 3,17, il se renferme dans sa propre maison avec l’écriteau ‘chien méchant’ afin que personne n’ose plus entrer lui demander hospitalité. Evidemment là il m’est plus difficile d’avancer.

« Nombreuses sont les femmes qui vivent seules avec leurs enfants. Elles élèvent les enfants à la journée avec des expédients occasionnels, et en exerçant un petit commerce de denrées alimentaires au coin de la rue. Elles sont malheureusement exposées à la tentation d’arrondir leurs maigres entrées par des rapports illégaux avec le premier venu. Le mari habite loin avec une autre femme ou alors il est parti à l’étranger, parfois depuis des années. Des familles véritablement unies, avec des époux qui s’aiment, il n’est pas facile d’en rencontrer. La tradition ne les oriente pas en ce sens. Au contraire elle veut que les enfants soient vite laissés à eux-mêmes : qu’ils expérimentent la réalité de la vie et qu’ils apprennent, sous l’aiguillon de la nécessité, à résoudre seuls les difficultés de la survie ».

Et le confrère de continuer en décrivant l’inexistence de rapports entre parents et enfants et la difficulté d’une vision chrétienne des rapports entre les sexes. Et de conclure : « La distinction rigide des activités des religieuses et de celles des prêtres a pu être interprétée comme l’expression chrétienne de la supériorité traditionnelle du sexe masculin sur celui de la femme. Pour un nouveau rééquilibre du témoignage évangélique il me paraît aujourd’hui indispensable que notre équipe d’évangélisateurs comprenne, en plus que des prêtres et des religieuses consacrés dans la virginité, des familles de laïcs missionnaires qui soient comme le point des jonction entre les deux sexes dans notre communion d’amitié dans le Christ. Alors il me sera plus aisé de répondre au vieux que ce matin j’ai rencontré tout occupé à réparer sa case. La nuit, le vent l’avait dangereusement courbée en coinçant la porte dans le sable. Je lui ai donné un coup de main pour redresser le poteau, en me souvenant des moments semblables que j’avais moi-même vécus dans ma hutte. Je lui ai demandé s’il était marié. Il me répondit qu’il n’avait pas l’argent de la dot. ‘Et toi, est-ce que tu es marié ?’, me rétorqua-t-il. A mon geste de refus : - Alors tu es aussi pauvre que moi, me répondit-il… Pauvre je le suis et je veux le rester. Mais pas exactement comme tu l’entends. Car moi je ne vis pas seul, mais avec des frères. Nous aussi nous sommes des pêcheurs. Nous habitons au milieu du quartier, et au delà de la route nous avons de braves sœurs. Chacun dort dans la solitude de sa cellule, mais à l’aurore nous nous retrouvons ensemble dans la prière autour d’une même table. Et nous nous aimons et nous buvons le vin d’une Amitié qui est déjà joie de résurrection en Dieu ».

Afagnan

 

L’autre communauté chrétienne confiée aux soins des nouveaux missionnaires en même temps que Kodjoviakopé est Afagnan. L’archevêque en demandant les comboniens c’est à cette région qu’il pensait en particulier. Il fallait reprendre l’évangélisation des ouatchi, ce peuple qui habite le sud-est du pays et dont les tentatives d’évangélisation jusqu’alors n’avaient pas amené très loin. Mgr Dosseh est lui aussi originaire de cette ethnie et connaît donc bien la situation spirituelle de son peuple. Un peuple profondément enraciné dans son animisme, le vaudou, qui couvre tous les aspects de la vie, personnelle et sociale. Le monde religieux des ouatchi ne pouvait pas ne pas susciter la curiosité des missionnaires qui essaieront d’en connaître quelques aspects au moins, pour mieux évangéliser ce peuple. Ce peuple de paysans pratique aussi la polygamie dans une proportion de 80%. Vaudou et polygamie avaient peut-être fini par rendre stérile le travail des premiers évangélisateurs de la région. Il fallait reprendre avec ardeur le travail évangélisateur. Dans la tête de l’archevêque, les comboniens étaient les missionnaires qu’il fallait pour arriver au cœur de son peuple.

Il nous semble intéressant - car paradigmatique de ce que nos missionnaires vivront dans leur milieu de travail pendant de nombreuses années - de nous refaire au journal de la communauté d’Afagnan. La chronique commence ainsi : « Finalement, après trois mois d’étude assez dure et engageante de la langue éwé, on décide de nous envoyer à Afagnan ». Chef traditionnel du village est Augustin Adoléhoume V. C’est le 16 avril donc, que le p. Grotto, nommé curé (on avait pensé un moment au p. Piotti, mais le Général s’était exprimé en faveur du p. Grotto), et le fr. Santi s’installent à Afagnan dans une maison des Frères de St Jean de Dieu, en face de l’hôpital.

Depuis le mois d’avril 1961, à Afagnan avaient mis pied les frères Onorio Tosini et Aquilino Puppato des Fatebenefratelli de la province Lombardie-Vénétie. Ils seront les premiers d’une série de Frères de St Jean de Dieu qui, par leur hôpital, rendront le petit village ouatchi du sud-est renommé dans toute la sous-région. C’est dans la chapelle de l’hôpital que le 15 septembre le fr. Adone Santi fera sa profession solennelle. On partage la joie avec les confrères venus de Lomé et les Frères de St Jean de Dieu. « Ces rencontres, même si au simple niveau de repas, - commente le chroniqueur - sont très utiles à la charité et à la compréhension mutuelle ».

Le 17 avril, le lendemain donc de leur arrivée, les deux missionnaires se rendent en visite au chef traditionnel d’Afagnangan qui les remercie et qui leur dit qu’avec les Frères de St Jean de Dieu Afagnan deviendra « une partie d’Italie ». Il leur promet aussi de s’entendre avec les trois chefs d’Afagnan-Gbletta pour réaliser la nouvelle paroisse. L’après-midi est consacré à la visite aux chefs d’Agbletta qui accueillent à leur tour avec joie les missionnaires et les remercient d’être venus.

A Afagnan vivait depuis 3 ans, dans une maison chaude et infestée par les moustiques même pendant le jour - d’après le chroniqueur combonien - le p. Kennis des SMA : c’est lui qui décrit aux confrères la réalité de la paroisse et qui, le dimanche 19, présente à la communauté le nouveau curé, annonçant son départ. Mais avant de quitter, le p. Kennis accompagne le p. Grotto dans les différents villages qui composent la paroisse : à Attitogon le chef ne se montre pas car de catholique et catéchiste qu’il était, il est devenu chef d’Aladura, en revenant au paganisme et à la polygamie (il a 40 enfants). Ce qui ne l’empêche pas - malin qu’il est - de promettre aux chrétiens un terrain convenable et de leur construire l’église… (Le 6 décembre, une nouvelle statue de la Vierge sera intronisée à Attitogon avec la participation de tout le village).

C’était le 22 mai, et au retour voilà que les pères Radaelli et Zulianello sont là pour former avec les deux premiers la nouvelle communauté. On pouvait donc s’attaquer au travail. Le lendemain, les trois pères sont à Hompou, toujours accompagnés par le p. Kennis, où il y a un petit nombre de catéchumènes prêts pour le baptême et une « petite chapelle un peu plus grande qu’un poulailler », écrit le chroniqueur. Le chef promet un terrain pour y construire une chapelle. Se sera ensuite la communauté de Tota, où le p. Kennis se rendait souvent, à recevoir les nouveaux missionnaires.

Nous continuons notre récit par Afagnan-Gbletta, où une communauté chrétienne existait depuis, avec une école primaire catholique : 40 personnes fréquentent et 20 sont les communions. Le fr. Santi achète un canard pour le repas. « S’il devait suivre la coutume éwé - écrit le chroniqueur - il ne devrait pas lui tordre le cou, mais lui bander les yeux et puis lui couper la tête car - disent les gens - celui qui regarde un canard alors qu’on le tue, devient un serpent. Pas immédiatement peut-être, mais d’ici demain matin. Nous allons voir ». Les pères préparent leur sermon dominical, pendant trois heures… Ils veulent absolument le tenir en langue et il prétendent des gens qu’ils se confessent en langue en allant jusqu’à faire répéter en français les péchés aux pénitents s’ils ne comprennent pas la version éwé!

Fin avril, le p. Grotto est à Lomé chez l’évêque pour solliciter de l’aide et une voiture aussi : les pères n’avaient même pas un vélo ! Le 3 mai, le p. Grotto célèbre les deux premiers baptêmes : il s’agit de deux bébés. Dans l’après midi, les missionnaires parcourent les ruelles du village : « Tout à coup un monde inconnu se révèle à nous - inconnu à celui qui arrive et s’en va dans la même journée - un monde fait de misère ou tout au moins de pauvreté matérielle, fétiches à tout coin de rue, conditions peu favorables à la santé et à la moralité des gens ; d’un autre point de vue, très favorable aux photos du milieu et de la tradition ». Le 6 mai, courte visite de l’évêque : la paroisse portera le nom de Notre Dame du Perpétuel Secours, les confrères recevront 30mille francs par mois et bientôt les travaux de construction de la maison débuteront.

Les pères continuent la visite aux communautés : à Dzrekpo-Hagou il y a une jolie petite chapelle, mais sans chrétiens, le seul est le catéchiste ! A Agomé-Glozou, à côté du fleuve Mono, la visite des pères constitue un événement, car le p. Kennis y était allé une seule fois à cause de la route ‘infernale’ et les chrétiens étaient habitués depuis toujours à se rendre à Athiémé (Dahomey), de l’autre côté du fleuve, où les missionnaires étaient présents depuis la fin du XIXè siècle. La première messe les confrères la célébreront en la fête du Très Saint Sacrement avec un petit nombre de fidèles, beaucoup d’animistes et le chef, suivie par la visite au terrain qui sera donné à la mission.

 

 

Reforme liturgique... au ‘goût togolais’

 

L’année 1964 est aussi l’année où l’on commence la mise en pratique de la reforme liturgique voulue par le concile Vatican II. Au mois de mai, l’archevêque réunit tous les prêtres pour donner des instructions. Mgr Dosseh insiste sur le caractère de solennité qui doit caractériser le culte catholique et il justifie cela par le ‘goût des togolais’ : le prêtre qui accomplirait les rites d’une façon pressée et avec des gestes arides, ferait perdre aux fidèles le goût et le sens du culte externe à rendre à Dieu et perdrait par conséquent les fidèles eux-mêmes. Par des mots énergiques, il invite à ne pas se servir à l’église des chants en français, mais en éwé et en…latin ! Toujours en latin il faudra lire l’évangile, qui sera ensuite lu en éwé. Il annonce la traduction de l’Ancien et du Nouveau Testament, car la bible en éwé reste - au delà de l’œcuménisme qui voit un climat persistant d’hostilité des protestants envers l’Eglise catholique - ‘protestante’, et la transformation du Dziƒomò en missel dominical. (A remarquer qu’au début du millénaire nous attendons toujours la bible en éwé !). Il n’y aura plus de messe chantée dans la semaine, même si cela pourra entraîner une diminution des offrandes.

Il établit un prix pour la meilleure chorale, tout en souhaitant de voir réapparaître l’école de chant pour toute l’assemblée. Il faudra mettre de l’ordre dans les chorales : ne seront plus acceptés les non-chrétiens et les polygames, et parmi ces derniers pourront y rester ceux qui y font déjà partie, mais seulement en vue de leur… conversion ! Il est bon, à ce point de notre histoire, de faire remarquer - peut-être - que les chorales donneront du fil à retordre à l’un ou l’autre confrère qui voudra y mettre, justement, de l’ordre et aussi les empêcher d’exécuter des chants protestants ! Au mois de février de l’année suivante on parlera des temps et des modes du renouvellement liturgique et en décidera, au delà des oppositions, d’introduire la langue locale comme nouvelle langue liturgique à la préférence du français. Il faudra commencer la formation des fidèles à la nouvelle liturgie.

La randonnée continue

 

Avec la voiture qu’ils viennent de recevoir, les confrères continuent de parcourir la paroisse pour un premier contact. Après Ganavé et Assankondji, ils sont frappés par l’importance du village d’Anfoin et par la générosité de son chef à offrir le terrain en vue d’un grand développement de la mission. Ce tour conduit les confrères à mettre sur papier ce qui est donné, de manière à que pour chaque terrain il y ait les papiers : la topographie, l’acte de donation et d’autres documents exigés par la loi. Ces précautions n’éviteront pas - surtout au moment de la ‘démocratisation’ du pays en 1991 - de voir pas mal de ces terrains contestés ou repris par la force par leurs anciens propriétaires.

Les confrères veulent vite connaître le nombre des chrétiens et celui des animistes et la vitalité des communautés. Ils veulent aussi former les enfants de chœur, et qu’elle n’est pas ‘l’extase’, le 1er juin, quand le p. Grotto amène les premières soutanelles blanches pour les servants d’Afagnan-Gbletta ! Un des enfants restera les mains jointes et immobiles pendant une demi-heure.

Avec l’abbé Anaté d’Aného ils visitent Atoéta, Aklakou, gros village de 20mille personnes et ancienne mission desservie par les missionnaires SVD, et Avévé, au bord du Mono. Là où il y a une chapelle, elle est construite en terre de barre : les confrères pensent tout de suite que les briques en ciment feraient des constructions plus jolies et résistantes.

Le chroniqueur raconte qu’à la fin d’une matinée les pères Grotto et Radaelli se retrouvent dans la classe du CM II de l’école officielle d’Afagnan-Gbletta et ils expliquent que nos corps ressusciteront : « Pour tous il s’agit d’une nouveauté - écrit le confrère - n’ayant jamais entendu parler de cela. D’habitude - continue le confrère - les enfants disent ‘oui’ même s’ils n’ont rien compris, mais cette fois-ci ils disent de ne jamais avoir entendu parler d’une chose pareille et que même leurs papas n’en savent rien ».

En visitant Momé-Gbavé, les pères prient sur le tombeau du papa du garçon-catéchiste qui les accompagne. Aux gens qui les suivaient ils disent que « les chrétiens font mémoire de leurs défunts en priant et non pas en dansant ou en se soûlant. Une vielle s’illumine et bat des mains ». On visite les villages le long du Mono : Agbétiko ; Agomé-Séva, où il y a une jolie chapelle et un vieux catéchiste du nom de Stephan qui parle sa langue et… l’allemand ; Batonou, dont le chef demande un catéchiste pour les enfants mais aussi pour les grands car eux aussi veulent connaître le vrai Dieu ; et Avévé. Pendant la crue du Mono, qui déborde, ces villages sont de difficile accès, car la route est envahie par les eaux. Avant 1961, depuis Aného le père s’y rendait peut-être une fois par an et le p. Kennis y avait été une seule fois ! Les confrères voudraient assurer une messe chaque mois là où il y a des chrétiens.

C’est le tour d’Amegnran : le terrain que l’on avait donné à la mission est occupé par l’école officielle au centre du village ; il faut donc se contenter du nouveau, un peu en pente et à la limite du village, l’ancienne place de l’indépendance. Au retour, voilà les premiers problèmes sérieux avec la voiture : les Frères de St Jean de Dieu viennent au secours et tirent avec leur tracteur la voiture à la maison. « Si nous étions un peu mécaniciens (au moins autant que les togolais des ateliers d’ici) - écrit le confrère -  nous n’aurions pas tous ces ennuis avec la voiture ! La dernière fois il était question de soupape à régler et nous ne le savions pas. Pour réparer la voiture il faut se rendre jusqu’à Aného ». Au mois de novembre il faudra déjà penser à une nouvelle voiture car celle reçue de l’évêque tombe toujours en panne et les réparations coûtent chères. Ce sera une Renault 4L. Commentaire du confrère : « Espérons qu’au moins pendant quelque temps elle ne nous causera pas trop d’ennuis et qu’elle nous amènera avec moins d’inquiétude dans les villages qui nous attendent ».

Il nous paraît émouvant de rappeler que le premier baptême donné par le p. Zulianello a été celui du petit Médard Timothée Kouassi Amedjikpoto (c’est ainsi qu’il est enregistré dans le registre de baptêmes de la paroisse). Fils d’Anatole Kouassi Hounaké et Ida Yacobi, né le 10 mai 1964. C’était le 7 juin, le dimanche après le Sacré-Cœur, et cela se passait à Attitogon, où le papa du petit Timothée travaillait. Le 14 août 1993, Timothée Kouassi Hounaké sera ordonné prêtre par Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, archevêque de Lomé, dans l’église paroissiale d’Afagnan. Le p. Alfonso qui avait enregistré le baptême du petit Timothée au n° 96 du registre des baptêmes de la paroisse d’Afagnan, assistait à l’ordination. Timothée était le 2ème togolais à devenir prêtre dans la famille combonienne et le premier combonien ouatchi.

Les confrères ne cachent pas les soupçons et les doutes de la part des chefs traditionnels. Le jour où ils seront les hôtes du chef de Gbavé, par exemple, ils remarquent qu’avec eux est à table la fille du chef « comme épreuve, je crois - écrit le chroniqueur - que la nourriture n’est pas empoisonnée. Il est sûr qu’ici il y en a qui font usage du poison - continue le confrère -. C’est pourquoi ils ne donnent jamais de l’eau à boire et les bouteilles de bière ou autre boisson sont ouvertes devant l’hôte et, bien entendu, consommées entièrement ».

Les confrères d’Afagnan rencontrent de nouveau l’archevêque à la mi-juin d’une façon confidentielle. Ils saisissent mieux ses intentions pour la zone ouatchi, pour laquelle a été fait très peu. Il les encourage à travailler pour ne pas arriver en retard. « Si vous vous y mettez avec courage, ce n’est pas encore trop tard ». Il est soucieux de la division de l’archidiocèse et du choix du nouvel évêque. Mais il promet de consacrer ses énergies au développement de cette région après la création du diocèse d’Atakpamé.

Les visites continuent et les gens sont heureux de rencontrer les pères quand ils viennent célébrer une fois par mois. Ils visitent Fiata et Hagoumé, où il y a une jolie chapelle mais qui est utile seulement à celui qui l’a construite dès qu’il n’y a pas de chrétiens… C’est finalement le tour de Zooti d’accueillir les pères, qui encouragent les gens à poursuivre la construction de l’école. Les missionnaires comprennent vite que les promesses qui leur sont faites de construire ceci ou cela ne restent qu’au niveau de… paroles !

« Parfois - note le chroniquer - nous serions portés à croire que, à partir de la clarté des expressions et la vigueur avec laquelle elle sont exprimées, la chose se réalisera dès que le père aura quitté ou même sur le champ. Mais nous avons saisi que ces expressions-là ne doivent pas être comprises comme de promesses, mais comme de pieux désirs qui ne seront presque jamais réalisés et que, si nous voulons que l’on fasse quelque chose, le père devra répéter une infinité de fois (et bien! jusqu’à présent le minimum est trois fois, mais nous ne savons pas si la chose se fera). Il faudrait qu’il y ait toujours quelqu’un à les pousser à réaliser les choses promises, mais nous constatons que même ici à Afagnan les choses ne vont pas mieux… une petite chose réalisée, ils semblent satisfaits et ils s’arrêtent, alors que nous pensons qu’il faudrait poursuivre !… Nous invoquons Ste Constance ! ».

Le problème est que les gens pensent que les pères ont du fric mais ils ne veulent pas le sortir. « Que d’embêtements nous viennent du joli hôpital d’Afagnan, construit avec des grands moyens par les frères ! Partout la même difficulté : ils pensent que le père yovo vient dans le village bien entendu pour la religion, mais qu’en même temps il fera comme les autres yovos (frères) à Afagnan : il construira l’église et puis l’école et même un petit, si non pas un grand hôpital. Si nous disons de ne pas avoir l’argent, ils n’y croient pas. A Anfoin - continue le confrère - ils nous ont dit : - Nous avons déjà fait un grand effort en donnant le terrain ! Puis ils ont ajouté : - Si vous nous attendez pour construire l’école, vingt ans ne suffiront pas. Et moi - écrit le confrère - de répondre : - C’est ce que nous prévoyons ! »

Les confrères comprennent quand même que le problème des terrains est sérieux à cause de la densité démographique : la population dans la paroisse est évaluée à 250 habitants par km2! Pour les travaux de l’école à Anfoin on rencontrera toutes les difficultés du monde et on sera obligé à recourir aux enfants et aux vieilles, tous animistes, pour amener les briques, l’eau, etc. Finalement l’école est achevée et le travail est défini ‘passable’, même si non parfait et non conforme aux désirs des confrères. Mais ils n’ont dépensé de l’argent que pour trois paquets de tôles.

C’était à l’occasion de la fête de St Jean de Dieu, le 8 mars, alors que les travaux du nouvel hôpital battaient leur plein (il sera inauguré le 4 juillet suivant), que l’archevêque avait délimité le terrain sur lequel allait surgir la mission avec ses œuvres, ses bâtiments, son église paroissiale. A l’occasion de leur première visite à Afagnan, les missionnaires, accompagnés de l’archevêque, avaient reçu des populations un accueil si chaleureux que la moisson, là encore, ne leur était pas seulement semblée abondante (ils remarquent que les féticheurs étaient venus « très nombreux ») mais « mûre » aussi.

 

 

Apostolat social

 

A l’arrivée des comboniens, Afagnan s’étendait sur un territoire très vaste comprenant les territoires des paroisses qui, les premières, naîtront d’elle plus tard, Aklakou et Anfoin. Alors que les pères s’adonnent avec ardeur au travail de première évangélisation, le fait que dans l’équipe il y avait un jeune frère comme le fr. Santi permet à Afagnan la réalisation d’œuvres sociales et de développement. La Redemptoris missio n’avait pas encore été publiée mais le fr. Santi était bien conscient de devoir être un promoteur du développement, non pas par l’argent, tout d’abord, mais surtout par « la formation des consciences, le mûrissement des mentalités et des comportements ».

Il coûtera aux confrères d’obtenir un terrain (innombrables les rencontres avec les chefs traditionnels, les ressortissants et le comité de la chapelle…) et il faudra aller jusqu’à payer les propriétaires d’un fétiche qui occupe le terrain, pour le déloger, mais finalement on aura un endroit où construire. On commença donc - c’était la mi-août - à préparer les briques pour bâtir à Afagnan-Gbletta, à deux kilomètres de la maison des missionnaires, une école ménagère (la construction ne commencera que le 4 janvier suivant) qui aurait ouvert ses portes l’année suivante. Couture, broderie, cuisine, ménage de la maison, lecture en éwé et en français sont les matières de base dans cette formation de la femme africaine et de l’épouse de demain.

A voir les figures épanouies des jeunes filles qui fréquentent l’école, on est assuré que l’œuvre est une réussite. Un jour des religieuses viendront se charger de la direction de l’école ménagère : les Sœurs Missionnaires de l’Immaculée Conception, d’origine espagnole. Elles étaient arrivées à Afagnan pour travailler à l’hôpital en remplacement des Sœurs de la Consolata de Turin. Quand au cours des années 1980 elles seront remplacées à l’hôpital par les Sœurs de Notre-Dame de l’Eglise, elles déménageront dans la nouvelle maison construite par le fr. Santi et ses apprentis à côté de l’école ménagère, avec la contribution financière de Misereor. En attendant, alors que tout le monde est convaincu que sans l’instruction de la femme africaine on n’ira pas loin sur la route du changement et du développement, et que ce travail devrait être plus particulièrement l’apanage des religieuses missionnaires, on constate que dans le sud-est du Togo, il n’y a pas de religieuses missionnaires…

Le fr. Santi ne tardera pas à se rendre compte de la difficile situation sociale, en particulier des jeunes. Nombreux parmi eux les chômeurs. Ils tentent leur chance émigrant vers la capitale ou alors vers le Ghana et le Nigeria où le pétrole commence à faire rêver. Que faire donc pour empêcher le déracinement social de tant de jeunes ? On fera une école pour former des maçons (les chapelles existantes tombent en ruine, il faudra donc reconstruire) et des menuisiers. Les choses allaient tellement vite que déjà le 13 juillet on commençait ce noyau d’école professionnelle ou centre d’apprentissage qu’un jour portera le nom de son fondateur, le fr. Santi. Les 16 premiers jeunes étaient divisés en deux sections : menuiserie et maçonnerie. Le p. Grotto demandait au Général un frère menuisier. Mais le p. Briani répondait qu’il n’y en avait pas de disponible : « Plusieurs suivent un cours à Pordenone et s’ils seront jugés habiles, nous les enverrons », écrivait Briani. Comme cela est arrivé à beaucoup d’autres frères, fr. Adone aussi apprendra sur le tas beaucoup de choses concernant son travail, même s’il avait les papiers en règle, c’est à dire un diplôme en travaux publiques avec mention « très bien » qui lui avait été discerné par l’Institut Technique Suisse.

Les moyens matériels et financiers faisaient terriblement défaut même à Afagnan. Et pourtant il fallait agir en faisant confiance à la providence. On jette les fondations de la première salle d’atelier et le frère écrit partout en se donnant beaucoup de peine pour obtenir les premiers outils. C’est grâce à l’aide substantielle de l’ambassade des Etats Unis qu’un atelier de menuiserie va être réalisé, dans le but  d’assurer aux jeunes un métier qui leur permette de gagner honnêtement leur vie. De cette menuiserie sortiront par centaines les tables, les bancs, les charpentes, les sièges, les portes des églises et des écoles et des bâtiments de la mission.

A l’atelier menuiserie et à la maçonnerie, va s’ajouter bientôt l’atelier sculpture. Le nom d’Afagnan, déjà renommé par l’hôpital des Fatebenefratelli, sera aussi connu grâce aux jeunes sculpteurs formés par le fr. Santi et à son effort qui veut en perfectionner quelques uns en les envoyant jusqu’à… Ortisei (typique village de sculpteurs en bois) dans le nord-est d’Italie. Afagnan sera aussi un village de sculpteurs !

Les jeunes apprentis sont issus en grande partie de familles animistes. Le fr. Santi n’oublie pas qu’il est d’abord missionnaire grâce à la Parole qu’il annonce. Son catéchisme est celui des leçons de vie morale et d’honnêteté professionnelle. On le voit sévère, car il exige beaucoup des jeunes qui en apprécient la droiture. Il veut que le règlement soit scrupuleusement respecté. Il est conscient que « par le message évangélique, l’Eglise apporte une force qui libère et qui agit en faveur du développement, précisément parce qu’il amène à la conversion du cœur et de l’esprit, parce qu’il fait reconnaître la dignité de chacun, parce qu’il dispose à la solidarité, à l’engagement, au service d’autrui et qu’il insère l’homme dans le projet de Dieu, qui est de construire un royaume de paix et de justice dès cette vie » (RM 59) .

Le samedi 4 juillet la chapelle de l’hôpital est bénie et l’autel consacré. Le lendemain, messe pontificale et dans l’après midi inauguration de l’hôpital par le vice-président, le président lui-même étant indisposé. Il viendra le jeudi suivant.

En rouge le chroniqueur écrit que le 20 août on célèbre dans la paroisse les 4 premiers baptêmes d’enfants en âge scolaire (à eux vont s’ajouter une douzaine de bébés) : cela se passait à Dzérekpo-Hagou et le p. Grotto était le célébrant. Les premières confirmations (135) seront célébrées par l’archevêque le 28 mars de l’année suivante.

Début octobre on organise un triduum pour avoir la pluie. « Le Seigneur avait peut-être déjà décidé ou la prière a eu gain de cause : le fait est que le 2è jour la pluie arrose toute la paroisse », écrit le confrère. Il faisait un mois qu’il ne pleuvait pas. La pluie ne cessera de tomber, en sauvant la saison, mais l’année avait été particulièrement sèche.

Les confrères continuent à engager des catéchistes pour une présence dans les gros villages et là où il y a une école. « Pas toujours ils sont à la hauteur - nous lisons - mais faute de foin, quand on est affamé, on se contente de la paille».

 

 

Des nouveaux

 

Une année vient juste de s’écouler depuis l’arrivée des premiers, que trois nouveaux comboniens arrivent au Togo. Les confrères vont les accueillir au port et passent ensemble la journée à Kodjoviakopé. Il s’agit des pères Augusto Zancanaro, un ancien du Soudan, Roberto Pazzi et Cesare Pegoraro, ces deux derniers à leur début missionnaire. En apprenant du p. Pazzi la nouvelle qu’il allait partir pour le Togo le 17 décembre avec deux autres confrères, le p. Cordero ne cachait pas au p. Général son étonnement : « Je croyais que, comme vous m’aviez écrit, vous alliez attendre qu’il y ait une maison pour les accueillir, avant d’envoyer d’autres confrères… (ou est-ce que la nouvelle est une des habituelles imaginations du p. Pazzi?) ». Le Général répond: « L’histoire du p. Pazzi et compagnons est que les confrères dès qu’ils apprennent leur affectation, on n’arrive plus à les retenir et continuent à insister pour partir vers le lieu de leur destination. Si vous ne pouvez pas les accueillir chez vous, j’espère que l’évêque trouvera une maison où les abriter ». Les deux jeunes iront à Tsévié pour le cours de langue et l’initiation culturelle, et le « grand papa » Zancanaro à Afagnan.

L’arrivée des nouveaux permettra l’ouverture d’autres paroisses. Les gens parlent de Kouvé et Adjido, mais les confrères font remarquer que, premiers intéressés qu’ils sont, ils sont aussi les derniers à être mis au courant ! Le 14 mars 1965, c’est la paroisse du Sacré-Cœur d’Adjido sur l’Atlantique (à Aného) qui passe aux comboniens, parce que l’abbé André Dominique Dossey Anaté Abbey (le curé) aurait été appelé à Lomé comme vicaire général. Le 15 mars, l’abbé Anaté présente à la communauté chrétienne d’Adjido et Glidji (le village historique des gen) son successeur dans la charge de curé de la paroisse. C’est le p. Ezio Rossi qui sera secondé comme vicaire par le p. Radaelli, qui avait quitté Afagnan le 9 mars.

Selon le p. Cordero, l’avantage d’Adjido est que la paroisse a déjà le presbytère et l’église (qui avait été construite par le p. Anate entre 1954 et 1955) et un joli cocoteraie d’où les missionnaires pourraient tirer de quoi se nourrir. Et puis il y a la mer et on pourrait s’y rendre pour quelques jours de repos.

C’était dans la semaine de Noël 1892, quelques mois seulement après leur arrivée, que le premier pro-Préfet apostolique du Togo, le p. J. Schäfer, avait fait un voyage d’exploration de Lomé à Petit Popo et reçut du vieux D’Almeida l’actuel terrain de la paroisse d’Adjido. En 1893 on avait commencé la construction du presbytère (les missionnaires résidaient à l’étage) et le 15 août 1894 la première chapelle avait été bénie. Le 20 août 1895 on ouvrait à Adjido une espèce de petit séminaire avec 5 aspirants. Le 13 janvier 1898 fut célébré dans la chapelle d’Adjido le premier mariage de la préfecture entre Emmanuel de Souza, instituteur, et une maîtresse de la mission. En 1899, la mission était composée de trois pères et 5 frères qui enseignaient à l’école artisanale avec 13 apprentis. Mais les choses ne vont pas durer et la communauté va se déplacer à Aného.

Du p. Radaelli le chroniqueur d’Afagnan écrit : « Il a vraiment travaillé avec ardeur et dévouement pendant les onze mois qu’il a été ici. Que le Seigneur lui donne infiniment plus de consolations que celles qu’il a pu recevoir et qu’Il lui accorde la récompense du travail accompli ». C’est le p. Zancanaro qui va le remplacer et qui occupera la chambre qui avait été celle du p. Radaelli. Cependant Radaelli ne restera pas longtemps à Adjido car il se rendra bientôt à Kouvé pour revenir ensuite à Afagnan comme curé.

Le mois de juillet marque aussi la fin de l’année scolaire. Les résultats sont satisfaisants. Mais le problème du salaire des instituteurs reste entier et ce sera un autre de ces problèmes qui au Togo se sont amusés à… s’éterniser, car au début du nouveau millénaire, nous en sommes encore là, avec des salaires qui ne tombent pas régulièrement, qui se font rares et qui sont bloqués depuis une quinzaine d’années. En l’année 1965, la dette contractée par l’archevêque pour le salaire des instituteurs s’élevait à 10millions de f cfa ! Le personnel enseignant menaçait une grève qui est évitée de justesse en retouchant les salaires.

C’est bien sûr aux catholiques de soutenir leurs écoles, mais… comment ? D’ailleurs on ne veut pas non plus que l’école catholique tombe. A la mi-août une lettre de l’archevêque sur le denier du culte oblige tous les chrétiens qui ont une rente à verser chaque année 500 francs qui devront servir à l’autosuffisance de l’Eglise. Ce problème de l’autosuffisance financière de l’Eglise en Afrique, ne concerne évidemment pas seulement le Togo. La pauvreté des communautés et l’argent venant d’Europe, et qui va augmentant année après année jusqu’aux années ’90, va empêcher une solution africaine au problème et l’Eglise du continent se retrouve au début du troisième millénaire encore extrêmement dépendante de l’aide étrangère.

 

 

Chaque année une nouvelle paroisse ?

 

Quand les nouveaux missionnaires auront terminé leur initiation linguistique, c’est Kouvé (paroisse fondée en 1958) qui voit arriver les pères Zulianello et Radaelli. Ce dernier en sera le curé. Le p. Pazzi, lui, est affecté à Afagnan au mois de septembre. Le rêve de l’archevêque d’avoir beaucoup de comboniens et d’occuper ainsi la région ouatchi du diocèse semble se réaliser. Dès le début, en effet, Mgr Dosseh insistait pour avoir un personnel combonien abondant. Dans une lettre au p. Briani datée du 7 novembre 1964, il écrivait : « Nous comptons sur votre congrégation pour ouvrir chaque année au moins une nouvelle paroisse. Cette année il me faudrait au moins deux pères et deux frères, ce qui me permettrait de fonder 2 paroisses : Aklakou et Kouvé. Un minimum de 2 pères et d’un frère coadjuteur nous est nécessaire chaque année pour réaliser notre programme dans le district ouatchi et la paroisse de Kodjoviakopé à Lomé. Le rythme plus normal serait de 4 pères et 2 frères par an en vue de la fondation de 2 paroisses par an ». Cette dernière phrase est soulignée par l’évêque et tapées en lettres capitales.

Le p Cordero déjà le 17 avril se faisait l’interprète chez le p. Briani des souhaits de Mgr Dosseh : « Je vous demande le plaisir (demande seulement officieuse car c’est à l’évêque de présenter une demande formelle) de préparer des confrères pour le Togo : les perspectives de travail missionnaire sont très bonnes : partout nous avons l’impression qu’il s’agit d’un fruit mûr qui n’attend rien d’autre qu’une main bienfaisante pour le cueillir… Il faut que les missionnaires qui viendront ne soient pas trop âgés car ils doivent connaître bien le français et puis, évidemment, apprendre ici l’éwé ».

Toujours dans la lettre du 7 novembre 1964, écrite de Rome, pendant la 3è session du Vatican II, Mgr Dosseh continue : « Comme vous le savez aussi, notre archidiocèse vient d’être divisé et c’est avec la plus grande joie que nous en avons accueilli la nouvelle, ainsi que celle de la nomination du nouvel évêque d’Atakpamé en la personne de Mgr Atakpah notre ancien vicaire général. Je viens donc recommander le nouveau diocèse à votre paternelle bienveillance. Je vous prierais donc de préparer, sans préjudice du programme de Lomé, une vaillante escouade de missionnaires, comprenant 6 pères et 2 frères pour une nouvelle fondation dans le district de l’Est-Mono. Cette région se trouve immédiatement au nord du district ouatchi d’Afagnan et est laissée en proie facile aux sectes protestantes qui en ont fait une mosaïque de religions : une récente visite effectuée par nous-même dans cette région a pourtant révélé que tous attendent la religion catholique et que dès qu’une importante mission y sera envoyée pour y prendre pied et de façon permanente, la population n’hésitera pas à se rallier. Mgr Atakpah a sur ce point les mêmes idées et c’est avec joie que je viens recommander sa requête auprès de vous. Nous prions votre paternelle bonté de soutenir avec nous, et vigoureusement, cette opération conjuguée, à savoir, la planification apostolique de Lomé et la mise en chantier de nouveaux apôtres, nombreux, dans la région de l’Est-Mono : nous fondons sur cette double opération les plus grands espoirs ». Le p. Briani ne pouvait évidemment pas s’embarquer dans une nouvelle aventure missionnaire au Togo. Mais le successeur de Mgr Atakpah viendra un jour pour demander justement pour la région Est-Mono, des comboniens.

Un an et demi après, le 9 mai 1966, Mgr Dosseh revient à la charge. « Déjà nous voyons avec joie quel bien l’ardeur apostolique des comboniens a commencé de susciter dans notre diocèse - il écrit au p. Briani de Lomé -. Encore une fois, je vous redis combien nous comptons sur votre concours si généreux pour équiper en apôtres la grande région ouatchi et vous demandons de poursuivre les efforts commencés en faveur de cette région. A chaque tournée que nous y faisons, les populations ne cessent de nous réclamer prêtres et religieuses et nous nous faisons l’écho de tous ces appels, les confiant à votre générosité avec une grande reconnaissance ». Et de terminer : « J’ai regretté de ne pouvoir vous rencontrer plus souvent lors de la dernière session du concile mais je ne manquerai pas à mon prochain voyage en Europe de passer me refaire au soleil de votre sollicitude paternelle et de votre zèle éclairé et plein d’expérience ».

Mgr Dosseh pour arriver à son but ne craignait pas de flatter : « L’installation de vos fils dans notre diocèse - écrivait-il à Briani déjà dans sa lettre depuis Rome le 7 novembre 1964 - est une source permanente de consolation apostolique pour nous et un bienfait signalé pour nos chrétientés en quête du Christ et de ses prêtres. Après la période probatoire où tous se sont mis à étudier notre langue éwé avec enthousiasme, nous abordons enfin la période des réalisations apostoliques : nos pères prêchent en langue vernaculaire et c’est pour nos chrétiens, habitués hélas à des sermons interprétés à partir du français, la révélation du véritable esprit missionnaire dont les fils de la généreuse Italie donnent en ce moment le remarquable exemple ! Inutile de vous dire que nous avons consenti tous les sacrifices jusqu’à la limite peut-on dire de nos possibilités en faveur de ces vaillants missionnaires ».

Le p. Briani, lui, n’était pas le type à se laisser aller aux enthousiasmes et refusait tout net un éparpillement des confrères. Au p. Cordero, à propos du personnel, il écrivait le 4 mai 1964 : « Nous essaierons de préparer quelques uns, mais ne les attendez pas tout de suite ; il est bon d’abord que vous-mêmes vous preniez connaissance et de la langue et des coutumes, de manière à introduire vous-mêmes les nouveaux. Pendant ce temps, faites attention afin que le territoire où vous travaillez soit contigu (c’est un souci qui revient souvent sous la plume de Briani et qui conditionnera l’expansion combonienne au Togo pendant longtemps, ndr). Il est nécessaire de nous tenir proches pour rendre aisée la tâche du futur régional ». Et le 13 février 1965 : « D’accord pour Adjido. Pour la 4ème paroisse, attendez l’année prochaine. Vous n’êtes pas encore bien insérés dans le milieu, vous n’avez pas encore de tradition, soyez donc patients, pour ne pas faire de faux pas et le regretter ensuite… D’accord pour les pères Rossi et Radaelli, proposés pour Adjido ».

La première Pâques célébrée par les confrères à Aklakou, Anfoin et Afagnan ne voit pas la participation espérée. « Mais nous espérons dans un miracle de la grâce », remarque le confrère. L’année suivante la participation sera définie ‘satisfaisante’. Le 2 mai 1965 le p. Zancanaro quitte Afagnan pour Lomé : il manquait d’un instituteur pour la langue. La chronique continue en relatant les nombreux baptêmes à Anfoin (60) et à Attitogon (20) où il y a un catéchiste zélé.

La chronique d’Afagnan relate aussi un événement qui sera important pour l’avenir : l’ordination par Mgr Dosseh de l’abbé Victor Dovi Hounnaké (celui qui deviendra un jour le premier évêque d’Aného) le 2 janvier 1966, dans l’esplanade de la mission à Afagnan-Gbletta. La fête avait été préparée et animée surtout par les différentes associations de Lomé et le résultat avait été beaucoup plus solennel qu’espéré ! L’abbé Victor était originaire d’une ferme d’Afagnan-Gbletta et y célébrera sa messe de prémices le 16 janvier suivant.

Le 27 décembre 1965, trois autres confrères viennent s’ajouter : les pères Pio Depaoli (lui aussi un ancien du Soudan), Fabio Gilli et le fr. Luigi Salbego.

 

 

Arrivée de p. Giovanni Trivella

 

Le 19 janvier suivant arrive aussi le p. Giovanni Trivella, autre vétéran du Soudan où il avait été l’apôtre du peuple azande. Au Soudan il avait subi persécution et la prison avait fait empirer sa maladie, la spondylarthrite qui oblige à marcher toujours plus courbé en avant. Après son expulsion, il avait travaillé en Italie, mais il se sentait comme ‘déphasé’ car les idées qui circulaient dans l’Eglise (et qu’on disait provenant du concile), n’étaient pas pour lui plaire… Il insistait pour repartir en Afrique, mais où, si même la région azande du Zaïre (alors Congo) n’était pas encore pacifiée ? Il opta pour le Togo.

En annonçant la nouvelle à l’archevêque et en lui demandant d’accueillir le père au delà de sa situation physique, le p. Battelli se dit certain qu’il « sera heureux du travail et du zèle de ce missionnaire qui ne désire rien d’autre que de travailler pour les âmes de l’Afrique ».

A Afagnan où il est affecté, le p. Trivella se met tout de suite à apprendre l’éwé, si différent du zande. Il prêche en langue, même si après le catéchiste prétend… ‘traduire’ ce que le père voudrait bien transmettre. Le père remarque que les missionnaires ont peut-être apporté des idées nouvelles, beaucoup de liturgie, « mais peu de sacrements et peu de catéchisme ». De son expérience soudanaise il apporte des convictions méthodologiques : formation des catéchistes, visite régulière aux communautés chrétiennes, catéchisme aux petits et explication de la doctrine aux adultes chrétiens.

Il est convaincu de l’importance fondamentale des rapports avec les gens si on veut leur amener l’évangile. « Au Soudan - note-t-il - les gens venaient à la mission, même trop. Ici ? Personne ne vient ». Il faudra donc aller vers eux, se mêler à eux, autrement ils continueront à regarder au missionnaire comme à un étranger. Il visite les villages, les catéchuménats, les malades de l’hôpital d’Afagnan : il est toujours en route. Il se déplace avec son fidèle Guzzino (moto) : monter et descendre pour lui ce n’est pas chose facile, mais une fois en selle, personne ne peut l’arrêter. Il lui arrive aussi de tomber et alors il faut attendre que quelqu’un passe pour pouvoir le relever et repartir. Quand il quittera le Togo en 1971, il est très fatigué. La chaleur et l’humidité lui rendent les nuits pénibles et plus aiguë la nostalgie des azande. Mais il reviendra un jour au Togo.

 

 

Famille chrétienne ?

 

L’augmentation du nombre des missionnaires (avec le p. Trivella on atteint le nombre de 15 !) permet non seulement d’occuper de nouvelles paroisses (au mois de juillet 1966 ce sera le tour de Vogan d’être ‘occupée’ par les comboniens), mais aussi de se pencher, ensemble, sur les vrais problèmes de l’évangélisation du milieu. Les missionnaires sont frappés particulièrement par la présence si visible du vaudou : il est partout et il imprègne le cœur, la tête et la vie des gens. On fait des efforts pour le connaître, pour comprendre, mais...

Soit en ville, soit à la campagne les missionnaires se rendent vite compte que la famille chrétienne est pratiquement inexistante. On baptise, on communie, mais on n’arrive pas au mariage. La polygamie est la règle du mariage dans le milieu ouatchi, gen ou éwé, et au-delà de l’influence des Eglises chrétiennes, elle tient de façon tenace. Les missionnaires s’aperçoivent vite que même les responsables des communautés chrétiennes ne sont pas en règle, pour ce qui est du mariage, avec la loi de l’Eglise et la volonté de l’évangile. La tradition ancestrale tient bon, car le fait d’avoir de nombreuses femmes est une marque de grandeur, de prestige social et de richesse. Sans compter que le travail des champs demande beaucoup de main-d’œuvre, et que pendant la période d’allaitement, il est interdit au mari d’avoir des rapports sexuels avec sa femme. Finalement, la monogamie ne jouit pas de beaucoup d’estime sociale et dans le milieu ouatchi, le marié chrétien est considéré presque un célibataire ! Un travail immense devra donc se faire pour former la conscience des jeunes et les éduquer à entrevoir comme possible le mariage chrétien.

 

 

Les catéchistes

 

En Afrique, depuis le commencement de l’évangélisation, les catéchistes y ont joué un rôle fondamental. Depuis Ad gentes et jusqu’à Ecclesia in Africa, en passant par Redemptoris missio, l’Eglise reconnaît le rôle des catéchistes comme « évangélisateurs irremplaçables, qui représentent la force de base des communautés chrétiennes ». Le concile avait déjà tout dit en parlant de « cette armée… l’armée des catéchistes, hommes et femmes qui, pénétrés de l’esprit apostolique, apportent par leurs labeurs considérables une aide singulière et absolument nécessaire à l’expansion de la foi et de l’Eglise ».

Dès le début, les comboniens au Togo ont été bien conscients du rôle irremplaçable des catéchistes. Le 26 juillet 1964, le p. Cordero écrivait au Général : « Ce qui nous intéresse surtout avec une urgence tragique ( !) et que je recommande à votre cœur de missionnaire : nous avons besoin de catéchistes (le p. Cordero écrit tout cela en lettres capitales, ndr). Plus de catéchistes nous pouvons placer et plus grandes seront nos possibilités d’amener des âmes à l’Eglise : c’est une question de vie ou de mort pour notre mission !

Le p. Grotto - continue Cordero - voudrait en placer immédiatement une quinzaine ; il a donc demandé à Monseigneur 30mille francs pour leur assurer un minimum afin qu’ils ne meurent de faim (!). Pour sa part, Monseigneur lui a répondu que probablement il sera obligé de lui enlever même le rien de subside qu’il donnait pour les 3 ou 4 catéchistes déjà en place !... Même ici (à Lomé, ndr) nous devrions en placer un grand nombre : nous avons dans certains villages où il y a l’école (catholique ou officielle) un pitoyable 4% d’enfants baptisés, faute de catéchiste ! ». Le p. Cordero parlait aussi du petit ‘salaire’ de 6mille f cfa mensuels pour un catéchiste et invitait le Général à s’assumer les dépenses de quelques catéchistes, ce qui « représenterait le don le plus précieux pour les comboniens au Togo », concluait Cordero.

Rôle déterminant donc des catéchistes, mais on s’aperçoit vite qu’ils manquent terriblement de formation et que bien inadéquate est leur capacité de répondre aux nouveaux défis de l’évangélisation. Là encore le concile s’était penché sur le problème de « multiplier les écoles diocésaines et régionales dans lesquelles les futurs catéchistes cultiveront avec soin la doctrine catholique, surtout en matière biblique et liturgique, et aussi la méthode catéchétique et la pratique pastorale ». A l’honneur de nos missionnaires, il faut rappeler que le décret sur l’activité missionnaire de l’église Ad gentes ne sera approuvé que le 7 décembre 1965, presque deux ans après l’arrivée des nôtres à Lomé. Mais pour arriver à un centre catéchétique digne de ce nom dans l’archidiocèse de Lomé, il faudra attendre les années… quatre-vingt-dix !

Au secrétariat général de l’évangélisation des comboniens à Rome, en 1970, on mena une enquête sur les catéchistes au niveau de toute la congrégation. Parmi les propositions, il y a celle de former des confrères spécialistes en catéchèse. « Nous ne pouvons pas prétendre de former les catéchistes si nous-mêmes n’avons pas de personnel qualifié et capable. La catéchèse c’est un art et une science en même temps… Ils sont nombreux aujourd’hui - continue le rapport publié dans le n° 92 du Bollettino - ceux qui pensent que le futur de l’évangélisation en Afrique dépendra pour beaucoup des centres catéchétiques, destinés à devenir inévitablement des catalyseurs de toute initiative de renouvellement pastorale. Instituts de catéchèse à un niveau supérieur sont en train de naître en Afrique… Il est souhaitable que nos confrères puissent fréquenter ces centres ». Ce que l’auteur de ces lignes a fait en arrivant en Afrique, au Centre Catéchétique Africain de Butare (Rwanda) pendant l’année scolaire 1972-73. L’enquête sur « les catéchistes dans nos missions », soignée par le secrétariat général aux missions, mérite encore, tant d’années après, d’être au moins revisitée.

Le p. A. Medeghini qui s’était occupé de l’enquête et dont il présente les résultats, parle de 34mille chrétiens qui seraient confiés à nos confrères au Togo en 1970 sur 340mille habitants dans nos paroisses. Toutes les réponses soulignent l’importance d’améliorer le niveau intellectuel des catéchistes. Le ‘salaire’ est au Togo entre 2 et 5mille francs, de même que la retraite. Dans aucune mission il y a un fonds spécial pour les catéchistes. Au Togo le diocèse donnerait 15% du ‘salaire’ du catéchiste. Son travail est le travail classique de l’enseignement du catéchisme aux catéchumènes et aux enfants chrétiens et des écoles, la présidence de l’assemblée dominicale avec homélie, dans les zones rurales, la visite aux familles, aux malades en particulier, etc.

Tous se prononcent pour un centre catéchétique dans chaque diocèse (‘Comme dans chaque diocèse il y a un séminaire pour de futurs prêtres, de même il doit y avoir l’école pour futurs catéchistes’ !), même si cela devait retarder l’ouverture d’autres paroisses ». Chaque diocèse devrait avoir un chargé de la catéchèse et des problèmes qui y sont liés. Mais comment trouver les moyens financiers pour soutenir l’œuvre des catéchistes que le rapport définit « la plus grande après le séminaire diocésain »? Il faut que les communautés chrétiennes se fassent charge de leurs catéchistes, en organisant - par exemple - une journée du catéchiste, ou apporter des offrandes en nature. Formation et financement sont les deux ‘épines’ concernant les catéchistes. Le rapport termine par la suggestion de fonder des centres catéchétiques là où ils n’existent pas encore. Nombreux sont les comboniens qui, au cours des années, ont mûri la conviction que les différents centres étaient exposés au risque de devenir des structures qui d’un coté absorbent du personnel et de l’autre coûtent plus chers que si le même travail se faisait par l’intervention régulière de qui pourrait collaborer au but. C’est cette formule qui finira par s’imposer, au moins chez nous au Togo.

Sessions de formation

 

On s’attaqua donc au problème de la formation des catéchistes. A Kodjoviakopé une fois par mois, a Afagnan plus souvent, on réunit ces précieux collaborateurs de l’œuvre apostolique et on les forme. Le chroniqueur dit que les catéchistes ont vraiment besoin de formation pas seulement spirituelle, mais tout simplement pour qu’ils connaissent ce qu’ils sont appelés à faire : « En effet - écrit le confrère - trop souvent il arrive que pendant toute la messe ils ne savent même pas comment la faire suivre par les fidèles, ou qu’ils disent les prières de la communion à la consécration ou vice versa ». On prépare ensemble la liturgie dominicale, on étudie la bible, on traite des sujets plus urgents de la pastorale, on prie ensemble, sans jamais oublier que le catéchiste devrait être le premier à animer la prière de la communauté et à en soutenir la charité...

Pour l’organisation d’un cours de formation proprement dit pour nos catéchistes, il faudra attendre le mois de septembre 1971. Le passage à Lomé de p. Agostoni, qui depuis 1969 avait remplacé à la tête de l’institut le p. Briani, avait fait bouger un peu la quiétude du marais car il n’avait pas craint d’exprimer à l’archevêque la déception de beaucoup de confrères devant son attitude vis-à-vis des catéchistes et du catéchisme en vigueur (celui de Pie X). L’archevêque là aussi - et selon son habitude - avait répondu qu’il n’était contraire à rien, pourvu que les intéressés soient d’accord!

C’est donc à Dzogbégan, au monastère des moines bénédictins, que la session de formation des catéchistes eut lieu. Pendant 15 jours, trois comboniens accompagnèrent le travail des délégués des différentes paroisses comboniennes. Le sujet de la session était l’histoire du salut. Le n° 98 du Bollettino relate l’expérience. On s’attaque tout de suite aux chapitres 12-13 de la Genèse. « La réflexion de nos catéchistes se portait immédiatement sur la conception togolaise de communauté familiale, où l’on vit en sécurité, car la maison est entourée par les vaudous tutélaires. Ils se voyaient dans la situation d’Abraham, contraints à abandonner leur propre ethnie et langue, pour aborder l’inconnu du monde, où l’on se sent seul, comme dit le proverbe, comme le chasseur perdu dans la forêt. Abraham arrive dans la nouvelle terre et dresse à Yahvé un autel en trois endroits différents. Et voilà que quelqu’un raconte comme son père avait un jour accompli des rites semblables en s’emparant d’une terre inculte à transformer en champ. La réflexion de tous s’engageait alors pour voir clairement quel est le but de ces rites ancestraux et du culte de la terre, sur laquelle un fétiche est dressé pour obliger Dieu à la rendre féconde. On revenait alors à la bible pour contempler l’attitude d’Abraham qui dresse l’autel en signe de remerciement pour ce que Yahvé lui a gracieusement donné… Il était naturel de mettre sur le tapis les problèmes pastoraux de nos communautés paroissiales, car c’est cela la vie de nos catéchistes. Les jugements auxquels l’on parvenait étaient parfois (ou souvent) différents des directives traditionnelles appliquées. On aurait alors aimé que tous nos missionnaires soient présents pour rechercher ensemble les attitudes pastorales que l’intervention de Dieu dans l’histoire biblique nous suggère. Mais c’était là la limite du cours : renvoyer continuellement la solution d’une si urgente problématique pastorale à une réflexion ultérieure à la paroisse avec ses propres missionnaires et les autres catéchistes ». Le chroniqueur savait parfaitement que dans les paroisses comboniennes on se conduisait d’après ses propres orientations, « comme des républiques indépendantes »!

 

 

Catéchistes salariés ?

 

Mais le problème qui tourmentait le plus le p. Cordero et ses compagnons (et qui reviendra souvent dans les rencontres des formateurs des catéchistes) était celui du ‘salaire’ des catéchistes. Pour résoudre ce casse-tête, le p. Cordero s’adresse directement au Général. Le p. Briani est complaisant : « Je mets à votre crédit par le biais du p. Baj (l’économe général, ndr), un million de lires pour vos catéchistes », et il ajoute : « vous donnerez quelque chose aussi au p. Grotto, selon votre jugement ». Le p. Briani enverra encore un million de lires pour les catéchistes au début de l’année 1965, mais cette fois-ci il faudra partager aussi avec Adjido.

Au sujet du ‘salaire’ des catéchistes, le concile affirme : « On devra procurer par une juste rémunération un état de vie décent et la sécurité sociale ». L’enquête combonienne dont nous avons parlé plus haut s’exprime en ces termes : « Tout en sachant qu’il s’agit de ‘vocation’ et non de ‘métier’, il est évident que les catéchistes aussi ont le droit ‘à vivre de l’autel auquel ils servent’. Il doit y avoir donc un minimum de rétribution. Mais il est difficile de donner des indications précises sur le montant… La chose la plus importante et pratique c’est de voir comment trouver les moyens de financer l’œuvre des catéchistes qui, après celle du séminaire diocésain, est la plus importante… Même à la dernière rencontre des évêques africains à Abidjan (août 1970) il a été souligné avec force le principe selon lequel c’est à la communauté chrétienne de pourvoir à l’entretien de ses propres catéchistes ».

Le 14 novembre 1970, le p. Enrico Bartolucci (secrétaire général du secrétariat des missions à l’époque) s’adressait depuis Rome aux supérieurs provinciaux, régionaux et de délégation. A propos des catéchistes, il écrivait : « Partout où nous sommes en mission nous devons faire tout ce qui dépend de nous afin qu’il y ait des centres pour la formation des catéchistes… Si nous aurons de nombreux catéchistes, formés d’un point de vue apostolique et professionnel, l’évangélisation ira de l’avant en Afrique et en Amérique Latine. Il y en a qui disent que la création de ces centres dépend des évêques. C’est vrai. Mais les évêques attendent notre collaboration et notre initiative… Chez la procure centrale des missions a été créé un compte catéchistes… Nous demandons aux provinciaux, de nous aider à convaincre nos communautés d’Europe et d’Amérique à privilégier, dans leur libre et fraternelle contribution aux missions, l’œuvre des catéchistes ».

L’archevêque de Lomé, lui, n’entendait pas les choses de cette oreille. Déjà le problème des salaires des enseignants de l’école catholique était pour lui très épineux. Imaginez-vous s’il pouvait donner un coup de main pour le salaire des catéchistes !? « L’évêque l’autre jour m’a dit - écrit le p. Cordero au p. Battelli le 19 octobre 1966 -: Si vous n’avez pas d’argent, renvoyez le catéchiste ! Mais comment je pourrais accepter une pareille chose ? Dites un joli mot à ce sujet au Général. C’est un homme qui, par son expérience, comprend la valeur des âmes et je suis sûr qu’il nous aidera ». Dans la même lettre le p. Cordero écrivait aussi : «J’aurais besoin de beaucoup d’aide pour les catéchistes. La question économique est désastreuse (...). Nous pourrions nous en foutre, comme hélas font d’autres; mais nous tous (et j’en remercie infiniment le Cœur de Jésus) nous sommes décidés à faire beaucoup et bien. Je reviens juste d’une visite à un village : 42 catéchumènes adultes et une centaine de catéchumènes élèves ! ».

Dans le PS de la même lettre, le p. Cordero écrit d’avoir envoyé à Rome chez les Sœurs Ursulines de Gozzano (province de Novara en Italie) une institutrice pour qu’elle y apprenne la broderie et la couture en vue d’ouvrir, dès son retour au pays, une école ménagère pour la formation des filles. Le confrère comprenait que l’arrivée des religieuses dans les paroisses comboniennes allait traîner longtemps… Avant même son départ pour le Togo, le p. Cordero avait pris contact avec les Ursulines de Gozzano (où il avait été père maître) dont la mère générale lui avait promis l’envoi de ses consœurs. La mère avait promis qu’elles-mêmes auraient pensé à toute dépense (voyage, nourriture, œuvres). Cordero avait pensé aussi aux comboniennes. Mais le p. Battelli lui faisait savoir déjà le 12 février 1964 que les comboniennes n’étaient pas en mesure de penser au Togo (elles avaient déjà refusé leur présence à l’hôpital d’Afagnan que les Frères de St Jean de Dieu leur avaient proposée). Il faudra attendre le mois d’octobre 1997 pour voir les premières comboniennes s’installer au Togo !

Catéchuménat

 

Pour arriver aux sacrements de l’initiation chrétienne on doit passer par le catéchuménat. A l’arrivée des comboniens au Togo l’habitude était de considérer catéchumènes les élèves de l’école catholique (et l’équivoque se poursuivra jusqu’à nos jours !). Les confrères s’aperçoivent vite que cela ne peut plus être. En effet, trop de maîtres s’étaient infiltrés dans l’école catholique qui n’avaient de chrétien que le nom (nombreux parmi eux les polygames). Comment auraient-ils pu enseigner le catéchisme ? Et puis, nombreux sont les élèves qui ne connaissent pas  le chemin de la chapelle. Comment pourrait-on dès lors les baptiser ? Les élèves devront venir dans la communauté chrétienne pour y recevoir leur formation, s’ils veulent recevoir les sacrements de l’initiation chrétienne. Catéchisme donc après les classes et en dehors de l’école (indépendamment de ‘la religion’ prévue en ouverture des leçons), avec contrôle des présences le dimanche. Le catéchisme en usage est celui de Pie X : questions-réponses. Le renouvellement catéchétique semble n’intéresser guère qui dans l’archidiocèse de Lomé en a la première responsabilité. Et pour arriver à des changements, il faudra attendre, là encore, des décennies !

 

Le 17 juillet 1966, c’est le p. Zancanaro qui devient curé de Vogan alors que la paroisse est confiée aux comboniens. Vogan avait été fondée en 1908 et érigée canoniquement le 1er juillet 1929 et dédiée à St Ferdinand.Vogan est la paroisse d’origine de l’archevêque où il était né le 13 octobre 1925 (la paroisse sera fondée 4 ans après) de Casimir Dosseh et Cécile Meyokpo, un couple chrétien exemplaire. Papa Casimir (originaire d’Anyronkopé) avait été engagé comme maître d’école et catéchiste en 1907 à Wogba. Il sera à Vogan sans interruption depuis 1911. Avec Vogan, cinq sont les paroisses déjà confiées aux comboniens. Et voici comment le personnel était alors (1966) partagé :

Kodjoviakopé : les pères Cordero, Piotti, Gilli et fr. Calligaro ;

Afagnan : les pères Grotto, Pegoraro, Trivella et fr. Santi ;

Adjido : les pères Rossi et Pazzi ;

Kouvé : les pères Radaelli et Zulianello ;

Vogan : les pères Zancanaro, Depaoli et fr. Salbego.

 

 

Jubilé de diamant : venue de p. Briani

 

L’année 1967 est pour l’Eglise du Togo l’année du grand jubilé qui célèbre les 75 ans de l’arrivée des premiers missionnaires. Le jubilé de diamant a été célébré dans le faste, à la manière togolaise ! Le supérieur général des comboniens a été aussi invité et voilà donc le p. Briani en visite aux 5 communautés comboniennes de l’archidiocèse. Invité de marque était le card. Zoungrana, archevêque de Ouagadougou (alors Haute Volta). Le point culminant du jubilé a été la messe pontificale du 27 août qui coïncidait avec la date réelle du débarquement des cinq premiers missionnaires allemands. « Nos missionnaires ont fondé ici un peuple saint - dira l’archevêque de Lomé en clôturant le jubilé -, le peuple de Dieu comptant à l’heure actuelle 350.000 catholiques dont 240.000 dans l’archidiocèse. L’épopée de cette implantation… est un monument dressé à la gloire de Dieu, et un monument élevé en l’honneur des hommes que Dieu a voulu choisir pour accomplir son œuvre ».

Le 25 août, le p. Briani présent, le card. Zoungrana bénit la pose de la première pierre de l’église paroissiale de Kodjoviakopé. Le p. Cordero avait écrit au Général déjà au mois de décembre 1966 en lui annonçant qu’il prévoyait cela pour la Christ-Roi de l’année suivante et il l’invitait à être présent. Et il ne craignait pas de lui demander une aide financière, car il considérait indispensable la construction de l’église. Il ajoutait : « Est-ce que l’on peut espérer qu’un de nos frères entrepreneur viendra après pour diriger les travaux ? ». Déjà au mois de septembre 1965, en écrivant au vicaire général, le p. Cordero demandait l’envoi de l’argent que les missionnaires avaient récolté à Vérone avant leur départ, justement en vue de la construction de l’église paroissiale à Kodjoviakopé. « Il nous est indispensable - écrit le père - autrement les deux tiers des paroissiens ne viennent pas ! Maintenant rien que pour commencer les travaux il nous faut trois millions de francs ». La petite chapelle-école existante a déjà fait trop souvent preuve de son insuffisance à accueillir le nombre croissant des chrétiens. Vogan aussi voit, à la même occasion, bénie la première pierre d’une église paroissiale qui ne surgira pas là où c’était prévu et qui commencera à pousser seulement après le passage de la paroisse au clergé togolais et donc après le grand jubilé de l’an Deux mille !

Une rencontre de tous les confrères avec le Général, met fin à la visite de p. Briani au Togo. Il se dit heureux et satisfait du travail accompli, il encourage dans les difficultés, insiste sur l’importance de la langue (un refrain qui reviendra sur la bouche de tous les généraux qui vont se succéder dans leurs visites !) et souligne la fidélité à la prière. Au cahier de la communauté de Kodjoviakopé il confie ses recommandations et conseils : « Enseignez le catéchisme : c’est la meilleure prédication. Insistez sur la fréquence aux sacrements de la confession et de la communion. Vous n’insisterez jamais assez. Insistez sur la prière et donnez vous-mêmes l’exemple aux fidèles d’estimer la prière. Soyez fidèles aux pratiques de piété de règle. La méditation soit d’une heure et, dans la mesure du possible, continue. Estimez et faites aussi l’examen de conscience avant le déjeuner. Le premier apostolat c’est à nous que le devons et nous ne pouvons pas sacrifier notre progrès spirituel pour servir les fidèles… L’horaire au bureau vous aidera à vous garder plus tranquilles et plus sains. Le fait d’être dérangé continuellement, à n’importe quelle heure, finira par vous rendre nerveux ou à l’épuisement. Et la santé est trop précieuse pour le missionnaire…. Les gens soient reçus au bureau… Et soit donné le signe des actes communs de la communauté religieuse par un son de clochette… ».

Le p. Briani insiste enfin sur le travail auquel tous les comboniens sont conviés après le concile : la révision des constitutions de l’institut. A ce travail les confrères du Togo consacreront donc une bonne partie de leur temps.

 

 

Des églises à la gloire du Seigneur

 

La construction des églises paroissiales posera de sérieux problèmes aux comboniens et ce sera presque toujours un authentique casse-tête. On manque surtout d’un frère constructeur à la hauteur de la tâche. Le moment venu, on ira jusqu’à déranger le fr. Virginio Negrin à qui les supérieurs demanderont le sacrifice de quitter le Mexique lindo y querido, où il avait donné le mieux de sa vie pendant trente ans, pour venir sur les plages de Lomé et chez les paroisses comboniennes au Togo, Ghana et Bénin pour y manifester son talent d’architecte autodidacte !

La construction matérielle d’églises et de chapelles là où les comboniens travaillent pourrait bien occuper tout un chapitre de notre histoire. En commençant par Kodjoviakopé, on verra surgir les églises paroissiales de Kouvé, Sogakopé et Akatsi (Ghana), Lobogo (Bénin), Afagnan, Aklakou, Adidogomé, Tabligbo et Fidjrossé (Cotonou), sans compter les innombrables chapelles dans les villages confiés aux soins pastoraux des confrères (Ahépé, Tchekpo…). Nous risquons ici de faire du tort aux nombreux confrères (on pourrait parler de tous) qui se sont occupés de la construction de ces églises et chapelles, mais un nom il ne faut surtout pas oublier (sans négliger le fr. Santi) comme constructeur, celui de l’infatigable p. Grotto qui le premier devrait avoir perdu le compte des lieux de culte construits depuis son arrivée au Togo ! Rien qu’entre 1986 et 1994, il a réalisé des églises à Anfoin, Melly, Tanou, Avévé, Tokpo et Fiata ! Mais tout en s’occupant de briques, sable et ciment (car chez nous ici au Togo les pierres font défaut !) on n’a jamais perdu de vue le vrai but de notre présence: construire l’Eglise faite de briques vivantes ! L’église matérielle devait tout simplement aider à la croissance de la communauté chrétienne.

Premiers congés et climat difficile

 

L’année 1968 est l’année qui voit les premiers ‘congés’ des comboniens travaillant au Togo. Il est vrai que la convention signée entre Mgr Dosseh et le p. Briani récite : « Tous les huit (8) ans, les religieux auront droit à un an de congé en Europe », mais le climat du Togo rendait la chose impraticable. On risquait de tirer trop la corde… Le climat est de type tropical et donc humide. La température est assez élevée et elle oscille en moyenne autour de 25°-26°. Parfois la nuit on a des problèmes à trouver la fraîcheur suffisante pour concilier le sommeil. Déjà le 31 janvier 1964, à même pas deux semaines de son arrivée, le p. Cordero écrivait au p. Battelli d’un « climat très humide ; il est difficile de supporter un drap sur le corps ». Là où les comboniens vivent on distingue deux saisons sèches et deux saisons humides ou pluvieuses. La grande saison sèche est marquée en décembre-janvier-février par l’harmattan, vent du nord particulièrement desséchant et qui peut durer de trois à six semaines. N’oublions pas en outre qu’au début les confrères se déplaçaient souvent en moto (faute de voiture), ce qui n’arrangeait pas les choses : le p. Cordero, par exemple, tombera et se retrouvera avec une épaule cassée (décembre 1966) sans compter les bronchites et d’autres ennuis respiratoires.

Le premier à avoir quelques ennuis de santé (mais cela ne lui empêchera pas d’être toujours au Togo au début du troisième millénaire !) fut le p. Zulianello à Amoutivé : trois jours de diarrhée passés au lit tout simplement, mais pour le chroniqueur ce fut là « le baptême du feu, comme dit en blaguant le docteur » ! Même si les premières lettres de Cordero redisent l’état de bonne santé de tous les confrères, la vérité était plus complexe. Déjà au mois de novembre de l’année de l’arrivée, le p. Cordero commence à parler du cas de p. Piotti (qui n’avait que 37 ans à son débarquement au Togo). Le chroniqueur de Kodjoviakopé note : « Le p. Piotti qui depuis plusieurs jours accusait de la fatigue, est hospitalisé pour analyses ». Le p. Cordero le notifie au p. Général : « Le P. Piotti a été hospitalisé pendant une quinzaine de jours. Il souffrait de vertiges assez fréquents et d’anémie… Je crois que la cause en est la fatigue (il ressent encore de sa période au Soudan) ; en plus, l’inconvénient de devoir toujours se déplacer avec un petit moteur (une bicyclette avec moteur) ; et finalement, le climat qui d’après lui est pire que celui du Bahr el Ghazal ». Le p. Briani répondait le 13 décembre en communiquant la mort du p. Armani tué par les simba au Congo et en disant que jusque là on n’avait pas de nouvelle des autres confrères : « Fais très attention à la santé des confrères. Si le p. Piotti nécessite de repos - continuait le Général -, il faut le lui imposer ». Début 1965, les choses ne vont pas mieux pour le p. Mario : « Le p. Piotti est rentré hier d’Afagnan - écrit le p. Cordero au Général le 4 février - après un mois de repos. Il ne s’est pas encore remis. On a fait des analyses et tous les docteurs lui ont dit qu’il n’a rien; mais lui, il ne se sent pas bien. Je crois qu’il s’agit d’une maladie nerveuse ». « Voyez que le p. Piotti se remette bien en état si possible - répond le Général -. Autrement il faudra envisager de le rapatrier ».

Comme dans d’autres domaines, d’aucuns pensent que le climat du Togo (chaud et humide, mais aussi, infesté par d’innombrables effrontés moustiques…) est insupportable. Le p. Agostoni le définira « meurtrier » même ! D’autres, au contraire, pensent qu’on peut très bien trouver la façon de… survivre, alors que d’autres encore passent leurs journées à… transpirer ! Le p. Cordero, pour sa part, dans son rapport au Chapitre de 1969 se contente de définir notre climat « suffisamment difficile ». Le p. Cesare Pegoraro, au Chapitre de 1975, parlera d’un climat « qui peut devenir épuisant pour les européens. Pour tenir bon – ajoutait-il - il faut des habitations bien aérées, suffisamment grandes, un rythme de travail modéré et des congés réguliers au moins tous les 4 ans » (alors que d’autres congrégations missionnaires avaient déjà établi le congé tous les 2 ans !). Le p. Pegoraro avait eu quelques difficultés à Adjido (la mer trop proche?) et on l’avait donc affecté à Afagnan où tout semblait aller mieux.

En plus du climat, il faudrait peut-être ne pas oublier l’usure que le travail missionnaire dans un milieu difficile (‘païen’?) comme celui du sud du Togo comporte. Le jour viendra où l’on parlera du risque du burn out pour le missionnaire. Un petit exemple, mais emblématique : face aux chorales de Kodjoviakopé qui se… détestaient cordialement, le p. Cordero écrivait : « Il faut beaucoup de patience ! ». Et quelle satisfaction pouvait avoir le p. Piotti qui, après avoir tant travaillé pour préparer au mariage un couple, voit la future se retirer juste au dernier moment ?

L’histoire nous dit que le p. Piotti - qui à Kodjoviakopé avait remplacé Cordero comme curé - aura ses hauts et ses bas, tout en accomplissant un travail remarquable surtout parmi les jeunes (le p. Cordero parlait de lui comme d’ « un vrai artiste dans son travail avec les jeunes et plus particulièrement avec les enfants de chœur » et à Kodjoviakopé, tant d’année après, qui écrit écoutait encore les jeunes devenus adultes faire son éloge !). Il ira en congé au mois de juin 1970 pour revenir plus qu’un an après. Mais déjà au mois de novembre 1971 on le retrouve en Italie. Cause ? « Sa maladie ». Le p. Agostoni (nouveau supérieur général) remercie le p. Neno Contran de l’avoir fait rentrer : « Je pense qu’il en avait besoin ». Et l’intéressé ? Il écrit d’Italie deux semaines après : « Je donne signe de vie depuis Venegono où je suis l’hôte du p. Zeziola… Je n’arrive pas encore à me convaincre de ce retour en catastrophe. Je suis toujours à plat et très triste, même si je commence à me sentir mieux… Le docteur a conclu que tous mes troubles sont la conséquence d’un fait nerveux dû peut-être au changement de climat et surtout aux conditions physiques pas très bonnes du mois d’août dernier, quand sous son conseil, j’avais décidé de repartir… Ici en Italie, avec le froid, la quiétude, la bonne cuisine, je suis en train de me rétablir vite. Crampes, spasmes à l’estomac, tension nerveuse, sont en train de disparaître. Et cela fait encore plus augmenter mon amertume (si je peux m’exprimer ainsi) en voyant comment tout se résout si vite ici alors que je n’ai pas pu réagir à tous les soins que je recevais au Togo. J’espère que la reprise du moral soit aussi rapide que la guérison physique. Je pense trop et je n’arrive pas encore à réagir avec force ». On cultivera l’espoir d’un retour du p. Piotti, mais la providence en décidera différemment.

Revenons à l’année 68, car si elle a été une année capitale en Europe  pour la révolution juvénile du mois de mai, pour les comboniens au Togo elle a représenté une… sonnette d’alarme ! Au mois de juillet, c’est le p. Rossi qui rentre en congé, décidé à ne plus revenir… « Obligé à rentrer à cause de sa santé », là encore. Fin juillet, c’est le tour du fr. Santi de partir en congé : il est fatigué. Le 13 septembre, plus grave, c’est le p. Radaelli qui est obligé de quitter et de rentrer chez lui : il est question de poumons. Après un mois d’hospitalisation, le docteur Natali considéra son rapatriement « nécessaire », si on voulait que le confrère guérisse pour revenir plus tard. Et depuis Vérone, le Général écrivait au p. Zancanaro qui avait remplacé le p. Cordero comme supérieur religieux : « Renvoie Radaelli en Italie le plus vite possible et nous verrons de le soigner ». Le fr. Nevio aussi est rappelé dans sa province d’origine.

Le p. Radaelli est remplacé à Kouvé par le p. Lino Negrato, arrivé au Togo le 14 octobre 1968, apportant avec lui la richesse de son expérience missionnaire en Ouganda. Il se lancera avec enthousiasme dans la construction et la fondation de nombreuses écoles catholiques, jusqu’au lycée… Il est de ces comboniens qui croient à l’école catholique contre toute évidence !

D’autres confrères, tôt ou tard, auront des ennuis de santé. Les pères Fabio Gilli et F. Grotto auront aussi affaire à leurs yeux ! Et nous arrivons au fr. B. Bettani, qui meurt à Afagnan à l’âge de 28 ans et rentre en Italie dans son cercueil avec le même avion qui aurait dû l’amener en congé ! Mais allons avec ordre.

 

 

Chapitre de 1969

 

L’année 1969 restera une année fondamentale dans l’histoire de l’institut combonien car c’est l’année du Xème Chapitre général, un chapitre ordinaire et extraordinaire à la fois, le chapitre de la révision des constitutions comme voulue par le concile pour tous les instituts religieux pour les rendre conformes aux orientations et enseignements du concile même. Comme c’était à prévoir, ce fut un chapitre plein de tensions, car les problèmes sur le tapis étaient nombreux et complexes. Ce que Vatican II avait été pour l’Eglise, le sera pour les comboniens le Chapitre de 1969. A représenter le Togo à la grande assise de l’institut sera le p. Cordero, notre supérieur religieux, dûment élu dans le district de la curie. Il avait été appelé à être membre de la commission centrale pour la révision des constitutions. Déjà au mois d’avril 1968 il avait quitté Lomé pour Rome. C’est le premier des comboniens ‘togolais’ à rentrer chez lui. Evidemment, il pensait de revenir un jour au Togo, si un an après il écrivait au p. Zancanaro, qui l’avait remplacé comme supérieur religieux : « Si j’ai la chance de revenir, je désire ne pas aller à Kodjoviakopé, mais vicaire en brousse ».

Avec lui au Chapitre nous retrouvons aussi le p. Neno Contran qui sera au Togo l’année suivante. La commission préparatoire avait démarré ses travaux le 17 juin 1968. Le p. Cordero avait beaucoup aidé les confrères à répondre au questionnaire en préparation au Chapitre. C’est lui qui rédige le rapport au Chapitre des comboniens au Togo, après avoir demandé des renseignements à celui qui à Lomé l’avait remplacé comme supérieur religieux, le p. Zancanaro.

Ce rapport permet de faire le point. On y fait l’éloge des prêtres togolais (qui représentent 50 % du clergé) et des missionnaires SMA qui ont cédé la place aux autochtones. On y parle des écoles qui représentent la plus grande source de nouveaux chrétiens, mais qui absorbent la plus grande partie de l’argent qui entre dans les caisses des paroisses ! On y parle du catéchuménat qui dure trois ans. Dans les écoles ‘officielles’ (celles dépendant du gouvernement) le rapport dit que « nous pouvons tenir deux leçons hebdomadaires. Grand est le désir des directeurs que nous pourvoyons à ce catéchisme et très vif le désir des élèves, presque tous, de recevoir l’instruction religieuse ». Et à la consolation de nos frères qui éprouvent le désir d’un apostolat direct, le p. Cordero se permet « de signaler l’œuvre si précieuse à ce propos du fr. Salbego : il fait beaucoup d’heures de catéchisme dans les écoles du gouvernement, il le fait bien et il est très apprécié et aimé ». « Nous ne faisons pas de safari dans le sens traditionnel du mot - continue le rapport - car les villages sont proches. La visite capillaire et l’effort de parler la langue nous ont gagné la sympathie des chrétiens et des non-chrétiens. Souvent j’ai entendu dire : - Cela faisait depuis le temps des allemands que nous ne voyons pas les pères parmi nous ! ». En parlant des œuvres sociales, le rapport souligne surtout le travail du fr. Santi « qui s’est vraiment distingué dans ce domaine et qui a pu récolter des fruits sociaux et spirituels consolants ».

« Je fais remarquer, en passant - continue le P. Cordero - que tout près de notre mission à Afagnan, les Fatebenefratelli de Milan ont un hôpital qui est une vraie providence même pour nous : leur maison est devenue notre abri dans les maladies, épuisements et périodes de fatigue. Je ne crains pas d’exagérer en disant que je les considère comme les plus grands amis bienfaiteurs des comboniens qui sont au Togo ».

Le rapport note quand même que pas tous les confrères sont unanimes dans l’appréciation des œuvres sociales de la mission, en particulier pour ce qui est de l’école. Le fruit de tout ce travail ? « Les conversions sont nombreuses », récite le rapport. Mais on ne cache pas qu’il y en a qui doutent de l’accomplissement d’une vraie conversion. Et les difficultés ? « Nous n’avons pas de préparation missionnaire suffisante, en particulier pour ce qui est de la catéchèse… Nous manquons beaucoup dans la connaissance du français. Il est humiliant de se sentir moins à l’aise que les élèves du primaire, les enseignants, les catéchistes. Il est navrant de ne pas pouvoir participer en plénitude aux activités apostoliques : récollections, conférences, sermons à la radio, etc. Il faut se convaincre que quelques mois passés en France ne suffisent absolument pas ». Le Chapitre opte pour les scolasticats internationaux et linguistiques. L’ouverture du scolasticat international à Issy-les-Moulineaux (France) va donner un coup de main à résoudre le problème de la connaissance du français, langue officielle au Togo.

Le rapport du p. Cordero fait  aussi état des difficultés avec l’évêque : « Nous voudrions plus de directives pastorales, un plus grand dialogue et un plus grand ‘aggiornamento’, surtout dans la très épineuse question des catéchistes ». Sur le plan financier on reconnaît que l’évêque a donné « beaucoup plus que ce qu’il donne aux autres missionnaires » (et l’on cite les voitures, la maison de Lomé qui a coûté cher, l’ameublement, le frigo, etc. , le voyage de retour et un petit… viatique), mais « pour la nourriture, les catéchistes, les œuvres… nous sommes obligés de faire des miracles, avec le grave inconvénient des différences entre confrères riches et pauvres, d’après les amitiés italiennes et ‘l’olio di gomito’ à solliciter des aides ».

Le p. Cordero en parlant des religieuses, pratiquement inexistantes dans nos paroisses, dit son « angoisse » en constatant combien de religieuses missionnaires travaillent par exemple en Egypte ou dans des cliniques en Europe, et la situation au Togo. Le rapport fait une rapide allusion « aux problèmes africains tels que la polygamie, la situation de la femme, la famine, les maladies… aggravés par la persistance du fétichisme ». Le rapport fait allusion aussi au désir de l’évêque de nous confier encore… 10 paroisses ! On propose d’accepter Elavagnon (sur le plateau de Danyi) pour donner la possibilité aux missionnaires d’un moment de repos, et de trouver une ouverture à Dapaong dans le nord justifié par le besoin de missionnaires, la possibilité pour des confrères de sortir des mailles de Lomé dans le cas (oh combien réel !) des difficultés avec l’évêque, le climat différent ». « Il est très urgent d’ouvrir une maison en France - dit le rapport en parlant de souhaits -. Il serait très utile que de nos étudiants en théologie y soient présents : ils seraient ainsi prêts à un travail en pays francophones ». Et finalement, l’expérience togolaise est définie « positive » et on souhaite sa continuation car on est réellement au service de l’Eglise locale.

Le Xè Chapitre général de l’institut avait commencé à Rome le 16 mai et se terminera le 6 décembre. Au p. Zancanaro qui l’avait remplacé dans son service, le p. Cordero écrit le 23 juillet au terme de la première phase du Chapitre (60è séance). Il annonce l’élection du nouveau conseil général qui s’était déroulé le 18 juillet, avec le p. Tarcisio Agostoni élu supérieur général, le p. Ottorino Sina comme vicaire, et les pères Luigi Penzo, Archimede Fornasari et Robert Bosse comme conseillers. « Les commentaires? On a l’impression d’un vrai tournant - écrit-il - : les nouvelles idées ont le dessus. On a préféré l’intelligence pure à ce qui est purement empirique. Plus qu’aux personnes complètes, on a regardé à des hommes de dialogue. On a ouvert à l’internationalité, pour faciliter aussi la réunification avec les confrères allemands. Provinces et régions auront une plus grande autonomie et les élections se feront à partir de la base ».

Sous la plume du p. Cordero, les vacances deviennent maintenant « indispensables », pas seulement pour la santé mais « aussi et surtout pour un ‘aggiornamento’; autrement on risque de rester coupé ». Et pour décrire comme les temps changent, le p. Cordero raconte du fr. N. Calligaro (qui avait été rappelé par le CG au mois d’août 1968, non pas pour question de « scandale » mais de santé !), qui lui dit :

- Je ne serai pas là dans l’après-midi.

- Où vas- tu ?

- J’accompagne les sœurs à la plage.

- Elles iront comment ?

- En habit civil, naturellement.

- Toi aussi, tu iras prendre un bain ?

- Evidemment !

Et devant mon étonnement, Nevio de conclure : - Dommage qu’il y ait tant de monde à la plage qu’il n’y a même pas un coin où pouvoir s’étendre au soleil !!! ».

Le Chapitre se termine dans la joie des novateurs. Au Togo les anciens feront inconsciemment, d’après les plus jeunes, un peu d’obstructionnisme. Et les jeunes auront facilement les mots ‘chapitre’ et ‘aggiornamento’ sur la bouche pour reprocher aux ‘vieux’ leur immobilisme ou leur opposition au ‘nouveau’. Cela devenait inévitable, si l’on tient compte encore de l’usure que la vie en Afrique comporte.

 

P. Zancanaro supérieur de délégation

 

Le 17 septembre 1969, après un an et demi comme remplaçant du p. Cordero, le p. Zancanaro (qui est toujours supérieur et curé à Vogan) est nommé par le supérieur général, avec vote de son conseil, « représentant du supérieur général au Togo ». Et cela ad tempus. Le vicaire général, le p. O. Sina, explique au p. Zancanaro que le p. Cordero a été nommé supérieur à Venegono, sans avoir d’abord longuement réfléchi aux conséquences de telle nomination pour la mission au Togo. Il ne faudra donc plus compter sur Cordero au Togo, même s’il avait exprimé le désir de revenir et de travailler en brousse. Le 17 décembre suivant, le CG nomme le p. Zancanaro supérieur de la nouvellement créée délégation du Togo. Ses conseillers seront les pères L. Negrato et F. Gilli, régulièrement élus par les confrères. Le p. Sina, comme à consoler Zancanaro pour la perte de Cordero, annonce une liste de confrères affectés au Togo : les pères Neno Contran, Ferruccio Gobbi, Gian Battista Gobbi, Antonio Alvarez Del Pozo, José Luis Ruiz Jiménez, Claudio Crimi. Un frère aussi est promis, sans cacher la pénurie des frères sur la place. Les nominations à présent ce n’est plus l’affaire de Rome mais du délégué et son conseil.

Entre-temps, Mgr Pierre Barthélemy Hanrion, évêque de Dapaong, avait pris contact avec le p. Zancanaro pour la question d’une paroisse dans son diocèse à confier aux comboniens. Le 24 octobre 1969, l’évêque franciscain se permettait de préciser par écrit « quelques éléments de conversation » qu’il avait eus à Vogan avec le p. Zancanaro. « Aux pères de Vérone serait confiée la mission de Kandé… une région très pauvre, où l’évangélisation s’est implantée très lentement. Cependant, deux grands séminaristes sur les quatre qui sont actuellement à Ouidah, sont originaires de la mission de Kandé. Le chef-lieu de circonscription, Kandé, est à 500 kms de Lomé. Je souhaiterais - continuait l’évêque - que le responsable de la mission qui viendrait à Kandé, soit un homme ouvert et judicieux. Il devra, en effet, entrer dans une pastorale déjà élaborée depuis dix ans dans ce secteur en relation avec l’effort d’ensemble du diocèse, en particulier en ce qui concerne la catéchèse et la J.A.C., action catholique des jeunes agriculteurs ».

Déjà en 1964 l’alors préfet apostolique avait demandé les comboniens pour Dapaong. Et en écrivant au Général (26 juillet) le p. Cordero se disait favorable à une réponse positive et en donnait les raisons : on travaille très bien avec les franciscains ; les distances ne sont pas impossibles (le Togo est si petit !) ; il y aurait la possibilité d’un changement de personnel si quelque part on est mal à l’aise (les franciscains, d’ailleurs, ont leur paroisse à Lomé, tout en travaillant au nord). A présent c’est aux confrères de la délégation d’étudier la chose. Le CG finira par répondre par la négative. La décision est communiquée au p. Zancanaro par le p. Sina : « Pour le moment il ne nous paraît pas opportun d’ouvrir une mission dans un autre diocèse du Togo, tout d’abord parce que la mission serait trop éloignée de nos actuelles missions, en deuxième lieu parce que la langue est différente, et troisièmement (et celle-ci est peut-être la raison principale) nous n’avons pas de personnel suffisant pour assurer la continuité de notre travail dans un nouveau diocèse au Togo. Je suis sûr que tu comprendras que cette décision a été prise à contrecœur. Nous tous nous sommes anxieux de diffuser le royaume de Dieu, mais malheureusement à notre bonne volonté ne correspond pas toujours notre possibilité concrète ». Ce sera le p. Salvatore Calvia, alors secrétaire général, à communiquer la décision à l’évêque de Dapaong.

 

 

Visite de p. Agostoni

 

Au mois de mars 1970, le p. Agostoni vient la première fois visiter les confrères au Togo. Pendant la rencontre des confrères de la délégation avec le Général (le 20 mars 1970 à Adjido), le p. Agostoni souligna le fait qu’il fallait désormais pour le groupe combonien au Togo une unité de méthode et d’action. Il suggère pour cela des rencontres régulières (mensuelles ?). La langue est à apprendre tout de suite, avant de se lancer dans le ministère. Il faut penser aux vocations sacerdotales et religieuses, sans oublier la formation des laïcs et de l’élite. Les Documents du Chapitre de 1969  ad experimentum remplacent désormais les constitutions de 1958 et il faut les étudier ensemble, dans les communautés et en délégation, et les mettre en exécution. On parla aussi des difficultés « personnelles » de certains confrères avec l’archevêque trop facile à croire aux racontars. Déjà le p. Zancanaro avait écrit au Général pour lui relater certains cas comme celui du p. Zulianello à Tokpli et du p. Pegoraro à Aklakou. Une ouverture au nord aurait obligé l’archevêque à plus d’attention.

Et voici comment le p. Agostoni a vu le Togo la première fois : « Un aspect très manifeste de la problématique missionnaire au Togo est celui représenté par le fétichisme. Au Togo, comme dans d’autres parties de l’Afrique occidentale, c’est une religion organisée qui engage la structure même de la société. Les missionnaires n’ont peut-être jusqu’à présent pas suffisamment exploré cette forme religieuse, avec ses pratiques et sa théorie. D’ailleurs, le clergé local qui plus que les missionnaires étrangers peut pénétrer cette mentalité, n’a pas eu le moyen de le faire ni donc de présenter une pastorale adéquate. Terriblement conditionnés par la situation scolaire, avec la charge financière des écoles de la mission, l’évêque et le clergé local n’ont pas beaucoup de temps libre pour se consacrer à cet approfondissement que les missionnaires ont des difficultés à faire, du fait aussi que la majorité d’entre eux ne connaît pas la langue locale. Donc, le manque de normes claires dans la pastorale, l’insuffisante connaissance de la langue et une connaissance inadéquate de la mentalité et de la culture locale, et encore, le fait d’avoir été introduits dans le milieu togolais juste au moment du passage du système traditionnel de mission au système d’expérience africaine, tout cela a causé des difficultés à nos missionnaires au Togo et a donné lieu à quelques tensions. Tout cela il fallait le dire pour ramener à de justes proportions ces difficultés et reconnaître la bonne volonté et la générosité de nos confrères au Togo ».

Le Général fait remarquer l’existence d’un catéchuménat florissant, avec la difficulté de la formation des catéchistes et leur salaire. Il parle des œuvres sociales, du mouvement des xaveri que le p. Campochiaro avait commencé à Elavagnon, de l’œuvre du p. Grotto pour la formation des frères laïcs catéchistes… pour terminer en disant : « Tout compte fait, les missions du Togo sont parmi les plus difficiles ». (Bollettino n° 91)

 

 

Elavagnon

 

Début mars 1970, le p. Rossi, revenu au Togo, s’était installé à Elavagnon. L’archevêque aurait peut-être voulu que le père remplace le curé de Noépé qui venait de quitter pour l’Europe. Mais il accepta. Les choses n’iront pas comme prévu. Les confrères ne feront pas trésor d’une maison qui aurait pu leur servir comme lieu de repos et de ressourcement. Les confrères vont préférer le monastère des bénédictins qui est à quelques kilomètres seulement où peut-être ils se sentent plus ‘libres’. Sans tenir compte des difficultés qui vont surgir entre curé et son vicaire, le p. Gennaro Campochiaro. Elavagnon combonienne ne fera pas long feu. Après moins de trois ans, la paroisse passera de nouveau dans les mains des prêtres diocésains.

 

 

Le passage du p. Pin et difficultés personnelles

 

Alors que des nouveaux arrivent, il y en a qui quittent définitivement le Togo. C’est le cas du p. Luigi Pin, que le chroniqueur dit être arrivé au Togo le 9 avril 1969 « inattendu », sans avoir été annoncé. Le p. Luigi était venu au Togo, avec l’accord des supérieurs, pour une période de quatre ans qui aurait dû lui permettre d’étudier l’appel auquel il se sentait sollicité par le Seigneur : une vie plus pauvre, en contact avec les gens et nourrie de contemplation. Au delà de sa ‘différence’, le p. Pin avait quand même accepté de s’insérer dans une communauté combonienne et d’y travailler à peu près comme les autres confrères. Tout semblait bien marcher et voilà, tout à coup, la rupture avec le p. Negrato à Kouvé (question de policy missionnaire) qui finit par être interprétée par le p. Pin comme un signe du Seigneur. Il demandait donc de mettre fin à son séjour au Togo. Il quittait pour le Cameroun, dans une communauté de Petits frères de l’évangile de Charles de Foucauld. Le p. Sina lui écrit : « Tu dois tenir présent à l’esprit que nous ne considérons pas comme une caractéristique de notre institut une simple présence ou témoignage là où une activité d’évangélisation est possible. Nous apprécions beaucoup le témoignage et la présence chrétienne là où d’autres formes d’activité missionnaire sont impossibles, et dans les instituts qui sont appelés à cette forme de vie. Mais ce n’est pas la forme de vie à laquelle l’institut est appelé ». Le p. Pin suivra son chemin.

Mais le problème des personnes des missionnaires sera une difficulté permanente dans ce groupe de comboniens qui est le nôtre. Le p. Zancanaro écrira le 23 septembre 1970 au Général : « Nous sommes tous convaincus des difficultés de la mission au Togo. Il faut donc tout faire pour empêcher d’envoyer au Togo des individus ad experimentum, qui n’ont pas une disposition, je dirais presque naturelle, d’adaptation aux réalités du Togo. Evidemment il faut aussi de la part des plus âgés un effort plus grand de souplesse, d’adaptation aux réalités d’aujourd’hui et aux justes revendications des jeunes ».

 

 

P. Agostoni revient

 

A moins d’un an de sa première visite, le p. Agostoni revient au Togo. Une rencontre plénière avec tous les confrères se tient à Lomé le 1er mars 1971. Le Général dit que nous devrions agir avec un vrai esprit missionnaire, un peu comme un groupe de pression. Il est donc important d’agir de commun accord en trouvant des points d’action communs. Certaines difficultés dans notre travail viennent tout simplement du manque d’entente entre nous. Les problèmes pastoraux doivent être étudiés ensemble. Une réunion mensuelle pourrait répondre à ce besoin.

On revient au problème de l’initiation linguistique et culturelle. Aux nouveaux il faut donner absolument le temps d’apprendre la langue. Le p. Pazzi pourrait se charger de cet aspect. Quant aux catéchistes, « l’évêque est en train de penser à la création d’un centre catéchétique », - dit Agostoni - et donc « dans l’avenir il demandera aux comboniens un expert en catéchèse ». Quant aux Disciples de Jésus, la congrégation fondée par le p. Grotto que l’évêque voit d’un œil favorable, les idées diffèrent.

L’évêque fait une visite inattendue aux confrères. Il parle des catéchistes et de la difficulté de leur assurer une rémunération. Il faudra donc penser à des catéchistes qui ont déjà une profession ou un travail… Et même si Rome s’oriente vers des catéchistes laïcs, l’œuvre du p. Grotto est acceptée comme diocésaine, mais il reste le problème financier relatif à cette fondation. L’évêque pense de pouvoir introduire les ‘disciples’ dans la congrégation d’enseignants religieux que lui-même compte fonder. Quant aux rapports évêque-comboniens, Monseigneur a l’impression d’un malentendu : il ne peut pas accepter des initiatives qui viennent d’un individu, mais il est disponible à accepter des initiatives mûries ensemble. Dans le doyenné du sud-est : « Trouvez vous-mêmes votre méthode pastorale et suivez-la », conclut-il.

Le p. Agostoni recommande l’étude des documents capitulaires, à faire en commun. Le mieux de cette réflexion commune sera porté au prochain Chapitre général par les délégués. Le Général insiste aussi sur la prière ensemble. En tout domaine il faut procéder d’une façon fraternelle et communautaire. Et pour finir, il annonce le retour de congé du p. Pazzi, un retour qui dépend de l’évêque. Le p. Roberto se consacrera pendant deux ans à l’étude de la langue et des coutumes.

P. Pazzi à Logowomé

 

Depuis son arrivée au Togo, le p. Roberto Pazzi avait eu un œil d’attention particulier à la langue, l’histoire, les coutumes du peuple au milieu duquel le Seigneur l’avait envoyé, sans oublier évidemment sa religion. Sa présence, il la voulait simple et pauvre, au milieu des gens, en donnant plus d’importance à la contemplation qu’à l’action. Sur le modèle du petit frère Charles de Foucauld. Ce style de vie n’avait pas été facilement accepté par tous les confrères, il avait même déjà donné lieu à quelques frictions ‘fraternelles’. Début novembre 1969, le p. Pazzi était parti en congé avec l’ordre du p. Sina de ne pas passer par le Sahara avec une caravane, comme le père comptait faire, mais en avion. Il s’agissait maintenant de son retour qui rencontrait quelques difficultés de la part de l’archevêque, qui déjà en 1968 aurait voulu son départ du Togo (évidemment il ne partageait pas trop le style du père). Le p. Sina écrit au p. Zancanaro lui annonçant que le CG accepte la demande du p. Pazzi de se consacrer « pendant deux ans à l’étude de la langue, culture, religion éwé, dans l’espoir que les fruits de son travail puissent servir aux autres comboniens et à d’autres missionnaires pour un travail d’évangélisation toujours plus profond et pour une insertion de l’Eglise dans le peuple togolais ». Pendant cette période, le père sera libre de la normale activité pastorale paroissiale et il pourra rester en dehors de la communauté pour passer ses journées dans un village. « Au terme de cette période d’insertion dans le milieu à évangéliser - continue le vicaire général -, il devrait rentrer dans une de nos communautés où il pourrait s’adonner à de nouvelles expériences et formes d’apostolat qui soient toutefois compatibles avec le genre d’activité missionnaire propre à l’institut, c’est-à-dire non pas un simple témoignage, mais une activité qui soit ou déjà spécifiquement évangélisation ou qui vise à rendre possible et réalisable au plus vite l’évangélisation directe ».

Au p. Zancanaro il est demandé de se faire auprès de l’archevêque l’interprète du CG. « Si l’archevêque est d’accord, nous allons ensuite lui adresser formellement notre requête ». Chose faite le mois d’octobre 1970. « Nous avons jugé utile pour nos confrères, qu’il (le p. Pazzi) poursuive les recherches et études qu’il a entreprises sur la langue et culture éwé et mina. Nous vous proposons donc  - continue la lettre - de l’accepter à nouveau dans votre diocèse sous une forme particulière : comme missionnaire détaché pour une tâche et étude particulières, soutenu directement de notre institut pour son entretient et voyages. Pour entretenir plus facilement des contacts et relations avec toutes catégories de personnes (en particulier les représentants des cultes traditionnels qu’il voudrait bien connaître), il demande de ne pas être compté dans la liste des confrères engagés dans la pastorale diocésaine ordinaire, et nous acceptons sa demande ad experimentum pour deux ans…. Il se donnerait ainsi à la prière et à l’étude. Il exprime cependant son désir d’être invité à quelque ministère de confessions et prédication, dans la mesure et la forme que vous - par l’entremise de son supérieur de communauté - lui proposerez. En tout ce qu’il fera - conclut le p. Sina - il entend rester en communion pleine avec votre Eglise et profondément soumis à votre autorité pastorale, dans la disposition intérieure de se retirer même de votre diocèse, si un jour vous devriez juger inopportune sa présence ».

Tous les confrères, à peu près, étaient tombés d’accord sur l’opportunité de laisser le p. Pazzi continuer ses études. « Il y a qui a répliqué que certainement sa présence, son style de vie, ses expériences personnelles, tout en n’engageant nous autres préposés au travail missionnaire ordinaire, entraîneront des inconvénients… Que le p. Pazzi vienne donc et qu’il s’en tienne aux directives du CG ». Le p. Zancanaro dans sa réponse au p. Sina continue : « Je suis personnellement favorable. Mais je suis sceptique quant aux résultats positifs d’une telle expérience pour ce qui est de notre travail missionnaire, à part évidemment l’aide qu’il pourrait donner pour la langue ». Le p. Zancanaro craint les réactions de la part de l’autorité ecclésiastique. « D’après l’archevêque - écrit-il - il est impossible qu’un étranger arrive à comprendre la mentalité des africains et d’être capable de trouver des formes d’apostolat authentiquement africaines ». Et le p. Zancanaro d’ajouter : « Dans la tentative de certains missionnaires, l’autorité ecclésiastique et le clergé voient une forme de néocolonialisme missionnaire… un manque de confiance dans leur capacité intellectuelle et spirituelle. De là donc certaines réactions, certaines attitudes ». L’évêque n’est pas contre, mais il fait observer que « si vraiment le père veut rester en communion avec l’Eglise locale et se soumettre à mon autorité, c’est moi qui devrait lui donner des directives sur le travail à accomplir, car c’est moi qui connais les besoins de mon peuple ». L’évêque voudrait en parler à son clergé en vue d’éviter des ennuis et « d’après sa connaissance du caractère du père et de ses idées, il craint qu’il ne sera pas disponible à accepter certaines limites qu’il lui imposera concernant la langue à utiliser et le fait de publier des articles ».

L’évêque demandait deux mois de réflexion avant toute décision. Sa réticence venait aussi du fait (même ci cela n’a pas grand chose à voir avec notre histoire) que - selon le p. Zancanaro - on venait de lui rapporter que le p. Pin introduisait des innovations liturgiques non approuvées et que le p. Zulianello avait supprimé l’exposition du Très Saint Sacrement pendant le chapelet du mois d’octobre ( !). A Ajido chez le p. Zulianello l’archevêque avait envoyé l’abbé Anaté qui avait rudoyé le confrère qui avait quand-même de son côté un décret du Saint Siège qui interdisait de méditer le chapelet devant le Très Saint Sacrement exposé !... Terminant sa lettre, le p. Zancanaro se disait confiant sur le ‘oui’ de l’archevêque, même si un refus ne l’aurait pas surpris. Et le p. Zancanaro d’exprimer, comme conclusion, sa crainte que ces difficultés ne donnent à d’aucuns l’envie de dénigrer encore plus le Togo et les comboniens qui y travaillent !

 

 

Dans la prière et le travail

 

Le p. Pazzi revient donc au Togo. Le jour de Noël 1972, il écrit une lettre « à mon père dans le Christ Jésus, Mgr Robert Dosseh, et à mes frères dans la mission que l’Eglise nous a confiée ». « Puisque vous me demandez de vous exprimer ce que je ressens comme appel du Seigneur dans ma vie, j’essaierai de mettre par écrit sur cette feuille ce qui nourrit mon oraison en ce jour de Noël. J’ai relu avec sympathie dans l’évangile de Luc les chapitres de la préparation, et puis de la première mission des deux ‘témoins’ de la bonne nouvelle : Jean le Baptiste et Jésus. Et il me semble que, dans ma vocation missionnaire, il y a en même temps une grâce de l’un et de l’autre de ces deux témoins : comme Jean je me sens envoyé pour proclamer à ce peuple qui invoque Mawu « le baptême du repentir » (Lc 3,3), et ensemble avec Jésus je voudrais entrer dans la lutte contre le Prince des ténèbres. Je sais donc que ma vocation est constituée par ces deux grâces, de prédication et de souffrance, mais je ne sais pas encore comment et à quel moment cela se réalisera. Pour l’instant, je demeure plutôt dans l’esprit des préparations, comme Jean ‘dans la solitude’ et Jésus à Nazareth.

« C’est pourquoi je demande de m’établir seul dans un village (par exemple Logowomé, pas loin d’Afagnan, où il n’y a pas encore de communauté chrétienne), pour qu’une certaine ‘solitude’ me purifie et la vie commune avec mes frères autochtones m’enseigne leur langage, sensibilité, civilisation. Je pense, comme fr. Charles de Jésus, que ‘rester seul dans le pays est bien : on y a de l’action même sans faire grand chose, parce qu’on devient du pays’. Si mon évêque m’y envoie, je porte dans le cœur ma part de responsabilité pour l’évangélisation et sanctification de ce village : je m’engage donc à y demeurer dans la prière et le travail, dans l’espérance de nouer des rapports d’amitié avec les familles qui m’accueillent et y préparer patiemment la naissance de l’Eglise. Je pourrais encore emprunter une expression à fr. Charles de Jésus pour exprimer mon programme de vie : ‘Prie comme Jésus, autant que Jésus, faisant comme lui toujours une place très grande à la prière… Comme lui aussi, fais grande place au travail manuel, lequel n’est pas un temps ôté à la prière, mais donné à la prière. Aime Jésus de tout cœur…, et ton prochain comme toi-même pour l’amour de lui’ ».

Le père travaillera donc et en même temps il étudiera le vodugbe de la famille qui l’accueille. « Il serait clair ainsi - continue le père - aux yeux du village, que mon temps de travail se partage entre les champs et l’apprentissage d’une langue. Car je veux bien me soumettre à un travail manuel qui m’assimile à la condition des pauvres et me fait partager leur humiliation ; et en même temps je voudrais poursuivre ma recherche et mon étude de la culture de ce peuple (langue, littérature, psychologie, religion)… Je chercherai une habitation au bord du village, pour m’isoler un peu, s’il le faut, aux moments de la prière. Et dans mon habitation même j’aménagerai un oratoire, où célébrer la messe et garder le St Sacrement… Je garderai un contact constant avec mes frères de la paroisse: je me propose de les revoir régulièrement une fois par semaine… Et si un jour mon évêque devait être emmené à me retirer sa permission, je l’assure depuis ce moment que mon obéissance sera pleine et filiale ». Avec l’autorisation de l’archevêque, le p. Pazzi s’installe donc à Logowomé, le mercredi des cendres, le 7 mars 1973.

« Au début - écrit-il à Pentecôte de 1973 - ça n’a pas été facile pour mes hôtes et le village de me permettre d’aller travailler au champ de mes propres mains, et moins encore d’aller puiser mon eau. J’ai attendu alors patiemment que les préjugés tombent, mais en même temps j’ai continué fermement à tenir à ma détermination primitive : je sentais bien que cette tension était inévitable, et ma victoire aurait été le premier pas sur un long chemin qui m’attend, où il faut que je déjoue les fausses attentes que le village met sur moi, puisque je suis étranger et yevo. En dehors du temps de travail (le champ et la recherche sur le vocabulaire local, y compris les différents vodugbe), mon temps est consacré à l’adoration de l’Eucharistie et à l’étude de la bible, en vue d’une future évangélisation ». Le père sent les gens « très respectueux de ma prière, aussi bien que de mon application à la ‘lecture’ et à la notation par écrit de ce qu’ils me livrent au hasard d’une conversation, du patrimoine culturel de leurs ancêtres. Pour ma part - il continue -, je demeure silencieux, sans interférer directement dans leur vie coutumière : j’écoute toujours avec intérêt les réflexions qu’ils me font, mais je n’interviens pas, ordinairement, pour exprimer mon avis, s’il diffère du leur. Je crois devoir porter d’abord toute cette humanité, avec son charme et ses limites, dans le silence de mon cœur, par une prière ardente à l’Esprit qui illumine et sème le désir de l’évangile ».

Dix mois après son installation à Logowomé, le p. Roberto écrit aux parents et aux amis en racontant sa vie : « Les gens s’étonnent de ma façon de porter deux seaux, un dans chaque main : il est moins pénible de porter tout le poids sur la tête, comme eux sont capables de faire, mais il faut avoir un sens de l’équilibre que je peux seulement leur envier… Mes journées passent tranquilles et sereines… Mes contacts restent limités : on parle du champ, comme les paysans font partout dans le monde, ou des petits événements de la vie de tous les jours. La dépendance de Dieu est intensément ressentie, et il est spontané de terminer la conversation avec une pensée à lui. Mais quand est-ce que je pourrai leur exprimer le mystère de grâce qui fait la joie de ma vie?… Je ne leur ai jamais parlé de ma ‘religion’, mais ils savent tous que j’adore Mawu, mais aucun vaudou. Et ce qui les frappe c’est de me voir consacrer beaucoup de temps à ce culte de Dieu. Je ressens autour de moi un profond respect de cette ‘caractéristique’, et il y en a qui me disent leur estime, en se recommandant à ma prière ». Le père termine en exprimant le désir d’un compagnon : « Il est nécessaire d’être deux au moins pour célébrer ensemble le culte de Dieu, en exprimant en germe le peuple nouveau où l’on s’aime comme Jésus nous a aimé ». Ce compagnon que le père recherchait ce sera finalement une religieuse d’origine française, soeur Marie-Jeanne Ménoret de la Congrégation des religieuses  de la Sainte Famille en poste a Azové (alors Dahomey). Il y a eu échange de lettres sur le cas entre la Générale de la sœur et le p. Contran (délégué) qui définit le cas « une question qui n’a pas l’air d’être facile ». Au mois de février 1976, Mgr Dosseh viendra à Logowomé avec le curé d’Afagnan, le p. Jiménez, pour y installer sœur Marie-Jeanne Ménoret.

Intervention robuste à Vogan

 

Laissons le p. Pazzi à Logowomé, où nous le retrouverons plus tard dans notre chronique, et revenons au quotidien d’un monde qui demande parfois l’intervention robuste du missionnaire. En voici un exemple. A Vogan on avait décidé d’abandonner le vieux marché pour un nouveau. Les bokònò se sont réunis pour faire l’afa ou divination. L’afa aurait répondu que pour calmer le fétiche protecteur du vieux marché, il fallait le sacrifice de deux victimes humaines, un garçon et une fille. « Bêtement - c’est le p. Zancanaro qui raconte - le chef du village avait fait annoncer que si un garçon et une fille disparaissaient il ne fallait pas venir le déranger, car il n’y pouvait rien. En même temps, il mettait en garde les parents: il ne fallait pas laisser les enfants sortir le soir. Vous pouvez imaginer - continue le p. Zancanaro en écrivant au Général - la peur qui envahit le cœur des parents et des jeunes, des élèves en particulier, surtout que quelqu’un avait dit que le fétiche voulait un étudiant ou une étudiante ».

Cela se passait le dimanche 5 avril 1970. Le père apprenait la chose seulement le lundi. Il en parla au papa de l’archevêque, qui avait été moniteur-catéchiste toute sa vie et qui habitait à côté, et qui déclara de ne rien savoir, mais que le lendemain il serait parti chez le chef pour des explications. En vérité il n’alla pas, en prétextant que même en 1960 il avait déjà protesté pour le sacrifice d’une fille, mais qu’il n’était arrivé à rien. « Le mardi matin donc - raconte Zancanaro - j’ai demandé au frère majeur du chef qui vient toujours à l’église, ce qui se passait à Vogan. Je lui dis ce que j’ai entendu. Il me répond qu’il n’est au courant de rien étant donné que le dimanche il était à Lomé, mais que de pareilles choses ne peuvent pas se passer au Togo, qu’il posera la question au chef et puis qu’il fera annoncer que tout ce qu’on raconte est faux. Le jeudi donc on annonce qu’il est complètement faux qu’un sacrifice humain est prévu pour le nouveau marché et que quiconque en parlera encore sera arrêté. Le frère du chef ne revient pas me donner une réponse. Le dimanche 12 avril donc, après en avoir parlé à Monseigneur, je traite de l’affaire pendant l’homélie ».

A ceux qui l’ont connu, il est facile d’imaginer le ton et la figure du p. Zancanaro ce dimanche-là. Alors qu’il raconte ce qu’il sait, ne mâche pas ses mots et ne cache pas son indigna­tion, surtout devant la terreur qui envahissait l’âme des jeunes. « Je demande que les chrétiens ne se renferment pas dans un silence complice et qu’ils obtiennent des autorités un éclaircissement sur toute cette affaire », conclut Zancanaro qui termine son sermon en demandant de lui expliquer pourquoi le dimanche on avait annoncé publiquement une chose et après sa protestation on avait tout nié et pourquoi le vendredi 10 avril (le vendredi étant jour de marché à Vogan) tout le monde avait abandonné le marché avant 8 heures et demie du soir, alors que d’habitude on y restait jusqu’après minuit. La lecture de Lévitique 20,1-5 mettait fin à la sortie de Zancanaro.

 

 

Première victime : fr. Bernardo Bettani

 

Le congé est souvent attendu par le missionnaire, non pas seulement comme un moment de repos bien mérité pour reprendre des forces avant de se relancer dans le travail, mais aussi comme un moment d’authentique vie missionnaire dans le sens de l’animation de l’Eglise dont il est originaire. C’est évidemment aussi l’occasion pour se plonger dans la tendresse d’une famille humaine qui vit avec inquiétude son éloignement dans des terres qui sont ressenties comme dangereuses. Il y aurait tout un chapitre de l’histoire missionnaire à écrire concernant justement les rapports de l’apôtre qui part au loin et sa famille d’origine qui pense à lui. Les parents se laissent impliquer profondément dans la vie missionnaire de leur conjoint. Et l’éloignement finit souvent par créer de liens que la proximité ne connaît pas.

Il y a un confrère qui n’a pas connu les joies liées au congé en famille : le fr. Bernardo Bettani qui était arrivé au Togo, lui aussi en bateau, le 15 janvier 1967 et avait été affecté à Kouvé « provisoirement ». Un ‘provisoire’ qui devient, comme souvent dans la vie du missionnaire, un définitif. Les pères Radaelli et Zulianello accueillent le frère comme la manne venue du ciel : il y a tant de choses à faire à Kouvé, de l’église paroissiale aux chapelles dans les villages et jusqu’aux écoles. Le fr. Bernardo était infatigable, « grand travailleur, ingénieux et polyvalent ». Lui aussi ressent les contrecoups d’un climat difficile et du paludisme qui l’attaque. Il écrit même à sa famille que les attaques de palu se répètent, mais sans provoquer la panique chez les siens. Les années passent et lui aussi s’organise pour sa période de repos. Il est vrai qu’en ce début de 1971 à Bariano, province de Bergame, sa famille l’attend, mais avant de rentrer Bernardo voudrait achever des chantiers encore ouverts. Seulement après il prendra son congé… Et voilà que l’imprévu arrive. Il éprouve un sens persistent de fatigue au point que le docteur de l’hôpital d’Afagnan lui conseille l’hospitalisation pour des analyses. Il écrit à la famille pour lui annoncer la date de son congé : il sera à Rome le matin du 29 juin. Mais… alors qu’il est à l’hôpital, une violente hémorragie se déclenche. On commence à craindre pour la vie du frère. L’espoir semble l’emporter, quand tout à coup ses conditions s’aggravent. Dans l’après-midi du 14 juin 1971 le fr. Bernardo quitte cette terre pour entrer dans la joie de son Maître.

Avec le même avion qui aurait dû l’amener en congé, le fr. Bernardo quitte le Togo (sa famille en avait demandé le rapatriement), enfermé dans un cercueil d’acajou. Bernardo aurait eu 29 ans le 9 août suivant. C’est ainsi que le Seigneur choisissait la première victime de cette mission togolaise combonienne qui avait déjà demandé aux confrères pas mal de sacrifices. Facile d’imaginer la tristesse et la douleur de tous les confrères face à cette mort subite. A Rome on l’avait inscrit, depuis février déjà, pour qu’il participât au cours d’aggiornamento pour les frères.

Après avoir appris la triste nouvelle, le p. Agostoni écrit aux confrères sa participation à leur douleur. « C’est une douleur très ressentie même par sa famille - écrit le Général - qui au premier abord refusait de se résigner. Cette douleur grandissait le 18, quand après avoir appris les détails de sa mort, ses frères recevaient sa lettre écrite le 9, où il leur annonçait son arrivée, en accusant seulement un fort mal de tête… C’est la première victime dans la mission du Togo - continue Agostoni - et je pense qu’elle peut signifier un tournant dans l’histoire de notre mission, car le sang versé sur l’autel du sacrifice et de l’holocauste ne laisse pas indifférent le Seigneur, bien au contraire cela fait partie de son dessein comme dans toute l’histoire de l’Eglise: le sang versé a été semence de chrétiens ».

Le Général revient avec le p. Zancanaro sur le cas Bettani. « Il n’est certainement pas opportun d’attrister encore plus ceux qui ont été frappés, par une multitude de ‘et si’ ou de ‘mais’ posés post factum. Mais je suis convaincu qu’après 4 ans les vacances sont nécessaires et bien méritées, sans attendre la 5è année. Voir Bettani, voir F. Gilli. Même Cordero ne se porte pas bien, et toi je ne sais pas comment vas-tu… Tenant compte de cela, je pense que pour les années à venir il faudra renoncer à de nouvelles ouvertures, en recherchant plutôt d’envoyer plus de personnel pour permettre le congé tous les 4 ans… Le Seigneur sait ce qu’il veut : mettons notre confiance en Lui et du courage ! C’est ça la vie, cher père. Dieu nous visite avec de douces surprises et parfois avec des amères… Que le bon Dieu t’aide - conclut Agostoni - et, dans ce cas, il ne te reproche rien, comme moi d’ailleurs je n’entends attrister personne de ceux qui sont à présent au Togo ».

 

 

Nouvelle convention ?

 

A la mi-juillet le p. Agostoni écrit à Zancanaro au sujet de la nouvelle convention. Celle de 1964 avec l’archevêque ne peut plus tenir. Il faut penser à un nouveau contrat. Les conventions avec les évêques avec qui nous travaillons sont une nécessité. Le proverbe italien dit: Patti chiari ed amicizia lunga. Le Général écrit au p. Zancanaro qu’avec le personnel de la délégation (une vingtaine de confrères, même si des nouveaux sont annoncés) on ne pourra avoir plus que 6 communautés-paroisses. Dans le nouveau contrat il sera question de congé tous les 4 ans, de 30 US $ pour le fonds d’assistance aux malades (qui avait été introduit le ler janvier 1971 au niveau de tout l’institut) que l’évêque doit verser chaque année pour tout confrère, des messes qui reviennent aux religieux, des voyages qui seront payés ‘pro-rata parte’ et du viaticum, un US $ par jour. Le p. Agostoni voudrait que le contrat-convention soit signé par l’archevêque avant le congé, tout proche, du délégué (fin août). L’histoire nous apprendra combien il sera difficile de trouver une bonne entente avec l’archevêque sur certains sujets qui touchent à l’argent !...

 

 

P. Neno Contran supérieur de la délégation

 

Au mois d’août 1971, anticipant le sondage prévu pour le mois de mars de l’année suivante, en vue de l’élection du supérieur de la délégation (le p. Zancanaro doit rentrer en congé pour plusieurs mois, le p. F.Gilli doit rentrer aussi et le p. Negrato n’est pas disponible a faire le délégué), le CG invite les confrères au Togo à passer au sondage pour la nomination du délégué, avant le départ du p. Zancanaro en congé. Il s’agit, bien entendu, d’un sondage et non d’une consultation. Après le sondage, le CG nommait supérieur de délégation le p. Nazareno Contran (18 confrères sur 21 s’étaient prononcés pour lui), et cela à partir du 2 septembre 1971 et jusqu’au Chapitre de 1975, s’il plaira à Dieu. Le nouveau conseil est formé par les pères Rossi et Piotti (élus le 12 octobre). Le fr. Giancarlo Marcelli (arrivé au mois de septembre 1970) est chargé de l’économie de la délégation. Au mois de décembre, afin de remplacer le p. Piotti qui a dû rentrer en Italie rien que quelques mois après son retour au Togo à cause de maladie, on procède à l’élection d’un nouveau conseil porté à 4 membres et composé des pères Rossi, Del Pozo, Pegoraro et du fr. Santi.

L’année 1972 commence pour le Togo avec le p. Général qui, devant des nouvelles pas trop gaies, se pose la question : « Pourquoi ce petit groupe est si tourmenté ; est-ce que nous sommes en train de payer pour quelque faute ? ou alors est-ce que le Seigneur a une prédilection pour nous pour féconder notre travail au Togo ? Je pense que nous devons accepter cette souffrance continue et profonde en esprit de rédemption et de salut. C’est un fait : le fétichisme et le paganisme triomphent profondément. Et le Seigneur, lui, a besoin du sang des martyrs ; si ce n’est pas le martyre du sang, c’est le martyre si continu du corps et de l’âme de nos confrères au Togo ».

Le p. Agostoni annonce le retour au Togo du p. Radaelli (qui avait accompagné pendant la première année scolaire les scolastiques à Issy-les-Moulineaux en 1970-71, comme formateur) ; dit que le p. Grotto va mieux (c’est question de ses yeux) ; que le p. Zancanaro va revenir et que trois nouveaux confrères ont été affectés au Togo : les pères Ambrogio Piazza, Luigi Marcolongo et Giuseppe (Peppino) Basso. « Il s’agit - écrit le Général - de trois personnes robustes et j’espère qu’elles pourront supporter le climat du Togo. Il faudra aussi, comme je l’écrivais il y a quelque temps - ajoute Agostoni - que les pères revoient leur alimentation, la propreté et que le travail ne soit pas exagéré ni trop fatigant ». Et le Général de terminer sa lettre au p. Contran en lui disant : « En attendant, essaie de prier : - Rogate Dominum messis ut mittat operarios in messem suam. Et je t’en prie, le Dominum ce n’est pas moi ! Ce qui est possible nous le faisons. Toi aussi fais attention à ta santé; il n’est pas possible de faire tout ce qu’on voudrait et on devrait, en particulier dans votre situation ». Agostoni est convaincu que le Togo aurait droit à un regard de préférence pour ce qui est du personnel.

Fin juin-début juillet 1972, le p. Contran est à Rome avec les autres supérieurs provinciaux et régionaux, pour l’assemblée intercapitulaire qui devait faire le point sur l’application du Chapitre de 1969. Dans son rapport sur le Togo, le p. Contran fait encore état de la difficulté de la langue. On y dit l’opportunité de suivre un cours de méthodologie des langues de l’Afrique occidentale à Paris, pour tous les missionnaires à destination du Togo. On se réfère à Afrique et langage. « Le milieu ne supporte plus la situation du missionnaire qui n’arrive pas à se débrouiller en langue et cela est pour le missionnaire lui-même très démoralisant ».

La relation fait état aussi des difficultés de la vie en commun, pourtant appréciée de tout le monde. « Souvent - on y lit - à mettre la fraternité en crise ce ne sont pas les problèmes pastoraux, mais les petits intérêts personnels, questions d’argent ». Le problème de la vie en commun est une affaire qui ne touche évidemment pas seulement les comboniens au Togo ! Des malentendus, les tempéraments, visions théologiques différentes, situations précaires liées à la réalité du personnel, la difficile entente avec l’archevêque de la part de certains confrères… tout cela ne rend pas la vie communautaire facile. A la vie communautaire, le CG avait consacré sa lettre du 10 octobre 1970 aux confrères (Bollettino n° 92), en rappelant que le renouveau de la vie en commun était fondamental pour des « constructeurs de communautés chrétiennes » que sont les missionnaires. Il faut se donner un rythme de prière régulier, être fidèles au conseil de famille (qui deviendra ensuite ‘de communauté’) qui doit devenir une rencontre de famille et pas seulement une rencontre de programmation. Mais le problème d’une vie communautaire composée d’amis plutôt que de camarades sera toujours d’actualité…

 

 

Cours de langue

 

Du 25 septembre au 15 décembre 1972, on organise à Afagnan un cours de langue ewe et mina pour les nouveaux et pour ceux qui en veulent approfondir l’étude : 16 missionnaires y participeront, dont les comboniens pères Cadei, Radaelli, Jiménez, Gobbi, B. Gilli et l’espagnol fr. Miguel Ángel Niño Del Portillo qui, par son arrivée, venait combler le vide laissé par fr. Marcelli (qui, arrivé au Togo seulement au mois de septembre 1970, avait demandé de quitter la mission et la congrégation). Le p. Cadei était arrivé avec le fr. Niño le 8 août 1972. A diriger le cours de langue est appelé le p. Pazzi. Le p. Roberto concevait le cours de langue comme un engagement dans une communauté, plutôt qu’une simple étude. Il s’agissait, en d’autres mots, de « se faire africain avec les africains ». Maîtres du cours étaient les Disciples de Jésus du p. Grotto. Les choses ne marchèrent pas comme le p. Pazzi souhaitait, trouvant que les comboniens semblaient ‘forcés’ au cours, alors que les autres missionnaires l’avaient tellement désiré ! L’expérience avec les Disciples n’a pas été appréciée.

Un stage d’initiation ewe à la culture d’origine aja (qui comprend les langues ewe et mina) sera organisé l’année suivante de juillet à décembre. Mais là encore, pas tous les confrères seront beaux joueurs ! Car selon l’auteur de la méthode (le p. Pazzi) il s’agit bien d’un ‘jeu’ : « Pendant cinq jours on proscrit tout usage de langues connues, et on s’astreint à vivre tout l’éventail des actions quotidiennes en utilisant uniquement les expressions qu’utilisent les maîtres ». Et encore : « En excluant toute possibilité de recours aux langues connues, la nouvelle langue est sentie intensément comme le moyen indispensable de communication entre les hommes. On retrouve ainsi la puissance d’assimilation de l’enfance ». Et puis : « L’expérience prouve que pour arriver en un temps bref à une réussite pleine, l’apprentissage de la langue doit se commencer seulement en forme orale ».

Mais pas tous les confrères partagent ces belles idées et certains ne parviendront pas à surmonter le choc de ‘la méthode Pazzi’ (qui n’a pourtant pas trouvé jusqu’à présent d’alternative) et ils en seront marqués pour le reste de leur séjour togolais ! Il faudrait peut-être - noblesse oblige - faire état de l’équivoque entre le p. Pazzi et les élèves : le père voulait ‘une vie avec’, alors que les étudiants recherchaient le ‘moyen pour’. Est-ce qu’il ne s’est pas agi finalement d’un manque de réalisme de la part du père, ce qui lui a gagné beaucoup de critiques et de résultats… misérables, car la langue n’a pas été apprise par le grand nombre. Au missionnaire étudiant de langue il aurait fallu enseigner une méthode précise de comment continuer et avancer dans l’apprentissage et l’usage de la langue, une fois le cours terminé. Le plus souvent il est arrivé qu’on dise au nouveau qu’il devait continuer l’étude tout seul ! D’accord, mais comment ? C’est à ce niveau que quelque chose a fait défaut.

En 1973 on commence à réaliser le stage de langue chez les sœurs Notre-Dame des Apôtres à Agou, pas loin de Kpalimé. C’est toujours le p. Pazzi qui en assume la responsabilité. Cette année-là, le cours commença le 17 août et il se termina le 9 février de l’année suivante. Dans le bilan du stage nous lisons que « l’avis unanime de tous ceux qui ont fait l’expérience de ce stage est que la méthode mise en œuvre est bonne ». « Ce système pédagogique est bien différent de celui de l’école de type occidental - continue le p. Pazzi dans son rapport -, car il utilise la pédagogie de l’initiation africaine : pour y entrer il faut en accepter de plein cœur les exigences, qui sont austères, car ce n’est pas seulement l’étude d’une langue, mais l’apprentissage graduel de toute une forme de vie ».

Le p. Calvia écrit au délégué, toujours à propos de langue : « Le CG s’est penché sur le problème de la langue ewe qui lui tient particulièrement à cœur, et de la préparation spécifique des jeunes missionnaires au travail dans ce milieu particulier. Conscients que nous sommes de la difficulté et de la complexité du problème, il ne nous reste que de vous encourager fortement dans vos initiatives déjà en cours et de préconiser que pas seulement l’on continue à faire ce que vous faites déjà, mais que d’autres initiatives soient prises à notre niveau et au niveau diocésain. Le CG aimerait que, en plus du cours de langue pour les nouveaux, d’autres cours soient aussi organisés pour les missionnaires déjà au pays; de façon à ce que tous arrivent à utiliser normalement la langue locale pas seulement pour la liturgie, mais aussi pour la prédication ».

 

 

Inculturation

 

Avec la langue, chez l’un ou l’autre confrère est né le désir d’approfondir aussi la connaissance de la civilisation de ce peuple qui l’accueillait. C’est le cas de l’autodidacte p. Pazzi, mais aussi de p. Bruno Gilli qui pensait même de s’installer hors de communauté pour vivre au milieu des gens. Le p. Contran lui fera comprendre qu’il est d’accord sur ses études et même sur une éventuelle thèse universitaire, mais qu’il doit rester dans une communauté combonienne sans aller s’installer dans un village pendant quelques mois, dès que les distances au Togo sont minimes et les déplacements faciles. Il pourra se consacrer aux études, mais sans oublier que d’abord il faudra trouver un confrère pour le remplacer dans le travail pastoral.

Le problème avait surgit aussi avec le p. Paolo Corazza, qui avait été affecté aux études pour un cours régulier en ethnologie. Nous sommes au début de l’année 1973. Etait alors secrétaire général de l’évangélisation le p. Enrico Bartolucci, qui voyait un grand avantage pour l’institut dans la préparation qualifiée des confrères. Le p. Contran, pour sa part, ne partageait pas tout à fait le même sentiment et il aurait préféré que le p. Corazza fasse d’abord son expérience missionnaire.

 

 

Togoville

 

Au mois d’octobre 1972, le p. Grotto revient finalement du congé et passe d’Afagnan à Togoville comme curé. L’évêque avait proposé aux comboniens de se charger de Togoville dès que le missionnaire SMA qui s’en occupait se serait retiré. L’évêque avait accepté que l’on quitte Elavagnon pour Togoville. Le Général écrit à Contran que cet échange le rend heureux même, « car Elavagnon était réellement en dehors de notre réalité et géographique et pastorale. Je suis heureux aussi de l’affectation du p. Grotto… Je crois que Togoville peut devenir une paroisse ‘pilote’ où le père pourra, à l’aide des Disciples, réaliser un authentique travail pastoral ». Le p. Grotto pourra donc à Togoville s’occuper comme père maître de cette congrégation des Disciples de Jésus qu’il entendait fonder alors qu’il était à Afagnan, dans le but d’avoir des hommes consacrés comme catéchistes. Libéré d’Afagnan, le p. Francesco se jeta dans le travail de Togoville avec l’enthousiasme du néophyte, même si avec un seul œil car l’opération qu’il avait subie n’avait pas réussi. Il est secondé dans le travail par le jeune p. Sandro Cadei.

La station de Togoville avait été fondée le 3 mai 1893 par le p. J. Schäfer, pro-Préfet apostolique. A ce moment là elle était la résidence du pro-Préfet. En novembre de la même année on y ouvre une école. Déjà le p. Schäfer rêvait « de faire de cette ville sainte du fétichisme togolais, la capitale catholique du Togo ». Mais malgré ce projet, en 1896 Togoville n’est plus la résidence du pro-Préfet et en 1899 la station de Togoville est rattachée à Porto Séguro (Agbodrafo). Elle n’est pas pour autant oubliée, puisqu’en 1906 commence la construction de la maison. En 1910 la station est rouverte et l’année suivante on assiste à la bénédiction de l’église actuelle, commencée un an auparavant.

La 1ère guerre mondiale a tout stoppé pendant quelques années. Au départ des allemands, c’est les français qui les remplacent. En 1923 Togoville rouvre à nouveau, mais quelques mois après, la maladie du p. Rasser, qui la desservait et qui avait dû rentrer en France, oblige de nouveau à fermer. Ce sont les pères depuis Aného qui s’en chargeront. Tout cela laisse entendre que les gens ne répondaient pas aux attentes des missionnaires… C’est ainsi que dans un laps de temps très bref, la mission de Togoville s’est vue supprimée, refondée, rattachée ailleurs, redevenue station principale. Refondée en 1928, le siège de la quasi-paroisse de Togoville est déplacé à Vogan l’année suivante. En 1930 Togoville redevient quasi-paroisse.

En 1947, Mgr Strebler, vicaire apostolique de Lomé, est obligé à une décision grave : « Par suite de la pénurie actuelle de prêtres dans notre vicariat et devant l’obligation de supprimer autant que possible les postes à isolement… (nous décidons que) :  la quasi-paroisse de Vogan étant incapable de maintenir un prêtre résidentiel, étant donné que le comité paroissial détient, contrairement aux lois de l’Eglise, les fruits de la dernière vente de charité et ne s’occupe ni des réparations urgentes de l’église paroissiale et encore moins des salaires des maîtres et des catéchistes, de sorte que la station de Vogan est écrasée sous le lourd fardeau de ses dettes, le conseil de la mission a décidé, en sa session du 3 septembre 1947, que le district de Vogan sera partiellement attaché à Aného et partiellement à Togoville et que son prêtre résidentiel, le p. Eugène Gester, sera transféré temporairement à Togoville Tomegbé, après la réouverture des écoles, au début d’octobre. A son départ la Sainte Réserve ne sera plus conservée à Vogan ».

Comment les missionnaires voyaient les gens de Togoville ? Dans leur chronique, ils parlent de la patience si nécessaire : « Togoville n’est pas un poste facile. Il y faut de la patience et même beaucoup de patience ». Et encore, on écrit de ‘cœurs d’acier’ des gens de Togoville ! Dans le journal on peut lire : « Les enfants baptisés avant leur mort, nous en avons la certitude qu’ils s’associent au cantique éternel de l’Agneau, ce que nous sommes loin de pouvoir affirmer des adultes que nous instruisons et baptisons ensuite ». Et encore : « les catéchistes n’ont pas été fidèles parce que je n’ai pas voulu permettre qu’on fasse le catéchisme après 18h00 aux jeunes filles catéchumènes (j’avais trop souvent vu le résultat de ces catéchismes nocturnes) » (sic !).

Dans le journal on trouve d’autres réflexions sur les chrétiens qui participent aux cérémonies des fétiches, sur les maris qui dépensent leur argent en laissant à la femme les soucis des enfants, sur le mariage chrétien qui est très rarement envisagé et auquel on s’oppose même car trop engageant..., pour conclure : « Nous avons peu de ‘chrétiens’ et un grand nombre de ‘païens baptisés’ ».

 

 

Notre Dame du Lac Togo

 

Et pourtant, cela ne faisait pas encore un an que le p. Grotto s’était installé à Togoville (qui disposait de toutes les structures matérielles d’une paroisse) que l’archevêque annonçait le projet d’y introniser l’image de Notre Dame du Lac Togo, mère de la Miséricorde. Dans ses conversations avec le prof. Michelini (qui vivait avec les frères de St Jean de Dieu à Afagnan, miraculé qu’il était du frère Riccardo Pampuri) et l’évêque, l’idée était ressortie de faire de l’église paroissiale de Togoville un sanctuaire à la Vierge. En présence de tous les chefs des villages riverains du lac, l’icône dessinée par Michelini sera donc intronisée le dimanche 4 novembre 1973 : « Nous savons que de tout temps - écrit l’archevêque dans une lettre qui annonce l’intronisation - Togoville est un lieu de pèlerinage où, suivant la croyance traditionnelle et païenne, on se rend en vue de retrouver son innocence par le bain de la réconciliation et du pardon ; ce village partage avec Bê les mêmes croyances et les mêmes prérogatives, et nous savons qu’en 1892 les premiers missionnaires allemands ont consacré Bê et Amoutivé, racines de Lomé, à la Vierge Mère du Christ Sauveur. L’idée a donc germé, sous l’inspiration profonde du prof. Michelini, dans le cœur de l’équipe sacerdotale de Togoville et surtout du p. Grotto de créer un modeste sanctuaire à la Mère de Dieu, mère de Miséricorde, à Togoville même. Nous avons accueilli très favorablement ce projet et avons ordonné de le mettre en exécution ».

Le 4 novembre ce sera une fête à ne pas manquer. Elle marquera le début des pèlerinages diocésains fixés chaque année au premier week-end du mois de novembre. Mais nombreux seront les groupes, les ‘congrégations’, et les individus qui viendront se prosterner aux pieds de la Vierge du lac, pour demander des grâces et sa maternelle protection.

Mais qui était ce Ferdinando Michelini, auteur de l’icône de la Vierge de Togoville ? C’était un architecte de Milan qui aimait plutôt faire le peintre. « Il était revenu des camps nazis dans un état lamentable et souffrait périodiquement depuis des années de troubles digestifs et intestinaux imputables aux traumatisme et aux privations endurés pendant la guerre. En août 1959, alors qu’il se trouvait seul chez lui, il fut saisi d’une crise extrêmement violente qui lui fit même perdre connaissance. Revenu à lui, il appela une ambulance et se fit transporter à l’hôpital civil. Les médecins décidèrent de l’opérer d’urgence, mais il demanda que l’on remît l’intervention à plus tard ; en réalité, il voulait être hospitalisé à San Giuseppe, parce qu’il connaissait bien les frères de cet hôpital ; il avait peint pour eux un certain nombre de tableaux et, en particulier, l’un ou l’autre représentant frère Riccardo Pampuri.

« On le renvoya chez lui ; mais le 15 septembre, tandis qu’il travaillait dans son atelier, une crise encore plus forte le terrassa. Se traînant jusqu’au téléphone, il réussit à appeler les frères de St Jean de Dieu, qui accoururent immédiatement. (…) Ils l’emmenèrent tout de suite à l’hôpital, mais Michelini était convaincu qu’il n’en sortirait que dans un cercueil. Le diagnostic était de ceux qui ne laissent aucun doute : occlusion intestinale. Le frère Marchesi et l’aumônier lui suggérèrent d’invoquer le frère Riccardo. (…) Une opération fut tentée, mais sans grande chance de succès. Le docteur Terno était certain que l’architecte serait mort dans la nuit : - J’ai ouvert et refermé, dit le chirurgien ; à mon avis, il n’y a plus rien à faire. Pauvre Michelini ! Mais dans l’hôpital, toute la communauté priait. Le frère Riccardo doit être particulièrement attaché à l’hôpital San Giuseppe, puisque c’est là que débuta et s’acheva son aventure de religieux amoureux de Dieu. Toujours est-t-il que, le lendemain matin, le ‘pauvre Michelini’ était assis sur son lit, guéri et même guilleret, et demandait à manger. Lorsque le docteur Terno était entré dans la chambre du malade, il avait dit : - Prions afin que le frère Riccardo fasse un miracle. - Docteur, le miracle est accompli ! s’exclama l’artiste quand il le revit ». (C’est ce que nous lisons dans Amoureux de Dieu de A. Montonati, Roma 1982).

Depuis là, Michelini sera une singulière figure de volontaire, en allant de mission en mission, construisant des écoles, des églises, des hôpitaux, tout cela gratuitement, simplement en échange d’une assiette de soupe et d’un lit pour dormir. Les confrères qui l’ont connus (à lui nous devons les peintures des églises de Togoville, Afagnan-Gbletta et Kouvé, et de chapelles comme celle d’Agbanakin, sans compter les plans des églises de Kodjoviakopé, Afagnan, etc.) peuvent en témoigner, car il a vécu longtemps au Togo avec les Frères de St Jean de Dieu à Afagnan et disponible à travailler pour l’archidiocèse tout entier.

A partir de l’installation combonienne, la maison de Togoville deviendra, grâce à ses grands espaces et à la disponibilité fraternelle, le lieu des réunions plénières pour tous les confrères.

Aklakou et quelques observations sur le personnel

 

Le 18 avril 1973, le p. C. Pegoraro s’établit à Aklakou, gros village du sud-est togolais, dont la communauté chrétienne était jusqu’alors desservie depuis Afagnan. C’est ainsi que de gros villages, tels que Anfoin, Atoéta et Batonou sont rattachés à la nouvelle paroisse. La chapelle d’Aklakou est celle construite en terre de barre en 1911 par les missionnaires allemands. En arrivant en 1975, le p. Luigi Gambin sera affecté à cette paroisse.

 

Avec l’année 1973 surgit aussi la proposition de la part des confrères espagnols de leur confier une de nos paroisses. Dans la masse italienne, deux confrères espagnols avaient fait leur percée en 1970 : c’étaient les pères J. Luis Ruiz Jiménez et Antonio Alvarez Del Pozo arrivés fin mai 1970. La délégation allait s’entrouvrir à l’internationalité. Mais comment comprendre et vivre l’internationalité ? Le conseil refuse, car on ne peut pas accepter le principe de la constitution des paroisses sur base nationale. Les deux pères en question souhaitent aussi abréger leur séjour et prendre un congé anticipé : « ils sont fatigués et pensent inutile de prolonger le travail au-delà de la limite de tolérance ». Le p. Agostoni se dit heureux que la proposition espagnole ne soit pas passée. « Malheur à nous - écrit-il - si nous entreprenons ce chemin. Les engagements sont comboniens, ils ne sont ni italiens, ni anglais ni espagnols. Qu’un confrère espagnol ait la responsabilité de curé c’est une très bonne chose : s’il en est capable, on ne regarde en face personne ».

L’année 1973 voit l’arrivée des pères Luigi Marcolongo et Peppino Basso. Le p. Paolo Berteotti devait être du nombre, mais sa santé suggéra aux supérieurs de le détourner vers Bangui… Cette affaire de confrères affectés tout d’abord au Togo et puis détournés ailleurs va se répéter : un autre signe que la région ouest-africaine n’est pas la bonne pour tous les comboniens ! C’est ainsi que le p. Pietro Cianferoni ne sera jamais des nôtres. Le fr. Francesco Toffan devait aussi arriver au Togo. Au moment de partir, « pour des raisons personnelles », le CG est obligé de lui changer l’affectation. Il s’est laissé convaincre qu’au Togo il n’y aurait pas de travail pour lui (il est mécanicien) et que la langue, si difficile ( !) l’empêcherait de faire l’apostolat qu’il aime tant ! En 1976 ce sera le tour du p. Luis Alvarez Pérez, méxicain, détourné (heureusement ?) vers le Kenya. Mais qui va le remplacer? Le délégué essaye parfois d’accélérer l’arrivée des nouveaux sans trop prolonger le séjour linguistique parisien ou les vacances, mais ceux-ci ont leur programme, ce qui fait écrire au p. Bartolucci : « La tâche des supérieurs aujourd’hui est tout d’abord et peut être tout simplement celle de prendre acte de ceux que les sujets décident de faire ». Il est même arrivé que l’on se rende à l’aéroport pour chercher un confrère qui revient et d’apprendre qu’il a été détourné en… Egypte ! Ce fut le cas du p. Rossi qui ne reviendra au Togo que pour les célébrations du jubilé d’argent de la présence combonienne.

 


 

Deuxième Partie

OUVERTURE A L’OUESTE ET A L’EST

ET CONSOLIDATION

(1974 – 1977)

 

1973 est aussi l’année des premiers contacts pour essaimer du Togo, dans le sens d’assumer la charge de paroisses soit à l’est, le Bénin, soit à l’ouest, le Ghana. Une raison venait s’ajouter à la normalité de la chose : la menace d’expulsion des confrères d’Ouganda où régnait le sanguinaire Idi Amin Dada. Le p. Agostoni, qui en Ouganda avait exercé son apostolat missionnaire, connaissait bien la situation et commençait à se soucier surtout de la centaine de confrères qui y travaillaient et qui avaient plus que 60 ans : où les envoyer en cas d’expulsion ? Il devenait bon de prévoir un… débouché. Le Ghana pouvait devenir une chance. Finalement les choses vont s’arranger en Ouganda, mais notre délégué devait sonder les possibilités au Ghana : « Cela te demandera un peu de travail de plus - écrit Agostoni à Contran - mais je sais que tu le fais volontiers car en faisant ainsi tu deviens plus grand et plus important ». Et toujours sur ce ton amical, le Général, à la conclusion de sa lettre, écrit à Contran : « Que le Seigneur t’aide à grandir en sagesse et en grâce devant Dieu et les hommes » !

En répondant au p. Général à la fin de l’année 1973, l’évêque de Kéta résidant à Kpandu, et son auxiliaire Francis A. K. Lodonu, parlaient de confier aux comboniens la paroisse d’Abor et exprimaient le désir de voir les pères s’y installer déjà à Pâques de l’année suivante. Le p. Agostoni se dit très heureux du choix d’Abor, à 40 km de Lomé sur la route d’Accra. Mais qui envoyer? Agostoni pense à Zancanaro, « pour éviter d’avoir une chose complètement nouvelle », avec le p. Giuseppe (Joe) Rabbiosi qui lui aussi connaît déjà l’anglais pour avoir fait son scolasticat à Chicago. Mais le p. Zancanaro, comme l’autre anglophone du groupe, le p. Negrato, ont des difficultés à… recommencer. Il faudra donc attendre, pendant que les contacts avec l’évêque continuent. Finalement ce sera l’année 1975 qui verra les comboniens s’installer à Abor avec les pères Cuniberto Zeziola et Rabbiosi. Deux ans après ce sera le tour de Liati et en 1981 de Sogakopé.

C’est en 1924 que la première messe avait été célébrée à Abor. L’année suivante on bâtissait la première chapelle et une petite école. Le p. Dankers est nommé premier curé d’Abor en 1928. L’arrivée des catholiques ne plaisait pas aux protestants qui les premiers s’étaient installés à Abor. Dans le journal du p. Bond nous lisons que les catholiques « ne viennent pas à l’église, ils ne reçoivent pas les sacrements, ils sont très indifférents… Ils sont en faveur de l’Eglise catholique seulement à cause de l’école ». Ailleurs, le père écrit : «  Le denier du culte, le mariage, le catéchisme, le dimanche… ce sont des choses qui ne sont pas bien comprises ! ». Le travail ne manquera pas aux confrères…

Le n° 104 du MCCJ Bulletin annonce, parmi les décisions du CG, que « selon une ligne d’expansion qui avait été définie avec les missionnaires du Togo, le CG s’est engagé pour deux missions nouvelles au Ghana, dans le diocèse de Kéta-Ho. Ce diocèse est limitrophe avec Lomé et dans les nouvelles missions l’on parle la même langue locale, l’ewe, qui est la langue de nos missions au Togo. Elles feront partie de cette délégation ».

Quant à l’est, des contacts avaient été pris tout d’abord avec l’évêque de Lokossa au Bénin (alors encore Dahomey), qui s’était montré heureux d’accueillir des comboniens dans son diocèse, auquel il venait d’imposer le mina comme langue liturgique. Le CG avait déjà accepté l’idée d’un service dans le diocèse de Lokossa au printemps 1973. Mgr Robert Sastre (évêque de Lokossa) pendant un de ses voyages en Europe avait parlé à Rome avec Mgr B. Gantin, en service à la curie, qui en automne 1973 avait rencontré le p. Agostoni en lui disant « que ce n’est pas nécessaire que nos missionnaires gaspillent une année pour apprendre le français, mais qu’ils aillent tout de suite, ce que - continue Agostoni dans sa lettre au p. Contran - je n’ai pas pu assurer ». Le p. Nazareno écrit à Rome que l’évêque d’Atakpamé voudrait des comboniens chez lui et remarque qu’avec Mgr Sastre les missionnaires de Lyon ont quelques problèmes…

Le 31 octobre 1973, c’est au p. Calvia, secrétaire général, d’écrire au p. Contran après sa visite au Togo. Il lui dit que son rapport après la visite a été discuté en conseil et qu’on est d’accord pour Lokossa et Kéta, mais non pour Atakpamé, au moins pour l’instant. « Nous ne voudrions pas faire le pas plus long que la jambe, étant donnés les engagements déjà pris au Kenya et au Malawi et les innombrables requêtes qui nous parviennent ».

C’est finalement en 1974 que les comboniens arrivent au Bénin et tout d’abord à Lobogo. Le 21 juin Mgr Sastre accompagne les pères Contran et G. Radaelli visiter Lobogo pour leur faire connaître le lieu de la paroisse, guidée alors par l’abbé Simon Pedro Dossou. La paroisse avait été érigée canoniquement le 13 octobre 1963 et le premier prêtre résident avait été le missionnaire SMA p. Cassard. La population est évaluée à quelques dizaines de milliers de personnes, tous saxwé. La superficie de la paroisse couvre 325 km2 environ et comprend une zone de terre rouge et une de terre noire, d’accès très difficile en saison des pluies.

C’est le 1er septembre 1974 que le p. Radaelli passe du Togo au Bénin. Pendant une semaine il est à Sè avec les pères SMA Chauvin et Ramon. Il passera ensuite à Athiémé, sous demande de Mgr Sastre pour y remplacer pendant trois mois le curé, hospitalisé à Afagnan. A Lobogo, finalement, le p. Radaelli s’installe le 22 décembre 1974 avec le p. Gándara. Les deux premiers mois ils avaient fait une tournée de toute la paroisse avec les religieuses et les catéchistes afin de mobiliser tous les chrétiens à devenir apôtres !

En 1978 ce sera le tour de Bopa de passer dans les mains des comboniens. Si à présent Bopa est « en déclin » - comme s’amuse à dire p. Peppino - dans le passé le village avait été un centre commercial important. Avant nous, c’était le missionnaire SMA p. Arthur Chauvin le curé : il avait passé au Bénin 40 ans de sa vie !

L’ouverture au Bénin devenait possible du fait du nombre de nouveaux confrères arrivés dans la délégation en 1974. Il s’agissait de deux espagnols, les pères Juan José Fenollé Tenias et Senén Mandianes Gándara, et de 5 italiens, les pères Rabbiosi Giuseppe, Lo Valvo Francesco, Grassi Ambrogio, Piazza Ambrogio et Zeziola Cuniberto. C’est ce dernier, arrivé à la fin de cette année-là, qui va être curé et supérieur à Abor.

Avant de continuer notre ‘récit’, arrêtons-nous un moment pour mieux situer notre arrivée au Ghana et au Bénin.

 

 

Le Ghana et Rollings

 

Il sera le premier pays de l’Afrique noire à obtenir l’indépendance en 1957, conduit par des leaders charismatiques comme J.B. Danquah (élite protestante) et surtout Kwame Nkrumah (catholique). Mais la mégalomanie de Nkrumah, qui se croyait un ‘messie politique’ (Osagyefo : « notre sauveur » !), et son radicalisme suscitera beaucoup d’opposition et son régime sera renversé en 1966 par un complot militaire. Le Général Ankrah prend le pouvoir. En 1969 est proclamée la IIe république et Edward Akufo-Addo devient président. En 1981, un putsch du lieutenant Jerry Rawlings essaye de mettre fin à cette longue période d’instabilité. Mais sa politique ‘nationaliste’ conduira le pays vers une impasse économique. En 1992, il profite des ‘vents de la démocratie’ qui soufflent dans la région pour instaurer la démocratie. Il convoque des élections et est élu président. Le pays s’ouvre aux investissements étrangers. Rawlings est réélu en 1996. En 2000 John Kufuor, du parti de l’opposition (NPP), est élu président, et reconduit dans les élections de décembre 2004. Le Ghana est devenu un ‘bon exemple’ de réussite démocratique et économique.

Le Ghana est la principale nation chrétienne de l’Afrique de l’Ouest (plus de 60% de baptisés). L’évangélisation avait trouvé un terrain fertile, grâce à une bonne coopération entre les autorités administratives et les églises. Les premiers missionnaires catholiques étaient de la Société des Missions Africaines (SMA), remplacés par les SVD en 1940. Le premier évêque noir du Ghana sera Joseph Bowers, SVD, devenu évêque d’Accra en 1953.

Le Ghana compte aujourd’hui 18 diocèses. Le centre irradiateur de la présence catholique a été Cape Coast, siège archiépiscopal depuis 1960. L’archevêque de Cape Coast, Peter Appiah Turkson, a été créé cardinal en 2003.

L’évangélisation du nord commencera plus tard, promue par les Pères Blancs, parmi les dagaaba. Le P. McCoy en sera le grand apôtre. Petit à petit, y surgira une vivante communauté catholique, très féconde en vocations sacerdotales et religieuses (plus que au sud). Pour cela, en 1977 Rome va créer la province ecclésiastique du nord du Ghana, à Tamale, avec Mgr. Peter Poreku Dery comme archevêque. Dery est le premier chrétien, le premier prêtre (1951) et le premier évêque (Wa, 1960) du peuple dagaaba. Il sera un grand pasteur qui promouvra l’indigénisation de la liturgie. En 2006, déjà retiré, il sera nommé cardinal. Peter Kwasi Sarpong, archevêque de Kumasi, ira continuer ce travail d’inculturation du christianisme.

Au fur des années, l’Eglise catholique a su se former une bonne base populaire, grâce surtout aux écoles (élémentaires). Graduellement, elle assume un rôle prépondérant dans la vie de la nation, même si les catholiques représentent seulement le 15% environ. Pendant les années ’80, il y a eu des tensions dans les rapports de l’Eglise avec le gouvernement (malgré que le président, Rollings et beaucoup de ministres étaient catholiques). L’hebdomadaire catholique, Catholic Standard, fut suspendu, à cause de ses positions critiques vis-à-vis du gouvernement. Il reprit la publication en 1992. Le grand défi aujourd’hui sont les sectes (‘églises indépendantes’, pentecôtistes) qui représentent la moitié des chrétiens (30% de la population).

La présence combonienne pendant 25 ans se limitera à Volta Region, à l’est du fleuve Volta, région qui faisait partie du Togo allemand, de culture et langue ewe. Abor et Liati appartenaient au diocèse de Ho, conduite par Mgr. Francis Lodonou. Avec la division du diocèse et la passation de Liati en 1994, nous nous sommes retrouvés dans le nouvel diocèse de Keta-Akatsi (Abor, Sogakope-Adidome), confié à Mgr. Anthony Adanuty. Ce sera seulement en 1999 qu’on décidera d’ouvrir à Accra en vue d’une présence plus ‘visible’ dans le pays, en fonction de l’A.M.

 

 

Le Bénin et Kérékou

 

Ancienne colonie française, le Bénin est devenu indépendant en 1960. En 1972, un coup d’Etat portait au pouvoir au Dahomey un jeune officier nommé Mathieu Kérékou, mettant ainsi un terme à douze années d’instabilité politique, durant lesquelles le pays s’était illustré par les formules de gouvernement les plus originales, allant du directoire militaire au triumvirat présidentiel. Le pouvoir militaire qui s’installe éloigne les civils du pouvoir, prononce une radicalisation de l’espace politique à travers l’option marxiste-léniniste et entraîne une ‘stabilité politique’ garantie par les armes, la condamnation à mort par contumace des opposants réduits à l’exil, la terreur politique systématisée… Le commandant Kérékou était considéré par les purs et les durs du putsch comme une personnalité sans envergure. Et voilà que le ‘fantassin’ se transmue en homme fort du régime. Devenu maître à bord du navire de la révolution, le camarade-président remanie son gouvernement selon son humeur. Ainsi, quelques citoyens se découvraient ministres en écoutant par hasard à la radio la liste d’un nouveau gouvernement concocté par Kérekou au cours d’une sieste paranoïaque… Kérékou passera, avec une indubitable sincérité, du dilettan­tisme révolutionnaire à l’orthodoxie marxiste, avec l’indispensable costume Mao comme signe distinctif et marque de fabrique.

Dix-sept années s’écouleront, durant lesquelles le Dahomey, devenu Bénin en 1976, sera isolé du monde ‘impérialiste’, replié sur un destin où l’inexorabilité du déclin était devenu l’unique repère pour comprendre la marche de cette révolution. Dix-sept années d’un pseudo-marxisme mâtiné de corruption, générateur d’abus divers, de camps de torture, de misère, de dégradation morale, une jeunesse sacrifiée sur l’autel d’une ‘école nouvelle’ pourvoyeuse d’handicapés intellectuels, ainsi qu’ils furent désignés plus tard, à l’issue de cette singulière tragédie.

En 1990, lors de la conférence nationale qui mettra fin à ce régime, Kérékou, dans un ultime sursaut, s’exclamera : « Pardonnez-nous… ». Et, reniant un peu plus encore le bréviaire marxiste et athée, il ajoutera : « Nous avons gouverné contre Dieu, et Il nous a punis… ». Cette conférence des forces vives de la nation ira bien au-delà de toutes les prévisions. Ayant échappé à toutes les stratégies et programmations, cette assemblée entraînera, bien malgré Kérékou, une totale prise du pouvoir par le peuple, un véritable processus de démocratisation, le surgissement d’un nouveau système de vie, la naissance du ‘modèle béninois’.

C’est Mgr I. de Sousa qui sera appelé à présider la conférence nationale et la période de transition. L’Eglise catholique interviendra pour accompagner le processus de démocratisation. A rappeler la lettre des évêques Au service du relèvement de notre Pays pour le carême de l’an de grâce 1990. « La démocratie nécessite un long apprentissage qu’aucun peuple n’a encore réussi à maîtriser parfaitement - écrivent les évêques. L’Eglise n’a jamais donné un assentiment réel au parti unique à cause de sa tendance au camouflage de la vérité, de son glissement conscient ou inconscient vers la dictature ». Et quant aux maux dont la société souffre, les évêques signalent dans l’administration : « ‘la débrouillardise’, la combine, le favoritisme, le népotisme, les privilèges, les passe-droits, la jalousie qui a souvent recours aux pratiques occultes pour nuire ou pour se protéger ». Et ils continuent en dénonçant tout ce qui ne va pas dans la politique, au plan financier (manque de rigueur dans la gestion, la gabegie, les détournements), au plan économique, social, culturel. Au plan religieux « la prolifération de sectes ou de mouvements dont le but inavoué est la volonté de puissance ou la soif d’argent ». Les évêques terminent en rappelant que l’exercice du pouvoir politique doit se baser sur l’esprit de service et que « l’Etat est fait pour l’homme et non l’homme pour l’Etat ».

Nicéphore Soglo deviendra premier ministre et aux présidentielles de 1991, il sera élu président. Battu, Kérékou se retirera et fort d’une amnistie inscrite dans la nouvelle constitution, mènera une vie tranquille sous le ciel de Cotonou. En janvier 1996, il annoncera sa candidature. Le silence qu’il avait observé lui a permis de renouveler son mystère, dans un pays où l’irrationnel et l’incantation sont de puissants paramètres. Au mois de mars, il sera élu président et placera résolument son mandat, après le marxisme et au-delà du renouveau démocratique, « sous la protection de Dieu ». Il sera reconduit en 2001. Un héros typiquement béninois, même si… la branche ne se cassera pas dans les bras du Caméléon !

 

 

10 ans de présence

 

L’année 1974 marque aussi le 10ème anniversaire de l’arrivée des premiers comboniens au Togo. Le p. Contran trouvait normal de s’arrêter un moment pour réfléchir sur le travail accompli et sur le « comment ». Un très joli questionnaire sera donc préparé pour tous les confrères en vue d’opérer une révision communautaire. Le Général voudrait participer à cette rencontre spéciale. Le p. Contran envoie le questionnaire à tous les confrères, mais il ne cache pas l’impression « que nous sommes peu nombreux à croire à l’utilité de ce questionnaire, qui devrait nous permettre de mettre nos idées en commun ainsi que nos difficultés ; même ceci peut être un signe de la nécessité d’un tel questionnaire ». Des réponses à ce questionnaire il n’est resté aucune trace… même si chaque confrère était invité à répondre personnellement ou en communauté aux 56 questions posées ! L’occasion était donnée à tous de partager certaines réflexions sur le travail accompli. Les questions concernaient la vie combonienne (la prière, l’obéissance, la pauvreté), la connaissance du milieu et les rapports humains, les œuvres matérielles et le travail apostolique (pastorale, catéchistes, etc.).

Le p. Agostoni vint assister à la réunion générale commémorative qui eut lieu à Togoville. Au mois de septembre 1974, toujours à l’occasion d’une rencontre générale à Togoville, le conseil de délégation est renouvelé : les pères Jiménez, Pegoraro et Cadei en font partie, avec le fr. Santi. Le p. Jiménez remplacera comme délégué le p. Contran qui va bientôt partir en congé. Parti en bateau début octobre, le p . Contran arrivera finalement en Italie après 53 jours de navigation !

 

 

P. Pegoraro au Chapitre

 

L’année 1975 se caractérise par la célébration du XIè Chapitre général. A représenter les confrères de la délégation est élu le p. C. Pegoraro. Dans sa relation au Chapitre nous lisons : « L’effort majeur a été fait dans le domaine de l’évangélisation. On a ouvert des catéchuménats et des lieux de prière dans tous les centres les plus importants. Catéchistes, volontaires, chefs de communauté existent un peu partout. Les problèmes pastoraux sont là : pastorale de masse ou de petits groupes ? Comment animer les communautés ecclésiales ? Quoi faire avec les écoles et les élèves ? Comment arriver à une collaboration avec les autres forces missionnaires et le clergé local ?

« Ces problèmes-ci et d’autres encore nous placent en état de recherche continue, nous poussent à unir nos forces, à nous confronter avec la Parole. Les principaux obstacles à l’évangélisation sont le fétichisme et la polygamie. Le premier très répandu et organisé, est un phénomène unique en Afrique et imprègne toute la vie. Le Togo - continue le rapport - comme d’ailleurs d’autres pays en Afrique, recherche son autonomie politique, économique et culturelle de l’occident. Le missionnaire étranger doit savoir apprécier ce que de positif il y a dans ce mouvement, s’abstenir de faire de la politique, en laissant l’initiative à l’Eglise locale ». Et quant au nom de la délégation du Togo, on demande si elle ne pourrait pas être baptisée « Région du Bénin ».

 

 

Eyadéma toujours !

 

Le moment est venu de reprendre un moment le fil de l’histoire politique du Togo d’où nous l’avions laissé. Le 15 avril 1967, le lieutenant-colonel Eyadéma suspendait la constitution et renvoyait l’assemblée nationale pour « éviter les affrontements sanglants et les déchirements dans lesquels le Togo eut perdu son âme ».

Pour la suite, le pays semble connaître une certaine prospérité, grâce aussi à l’aide extérieure européenne, en particulier allemande. Le 27 Avril 1968 le port de Lomé est inauguré, financé par l’Allemagne. Un climat de paix et concorde semble rétabli, au point que le général Eyadéma envisage d’abandonner le pouvoir, en rentrant à la caserne et en proposant la reprise des activités politiques, en vue d’aboutir à des élections libres et démocratiques. Un coup monté ? L’histoire s’en chargera. En attendant, la population descend dans la rue, manifeste et demande au général de rester à la tête des ‘affaires’. C’est ‘la comédie’ qui commence et qui va durer des décennies : chaque fois que le général pense à sa retraite, le peuple descend dans la rue pour… ‘hosanner’ le chef. L’idole se construit si solidement que le moment venu de lui tourner le dos, on n’y pourra rien ! Le chroniqueur de Kodjoviakopé, déjà le 4 décembre 1967 notait : « Pas de classe l’après-midi ; les élèves sont sur la route pour recevoir le nouveau général Eyadéma venant du Gabon ». Ce rite va se perpétuer : le chef ne bougera plus sans que les foules se mettent en branle. ‘L’animation’ - comme on l’appelle - va devenir, année après année, le moyen le plus populaire pour idolâtrer le président. Et l’idole sera là jusqu’au 5 février 2005, même si au tournant des événements elle avait  perdu de son éclat…

Au mois de mai 1969 les partis encore existants sont dissous et le 30 août suivant c’est le fameux appel de Kpalimé : « Cette politique de paix qui recueille votre unanime assentiment ne doit pas être une œuvre éphémère et fragile… Elle doit être pérennisée dans un vaste mouvement, un regroupement général qui unit définitivement tous les fils du pays. Il ne s’agira pas d’un parti où triompheront, comme jadis, la haine, les règlements de compte, les divisions, les luttes d’hégémonie, les intérêts personnels, mais un seul et véritable creuset national où viendront se fondre les forces vitales de ce pays… Il sera le haut lieu d’un dialogue libre et démocratique, assurant la participation réelle de chaque citoyen à l’œuvre de paix politique ». Cette longue citation pour nous aider à comprendre… l’abîme politique dans lequel le Togo va s’engouffrer avec la création du RPT (Rassemblement du Peuple Togolais).

Au mois de septembre 1971, le général Eyadéma annonce que sa mission est terminée, et voilà une avalanche de lettres et de protestations. Le 9 janvier 1972, notre chroniqueur note encore : « Referendum populaire pour consacrer le général Eyadéma président de la République ». Il est élu avec seulement… 99,87 % des suffrages ! Le 24 janvier 1974 c’est ‘le miracle’ de Sarakawa : de l’appareil qui s’était écrasé au sol tuant les deux pilotes français, le président était sorti indemne (ou presque). Cela aussi fait partie du mythe… Jamais l’accusation n’a été formulée, mais le doigt fut pointé contre certains ‘phosphatiers’ qui craignaient la nationalisation de la plus importante richesse minière du pays (pour une bonne partie localisée dans le territoire de la paroisse de Vogan). Le 2 février suivant, Eyadéma annonce que l’état prend l’intégralité des actions de la compagnie togolaise des mines du Bénin. C’est l’affirmation de l’indépendance économique. En 1975, Eyadéma est proclamé héros national.

 

 

Authenticité

 

« Une campagne pour l’authenticité, analogue à celle conduite au Zaïre par le président Mobutu, se développe marquée notamment par l’abandon (non obligatoire) des prénoms chrétiens », nous lisons chez R. Cornevin auteur de Le Togo: des origines à nos jours. Parmi les missionnaires il y en a qui disent que la campagne d’authenticité vint certainement faire reculer un certain mouvement de conversion qui semblait se dessiner. Déjà en 1972 on avait cru que le décret de dissolution de tous les mouvements et associations de jeunesse autres que la J.R.P.T. (Jeunesse du Rassemblement du Peuple Togolais) aurait entraîné la dissolution des associations de jeunesse à caractère confessionnel. Qu’est-ce qu’il en sera maintenant de « l’identité chrétienne » ?

La conférence épiscopale du Togo était intervenue dans l’affaire. « Depuis quelque temps - écrivent les évêques togolais dans une lettre aux chrétiens datée du 20 septembre 1974 - vous êtes confrontés au vent d’authenticité qui souffle non seulement dans le pays, mais aussi un peu partout en Afrique. Ce mouvement se traduit comme vous le savez par ‘le retour ou simplement le recours’ aux valeurs traditionnelles de l’Afrique et la tendance à rejeter ce qui est étranger… C’est un fait incontestable que la colonisation subie par nos pays africains avait jeté un certain discrédit sur nos valeurs traditionnelles considérées comme non-valeurs. Ainsi, du temps de la colonisation ne paraissaient ‘civilisés que ceux qui semblaient les plus éloignés des coutumes africaines’ et avaient adopté les mœurs du colonisateur, bref ceux qui étaient le moins eux-mêmes. Nos pays étant devenus indépendants, il est normal que nous aspirions à redevenir nous-mêmes. Cette profonde aspiration est légitime et rencontre les encouragements de l’Eglise, pourvu qu’elle ne se traduise pas par le mépris des autres. Il faut reconnaître que la recherche de l’authenticité, la volonté d’un peuple à être lui-même, à refuser d’être uniquement un être ou un personnage d’emprunt est quelque chose de sain. A ce niveau, nous rejoignons en profondeur les préoccupations et l’effort de l’Afrique pour se remettre debout dans sa véritable identité. Assurément, dans cette recherche de nous-mêmes qui est bonne, il peut se glisser un danger : celui de croire que tout ce qui est étranger est mauvais et que tout ce qui est du pays est bon. Il nous faudrait donc un certain sens critique ».

Et les évêques de rappeler que les bonnes choses de la science « ne sont plus le monopole d’un peuple : c’est le bien de toute l’humanité. Ce n’est pas parce que cela vient de l’extérieur que ce n’est pas bon pour nous ». Et de continuer : « Il en va pareillement dans tous les autres domaines. Un homme qui, par sa sagesse, ses vertus humaines, morales ou religieuses, s’est éminemment distingué, devient un modèle non seulement pour ses compatriotes, mais aussi pour tous les hommes de bonne volonté. C’est dans ce sens que s’applique le mot du philosophe : - Je suis homme, et rien de ce qui est vraiment humain ne m’est étranger (Térence l’Africain). Ainsi en est-il aussi dans l’Eglise ».

Les évêques parlent des saints que « l’Eglise honore comme tels et les propose à l’imitation de ses fidèles, non pas parce qu’ils sont de telle ou telle nationalité, mais parce qu’ils ont laissé un exemple de vie chrétienne à suivre ». Et les évêques de citer St Cyprien, St Augustin - ego africanus, moi l’africain aimait-il à s’exclamer - les saints de l’Afrique du Nord et de l’Ethiopie chrétienne, sont d’authentiques africains et sont la gloire de ‘l’Eglise venue d’orient en Afrique au début du 2è siècle, voire à la fin du 1er. Les martyrs de l’Ouganda sont d’authentiques africains que l’Eglise honore et propose à l’imitation non seulement des africains, mais des chrétiens du monde entier. Un américain, un européen peut donc avoir pour patron St Kizito, St Lwanga et porter son nom. Mais le nom chrétien n’empêche pas celui qui le porte d’être de son pays, ni d’être un bon chrétien, ni même un bon militant. Ainsi, depuis des siècles, l’Eglise a coutume de proposer à ses fidèles des noms de saints de n’importe quelle nationalité… A tous ceux qu’elle engendre par le baptême à la vie nouvelle dans le Christ, dans son amour maternel, l’Eglise suggère donc des noms chrétiens, des noms des saints, et cela nullement par esprit de domination. Ce nom chrétien c’est le baptisé lui-même qui, librement, mais avec sérieux le choisit, ou bien ce sont ses parents qui le choisissent pour lui. L’Eglise n’a jamais imposé à personne un nom contre son gré ni celui de ses parents ».

Dans l’action concrète, chacun essaya là encore d’agir d’après sa sensibilité. On retrouva le sens chrétien de noms traditionnellement donnés aux enfants, par ex. Mawuena pour Dieudonné, Fafa, Akofa, Ahuefa pour Irène ou Irénée, Dzigbodi ou Adodo pour Patience. Les évêques continuent en écrivant : « Dans tout cela, la valeur à sauvegarder c’est la possibilité pour tous et pour chacun de conserver ou de changer le nom de son choix sans pour cela que l’on se sente suspecté, mal vu, mésestimé, voire inquiété par qui que ce soit : dans sa déclaration le président de la République lui-même a eu soin de préciser qu’il s’agissait d’une décision personnelle, qu’il ne renonçait pas à sa foi, et qu’une telle décision n’engageait que lui seul ». En terminant leur lettre les évêques invitent leurs prêtres à administrer le baptême sous le nom choisi par les intéressés ou par leurs parents, dans le cadre des libertés et des possibilités que l’Eglise offre.

Mais le vrai problème (sans vouloir attribuer à cette question des noms plus d’importance qu’elle ne mérite) fut peut-être compris par un petit nombre seulement, qui reprochait à l’archevêque trop de condescendance avec le pouvoir : « Est-ce qu’il est permis dans la société togolaise d’être chrétien et de le manifester publiquement en s’affirmant, si nécessaire, différent ? ». Des abbés tels que Antoine Kouto, Pierre Dovi N’Danu-Alipui et Denis Amouzu-Dzakpah qui mettaient en doute la politique de l’authenticité prônée par le pouvoir, furent dénoncés et conduits au camp militaire de Tokoin. Il semblerait que, loin d’assurer leur défense, Mgr Dosseh se mit dans la toge de Ponce Pilate en les abandonnant aux griffes du pouvoir (l’abbé Amouzou sera fessé devant son évêque !). Dans la foulée, Mgr Dosseh adopta lui-même un prénom ‘authentique’, celui de Tonyui, ce qui veut dire ‘le bon Père’. Finalement même la question des noms chrétiens s’estompera petit à petit, jusqu’à nier qu’elle avait été imposée…, mais après avoir créé beaucoup de problèmes à… l’état civil ! C’est ainsi que des décennies après, des contrôles d’identité continuent à se répéter…

Le Togo devient région

 

Le 1er octobre 1975, le p. Contran est muté « temporairement » à la province italienne. Des problèmes avaient surgi à Nigrizia  et le p. Neno était l’homme de la situation : il y avait déjà travaillé avant de venir au Togo. Il faudra donc penser à un nouveau délégué, au plutôt à un régional, car la réalité de la délégation permettait désormais de devenir région. Le 22 octobre 1975, un sondage est organisé par Rome. Deux sont les questions posées : est-tu d’accord sur l’érection de ta délégation à région ? Quel nom suggères-tu pour la nouvelle région ? Le résultat était escompté : la nouvelle région s’appellera région du Togo. Le p. Jiménez en est le supérieur en tant que remplaçant du délégué et en attendant la nomination d’un régional à tous les effets.

Le 17 décembre 1975, se tient à Togoville une réunion de tous les confrères. On y parle du questionnaire du XIè Chapitre général et puis des suggestions sont faites. Plusieurs confrères (surtout les derniers arrivés) demandent la possibilité de mettre en pratique la communion des biens : notre engagement évangélique de pauvreté devrait arriver à aider les missions pauvres. On constate aussi une dégradation dans les relations avec l’Eglise locale, l’Etat et le milieu. Est-ce qu’une commission ne pourrait pas se pencher sur ce problème ? On voudrait aussi rencontrer le p. Luneau de l’Institut Catholique de Paris (il sera à Cotonou) pour parler avec lui de polygamie, religion traditionnelle, culture, évangélisation. On sent que les confrères veulent être des ‘professionnels’ dans le domaine qui est le leur.

Du 23 au 24 mars 1976, se tient à Togoville la première assemblée régionale. Etant la première, il est bon de s’y arrêter un peu longuement. Y assistent deux conseillers généraux, le p. Charles Walter et le Fr. Massignani. Sont présents les pères Negrato, Tenias, Gambin Cadei, Gobbi, Lo Valvo, Basso, Radaelli, Grassi, Pegoraro, Marcolongo, Zancanaro, Re, Petrogalli, Jané, Zeziola, Zulianello, Grotto, Piazza, Jiménez, Rabbiosi. Pas de frère ! Modérateur : p. Jiménez. Secrétaires : les pères Marcolongo et Gobbi. Ordre du jour : rapport général du travail confié aux trois commissions formées à l’occasion de la rencontre du 3 février précédent, sur le rôle du missionnaire dans l’Eglise locale.

La commission du secteur religieux-pastoral présente son rapport. Quant aux relations avec l’évêque, on dit le malaise concernant le peu de clarté dans le domaine de l’aide économique (qui a conduit à des tensions) et on dénonce le manque de directives au plan pastoral. Mais on reconnaît que si l’évêque a coupé son aide, en disant que les comboniens peuvent « se débrouiller », cela est dû aussi à la manière de gérer l’argent de la part de certains confrères qui donnent l’impression d’être « une puissance économique ». Il faudrait donc qu’il y ait d’abord plus d’entente entre les comboniens, alors on pourra discuter avec l’évêque. Sans jamais oublier que « si Rome est éternelle, l’Afrique l’est aussi ». On souhaite que l’archevêque fasse des visites régulières aux paroisses et qu’il rencontre les missionnaires.

Quant aux rapports avec le clergé local, on reconnaît de la part de tous qu’ils sont superficiels. On constate qu’il y a des prêtres diocésains qui « envahissent » nos paroisses pour y administrer des sacrements sans préavis. Des rapports plus profonds nous faciliteraient la compréhension des gens au service desquels nous travaillons. On souhaite des rencontres au niveau du doyenné (le sud-est où toutes nos paroisses au Togo, exceptée Kodjoviakopé, sont basées) qui pourraient intensifier les relations personnelles (« savoir perdre du temps avec »). La divergence d’opinions sur tel ou tel événement ne devrait jamais empêcher une attitude de respect et prudence. Il faut apprendre à collaborer avec la communauté apostolique en rencontrant régulièrement les collaborateurs (catéchistes, dont on dit qu’il faut intensifier la formation, comité paroissial, religieuses…). Quant aux catéchistes, il faut insister sur le bénévolat et leur prise en charge de la part de la communauté où ils travaillent.

La commission ‘politique’ exprime aussi le résultat de ses travaux. La politique est changeante. Le p. Walter insiste sur la nécessité d’une connaissance approfondie de la situation, ce qui peut se réaliser seulement en réfléchissant. Des choix ‘politiques’ s’imposent, mais dans le sens de respecter la sensibilité des gens, de sensibiliser l’Eglise locale, sans lui voler sa place, et ‘savoir attendre’. Nos prises de position doivent être partagées avec les forces apostoliques locales et en accord avec l’évêque. Il faut risquer, en se mettant du côté des plus pauvres, ce qui signifie revoir notre attitude et notre style de vie au milieu de ce peuple que nous essayons de servir (« souffrir avec lui »). Est-ce que nous acceptons le risque d’une prise de position en faveur des pauvres, de la justice et de la liberté ?

Quant à la commission économique, elle n’avait pas pu se réunir. Il était donc bon de se référer aux documents du Chapitre de 1969. Avant de parler de l’aide aux autres - dit le p. Peppino - il est bon de s’accorder sur une aide réciproque entre nous. Un confrère fait remarquer qu’avant d’arriver à une certaine « communion » souhaitée par le Chapitre, il est nécessaire de « mettre en commun » nos idées et projets, sans tuer l’initiative personnelle, au contraire en la stimulant vers un perfectionnement. Le p. Walter parle de la nécessité d’une transparence économique (mise par écrit) à l’intérieur du groupe, dans les rapports avec les amis de l’étranger et l’évêque.

Les deux conseillers généraux parlent aux confrères de la réunification entre les comboniens de la branche italienne et allemande. Un referendum pour la réunification est prévu : deux tiers des confrères doivent se prononcer favorablement pour que la réunification ait lieu.

On approuve le principe que les 4 conseillers (après élection du régional) seront choisis comme représentants de ‘zone’, entendue comme diocèse, à suffrage universel. Le p. Walter dit qu’il faut un confrère chargé de la formation permanente dans la région, qui tiendra aussi les contacts avec la DG pour la coordination. Il faut être fidèles au ‘conseil de famille’ (conseil de communauté) comme occasion de mise en commun des réflexions et sereine confrontation sur les petites choses de tous les jours, comme étude des documents du Chapitre et comme rencontre prolongée de la communauté dans la prière.

L’après midi du 24 a été consacré au frère combonien. On a parlé des frères qui ont travaillé dans la région. Unanime l’appréciation de leur travail. On fait mémoire et éloge du fr. Bettani. Mais au Togo il n’y a plus de frère ! Il faut donc préciser au CG la requête de frères pour le Togo au sens pratique, chargés des travaux et ouverts à la pastorale. Il ne faudra pas les décourager avant leur arrivée : c’est vrai que le climat est dur, mais pas impossible !

Le 6 avril, c’est le dépouillement des bulletins par le CR du sondage en vue de l’élection du premier supérieur régional : le choix s’est porté sur la personne du p. Cesare Pegoraro. Le p. Felice Centis, nouveau secrétaire général, envoie en date 17 avril la notification officielle de la nomination du p. Pegoraro comme supérieur régional de la part du CG. Le 12 mai 1976 les confrères se retrouvent à Adjido. On lit la lettre de nomination officielle du p. Pegoraro à régional. On passe à l’élection du conseil, qui sera formé par les pères Radaelli, Zeziola, Jiménez et Basso. Le conseil fait sa première réunion le même jour et élit le vice-régional dans la personne de p. Jiménez, élection confirmée par Rome le 22 mai. Le conseil confirme aussi le p. Basso économe régional.

Le Général en écrivant sa première lettre au nouveau régional pour l’encourager (ce n’était pas facile pour le p. Cesare d’accepter la tâche !), lui annonce que le p. Cadei sera retenu pour le scolasticat de Paris, mais il sera très bien remplacé dans la région par le p. Vittorio Moretto. « Que le Seigneur te bénisse, - se termine la lettre - qu’il te donne sa miséricorde, te révèle son visage, qu’il te donne paix et santé ! ».

 

 

Sacre de Mgr Kpodzro

 

Un événement important pour l’Eglise au Togo en ce 1976, c’est la nomination de Mgr Philippe Fanoko Kpodzro comme évêque d’Atakpamé. Le 3 janvier il avait été nommé évêque titulaire de Bacanaria et administrateur apostolique de plein siège d’Atakpamé, en rempla­cement de Mgr Bernard Ogouki Atakpah, réticent à l’égard du régime. Le général Eyadéma s’efforça d’imposer le choix de l’abbé Bléwusi. La nomination de Kpodzro prit rapidement une tournure de personne et une allure ethno-politique, au point que l’ordination épiscopale a été en tout point mouvementée.

Les cérémonies de sacre devaient avoir lieu à Atakpamé au siège épiscopal. Mais voilà que devant des menaces, de plus en plus graves, d’empêcher à tout prix l’ordination (la veille du sacre, le 1er mai, un défilé de travailleurs aux ordres du pouvoir saccagea les préparatifs de la cérémonie !), la célébration fut transférée nuitamment, à la dernière minute, à Lomé dans l’église St Augustin d’Amoutivé. Déjà la presse officielle titrait à la une que le sacre n’avait pas eu lieu. Par contre le sacre a bien eu lieu au petit matin du 2 mai 1976 en l’église St Augustin d’Amoutivé, envahie quelques minutes plus tard par des forces de… désordre dirigées par le capitaine Kao-Kao. Le p. Re était là et fit sa part comme… défenseur contre la profanation, le vandalisme et la violence des assaillants ! La cérémonie avait pu se dérouler comme prévu le 2 mai, grâce à une extraordinaire mobilisation des fidèles et au soutien matériel des nana-benz. Mgr Dosseh ne jugea pas utile de condamner publiquement ces actes ni le projet d’expédition punitive contre le clergé de Lomé prévue pour la nuit du 23 au 24 mai 1976 et éventée in extremis. Des chrétiens sont arrivés à se poser la question de savoir si, au hasard, le prélat, à l’instar de certains prêtres vaudou, ne faisait-t-il pas partie de l’establishment religieux du régime.

Kpodzro vivra 4 ans à Lomé, en dirigeant de loin son diocèse dans la mesure du possible. Après bien de tractations, parfois rocambolesques, le prélat fut autorisé à rentrer en catimini dans son diocèse.

Du 15 avril 1978 est la réponse du CG à une requête de l’évêque d’Atakpamé d’avoir des comboniens pour son diocèse. La chose est possible à une seule condition : que Mgr Dosseh renonce à des confrères pour les donner à Atakpamé. Rien donc ne se fera.

En 1991, alors que le Togo est à la recherche d’une voie démocratique, c’est à Mgr Kpodzro que l’on s’adressera : il est choisi comme président de la Conférence nationale et, celle-ci terminée, comme président du HCR, le parlement de transition. Mais là encore, un jour, en pleine assemblée, alors que les parlementaires avaient voté la dissolution du RPT, l’évêque-président, fut séquestré pendant des heures et subit l’humiliation que l’on connaît.

 

 

Régularité du CR

 

Dans sa rencontre du 21 juin 1976, le CR se penche sur plusieurs points. D’abord sur le rôle des conseillers. Jusqu’à présent l’existence d’un conseil était plutôt formelle. A partir de maintenant, le conseil se réunira au complet et régulièrement comme prévu par les documents des Chapitres de 1969 et 1975. On souligne l’importance de la fraternité combonienne qui se construit autour de la prière, du dialogue (conseil de famille) et de la communion des biens. Des rencontres des communautés voisines sont souhaitées (dès que les communautés sont… microscopiques !) et la raison de notre présence au Togo est rappelée : l’évangélisation. Il faudra réfléchir ensemble et personnellement aux documents du Chapitre de 1975 (Les Comboniens dans la mission aujourd’hui) et à l’Evangelii nuntiandi de Paul VI. On souligne l’importance de la formation permanente (c’est la première fois ?). Il faudra penser au Directoire de la région et le faire approuver, comme prévu par le Chapitre de 1975.

Pour atteindre ces buts, le CR propose la création de 4 commissions qui, en partie, sont déjà là : spiritualité et vie communautaire ; catéchèse et pastorale ; initiation à la mission et formation permanente ; économie. Une commission est proposée pour le Directoire. Pour une meilleure coordination chaque commission fera référence à un conseiller. Dans l’ordre : Zeziola, Radaelli, Jiménez et Basso. Le CR se réunira tous les deux mois, en parcourant les différentes communautés. Le p. Peppino sera le rapporteur-secrétaire du conseil car il faudra envoyer à Rome les p.v. Il faut se conformer au Chapitre de 1975 et donc « toute communauté, même petite, aura un supérieur juridiquement nommé ». Les curés seront donc les supérieurs aussi (si le contraire n’est pas dit explicitement). Il faudra donc passer aux accords avec l’évêque pour la nomination du supérieur-curé d’Adjido, Togoville, Vogan et Aklakou. Les réunions plénières continueront à se tenir à Togoville tous les deux mois.

 

 

‘La Voix du Togo’

 

Le CR tombe d’accord aussi sur la publication d’un bulletin de liaison interne. Il s’appellera Voce della regione del Togo (ce qui deviendra  plus tard La Voix du Togo) et paraît en… italien, langue courante de toute réunion des confrères, même de ceux qui ne la connaissent pas nécessairement, dont le n° 1 porte la date de juin ’76. On cherche un rédacteur ou responsable : ce sera le p. Pierino Re.

Le n° 8 de la Voce qui porte la date de juin ’78 se posera la question de la langue. A cette époque-là, 20 étaient les confrères italiens, 4 les portugais et 4 les espagnols. « Nous sommes tous convaincus que la loi de l’internationalité ne doit pas empêcher de s’entendre. Grâce à ce principe, au Togo et Bénin, les membres des trois groupes s’entendent ‘officiellement’ en français, même si avec quelque rechute dans la langue maternelle. A partir du même principe, au Ghana un confrère espagnol devrait saluer et dire beaucoup d’autres choses en anglais à un combonien italien. Le tour est long et en se fondant sur le principe de l’épargne d’énergie, souvent l’on préfère le raccourci. Les italiens, par exemple, sont ‘fascinés’ par l’idée que tous comprennent leur langue, car la congrégation l’a instillée en tous avec son ‘lait’. Et puis, ce n’est pas évident que notre apport au français ou à l’anglais... soit déterminant pour l’évolution de ces langues ! Donc, la Voce della Regione del Togo doit donner espace au libre génie linguistique de chacun (sortir donc avec des textes en italien, espagnol et portugais) ou adopter les deux langues nationales (français et anglais) ? Pour trancher la question, un espagnol a suggéré le latin, langue qui au Togo n’est pas encore considérée morte. Mais alors, qui nous libérerait des ‘maccheroni’?».

La réaction ne se fait pas attendre. Le p. A. do Vale rappelle que la langue officielle de la région est le français et que nous aurons de moins en moins de confrères parlant l’italien. Et il propose donc que notre bulletin soit publié en français, comme tous les autres documents officiels qui nous sont adressés. Il propose que ce soit le CR à prendre en charge le bulletin. Et le p. Neno de répondre, en se disant d’accord et en citant Colette : « C’est une langue bien difficile que le français. A peine écrit-on depuis 45 ans, que l’on commence à s’en apercevoir ».

Pierino Re, le rédacteur, intervient aussi dans le débat. Il rappelle que la Voce est tiré à 100 exemplaires dont 40 sont envoyés à la province d’Italie, 25 aux confrères de la région, etc. « Un journal doit se faire lire - écrit-il - ; s’il est illisible, inutile de l’imprimer !… En français, combien de lecteurs te comprendraient ?».

Quelques années s’écouleront encore avant que le français ne s’impose. Mais nous n’aurons certainement gagnés beaucoup de lecteurs en dehors de notre cercle, alors que nous aurons perdu la fraîcheur et la bonne humeur qui caractérisaient les premiers exemplaires. Le n° 9, août 78, sort comme Région du Togo et le n° 12, août 1979, comme La Voix du conseil  du Togo. A partir du n° 13, novembre 1979, le premier après le Chapitre, alors que le Togo est devenu lui aussi province, le bulletin s’appellera La Voix du Togo. Comment donc informer les confrères de ce qui se passe dans le groupe combonien ? « On me dit - écrit Contran dans  le n° 11 de la Région du Togo - parfois avec des raisons solides, que la façon de renseigner les confrères sur les événements de la région n’est pas ‘orthodoxe’. Je conviens que parfois je n’ai pas été adroit dans mon métier. Cependant les choses ne sont pas si simples. Il arrive que les nouvelles officielles n’aient pas d’attrait ; les non-officielles sont les vraies ; les secrètes tout le monde les connaît à l’avance. Si quelqu’un dispose d’un remède efficace, il n’a qu’à l’indiquer. A tout cela il faut ajouter l’élément ‘impondérabilité’ »…

Mais qui sera le rédacteur en chef du bulletin ? On demande la collaboration de tous, car il devrait s’appuyer sur la participation de tout un chacun. Mais demandés d’écrire quelque chose, il y en a qui s’excusent en disant qu’ils manquent de temps (ce qui souvent n’est pas le cas !) ; d’autres qu’ils sont incapables (et souvent il ne s’agit pas de vraie humilité !) ; d’autres encore qu’ils ne savent quoi écrire (une forme d’astuce !). Ainsi c’est un confrère (le provincial ou quelqu’un qui lui est proche, aussi têtu que lui !) qui fait paraître La Voix. On veut sourire ? Neno cite une conférence de p. Leonzio Bano pendant le ‘Cours Comboni 1980’ : Deux ou trois mois après la mort de Comboni, le p. Sembianti écrit à don Losi pour avoir des nouvelles de l’évêque défunt. Don Losi répondit : « Vous me demandez du matériel pour une biographie du pauvre Mgr Comboni. Tout en me creusant la cervelle je ne trouve rien pour vous faire plaisir, soit parce que le célèbre défunt était le plus souvent en Europe et ici je n’ai été avec lui que peu de temps, soit parce que l’on sait que tout en étant un prodige envoyé par Dieu pour ressusciter, replanter et fournir cette mission, il n’a ensuite pas été égal à la conduire : je crois donc chose meilleure pour l’honneur du défunt de s’arrêter à la première partie ». Combien il resterait tout penaud aujourd’hui don Losi à voir que son refus de collaboration n’a pas été chanceux !

 

 

1976 : faits divers

 

Le 28 juin 1976, après que le p. Cadei a quitté le 24, le p. Marcolongo passe d’Aklakou à Adjido pour ne pas laisser le p. Lo Valvo seul. Fin juillet, le p. Jiménez revient au volant de sa voiture après le terrible accident avec le tracteur qui lui avait cassé le bassin.

Le 9 juillet, dans la rencontre générale à Togoville, on procède à la formation des groupes par thèmes : prière, pastorale, formation permanente, économico-social et directoire. Le cours de langue se fera à Agou, chez les Sœurs Notre Dame des Apôtres, et la responsabilité est confiée à p. Tenias. La méthode reste celle préparée par le p. Pazzi.

Le 6 septembre, il y a encore une rencontre à Togoville, où toute commission ou groupe fait son compte rendu des activités. La commission ‘catéchèse et pastorale’ présente comme exemple à suivre l’expérience de Lokossa, où des parents font la catéchèse dans leur maison ou quartier. Le catéchiste titulaire devient alors l’animateur de tous ces volontaires. Mais le problème de la formation des titulaires reste et il faut l’intensifier. En parlant de prière, tous reconnaissent qu’il faut faire plus et mieux. On est loin des temps fixés par les documents du Chapitre de 1975 !

1976 est aussi l’année de la sécheresse. Vogan et Kouvé ont dû acheter plusieurs camions d’eau pour les confrères et les gens. Il y a aussi manque de ciment, mais chacun se débrouille et ainsi la construction du Royaume va de pair avec celle de chapelles, écoles, chambres pour les confrères, etc. C’est aussi l’année où finalement l’archevêque nomme curé de Kodjoviakopé le p. Gobbi qui était arrivé à Lomé en 1970.

Le 7 mars à la rencontre de Togoville est officiellement annoncé que le 11 mars les pères Rabbiosi et Petrogalli prendront en charge la paroisse de Liati (de préférence à Sogakopé), selon le désir de l’évêque. Si des difficultés vont se présenter, comme prévu, les pères s’installeront le 1er avril ou même après. Le régional relate aussi son voyage à Nairobi, où une rencontre a traité de la communauté. On y a dit que les comptes personnels cassent la communion. En ce qui est de l’économie, il faut tenir double comptabilité : paroisse et communauté.

Le fait d’avoir un supérieur dans chaque communauté ne suffit pas à résoudre les problèmes et les conflits entre missionnaires, entre missionnaires et l’évêque et entre missionnaires et les gens. Le cas le plus difficile a été peut-être celui qui s’était créé à Adjido avec le p. Lo Valvo, de rupture entre le confrère et le comité, ce qui amena l’archevêque à proposer la mutation du père comme vicaire économe à Togoville, dans l’attente du retour de congé du p. Grotto, curé, et la nomination du p. Peppino comme curé d’Adjido. Finalement rien ne se fera. Mais cela dit le climat de difficulté qui pouvait régner à cause d’une certaine inexpérience dans le contact avec les gens. Il fallait être plus souples ! Et l’idée commence à pointer de passer Adjido au clergé local.

Le problème de la composition des communauté (avec quelles personnes) est un problème qui tourmente l’esprit de tout responsable. Le p. Pegoraro ne fait pas mystère de la difficulté de vivre ensemble (alors que la plus grande partie des communautés n’est composée que de deux confrères !). Même à Lobogo les deux espagnols, les pères Senén Gándara et Jané Coca Ramon, semblent heureux de vivre séparés. Sans compter le p. Radaelli qui voudrait vivre seul. Ou le missionnaire qui fait opposition à l’arrivée d’un confrère dans sa communauté (« si lui viens, je quitte ! ») ou l’autre qui rend la vie communautaire problématique et donc chacun fait vie à part... Sans compter les cas d’incompatibilité, ce qui amène à des changements de communauté non programmés. Même le retour en région du p. Depaoli fera problème (on ne pouvait pas le remettre à Adjido où des difficultés se posaient encore). Ou le p. Zeziola particulièrement pointilleux. Sans compter le p. Pazzi qui revient du congé le 28 juillet 1976, après un voyage de trois semaines dans le désert, et qui rêve toujours de la possibilité de vivre comme ermite. Le p. Pegoraro a certainement été de ceux régionaux qui n’ont eu aucune difficulté à céder leur place à d’autres, le moment venu ! Mais après avoir porté leur charge jusqu’au bout.

L’année 1976 se termine par l’arrivée au Togo du fr. Fernando García Acedo, espagnol. Le frère est affecté à l’Ethiopie, mais le visa tarde à venir. La requête de frères au Togo est grande et nombreux sont ceux qui les convoitent. Provisoirement le frère sera au Togo. Mais le Ghana le réclame aussi, le p. Zeziola et l’évêque de Kéta in primis. Mais il sera surtout à Afagnan. Enthousiaste et disponible, le frère laissera une très bonne impression de lui. Il aura même droit à sa petite aventure : alors qu’il se préparait a rentrer au mois d’août 1977 du Bénin à Afagnan, par le fleuve Mono, il fut arrêté avant la traversée du fleuve. N’ayant pas sur lui ses papiers, il a été conduit d’abord à Lokossa, et puis à Cotonou pour identification. Un jour de prison et puis une semaine un peu spéciale avant d’être renvoyé au Togo. Il quittera le 14 février 1978 pour sa chère Ethiopie avec beaucoup de regrets.

 

 

1977 : coup d’état au Bénin... et d’autres !

 

L’année 1977 s’ouvre avec le coup d’état au Bénin. Les rumeurs les plus folles avaient courues, même celle de l’emprisonnement des confrères. Il n’en était rien, mais à l’évêque de Lokossa ne sera pas épargnée l’expérience de la prison, même si pour deux semaines seulement.

L’année 1977 voit l’arrivée au Togo le 15 janvier  du p. Paolo Corazza et du fr. Virginio Negrin. Le p. Corazza s’était entendu avec les supérieurs pour pouvoir se consacrer à des études d’anthropologie. Mais ici on insistait afin qu’il fasse d’abord son expérience missionnaire, un peu comme cela avait été le cas pour le p. B. Gilli. La langue est un élément important pour pénétrer le milieu, sans compter le scandale que pourrait causer aux chrétiens un père qui voudrait entrer dans le milieu vaudou.

Le fr. Negrin venait, lui, du Mexique et c’était le frère que tant de fois on avait demandé au CG pour achever l’église de Kodjoviakopé. Le frère s’était offert volontiers dès que l’église attendait depuis des années la main d’un bon architecte constructeur. Mais il lui faudra un assistant pour le français que le frère ne connaît pas et dont il n’arrivera jamais à se servir. Les travaux achevés, le frère serait reparti au Mexique qui volontiers donnait au Togo ce coup de main.

Le 31 janvier c’est le p. Jiménez qui quitte, appelé en Espagne pour l’AM et la PV, celle des frères en particulier. Le père avait eu un accident à Afagnan avec le tracteur qui lui avait cassé le bassin. Cela poussait aussi à le faire rentrer au pays, mais c’était surtout la situation du personnel en Espagne qui le réclamait. Il aurait été remplacé par le p. Antonio Arbor.

Le p. Jiménez était conseiller et vice-régional. Il fallait donc penser à son remplacement. A cette décision on était arrivé après dialogue entre l’intéressé et les supérieurs. Tout cela est attesté par l’échange de lettres et par les rapports du CR. A ce propos il est paisible de rapporter une remarque faite par le p. Pietro Tiboni, conseiller général, chargé des relations entre le Togo et le CG. Il écrit : « Cher Basso (le secrétaire du conseil, chargé de rédiger les rapports, ndr) tu vois quelles difficultés je rencontre à citer ton p.v.; les autres ‘secrétaires’ sont plus ordonnés que toi ! Mais en même temps tu es plus brillant et si tu fais l’effort d’être plus ordonné, n’enlève pas des p.v. les nouvelles et les remarques amusantes. Pendant la consulta nous aimons rire comme de petits fous alors que nous abordons de choses trop sérieuses » (23 nov. 1976).

On passe donc à l’élection de p. Zancanaro comme quatrième conseiller pour remplacer Jiménez et on procède à son élection comme vice-régional. Mais le CG n’est pas d’accord sur la procédure, considérée irrégulière. Le vote délibératif est requis à ce sujet et donc le CR doit être au complet. Un conseiller est absent (c’est le p. Radaelli en congé en Italie) et il fallait appeler au conseil, ad modum actus, un confrère pour avoir le plenum nécessaire. Il s’agit de se conformer aux documents capitulaires. Et puis, trois seules signatures se trouvent dans le p.v. Donc, tout en n’ayant aucune objection contre « l’élu », il faudra procéder de nouveau. A l’occasion de leur rencontre à Togoville, consacrée au dialogue communautaire, les confrères élisent le p. Tenias en remplacement de Radaelli dans le CR. Le conseil élit et le CG approuve l’élection le 21 mai et nomme le p. A. Zancanaro vice-régional du Togo.

Toujours à l’occasion de la rencontre du 2 mai 1977 à Togoville, les confrères avaient soulevé aussi le problème du retour en famille en cas de maladie ou de mort des parents et celui de l’opportunité de transporter la dépouille mortelle d’un confrère dans sa patrie d’origine en cas de décès. Le rédacteur de La voce della regione del Togo avait défini le débat ‘inutile’. Ce qui provoqua la réaction écrite de p. Pazzi. « Je pense que le lieu de sépulture de nous, les missionnaires, ne soit pas sans importance - écrit le père -. Je me souviens de l’impression éprouvée, en arrivant au Togo, à la visite du cimetière d’Adjido. Au centre, près d’une croix, j’ai trouvé deux rangées de tombes toutes égales, avec les noms de premiers missionnaires allemands décédés dans la mission déjà à la fin du siècle passé. En revenant plus tard sur ces tombes, j’ai remarqué combien les chrétiens autochtones les vénèrent, et quel sens elles ont pour leur foi. Pour ma part, je pense que pour le missionnaire soit une belle grâce de pouvoir donner le sceau de sa prédication avec sa mort au sein de la jeune Eglise à laquelle il s’est consacré et de recevoir d’elle la sépulture et un bout de terre où reposer à côté de ses frères dans la foi, dans l’attente de ressusciter avec eux ».

 

 

Liati : « Felix culpa » !

 

Le 1er avril 1977 finalement les confrères arrivent à Liati, notre deuxième paroisse au Ghana. Il s’agit des pères Rabbiosi et Petrogalli. Les deux confrères étaient arrivés à Kpandu, accompagné du p. Villarino le matin, en rencontrant les curés et les missionnaires des paroisses voisines. A la rencontre avait participé aussi l’évêque. Dans l’après midi, tous accompagnent les pères à la nouvelle paroisse. Grande liesse dans l’accueil, selon la coutume, et présentation de dons et échange de vœux. L’enthousiasme et la joie étaient au rendez-vous, à la grande satisfaction de l’évêque qui voyait réalisée sa promesse aux fidèles de Liati. Etonnement de la part des gens qui écoutent les pères parler un peu en éwé : les derniers missionnaires à parler la langue avaient été les SVD allemands 50 ans auparavant ! En effet, Liati c’est une ancienne mission, fondée en 1902. L’évêque en profita pour recommander aux pères de ne plus prêcher en anglais, mais en éwé. La maison qui devait accueillir les confrères manquait même de l’essentiel : l’eau potable, le filtre, le frigo, le moyen de transport… mais tout sera vite arrangé. Le 3 avril c’était le dimanche des Rameaux : c’est par la semaine sainte que les confrères ont commencé leur travail à Liati. Rien que trois semaines après, le p. Petrogalli est obligé de quitter à cause de la maladie de son papa, mais il reviendra vite.

Un deuxième engagement au Ghana était prévu depuis que des contacts avaient été établis entre le CG et l’évêque de Kéta. Le CG penchait pour une division d’Abor, soucieux que les confrères soient proches pour pouvoir se retrouver, échanger, prier... Mais l’évêque avait son idée. Mgr A. Konings avait donné sa démission comme évêque de Kéta depuis mai 1976, et il avait été remplacé par son vicaire général, l’évêque Francis A. K. Lodonu qui avait été officiellement intronisé le 15 août. Le 2 novembre il s’adressait à p. Agostoni en lui exposant la situation de son diocèse où il y a de vastes paroisses dont 4 au moins sans prêtre. Parmi elles, Liati. L’évêque voudrait que les comboniens y aillent vite et il supplie le p. Général de lui envoyer dans un bref délai jusqu’à… 10 nouveaux confrères prêtres ! Il demande aussi des frères : il faut déplacer la résidence de l’évêque de Kpandu à Ho et tout est à construire. Les confrères au Ghana et le CR avaient longuement traité le sujet. Personne n’était contre l’idée de l’évêque qui penchait pour Liati plutôt que pour Sogakopé comme division d’Abor.

Le secrétaire général, le p. Felice Centis, au nom du Général répond le 5 décembre à la lettre de l’évêque. Et c’est là qu’un malentendu se glisse. Le p. Centis écrit que c’est au p. Pegoraro de voir, en accord avec lui, si prendre Liati plutôt que Sogakopé (il aurait dû écrire Anlogan). Mais on ne peut assurer d’autre personnel. Mais le vicaire général, le p. Peano, essaye de réduire les dégâts et il propose que notre permanence à Liati se réduise à 2-3 ans maximum pour revenir au partage d’Abor. « Heureuse équivoque - répond le p. Cesare au p. Peano - sans compter que toute faute n’est pas pour nuire. Et puis, si faute il y a eu, il est normal qu’à payer soit celui qui l’a faite. Je crois que dans le cas de Liati il s’agit d’une faute providentielle. Nos confrères en effet ont à présent l’opportunité de rencontrer l’évêque chaque semaine et de nous faire connaître. Et les gens sont très, très heureux des pères Rabbiosi et Petrogalli ».

Deux mois ne se sont pas encore écoulés depuis l’arrivée des missionnaires à Liati que le Général demande le p. Rabbiosi pour l’AM au Canada : le pays nécessite du français et de l’anglais (le père connaît les deux langues) et il serait remplacé par le p. Angelo Confalonieri. Ce qui provoque tout naturellement la réaction et de l’intéressé et du CR et quelques malentendus, presque un casus belli. Le p. Pegoraro écrit embarrassé au Général : « Le p. Rabbiosi demande de pouvoir achever sa première période de mission qui expire l’année prochaine. Et puis, de ma part je ne saurais comment communiquer la chose à l’évêque Lodonu qui a voulu que nous prenions à tout prix Liati, dont Joe est au moment le seul responsable, dès que Petrogalli est depuis deux mois en Italie à cause de la maladie de son papa. L’évêque ne comprendrait pas et les rapports deviendraient insoutenables et nous devrions penser à quitter son diocèse ». Une fois encore, tout va s’arranger et le p. Rabbiosi ne quittera qu’au terme de son premier séjour dans la région et non pour le Canada mais pour les Etats-Unis. Il sera appelé au scolasticat de Chicago pour seconder le p. Fornasari. Mais tout cela nous dit une fois de plus la difficulté liée au personnel, difficulté qui risque chaque fois de brouiller les rapports entre le CG et les supérieurs provinciaux ou régionaux ou de créer des malentendus. Agostoni écrira même : «  Je voudrais rappeler le conseil à plus de sérieux et d’attention à la réception des documents de la DG ». Et encore : « Si pour l’institut il était nécessaire d’anticiper son départ, chacun a le devoir d’obéir. J’espère que le conseil soit réellement élément de communion entre les confrères et la direction générale et ne serve pas comme élément de division ».

 

 

En marche vers le Chapitre spécial de 1979

 

Le 31 juillet arrive au Togo le fr. Annico Meloni. Il vient pour diriger le centre d’apprentissage d’Afagnan. Le frère ne restera pas longtemps car au mois de novembre il est déjà en Italie pour assister sa maman gravement malade et il sera finalement retenu à Vérone, affecté au Centre pour les confrères malades. Ainsi le Togo faisait cadeau à l’Italie d’un confrère bien préparé à travailler avec les confrères âgés ou malades ! Le p. Grassi le remplacera magnifiquement à Afagnan.

L’année 1977 voit aussi les confrères occupés à l’étude des nouvelles constitutions de la congrégation. Au mois d’août c’est le p. Tiboni, conseiller général, qui vient aider les confrères à bien réaliser ce travail. Il arrive le 5 août et il visite toutes les communautés à partir du Ghana. Le 12 août il rencontre tous les confrères à Adjido. Le travail qui nous est demandé est d’abord un travail personnel, mais qui doit continuer en communauté et en assemblée. Une commission servira à stimuler le travail de tous (avec des réunions par zone) et à préparer l’assemblée régionale. Des réunions générales sont aussi prévues dans ce but. Le deuxième point touché par le p. Tiboni est celui de l’individualisme qu’il faut corriger, car l’Eglise nous propose un chemin essentiellement communautaire (voir Evangelii nuntiandi). Finalement on a abordé le dernier point, celui de la formation permanente qui est devenu la priorité des priorités : il faut être en permanente attitude de conversion à la Parole vivante du Seigneur. Le renouvellement doit être continu. Et on termine la rencontre en priant pour que l’on arrive à des choix vers l’immense camp de travail apostolique que représente l’Asie. Le p. Tiboni rentre à Rome le 19 août en portant avec lui nos désirs, nos difficultés et les besoins de notre région.

Le 1er novembre, le p. Général écrit à tous les supérieurs provinciaux et régionaux à propos de la consultation pour la nomination des provinciaux et régionaux et l’élection des conseillers, qui doit se faire un an avant le Chapitre général, dont l’ouverture est prévue pour le 22 juin 1979. Ce sera un Chapitre spécial, celui de la réunification entre les deux branches de comboniens qui s’étaient séparés après la première guerre mondiale. Les nominations des provinciaux et régionaux devront se faire au plus grand tard le 1er juillet 1978. La campagne électorale est lancée au Togo, avec un sondage qui se fera à l’occasion de la rencontre générale du 9 janvier 1978. Le nouveau conseil prend la relève à partir du 1er juillet 1978.

Le 19 décembre le CR tient sa rencontre, la dernière de l’année. Le fr. Alfredo do Rosario est affecté à Togoville, p. Capelli à Abor et p. Moretto à Adjido. On y parle aussi du CEG d’Adjido : l’évêque insiste, mais les confrères disent leur indisponibilité. Ils trouvent le milieu du CEG très politicisé et soulignent la difficulté d’une vraie collaboration avec le personnel enseignant. On pose aussi des critères pour la réalisation de projets de chapelles : qu’il y ait une vraie communauté chrétienne, que les gens participent largement aux dépenses et que la communauté combonienne du lieu soit d’accord.

L’année 1977 se termine par le départ en catastrophe de Lobogo du p. Senén Gándara. Cela va accélérer le processus pour ouvrir une deuxième communauté au Bénin, avec un responsable du groupe qui sera aussi l’animateur des personnes et des communautés. Ce qui se fera au cours de l’année suivante. En rentrant de son congé, le p. Peppino ira au Bénin. Après quelque temps à Lobogo, au mois de mai il s’installera à 8 km, à Bopa, sur le lac Axémé, dans l’attente de l’arrivée d’un deuxième confrère, le p. Aurelio (Elio) Boscaini, un rescapé du Burundi et qui, affecté à la région, avait exprimé le désir de travailler au Bénin.

Les confrères éprouvent aussi le besoin d’une formation plus combonienne. Chaque année la retraite était organisée par l’archevêque et tous les confrères devaient se réunir avec le clergé local. Pourquoi ne pas avoir quelque chose de combonien ? Le p. Piergiorgio Prandina, secrétaire général de la formation, se rend disponible. La session se tint du 28 au 30 mars 1978 à Togoville et fut considérée une trois jours de prière. Tout le monde se dit content et désireux de répéter l’expérience. La bonne volonté d’une formation permanente était dans le cœur de tous. Le p. Piergiorgio gardera un bon souvenir des confrères, mais un moins bon souvenir du climat : trop chaud et humide d’après lui.

 


 

Troisième Partie

P. CONTRAN REGIONAL ET PROVINCIAL

(1978 - 1984)

 

L’année 1978 s’ouvre avec le sondage fait à Togoville en vue de l’élection du supérieur régional. Sur 21 bulletins valides, 11 étaient pour le p. Nazareno Contran, qui était alors à Nigrizia. On passe donc à l’élection. Le nom du p. Contran n’aura pas de problème à s’imposer dès le premier tour, dans la joie de tout le monde et plus particulièrement du p. Pegoraro. Le CG dans sa séance du 31 mars 1978 nomme le p. Nazareno Contran supérieur régional du Togo. Il entrera en charge le 1er juillet suivant. A lui de créer de vraies communautés et une réalité régionale qui fait défaut. La lettre officielle du Général qui affecte le p. Contran de la province italienne au Togo (à partir du 1er juillet) porte la date du 8 juin. Le p. Agostoni se dit convaincu que le p. Contran aidera surtout les confrères à vivre en toute authenticité une vie de personnes consacrées au Seigneur pour la mission, réunis en vraies communautés qui donnent témoignage de vie profondément chrétienne. Agostoni remercie Contran du travail accompli avec patience à Nigrizia pour l’approcher de l’idéal prévu. En lui présentant les meilleurs vœux pour le travail qui l’attend, Agostoni écrit : « Toute mission a ses problèmes, ses difficultés ; ce qui compte dans la vie, plus que de résoudre des problèmes, c’est de savoir les aborder avec foi, courage et un certain optimisme, que tu possèdes habituellement ». Le régional aura son siège dans la communauté de Lomé, à Kodjoviakopé, ce qui facilitera la rencontre avec les confrères.

Le p. Contran est heureux de son retour au Togo. Il ne cache pas sa joie de voir tant de confrères affectés à la province, en pensant au temps des ‘vaches maigres’ ! En 1978, en effet, sont arrivés les pères José Pereira, A. Boscaini, A. Arbor, A. do Vale, J. Girau et A. Confalonieri et les Frères L. Giacomelli et H. da Silva Rua. Cette année-là le cours de langue se fera (du 22 juillet à Noël) avec de nombreux confrères (et quelques religieuses), toujours à Agou, chez les sœurs Notre Dame des Apôtres, et ce sera divisé en deux groupes : un pour l’éwé et l’autre pour le mina, sous la direction du p. Tenias.

En écrivant au provincial d’Italie, le p. Tonino Pasolini, le nouveau régional s’exprime ainsi : « J’ai retrouvé le Togo de toujours, avec son peuple cordial même si, au moins à l’apparence, inconvertible. Cela se doit, je crois, au fait que l’image de Dieu que nous lui offrons (je parle bien évidemment de moi-même) se révèle tellement incolore pour ne provoquer aucune émotion, même pas esthétique ».

Il faut maintenant procéder à l’élection des conseillers. Le dépouillement se fait à Afagnan au cours d’une rencontre du CR, le 13 juin. Sont élus les pères V. Moretto, A.Villarino, C. Pegoraro et A. Zancanaro. Ce dernier est nommé vice-régional, le 3 juillet, au cours d’une rencontre du conseil à Togoville et confirmé par Rome le 1er septembre. Ce sera lui à rédiger les p.v. du CR.

Le nouveau CR confirme le p. Gobbi dans son travail d’économe de la région. Il se penche aussi sur la vie des commissions. « Cette côte qui avait autrefois la réputation d’être la tombe de l’homme blanc, assiste, impuissante, à la mort de nos commissions. Tout le monde les souhaite, mais, en fin de compte, on les considère facultatives comme la mémoire de certains saints à la suite de la réforme du calendrier de l’Eglise universelle ». Le CR propose la constitution d’une seule commission qui sera chargée de spiritualité, culture, pastorale et économie. « Un petit monstre, dont parle l’Apocalypse, mais capable d’embêter sérieusement le Bon Dieu ».

Au mois d’août une lettre du p. Général est envoyée aux supérieurs majeurs et leurs conseils pour les aider dans leur tâche et dans les rapports avec le CG. Il s’agit de choses qui reviendront régulièrement dans les décennies qui vont suivre. Là où l’on parle de liberté et discrétion, on peut lire : « La discrétion est exigée surtout hors conseil et concerne surtout les personnes. En dehors du conseil la règle d’or est celle-ci : du prochain ou l’on parle bien ou l’on se tait ».

 

 

Prison et expulsion du p. Jané

 

Le 25 avril est arrêté à Lobogo (Bénin) le p. José M. Ramón Coca Jané. Il était arrivé en région le 21 juin 1975 et il avait été affecté au Bénin. ‘Charismatique’ qu’il était, le confrère concevait la vie missionnaire un peu à sa manière et ayant de difficultés objectives à vivre en communauté, il ne craignait pas de faire ce qu’il croyait le mieux. Il était même capable de passer quelques mois à Comé en remplacement d’un missionnaire SMA sans évidemment demander l’avis de personne. Ce qui n’enlève absolument rien au zèle apostolique qui l’animait. Il avait même beaucoup de succès chez les gens. Et l’évêque était très content de lui, comme d’ailleurs des pères Radaelli et Senén qui formaient avec lui la communauté de Lobogo, surtout qu’ils avaient adopté en plein le plan pastoral de Mgr Sastre. Il concevait aussi l’AM à sa manière et donc, sans que le régional ne soit au courant de rien, on le trouve en Espagne, son pays natal, pour « des questions familiales » qu’on découvre être finalement le fait de chercher de l’aide et d’accompagner l’archevêque de Cotonou, Mgr Christophe Adimou, à la recherche de prêtres pour son diocèse. Le p. Pegoraro, régional, y voit un confrère qui trompe son évêque et qui a son confrère (le p. Gándara) comme complice, désireux de vivre un peu seul. Le p. Jané reviendra en se sentant émule du Fondateur, grand animateur missionnaire !

A la mi-août, Mgr R. Sastre écrit au p. Pegoraro pour demander que Jané l’accompagne pendant un mois dès qu’il compte faire un tour en Europe et plus particulièrement en Espagne. Le p. Cesare ne se refuse pas, mais décline toute responsabilité et ne crains pas de mettre en garde l’évêque afin qu’il ne soit entraîné par le confrère « dans de situations fâcheuses ». Le p. Jané fera au moins deux mois en Espagne. A l’occasion de son passage à Las Palmas de la Grande Canarie le père avait eu l’occasion de s’adresser aux gens pour leur parler de la situation missionnaire qu’il vivait dans le pays saxue. L’année n’avait pas été bonne et la famine faisait rage. Un béninois assistait à la conférence et un article du journal local Eco de Canarias avait publié un rapport avec des inexactitudes, quelques exagérations et un sous-titre tel que En Afrique un peuple se meurt de faim. Nous trouvons tout cela dans le rapport écrit par le p. Jané lui-même sur son « aventure » béninoise.

A l’aube du 25 avril donc, une voiture de la police se présente à la paroisse de Lobogo et demande du p. José Maria Jané. Le p. Radaelli est témoin de la scène. On lui communique : « On nous a donné l’ordre de vous arrêter et de vous conduire à la capitale ». Ce sera seulement dans la prison de Cotonou que le père découvrira la raison de son arrêt : le béninois qui huit mois auparavant avait assisté à sa conférence à Las Palmas l’avait dénoncé au ministre de l’intérieur en l’accusant d’avoir mal parlé du pays. Le père passera 5 semaines en prison, en partageant la misérable vie de ses camarades prisonniers, nourri par une religieuse de Notre Dame des Apôtres qui lui amenait de quoi manger. Il aura le réconfort de rencontrer Mgr Adimou, l’archevêque de Cotonou, venu le voir le lendemain de son arrestation, avant son départ pour Rome.

Les journées se suivaient monotones et fatigantes. Le père se consolait avec sa bible et le bréviaire alors qu’il éprouvait la présence de Jésus qui le soutenait pour aides ses compagnons. Le p. Radaelli le rencontra, ainsi que les pères Pegoraro et Pazzi. Un jour il eut aussi la visite de Mgr Sastre qui voulait comprendre la raison de cet emprisonnement. L’évêque demanda au père s’il avait besoin de quelque chose : « J’ai besoin seulement de la liberté », lui répondit Jané. L’évêque sera de nouveau appelé et ne fera que défendre ses prêtres et le père : « Je connais très bien ce prêtre - il dira aux fonctionnaires du ministère de l’intérieur -. Je sais comme il s’exprime. Je sais comment il vit. Je sais comment il travaille et combien il aime notre pays. Vous l’avez déjà gardé pendant un mois. Je vous supplie de le libérer ». Huit jours après un inspecteur de police appelle le père et lui dit : « Prépare-toi. On a décidé de vous expulser du pays. Choisissez la frontière ». C’était le 29 mai. « En ce moment-là - termine son récit le père - j’ai ressenti le plus dur des coups qu’on pouvait me donner ». On comprend mieux cette affaire si l’on pense que le Bénin vivait son expérience marxiste-léniniste ou de socialisme scientifique qui évidemment ne facilitait pas les rapports Eglise-Etat et où le système policier voulait être émule de celui du KGB ! Sans exagération majeure !

A son arrivée au Togo, le p. Jané sera à Afagnan dans l’attente d’une décision des supérieurs. Le CR pense qu’il n’est pas bon qu’il reste au Togo : il est trop proche du Bénin et la tentation de continuer à s’intéresser des choses de là-bas serait trop forte. En tenant compte de ses qualités et de sa disponibilité en ce qui concerne la catéchèse, le conseil lui proposerait de faire une année au Lumen Vitae de Louvain ou ailleurs et puis revenir. Mais la proposition n’est pas acceptée par le CG, qui ne voit pas opportun son retour un an après et suggère pour lui une expérience plus intense de vie communautaire et donc le cours d’aggiornamento à Rome. Le même cours serait suivi par le p. Senén Gándara. Jané n’est pas très heureux et le CR est du même avis. Il n’a que 4 ans de sacerdoce, ne parle pas l’italien et... n’a pas grand chose à ‘partager’ avec le p. Senén après l’accident ! Finalement le CG l’affecte à la province d’Espagne, à partir du 1er septembre, et le père pourra suivre un cours pendant deux ans. Ce qu’il fera à Paris avec résidence à la rue Boissonade, où vivent aussi les confrères étudiants en langue ou qui se spécialisent. Il fera ses études et passera quelques temps en Angleterre aussi pour apprendre l’anglais car, à son retour, il est pressenti pour aller travailler au Ghana. A Londres il aura un accident de circulation, mais finalement il reviendra en province (1981).

 

 

Culture attelée

 

Le 4 juin, 85è anniversaire de la fondation d’Adjido, l’Eglise est consacrée : renouvelée par les soins du p. Lo Valvo, elle se présente solide et coquette aux voyageurs qui parcourent la grande route qui va vers la frontière Togo-Bénin. L’entreprise Massaro avait refait le pavement de l’église. Il est bon de rappeler que le 16 octobre 1977 l’archevêque était venu à Agbanakin (succursale d’Adjido) pour y inaugurer la nouvelle église peinte par Michelini et dédiée à Notre Dame du Mono, médiatrice de toute grâce.

L’année 1978 est aussi celle de la tentative de réalisation du projet d’introduction et de développement de la culture attelée à Sévagan (paroisse de Togoville) par le fr. Alfredo do Rosario. Le projet avait démarré au mois d’août avec 5 paysans : on acheta 5 paires de boeufs et on les confia aux paysans pour labourer leurs champs. Mais les animaux étaient sauvages et les paysans les craignaient… On pensa donc à un dresseur-encadreur. Etant la chose complètement étrangère au milieu, les difficultés ne se firent pas attendre : mort d’une bête ; pluie qui se fait rare et donc manque de pâturage : il fallait aller chercher l’herbe à 10 km avec Toyota trois fois par semaine; le groupe ne se sentait pas à l’aise avec les bœufs ; les villageois regardaient et se demandaient où en voulait en arriver. Ils surnommaient les membres du groupe fullani (terme péjoratif pour désigner les haoussas chargés de garder les vaches) et le groupe lui-même ne croyait pas à sa réussite ! On forme donc une coopérative et on cherche un terrain communautaire qui sera donné par le chef de la circonscription administrative de Vo.

Les frères comboniens se sont toujours intéressés à l’agriculture, au moins en Afrique. Les résultats ? N’ont pas toujours été à la hauteur des efforts endurés. Projets trop éloignés de l’écosystème ambiant ? La chose va se répéter avec la Ferme-école agro-sylvo-pastorale à Vogan dans les années à cheval entre le XXè et le XXIè siècle. Un projet bien étudié mais pas trop bien géré. Tout finira par être passé au diocèse d’Aného, après beaucoup de difficultés à l’intérieur même de la communauté combonienne. Œuvre significative pour les frères ? Il faut chercher ailleurs.

Projet puits

 

Cela n’enlève rien aux mérites du fr. Alfredo qui s’adonnera aussi à la pisciculture, sans trop de succès (les poissons avaient pris le grand large à l’occasion d’une crue de la lagune ou lac Togo). Ce qui a duré plus longtemps est certainement le Projet ‘puits’. C’est toujours le frère do Rosario qui en est le responsable. Le problème de l’eau est un problème de toujours dans notre région. Il s’agit de pourvoir d’eau potable des populations villageoises. Il y a déjà des projets en cours, mais celui-ci, avec des matériels propices, espère atteindre la profondeur de 25 à 30 mètres afin d’augmenter le débit des puits. Il prévoit aussi d’améliorer les puits traditionnels. On décide de monter une équipe de creusage de puits dotée de matériels appropriés et susceptibles d’intervenir partout où appel lui sera fait dans la microrégion. L’action de cette équipe couvrira l’archidiocèse de Lomé. Le projet est conçu d’abord pour deux ans ; il envisage de creuser entre 1980 et 1982, 50 puits à raison de 25 par an. Chacun sera doté d’une pompe à main. Le projet prévoit aussi la constitution dans chaque village intéressé d’un comité chargé d’animer l’équipe villageoise qui participera aux travaux et s’occuper de l’entretien du puits, une fois celui-ci terminé. Chaque village donnera sa participation : 50mille f cfa. Le projet fera la joie de plusieurs frères comboniens (do Rosario, Humberto, Santi, Baudouin Tanzi, Giacomelli, Alfredo et Joseph Anku). Finalement le projet passera directement sous l’OCDI du diocèse d’Aného avec le nouveau millénaire.

Notre contribution au développement dans notre région fait partie intégrante de notre tâche pastorale : évangélisation et promotion humaine. Les comboniens ont toujours privilégié le domaine scolaire, l’agriculture, l’aduction d’eau et la formation professionnelle. Mais les résultats n’ont pas toujours été à la hauteur des attentes. On a parfois l’impression que la population ne s’engage que si elle y trouve du profit individuel. Il faut du temps avant qu’une initiative collective soit saisie, dans son importance et utilité, par la masse. Beaucoup d’initiatives suscitées par les paroisses traînent par manque d’individus compétents, d’animateurs, d’administrateurs. Sans compter que parfois nous faisons de projets à nous, sans nous soucier de susciter et d’exiger la participation des gens. Finalement nous comprendront tous combien sont complexes les mécanismes du développement et combien il est important que les gens prennent leur destin en main : à eux de trouver une solution à une situation de dépendance intolérable.

 

 

Dédicace de l’église de Kodjoviakopé

 

Au mois de novembre 1978, le p. Agostoni revient au Togo. Le 14 novembre il préside une rencontre de tous les confrères. Il parle du Chapitre qui se prépare et du centenaire de Comboni. Dans l’après midi c’est le texte du nouveau directoire qui est présenté : il reste à le mettre en pratique.

Le 18 novembre il participe à la consécration de l’Eglise de Kodjoviakopé. Cette consécration représente une étape significative de la présence combonienne en cette partie de l’Afrique. Présents dans un quartier de la capitale limitrophe du Ghana, les comboniens y ont construit lentement mais avec persévérance une église simple et fonctionnelle, œuvre surtout des frères Santi et Negrin. A la cérémonie sont présents les pères de la communauté (Gobbi et Re) ainsi que le p. M. Piotti (ancien de la maison) et d’autres confrères. C’est le couronnement de tant d’années d’efforts et sacrifices et de la part des pères et de la population. Maintenant que l’église de briques est achevée, on s’adonnera à rendre plus solide l’église de pierres vivantes.

Le Général rencontre aussi les confrères dans leurs communautés. A l’occasion d’une rencontre avec le CR, il insiste sur une formation et maturation spirituelle combonienne. A son retour à Rome le p. Agostoni aura quelques petits problèmes de santé, ce qui fera écrire au p. Contran que « quelques souvenirs ces côtes les laissent toujours ».

L’année 1979 démarre par des observations du p. Pietro Tiboni (dans le CG il est chargé de suivre notre région) qui se plaint du retard de l’arrivée à Rome des p.v. du CR. Il fait des remarques au nom du CG : la manière de se rencontrer du CR doit être fondée sur la prière. Nous avons besoin des lumières de l’Esprit. S’il n’est pas possible d’avoir la retraite combonienne annuelle (l’archevêque insiste afin que les comboniens participent à la retraite qu’il organise pour ses prêtres), il faut prévoir quelques chose de typiquement combonien. « Il est très important - écrit le père - qu’il y ait un chemin de réflexion commune et de récupération de notre identité et prière… L’expérience est là pour nous apprendre clairement que l’on chemine et on aborde les problèmes au niveau des circonscription, seulement quand on démarre un travail de confrontation et prière ensemble ».

Le père s’étonne de la petitesse de la contribution des confrères au fonds commun (5%). Il faut trouver le moyen pour que tout le monde y participe. Il doit y avoir un conseil d’économie et une gestion qui suit des lignes précises avec la responsabilité du CR. La ‘générosité’ d’un confrère ne suffit pas, car personne est maître de son argent : ce n’est pas à lui de le donner ou de le retenir ou de s’en servir d’après son inspiration personnelle. Il faut créer une conscience et corriger la pratique. Il faut lutter contre l’individualisme si enraciné dans l’esprit de la tradition togolaise… Une commission technique devrait s’occuper des travaux à réaliser et de la salubrité des habitations des missionnaires.

 

 

Rapport au Chapitre de 1979

 

L’année 1979 est aussi l’année du Chapitre général spécial (il commence le 16 juin) en vue de la réunification avec les confrères allemands. Un rapport de la région doit être présenté. Il est lu à tous les confrères à l’occasion de la réunion générale à Togoville le 29 janvier et approuvé par le CR le 1er février.

La région fête ses 15 ans de présence combonienne. Des deux premières paroisses on est arrivé aux 11 actuelles, même s’il n’a pas été toujours facile d’assurer la présence d’au moins deux confrères par communauté. On y fait état de l’émigration qui rend difficile le travail en brousse qui est toujours à recommencer. On choisit volontiers le Nigeria comme pays d’émigration. Les baptisés ? On va d’un 3% de Kouvé à 80% de Liati.

La communauté régionale se compose au 1er janvier 1979 de 36 membres : 32 pères. et 4 frères (28 italiens, 4 portugais et 4 espagnols). 6 des 11 communautés se composent de 2 confrères seulement. La totalité des confrères s’adonne à la première évangélisation ou au travail pastoral. La communion des biens se fait au niveau de la communauté locale, mais pas régional. On se débrouille et l’individualisme fait la part du lion. Le conseil de famille se tient avec difficulté. Souvent le supérieur est aussi l’économe.

Le rapport continue en disant que si tout le monde participe à la retraite annuelle organisée par le diocèse, la récollection mensuelle est délaissée par le plus grand nombre. Le bréviaire est ici et là dit ensemble. La prière personnelle est reconnue insuffisante. Rarement il y a concélébration dans les communautés. Mais le Directoire provincial prévoit un rythme selon les constitutions. L’Eglise locale ne fait pratiquement rien pour notre introduction linguistique et culturelle. Nous y pensons donc nous-mêmes.

Bons sont définis les rapports avec l’Eglise locale et le clergé diocésain. Il n’y a de convention écrite qu’avec l’archevêque de Lomé (celle de 1964) : pour Lokossa et Kéta-Ho l’accord est oral et suit des lignes qui reflètent ce que l’évêque fait avec les autres instituts missionnaires. On travaille beaucoup pour la promotion humaine (écoles, école artisanale, puits, développement agricole…). Il n’est pas facile de solliciter la collaboration-participation des gens. Les catéchistes perçoivent une petite contribution et leur formation est à notre charge. Priorité est donnée à la catéchèse et à la formation des catéchistes.

Et le rapport enchaîne : si les confrères apprécient le témoignage de vie de prière et de pauvreté que le p. Pazzi conduit à Logowomé, ils voudraient de lui un apport majeur au travail de première annonce. D’aucuns ont des doutes sur le caractère combonien de cette présence. Rien ne se fait encore au niveau de la PV. Quant à la FP on a fait quelque chose, mais c’est insuffisant. Sur le plan économique tout ou presque est laissé à l’initiative des communautés. Chaque communauté donne sa contribution mensuelle au fonds de la région. Le travail de l’économe régional se réduit à la comptabilité. Aucun immeuble n’appartient à la congrégation.

Le CR se réunit tous les deux mois, comme toute la communauté régionale. On n’a pas encore eu une vraie « assemblée régionale », peut-être du fait que l’on se retrouve souvent en « réunions générales ».

Programmation : on s’oriente à partager Abor pour fonder Sogakopé. De Kouvé devrait naître Tabligbo, après le passage d’Adjido au diocèse. L’archevêque de Lomé demande la disponibilité d’un père pour la formation spirituelle des Frères de l’Evangile, la congrégation fondée par le p. Grotto et passée au diocèse.

Le Directoire régional est là, après un an et demi de travail. Il a ses limites, mais il rencontre l’approbation des confrères.

Bonnes sont définies les relations avec la DG et utiles les visites du CG. On voudrait en français (et pas seulement en italien et anglais) la lettre du Général sur le Bollettino.

A la relation de la région est joint un rapport du p. Pazzi sur son expérience à Logowomé. Des difficultés subsistent, surtout à accepter qu’avec le père il y ait sœur Marie-Jeanne et avec la communauté proche dont il fait partie, Afagnan. Le père est à Logowomé depuis 6 ans et il dit qu’il « est convaincu que les paroles ne peuvent exprimer qu’un aspect tellement limité de ce qui est tout d’abord une expérience profonde de vie spirituelle : elle est en effet de l’ordre de ces réalités que nous devons méditer en nous-mêmes et mûrir dans le silence, plutôt que prétendre de les exprimer dans des mots ». Dans son rapport, le père dit qu’à Logowomé il sent profondément réalisée sa vocation chrétienne et sa consécration sacerdotale et religieuse. Il se dit heureux de la vie qu’il conduit, vie qui trouve toute sa signification dans l’adoration de l’Eucharistie, à laquelle il se consacre au nom de ses frères animistes du village. « En même temps – écrit-il - j’ai la conscience de représenter et de porter dans la prière tous les chrétiens du diocèse et de l’Eglise, en particulier les missionnaires de la région, engagés en d’autres formes d’apostolat : je suis convaincu que ma mission est complémentaire à la leur, et même nécessaire, j’ose le dire, afin que leur effort généreux de prédication porte fruit de conversion dans les cœurs ».

Quant à l’aspect apostolique, le p. Pazzi rêve du jour où on pourra commencer le catéchuménat des adultes. En attendant, il éprouve la sympathie des gens pour leur présence assidue dans le village (depuis trois ans sœur Marie-Jeanne partage sa vie). Le rapport avec la communauté combonienne voisine, celle d’Afagnan, s’exprime dans la rencontre hebdomadaire que le père souhaite plus fraternelle et signe de communion. Il voudrait plus d’échange et que l’on s’accepte complémentaires : « c’est important même pour les gens qui nous regardent », écrit-il. « Je suis toujours heureux de rencontrer les confrères - termine le père - et de porter, dans la prière et dans le silence, les soucis de vie personnelle et d’apostolat de ceux qui me les confient ». A ne pas oublier que l’Université de Lomé venait de publier un nouveau volume d’histoire réalisé par le p. Pazzi. Cela pour témoigner du travail de recherche qu’il continuait à Logowomé. Le père va quitter pour l’Italie pour une petite opération chirurgicale et voyagera par le désert. Et il proposera aux confrères de faire comme lui : on épargnerait de l’argent et on ferait une expérience sur les traces du p. Charles de Foucauld !

Avec le régional Contran, au Chapitre prend part le délégué, p. A.Villarino, qui, le Chapitre terminé, s’arrêtera quelque temps en Espagne pour achever sa licence en sciences de l’information. Ce titre sera très important, car pour diriger une revue en Espagne il faut en être détenteur. Et le p. Villarino sera un jour appelé à diriger Mundo Negro.

Depuis le Méxique on commence à demander le p. Tenias pour devenir le directeur d’Esquila Misional.

Le p. A. Piazza est de retour au Togo et dès que le p. L. Marcolongo est bien à Togoville, l’on propose à Piazza de se rendre à Kouvé (où travaillent les pères L. Negrato et A. Arbor) pour commencer à suivre d’une manière particulière Tabligbo. Le père est réticent, mais il finit par accepter. Cette première tentative de fondation de Tabligbo sera une faillite car déjà au mois d’avril le p. Piazza quittera définitivement le Togo pour rentrer en Italie. Des bruits avaient couru qui n’avaient pas laissé le confrère indifférent. « Il ne nous est pas donné de mal parler des autres, même si la chose est vraie », lui écrit le régional. Et de continuer : « Dans des cas comme celui-ci, qui plus sonne la trompette est peut-être celui qui va tomber le premier. Nous sommes d’une fragilité extrême et l’équateur n’est pas fait pour décanter les ardeurs de personne ! ». Et les confrères à se poser des questions : « Pourquoi est-il parti si vite ? Que s’est-il passé ? ». Des questions auxquelles il n’y a pas de réponse car cela entre dans le confidentiel.

Le p. Depaoli doit aussi rentrer car il a une forte baisse de la vue. Un accident de la route était survenu au mois de décembre à Porto Séguro, où il avait ramassé une pauvre vieille qui traversait la route sans regarder, en la tuant sur le coup. Le père n’avait pas tort, mais ce sont des choses qui laissent des traces.

Ces départs conduisent le p. Contran à demander le retour en région des pères Del Pozo (délégué d’Espagne au Chapitre) et Cadei, supérieur-formateur au scolasticat de Paris. C’est au p. Agostoni che Nazareno s’adresse en l’informant aussi que les confrères venaient d’avoir une semaine (la session de carême) de formation et aggiornamento pastoral, dirigée personnellement par l’archevêque, pour tous les prêtres du diocèse. Mgr Dosseh avait exprimé sa grande crainte pour l’expansion des musulmans qui arrivent par bandes sur la côte (nous sommes en 1979 !). Et il avait ajouté : « Dès qu’aujourd’hui on ne peut plus baptiser avec l’épée, comme heureusement firent les espagnols en Amérique, il faut le faire avec la pompe » !

 

 

Rencontre avec Dosseh

 

Le 14 mai 1979, à l’occasion d’une rencontre générale, les confrères ont ‘droit’ à une conférence de l’archevêque. Mgr Dosseh souligne l’importance des missionnaires dans une Eglise particulière. Il faut qu’ils y restent fidèles. « Autrement c’est comme une maman qui mettrait au monde un fils - dit l’archevêque - et qui se retirerait parce que déjà l’enfant est né. Il a besoin des soins maternels, jusqu’à ce que lui-même aussi fonde son propre foyer et continue à aller de l’avant. Il faut que les missionnaires ayant évangélisé restent fidèles à l’évangélisation dans cette terre où l’Eglise a été implantée d’une façon insuffisante, et ils puissent continuer à apporter leurs soins à ces Eglises, pour que ces Eglises deviennent, à leur tour, vraiment missionnaires, ayant aussi leur participation dans l’Eglise universelle ». A ses missionnaires il n’a pas peur de dire que la seule consolation qu’ils peuvent avoir est celle de voir l’Eglise du Christ croître.

Presque amusé, il dit : « Nous évêques africains, nous avons beaucoup de défauts ». Il reconnaît qu’ils ont été créés évêques parce que les indépendances les exigeaient, « mais avec la charge de subir les critiques de tout le monde ». Et il raconte l’épisode de l’invitation à inaugurer l’exposition sur le scoutisme africain qui se tenait à Lomé, où le scoutisme africain avait alors son siège. « J’y vais et puis je regarde : je vois la photo d’une Mercedes, la voiture que j’avais à ce moment-là. On avait mis dessous : - l’égoïsme des arrivistes bloque le développement du pays. Comment ? Ma Mercedes ? Moi, le symbole des arrivistes ? ». La Mercedes était un cadeau d’Allemagne. Il continue : « La situation d’un évêque en Afrique est très inconfortable. Tandis qu’on ne cesse de vous démolir à l’extérieur, on vous démolit aussi à l’intérieur, avec le clergé africain qui commence à faire la critique de son évêque ». Il dit aussi la difficulté que la famille constitue pour un évêque d’Afrique, avec « des préoccupations que vous, qui êtes expatriés, vous n’avez pas ». Et dans ce harcèlement familial, l’évêque doit préparer ses sermons, ses circulaires, ses entretiens. « On mène une vie d’enfer », s’exclame-t-il.

Et d’inviter ses missionnaires à avoir vis-à-vis de lui une condescendance maternelle. « Quand je dis par exemple à un missionnaire : - Mets-toi la soutane, ou : - Quand tu célèbres l’Eucharistie, cherche la pierre d’autel, je sais pourquoi je le demande. Le sens du sacré de nos gens ne nous permet pas de prendre n’importe quelle table où les gens se sont assis avec leurs ‘jumeaux’ ». Et encore : « Quand je dis :- Laissez faire la fête à nos gens ; laissez-les faire leurs uniformes, ne répondez pas : - ça vaut pas la peine, il y a le développement !... Que nos gens au moins soient contents avant de mourir ! Nous devons découvrir nos gens, qui malgré leur pauvreté, ont conservé le sens de la fête, ce qu’on n’a plus dans les sociétés développées. Qu’on permette cette joie de faire la fête, de faire l’uniforme, de se sentir coude à coude, de faire quelques petites dépenses : qu’est-ce que ça peut bien faire ? Vous avez raison en disant que c’est trop, qu’il faut les limiter ; mais j’ai raison moi aussi! »... L’archevêque parle aussi du chant liturgique. « Nous disposons d’un travail accompli par les pères allemands, Mgr Céssou et Mgr Strebler, le Dziƒomò. « On a le Dziƒomò et c’est une mine, c’est biblique, c’est théologique, c’est tout ». Et il termine en disant : « Baptisez-moi les gens. Prenez-les pour le Christ ; si vous ne les prenez pas, d’autres les prendront … Sauvez-nous, mais ne nous sauvez pas sans nous ! ».

 

 

XIIè Chapitre Général

 

A partir du 16 juin 1979 se tient à Rome (et cela pendant trois mois et demi) le XIIème Chapitre général qui a constitué une re-fondation de l’institut, pas seulement du fait de la réunification mais aussi par la présence inspiratrice du Fondateur. Le Chapitre va donner des nouvelles constitutions (la RdV) à la congrégation réunifiée, où il est facile de constater que Comboni est directement ou indirectement cité plusieurs fois par section. Les délégués au Chapitre avaient pénétré dans l’histoire et les écrits de Comboni jusqu’à un niveau inimaginable une dizaine d’années auparavant. Un nouveau nom est donné à la ‘nouvelle’ Congrégation, celui de Missionnaires comboniens du Cœur de Jésus : « un bon compromis qui a rendu heureux les nostalgiques et a laissé indifférents les autres ! », comme écrit Contran à Zancanaro, et des nouvelles constitutions (la congrégation sera « mixte » ou cléricale ? Contran écrit : « Il y a des confrères qui se battent pour la formule ‘mixte’. Moi j’aurais mon idée, reprise de la Ferme des animaux : - Dans la congrégation nous sommes tous frères, mais il y en a qui sont plus frères que les autres. Tout le monde pourrait s’y retrouver, pères et frères, sans référence au clérical, au laïcal, au mixte ! ».

Des confrères se réjouissent en apprenant que le p. Contran l’a échappé belle : le risque d’être élu Général était vrai. D’ailleurs il le confessera lui-même indirectement, quand l’année suivante il apprendra de la maladie qui avait frappé en Egypte le p. Calvia : « J’espère que ce qui lui est arrivé ne soit pas dû seulement à sa charge, autrement j’en éprouverais du remord », écrit-il au p. Eder, vicaire général.

Le p. Villarino, notre délégué, a été frappé surtout par l’insistance du Chapitre et de la RdV « sur la nécessité de faire de la communauté le point fondamental de notre vie et de notre activité missionnaire ». Et il continue sa lettre aux confrères depuis Rome : « Le Chapitre veut que nos communautés soient totalement insérées dans la vie de l’Eglise locale et, autant que possible, dans la vie sociale des gens au milieu desquels nous vivons. Les capitulants ont consacré pas mal de temps et d’énergies à rédiger notre RdV. Nous sommes tous conscients que les lois, quoique belles, n’ont pas la force de changer, d’elles mêmes, la vie des hommes. Toutefois, je crois que la lecture des nouvelles constitutions et du directoire, pourra nous aider dans la révision profonde de notre vie et de notre activité, comme individus et comme communautés ».

Quant aux langues officielles de la congrégation, l’anglais devient aussi important que l’italien ou l’espagnol. Mais le français aura aussi ses droits. Pour consoler ceux qui ne comprennent pas l’anglais, le p. Neno rappelle ce que disait Voltaire, c’est-à-dire que pour parler les langues des autres, deux ou trois ans suffisent ; alors que pour bien parler sa propre langue il faut la moitié de sa vie !

Petits et grands problèmes

 

Pendant qu’à Rome est célébré le Chapitre, les confrères de la région continuent leur vie et leur travaille, mais sans que pourtant les problèmes cessent. Ainsi le p. Lo Valvo annonce au régional à Rome qu’il traverse « une profonde crise personnelle qui pour la première fois lui fait mettre en question sa vocation et son sacerdoce ». Il pense nécessaire de rentrer en Italie au plus grand tard début août. Le p. Contran définit la nouvelle une « tuile qui lui tombe sur la tête » et qui l’empêche de dormir pendant quelques nuits ! Nombreux sont les confrères à se poser la question du pourquoi : plutôt que « des raisons personnelles », ils y voient la conclusion des difficultés rencontrées par le père avec l’archevêque. Les supérieurs essayeront de l’aider à s’arrêter et raisonner avant de prendre une décision définitive. Finalement le père quittera la congrégation.

A Vogan se pose le problème de la maison pour la communauté missionnaire, qui suscite des malentendus avec l’archevêque, lequel arrive à traiter les comboniens de ‘bricoleurs’. L’affaire avait fini par envenimer les esprits. Et ainsi le problème du personnel revient encore, avec le p. Zancanaro qui ne craint pas d’écrire que « l’ancien CG nous a laissé avec un héritage étriqué pour enrichir de plus riches que nous ». Des changements de résidence finissent pas s’imposer. Ainsi Zancanaro repart à Vogan, où il sera avec Marcolongo; B. Gilli va à Afagnan le remplacer et il sera avec le p. A. Arbor. A Adjido reste le p. Pereira qui sera secondé, dans l’attente de l’arrivée du p. Francisco de Matos Dias, par le p. Boscaini. V. Moretto reste à Kodjoviakopé où il est depuis juin, après avoir quitté Adjido (où l’archevêque voudrait confier la direction du CEG aux comboniens mais le p. Moretto n’avait aucune envie de se mettre à faire le directeur !). Les démissions du p. Gobbi d’économe régional ne sont pas acceptées et l’on crée une commission régionale des affaires économiques, composée du fr. do Rosario et p. Boscaini pour seconder l’économe. Le CR revient à répéter qu’aucun confrère n’a droit à des comptes personnels : tout doit se trouver dans le compte de la communauté.

Au mois d’octobre le p. Contran est de retour du Chapitre. Nombreux sont les problèmes qui l’attendent, surtout au niveau du personnel. C’est vrai que le Mexique nous a fait cadeau du frère Negrin (revenu pour rester, au mois d’octobre), mais la province a pour sa part dû faire ‘cadeau’ des pères Ténias (Mexique) et Re (Canada,), après avoir perdu Piazza et Lo Valvo. A présent c’est la province italienne qui fait appel au p. Petrogalli pour l’AM et la PV. Comment, dans cette situation, serai-t-il possible d’assurer aux communautés la présence de deux confrères au moins, alors que le Chapitre en veut trois au minimum ?

Le p. José Luis Jiménez pense revenir au Togo, mais en faisant à sa manière : il irait dans le diocèse de Dapaong et avec des laïcs. Il pense que dans le sud du Togo il y a ‘encombrement’ de missionnaires expatriés et ‘surpeuplement clérical’ qui pourraient engendrer du racisme ! « En refusant des choix qu’on a déjà faits, et que l’Eglise locale poursuit, sommes-nous sûrs que nous le faisons pour mieux servir cette Eglise ? », écrit le p. Contran à Jiménez. Et encore, « aller au nord ou ailleurs, ce n’est pas une petite affaire. L’ouverture d’un nouvel engagement est une initiative qu’on doit bien peser avant… car on risque de commencer sans l’assurance que quelqu’un pourra un jour prendre la relève ». Mais le dialogue ne sera pas facile. Le p. Jiménez fera ses années d’AM en Espagne et un jour il sera vraiment question de son retour (en remplacement du p. A. Arbor, demandé par l’Espagne comme économe provincial), mais la province ne l’aura plus parmi ses membres. Son provincial, le p. Domingo Campdepadrós, écrit à Contran de lui que « cet homme a toujours été pour moi un mystère. Je crois qu’il est allergique aux structures et à toute personne en autorité ».

Le 29 octobre, à l’occasion d’une rencontre générale, les confrères choisissent comme économe provincial le fr. Alfredo do Rosario en remplacement du p. Gobbi. Le choix sera ratifié par le conseil le 10 novembre. Le fr. Alfredo prend au sérieux son travail, en arrivant à découvrir de gros trous dans la comptabilité. Au 31 décembre 1979, il est question de quelques millions de f cfa. Il y aura échange de lettres pas toujours tendres entre le provincial et le p. Gobbi en congé, sans que l’on arrive à des réponses claires aux explications demandées. Le provincial s’expliquait ainsi pourquoi le p. Gobbi n’avait pas pu, avant son départ en congé, préparer un rapport économique détaillé à présenter au Chapitre : ça aurait été chose trop compliquée ! Le côté positif de cette affaire est qu’elle a amené les confrères à se poser sérieusement le problème du partage des biens et de notre pauvreté.

Le p. F. Pierli, conseiller général, ne craint pas de faire savoir que d’autres provinces (Kenya, Ouganda) ont aussi une comptabilité qui n’est pas claire… Il propose donc de faire travailler la commission économique et recommande un plus grand discernement pour ce qui est des projets matériels à réaliser. Le p. Giuseppe-Zeno Picotti, économe général, intervient aussi pour rappeler la co-responsabilité et la mise en commun économique. Il recommande aussi d’ouvrir un compte en banque pour les confrères au Ghana. Il faut justifier les dépenses courantes et extraordinaires (achat des voitures…). Seulement l’économe régional est habilité à des changes non bancaires. Mais le problème ne sera pas résolu, les confrères préférant faire arriver et se procurer de l’argent par d’autres canaux, ce qui est défini ‘illégal’ et ‘dangereux’ !...

On n’oublie pas la formation permanente, indispensable à l’activité missionnaire, suivant l’exemple du Fondateur. C’est ainsi que l’année 1979 se termine et la nouvelle commence par une rencontre des confrères avec le p. Pietro Chiocchetta, postulateur de la cause de Comboni. Le conférencier fera la satisfaction de tout le monde, en parlant de Comboni ‘lecteur’ des signes de ses temps, attentif aux plus nécessiteux et fidèle à l’Eglise. D’autres sessions de formation vont suivre, comme celle sur Comboni (au cours de l’année centenaire) et sur la RdV. Le monastère de Dzogbégan devient le lieu privilégié de ces rencontres.

L’année nouvelle voit le retour au Togo du p. Paolo Corazza, attendu depuis (mais après son diplôme parisien il avait été retenu quelque temps à Vérone pour le Musée africain) et l’arrivée du p. Massimo Cremaschi. Le premier ira tenir compagnie au p. Capelli à Liati, en attendant le retour du p. Petrogalli. Le p. Zeziola, aussi à cause de son caractère pas toujours facile, à son retour est chargé de Sogakopé, tout en faisant partie de la communauté d’Abor.

 

 

Cas de Kpandu

 

C’est alors que le cas de Kpandu, à une vingtaine de kilomètres de Liati et résidence de l’évêque, lèche les comboniens. Tout avait commencé par l’histoire de la quête du 1er janvier 1980, qui aurait dû être versée au comité central pour les célébrations du centenaire de l’Eglise au Ghana, et par le rapport financier de l’année 1979 donné par le curé et qui avait paru faux à une partie des fidèles. L’enterrement du vice-président du conseil pastoral sans prêtre avait ajouté feu aux braises. La communauté chrétienne s’était divisée. L’église avait été fermée, après avoir été profanée par des rites et des protestations, et le presbytère pillé. On était arrivé à menacer même l’évêque. La chose était arrivée jusqu’à Propaganda à Rome.

On avait donc pensé que les comboniens aurait pu remettre la paix entre les différentes factions. La rumeur avait couru que le p. Zeziola aurait été affecté de Sogakopé à Kpandu et une lettre de protestation avait été adressée au provincial contre une telle décision (fin décembre 1982). On pensait même à un curé combonien, après l’absence du curé (un père SMA, Joe Smith), qui durait depuis un an, et le refus des gens d’avoir des prêtres autochtones.

Un an après, un confrère de Liati (Petrogalli ou Jané) sera prié d’aller célébrer à Kpandu le dimanche, mais sans que les comboniens se chargent de la paroisse. La querelle finira par s’estomper d’elle même avec l’abandon de l’Eglise de la part de la faction dissidente, qui fonda une secte. Mais des lettres avaient été échangées entre l’archevêque de Cape Coast, Mgr J. K. Amissah, président de la conférence des évêques du Ghana, Mgr Lodonu et le provincial pour lui forcer la main, et cela jusqu’en janvier 1983.

Année combonienne

 

D’octobre 1980 à octobre 1981, on célébrera l’année combonienne, à l’occasion de 100 ans de la mort du Fondateur. Un petit comité est chargé de coordonner et promouvoir des initiatives (il est formé par les pères Contran, Girau et Zeziola) afin que le charisme du Fondateur soit connu par les gens et que les confrères soient imprégnés de son esprit. Chaque paroisse prend des initiatives pour faire connaître la vie et le charisme du Fondateur. Mgr Lodonu réunit ses prêtres afin que le p. Augusto do Vale leur parle de Comboni. Il fait à ses prêtres l’éloge des comboniens, malheureusement trop peu nombreux, et de leur vie commune. Il donne importance au centenaire et donc l’ordination sacerdotale de 4 prêtres et de 4 diacres du diocèse de Keta-Ho aura lieu dans la paroisse combonienne de Liati le 11 juillet : les gens ont participé nombreux et 52 prêtres concélébraient. Pendant la célébration, Mgr Lodonu a parlé des comboniens et de leur œuvre d’évangélisation.

Le 22 août a été consacrée l’église paroissiale de Sogakopé (ce qui signifie aussi l’ouverture officielle de la paroisse-communauté) et un parlementaire a tenu un long discours sur Comboni. Le 10-11 octobre la solennelle clôture des célébrations s’est déroulée à Abor. Les comboniens sont à l’honneur. Ne manque pas le tricot « Or Africa or death ». Toujours au Ghana, le p. Zeziola a mis au point une petite biographie de Comboni en langue éwé : il s’agit de la traduction de la biographie de Comboni du p. Cirillo Terscaroli : Daniel Comboni fe untinya. La traduction a été réalisée par les professeurs Yegbe et Nyaju de l’université d’Accra. Elle est destinée surtout aux jeunes. Imprimée en Italie avec l’aide de la province italienne, elle sera un instrument d’animation très utile.

Au Togo le centenaire a vu différentes manifestations dans toutes les paroisses. Le soir du 9 octobre a eu lieu à Kodjoviakopé une veillée de prière et le 15 novembre, toujours à Kodjoviakopé, la journée combonienne a été célébrée au niveau diocésain avec la participation de l’archevêque et d’une bonne partie du clergé. La « Coupe Comboni » a été donnée au meilleur tam-tam.

La province, quant à elle, a donné a tous ses membres le volume Prière du temps présent, dernière édition. Il sera plus facile pour tous de prier ensemble !

Le 19 mai se tient à Togoville une recollection sur le thème « Notre communion des biens », la partie V de la RdV. On commence à se poser le problème d’une manière cohérente. Notre administration doit être le fruit du partage. Plus de transparence au niveau de communauté et provincial. L’individualisme nous guette. L’Eglise locale doit être impliquée dans les projets. Le CP doit aussi donner son avis.

 

 

Girouette du personnel

 

Le p. Villarino, « un vrai trésor de confrère », revient après son diplôme de journaliste, au mois d’août. Mais il est prévu qu’il ne reste pas longtemps. Mundo Negro aura bientôt besoin de lui. Ainsi le Togo se rend disponible à l’internationalité de l’institut. Les provinces du nord semblent avoir plus force que celles du sud quant au personnel à recevoir. Mais le sud s’appauvrit. On attend quand même le retour au Togo du p. Del Pozo.

Cette histoire du personnel est une histoire qui ‘empoisonne’ les rapports entre le CG et les provinciaux. Il en a été toujours ainsi. Un confrère est promis et tout de suite on demande en retour un autre, urgemment. Début janvier 1981, c’est le Portugal qui demande le retour du fr. Alfredo do Rosario comme administrateur des revues. Le retour au Togo du fr. Santi s’annonce, il pourrait le remplacer. Le p. Moretto (début janvier) vient de quitter Kodjoviakopé, pour son congé, remplacé par le p. Boscaini et voilà que le CG pense le retenir pour Venegono (père maître) et demande Boscaini pour le Canada… Ce dernier n’y mettra jamais le pied, surtout que le p. Contran ne le voyait pas ‘tagliato’ pour l’AM dans ce pays-là, mais à la première occasion - c’est-à-dire au retour du p. Zancanaro au mois de septembre 1981 du congé - ce sera la province italienne à le retenir pour Nigrizia, au terme de son cours d’aggiornamento à Rome. Le p. Antonio de Oliveira est affecté au Togo, et le fr. do Rosario rentre au Portugal.

Dans un rapport sur la province de 1982, le p. Contran écrit qu’entre 1978 et 1982, 19 confrères sont arrivés pour la première fois ou rentrés au Togo, alors que 11 ont définitivement quitté. Si à ces chiffres on ajoute les départs et les retours liés aux vacances, on peut avoir une idée du caractère provisoire de notre présence et de notre travail. « Il est clair - écrit Contran - que si nous voulons nous engager dans un service plus spécifique aux Eglises, la rotation doit aussi se conformer aux rythmes. Plus un service est qualifié, plus il devient difficile de trouver un remplaçant pour en assurer la continuité. Il est beaucoup plus facile, disons ainsi, trouver un générique ».

Toujours dans ce rapport, le p. Contran parle de l’introduction culturelle au milieu, avec le cours de langue, suivi par des missionnaires d’autres instituts aussi. Il dit que des rencontres ‘culturelles’ ont suivi, mais peut-être sans la continuité souhaitée. « Au fond - écrit Contran - les Eglises nous laissent la tâche d’approfondir un patrimoine culturel dont la connaissance est une condition sine qua non pour parvenir à une activité missionnaire incarnée ». On ne manque pas de spécialistes en ethnologie (les pères Pazzi, Corazza et B. Gilli), mais se fait sentir aussi le besoin d’une formation spirituelle continue.

 

 

Promotion vocationnelle

 

L’année 1981 est aussi l’année où au Togo on pense sérieusement à lancer la PV combo­nienne. Tout l’institut y est engagé, selon les vœux du Chapitre. Il y a déjà un comité formé par les pères Petrogalli, Grotto et Girau, qui devrait présenter des propositions. Les perspectives semblent meilleures au Ghana. Les évêques ne sont plus contre notre proposition vocationnelle : ils veulent seulement que les choses soient claires : ne pas favoriser des jeunes qui veulent quitter le milieu et adopter des critères de formation et de vie qui ne les éloignent pas du milieu où ils ont grandi. Les demandes de candidats ne manquent pas, mais il faut un confrère pour les évaluer.

 

Au printemps 1981 le p. B. Gilli part en congé. Sa demande de poursuivre ses études est accueillie favorablement par la DG. Il fréquentera donc à Paris, bld Raspail, les Hautes Etudes en sociologie pour l’obtention du diplôme du 3ème cycle. Et cela d’octobre 1981 à juillet 1982. Il était du désir du père d’achever ses études, mais c’était aussi une nécessité pour la province. Avoir un ‘expert’ est une manière de qualifier notre présence. Il s’y était préparé en faisant des recherches sur place concernant le vaudou.

 

 

Nouveau CP

 

Le 15 avril on a procédé au dépouillement des bulletins pour l’élection du provincial : c’est le p. Neno qui se voit reconduit, ayant la confiance des confrères dès le premier tour : majorité absolue (24 bulletins sur les 30 parvenus). Sa réélection est soumise à la nomination du CG. On passe à l’élection du conseil. Le 1er juillet le nouveau CP se réunit la première fois. Les nouveaux conseillers sont les pères Girau, do Vale, Boscaini et Villarino. Le p. Antonio Rodríguez Villarino est élu vice provincial. Sa nomination est soumise au CG qui donne son assentiment le 9 juillet. P. Antonio ne restera pas longtemps car Mundo Negro l’attend. Mais le père aurait aimé faire une plus longue expérience de mission, même s’il est vrai pour chacun d’entre nous que même l’expérience la plus longue peut nous paraître trop courte…

Il est vrai que les provinces plus petites comme membres d’origine, sont celles qui plus sacrifient la continuité dans la mission de leurs membres. « Et si les provinces d’origine pro­gramment, qu’est-ce que doivent faire celles qui reçoivent ? », se demande le p. Neno, qui est quand même fier que « le Togo soit le premier fournisseur de candidats aux postes importants de la congrégation : en effet sont ex-togolais le provincial (p. Piotti) et le p. maître (p. Moretto) d’Italie ; les responsables des scolasticats de Paris ( p. Cadei) et de Chicago (p. Rabbiosi) ; le directeur de Esquila Missional (p. Tenias) ; l’économe du Portugal (fr. do Rosario) ; le directeur du centre malades de Vérone (fr. Meloni), etc., etc. ».

Quelques semaines après, le Général informe le provincial de l’affectation au Togo du p. Antonio de Oliveira et du retour au Portugal du fr. A. do Rosario. Le p. Depaoli est affecté à la province italienne et ne reviendra plus au Togo à cause de ses problèmes aux yeux. Mais on gardait l’espoir d’une guérison et d’un retour. Le Portugal réclame aussi les pères José Pereira et A. do Vale. Ce dernier se défend avec le Général sur la brièveté de son expérience au Togo et dit que cette province a un personnel trop mobile pour permettre une continuité dans le travail. Evidemment le CG n’entend pas épuiser la province… Et le p. Neno dans sa sagesse de commenter : « Je suis parvenu à un âge où l’on commence à prendre les choses comme elles arrivent : on se bat pour l’idéal (trois confrères par communauté), mais après il faut tenir compte qu’il y a des individus qui sont très bien seuls (avec grande joie des autres !). D’ailleurs, même le Seigneur nous traite ainsi, avec une remarquable tolérance ».

 

 

AM et PV en Afrique

 

Du 3 au 16 août 1981, les pères Contran et Girau participent à la rencontre panafricaine de Nairobi, qui voit 42 comboniens et comboniennes réunis et représentant 12 pays du continent. Elle a pour thème : l’animation missionnaire et la promotion des vocations en Afrique. C’est la première rencontre du genre en Afrique pour les comboniens. Après avoir écouté les deux conseillers généraux, les pères Pierli et Masserdotti, ainsi que le secrétaire général de la Formation, p. Piergiorgio Prandina, et celui de l’animation missionnaire, p. Ezio Sorio, on est passé aux relations des différentes provinces sur l’AM et la PV ainsi que de la formation.

En ce qui concerne la préparation des candidats africains, de belles expériences sont en cours (Zaïre, Ethiopie et Ouganda). La formation de candidats africains doit tenir compte du fait qu’en devenant ‘religieux’ ils peuvent faire un vrai ‘saut de classe’, en passant à une vie plus sûre au nom de la ‘pauvreté’. Les communautés religieuses africaines doivent ensuite savoir aborder les problèmes liés au profond sentiment de solidarité que le candidat continue d’avoir avec sa famille. Il peut y avoir un choc quand le néo-profès entre à faire part d’une communauté combonienne ordinaire.

Quant à l’animation, le moment semble arrivé pour démarrer un vrai travail d’AM des Eglises d’Afrique. On souhaite donc (à l’exemple du mensuel brésilien Sem Fronteiras) la création d’une revue d’animation missionnaire, d’abord en anglais et à Nairobi (ce sera New People) pour les pays anglophones et puis un jour en français aussi (ce sera en 1998, Afriquespoir). Ce sera seulement en janvier 1988 que démarrera à Nairobi le Centre d’AM (Mass media Centre) avec New People, dont le directeur sera p. Kizito Sesana, et les audiovisuels pour l’Afrique anglophone. Dans notre province, c’est surtout au Ghana qu’une PV semble pouvoir se faire : tous les confrères doivent se sentir engagés et concernés.

 

 

Visite du p. Bruno Novelli

 

Du 9 au 28 septembre 1981 le p. Bruno Novelli, secrétaire général de l’évangélisation, vient au Togo pour visiter les confrères des trois pays de la province. Il passe dans toutes les communautés. Dans son rapport, rédigé à Rome après sa visite, il dit que les confrères travaillent au milieu des populations en très grande majorité non chrétiennes (92% à Lokossa, 89% pour les paroisses de l’archidiocèse de Lomé, 67% pour Keta-Ho) et il ne craint pas de reconnaître que la population « se montre impénétrable, si non même hostile à la proposition de l’évangile » ( !). Il parle d’un clergé relativement nombreux et préparé. Les vocations sont nombreuses. Les lignes pastorales sont traditionnelles et cela est dû à la personnalité de l’archevêque Dosseh. Les confrères se plaignent du manque de directives pastorales adéquates pour ce qui est des écoles et des catéchuménats. La pastorale est orientée à la ‘sacramentalisation’ (veillées, heures d’adoration, neuvaines, pèlerinages...) plus qu’à l’évangélisation, ce qui est peut-être dû à une mauvaise copie de la religion traditionnelle. Il faudra donc une catéchèse adéquate à ce genre de religiosité. L’idée d’Eglise-famille de Dieu doit faire son chemin, sans devenir un slogan. C’est le Christ, le grand frère qui vient chez ses frères pour leur parler du Père. Ce qui manque le plus est un plan d’approche et de dialogue avec la plus grande partie de non-chrétiens au milieu desquels la communauté chrétienne vit.

Après trois lustres de présence en province, les confrères voudraient requalifier leur service missionnaire avec l’accord des évêques. L’archevêque de Lomé attend des nôtres qu’ils affrontent d’une manière organique l’évangélisation du sud-est qu’il leur a confiée. (Mais l’équivoque avec l’archevêque continue, en se relançant la balle). Mais comment trouver le chemin pour entrer en dialogue avec les fidèles du vaudou ? Le problème restera d’actualité encore longtemps… Mais il est urgent de comprendre le vaudou et les nécessités que cette religion satisfait, de manière à pouvoir présenter la foi chrétienne comme la réponse à ces mêmes questions et autres fondamentales. Il faudrait pour cela une présence plus continue des missionnaires dans les villages, en dehors des occasions formelles (messes, visites aux catéchumènes, administration des sacrements), car c’est en se liant d’amitié avec les gens que l’on pourra dialoguer. Les obstacles majeurs à ce travail viennent d’une insuffisante connaissance de la langue et du travail pastoral dans la paroisse. L’effort de tous devrait viser à former des communautés où les laïcs ont leur place et responsabilité et le missionnaire pourra donc se consacrer à son ministère. Les communautés doivent viser aussi l’autosuffisance financière : un problème qui continue d’être un casse-tête de tout évêque et de tout apôtre des dizaines d’années après…

Le p. Novelli traite aussi de l’école pour dire qu’elle garde son sens seulement si elle arrive à éduquer au sens chrétien et les élèves et les enseignants et les parents… Sans amitié et confiance réciproque, notre présence dans l’école risque de produire l’effet contraire. Le père voit dans les ‘ressortissants’, financièrement en meilleure position, des personnes ressources pour l’évangélisation des frères restés dans les villages. Il faut garder des liens avec eux. Importance sociale et religieuse aussi de la femme, dès le rôle significatif qu’elle joue dans le commerce (petit comme grand) et dans la religion traditionnelle. Et voilà que dans nos paroisses c’est justement les religieuses qui manquent le plus, c’est-à-dire les personnes les plus indiquées pour un contact et un dialogue avec les femmes. On doit penser sérieusement à avoir des comboniennes dans notre province, pour s’assurer de l’indispensable contribution féminine dans le commun travail missionnaire. Le subside préparé par le provincial en vue de l’assemblée de décembre tient compte de toutes ces remarques.

Le CP du 6 octobre réfléchit aux conclusions tirées de la visite du p. Novelli et qui seront présentées à tous les confrères. En partant d’elles, la commission chargée de préparer l’assemblée générale choisira les thèmes et rédigera un questionnaire. Exemple de quelques questions posées : Est-ce que tu as la compréhension qu’il faut de la situation socio-politique ? Comment pourrait-on mieux utiliser les spécialisations que certains confrères possèdent ? Est-ce que tu consacres une partie importante de ton temps pour rencontrer les gens ? Est-ce que nous cherchons vraiment de former des communautés nourries surtout de la Parole de Dieu et des célébrations liturgiques bien faites et soigneusement préparées ? L’emploi des moyens de communication sociale est-il suffisant ? Fais-tu l’effort d’exprimer le mystère du Christ à travers les valeurs de la culture locale ? Croyons-nous aux possibilités humaines et morales des gens ? Avons-nous des préjugés qui nous empêchent d’entrer en communion avec les gens ? Qu’est-ce que nous faisons pour contribuer à la libération totale de l’homme ? Avons-nous le courage de porter un œil critique sur notre manière d’évangéliser ? Pourquoi donnons-nous parfois l’idée d’être des résignés ? Qu’est-ce que nous faisons pour aider les familles chrétiennes à la fidélité ? Est-ce que nous encourageons et formons les agents pastoraux ? Une série de questions qui touchent bien d’aspects fondamentaux de notre activité évangélisatrice !

 

 

Evangélisation

 

C’est le p. F. Pierli, conseiller général, qui vient pour participer à l’assemblée consacrée à « l’évangélisation dans cette partie de l’Afrique ». Elle se tient du 28 au 30 décembre 1981, dans le cadre de la maison de Togoville, remise à neuf. C’est la première vraie assemblée de la province. Le p. Pierli a tenu sa relation sur « les lignes d’orientation pour le service missionnaire dans la RdV ». Nous pouvons la lire dans MCCJ Bulletin n° 138, juillet 1983. Nous avons notre style propre dans l’apostolat c’est-à-dire un choix préférentiel pour un secteur de personnes : l’évangélisation des non chrétiens (parce qu’ils n’ont jamais rencontré le Christ ou du fait que leurs communautés sont encore en voie de formation). Nous sommes appelés à rendre un service que les prêtres autochtones ne rendent pas. Nous sommes partie de l’Eglise locale, mais à notre façon et donc avec la liberté de proposer. Les propositions doivent être communautaires, élaborées ensemble. Nous devons assumer, faire nôtre l’expérience de ce peuple, celle de la maladie par exemple, et de sa manière de se rapporter à l’au-delà, comme l’expérience de la famille. C’est un peuple qui sent peut-être plus la maternité de Dieu que sa paternité, parce que maternité signifie amour, constance, esprit de sacrifice. Voilà la raison peut-être de la dévotion à la Vierge, plutôt que celle de la paternité divine. Il faut aller doucement pour ne pas condamner. Aidons les chrétiens à faire une expérience de libération dans l’agrégation à une nouvelle famille, l’Eglise. Il faut prêter attention à la foi populaire avec ses bénédictions, ses onctions, ses pèlerinages, les saints, les reliques. L’objectif du p. Pierli est bien précis : aider l’assemblée à formuler des conclusions pratiques.

Mgr Sastre, évêque de Lokossa, a développé pour sa part le deuxième aspect du problème, « …dans cette partie de l’Afrique ». Il ne faut jamais cesser de s’interroger sur la nature et les buts de notre travail d’évangélisation.

Des priorités avaient été fixées : approfondissement de la connaissance du milieu, une meilleure définition de notre rôle dans le développement, formation plus engagée des leaders (des catéchistes en particulier) et PV. C’est sur ce dernier point que le p. Pierli avait insisté en demandant aux confrères d’intensifier la PV en vue d’ouvrir un postulat pour candidats comboniens autochtones. A la même occasion, pour ce qui est de l’épineux problème du personnel, il s’engage avec le CG à ne pas en ajouter mais à ne pas en soustraire non plus. Mais on sera fidèle seulement à la première partie de l’engagement ! Bientôt on va demander les pères Arbor, Basso et de Matos pour leurs provinces d’origine.

Après sa visite à la province, qui s’était déroulée du 22 décembre 1981 au 5 janvier 1982, le p. Pierli envoie sa relation comme continuation du rapport du p. Novelli. Parmi les buts de sa visite, il y avait aussi celui d’aider les confrères à acquérir le sens d’appartenance à un groupe, une province (rappelons qu’elle avait été fondée seulement le 20 janvier 1976 comme région). Le père remarque au Ghana l’instabilité politique, l’extrême pauvreté, mais en même temps la liberté d’expression dans les médias et chez les gens. Du Togo il remarque l’impressionnant afflux de capitaux étrangers grâce à la stabilité politique, qui lui fait parler de « boom économique de type capitaliste ». Au Bénin il n’a pas été, mais il remarque que l’on est passé à une attitude plus adoucie vis-à-vis de l’Eglise. Après 17 ans de présence combonienne, la province doit se donner une méthodologie missionnaire à proposer aussi à l’Eglise locale. Il est temps de passer de l’anthropologie à l’évangélisation. Le groupe d’anthropologues de la province, les pères Pazzi, Corazza et B. Gilli pourraient présenter un projet unitaire d’évangélisation à soumettre à l’Eglise locale.

Quant à la promotion humaine, les initiatives ne manquent pas (projet puits, école professionnelle d’Afagnan, les écoles à Kouvé et ailleurs, etc.), mais elles sont trop liées à des individus. Pour la continuité et en vue d’un engagement spécifique des frères, il faut que la province assume ces initiatives. Quant à l’animation des vocations comboniennes, la province pourrait s’orienter à ouvrir le postulat déjà en 1983. Quant à la rotation, deux périodes en province s’imposent pour ne pas devoir recommencer tout à nouveau au retour. Moins de 50% des communautés sont conformes à la RdV, c’est-à-dire composées de trois confrères.

Avec le départ en congé des pères Boscaini et Girau et celui (définitif) des pères Augusto do Vale et Villarino, il faut penser à remplacer dans le CP les deux derniers d’une façon durable : l’un de deux sera aussi le vice provincial. A la place du p. do Vale c’est le fr. Santi qui sera conseiller. Le p. Del Pozo prendra la place de Villarino. Le p. Zancanaro sera l’économe provincial.

On a repris les travaux de construction du 2è étage du centre social d’Aklakou et de la maison paroissiale de Vogan. On a aussi tracé les fondations de l’église d’Adidogomé. Il y a du travail et pour le fr. Santi et pour le fr. Negrin ! Le projet puits, confié en particulier au fr. Humberto (Vogan) après le départ du fr. do Rosario, se réalise régulièrement et avec succès. L’église d’Ahépé (paroisse de Kouvé) monte tout doucement, sous les yeux experts de p. Zulianello.

Avec la nouvelle année, le Général fait un peu le point sur la situation concernant l’évangélisation au Togo. Il considère les années passées comme la phase n° 1 de notre présence, une phase de préparation. Maintenant il faut passer à la phase n° 2 qui devrait se caractériser par l’application de tout cet ensemble d’expériences, connaissances linguistiques et culturelles, acquises pendant ces 18 ans, à l’évangélisation directe. Tout cela le p. Calvia l’exprime dans une lettre adressée au p. Pazzi, invité à s’impliquer plus dans la formation permanente des confrères et autres agents pastoraux « et à trouver, je dirai même inventer, une manière nouvelle d’évangéliser cette culture locale qui présente des aspects si typiques et, disons-le aussi, si difficiles, pour la pénétration du message évangélique », écrit Calvia. Il s’agit d’un saut de qualité de notre présence dans la province. Au p. Roberto n’est pas demandé de quitter son Logowomé, mais de mettre à la disposition des nos communauté, de l’Eglise locale, des agents pastoraux ce trésor accumulé en tant d’années de prière, réflexion et d’expérience.

Même le directoire provincial n’avait pas encore été publié à cause du ‘cas’ Pazzi. On aurait aimé contempler et appuyer sa cause officiellement, mais des difficultés persistaient. Il fallait arriver à une conclusion. Le malheur est qu’en cette fin 1982 les rapports entre la communauté d’Afagnan et le p. Pazzi se sont dégradés. « D’après moi - écrit le p. Contran au vicaire général, le p. Eder - il s’agit objectivement de bagatelles. Mais ce sont justement elles qui souvent empoisonnent les rapports. Je reste de l’avis que Pazzi a besoin de la communauté qui lui serve en quelque sorte de point de comparaison ». Et Neno de continuer : « Si vous lui écrivez, insistez toujours (si je peux vous donner un conseil) sur le besoin de se confronter, même avec des confrères qui ne sont ni saints ni bienheureux. D’ailleurs, même notre Fondateur n’est pas encore bienheureux ! Parfois il rêve des confrères qui n’existent pas ou qui, au maximum, seront décrits comme bons et pleins de ferveur seulement dans le nécrologe du bulletin de la congrégation, là où la piété pour les défunts s’efforce d’imiter la miséricorde de Dieu » (lettre du 26 nov. ’82).

En attendant, le père continue son travail à Logowomé. Il se pose le problème des trois jeunes qui suivent le pré-catéchuménat et qui pourraient quitter, comme leurs camarades, pour la ville ou l’étranger. S’ils partent, le noyau chrétien du village tombe. « Nous souhaitons que le groupe chrétien montre au village qu’il est possible de trouver d’autres formes d’insertion des jeunes dans la vie que celle de les envoyer augmenter le sous-prolétariat des villes. Déjà, au bout de quelques mois, on reçoit les échos des échecs d’un tel exode : les filles n’y trouvent souvent que le gagne-pain de la prostitution, des garçons habitent dans des lieux malsains et reviennent malades, les apprentissages se révèlent exploitation sans vrai débouché pour la suite ». Cette longue citation d’une lettre du p. Roberto aux amis avec la date de la Christ Roi 1982, simplement pour signifier que les problèmes sont encore là 25 ans après. Le père parle aussi de l’explosion démographique qui réduit la terre disponible par membre de famille et du manque de justice sociale.

Arrivé à Vogan dont il avait été nommé curé et supérieur 15 février 1981, le p. Gobbi pensait de commencer tout de suite les travaux de la maison. Jusque là les confrères avaient vécu dans un… trou. Mais les choses traînent, faute d’un plan précis et d’un frère constructeur. Finalement les travaux démarrent en janvier 1982 avec comme responsable le fr. Santi. Mais cela ne sera pas facile, et à cause du caractère des protagonistes et de l’amitié qui liait l’archevêque et le p. Gobbi. La maison surgira quand même et les 5 chambres à l’étage seront couvertes par une dalle, objet particulier de contestation, qui finira un jour par être, à son tour, couverte de tôles. Vont de l’avant aussi les travaux pour la maison d’Aklakou avec de grands espaces : des rêves d’or attendent ceux qui occuperont les chambres ! A ne pas oublier que les chargés des travaux, en ce moment-là, étaient les frères Santi et Negrin : rien pouvait être changé dans les plans, sans leur avis !

Au mois de novembre, le Général annonce sa visite pour l’année suivante : « Ce sera pour moi un plaisir de revoir votre région, après 10 ans de ma première visite dont je me rappelle vaguement ; peut-être du fait aussi qu’alors elle faisait partie d’une longue visite à plusieurs pays africains, alors que cette fois-ci elle sera dédiée complètement au Togo ». C’est dans cette même lettre que le p. Calvia fait l’éloge du p. Contran, un éloge bien vrai et mérité : « Recevoir des lettres des provinciaux, des lettres sereines avec des nouvelles et qui révèlent un ton d’espoir et de bonne humeur, nous donnent à nous aussi du CG un peu plus d’optimisme et d’espoir, et - crois-moi - nous aide à mieux aborder les différents problèmes plus ou moins compliqués qui se présentent presque chaque jour ». Finalement la visite du Général aura lieu seulement en 1984.

A la fin de l’année c’est le p. Pietro Chiocchetta, postulateur général, qui vient rencontrer les confrères pour leur parler de Comboni : deux groupes pendant trois jours chacun. Il a parlé en italien avec grande satisfaction de tout le monde, désireux de mieux pénétrer la personnalité du Fondateur.

Avant de passer outre, il est bon peut-être de rappeler que l’année 1982 est celle de l’arrivée au Togo des salésiens. Les « projet Afrique » allait toucher aussi le Togo. L’archevêque avait jeté un pont d’amitié et de coopération entre l’Andalousie et le Togo. Les trois premiers salésiens, les pères Lucas Camino Navarro, A. César Fernandez et J. Manuel Melgar arrivèrent à Lomé au petit matin du 6 avril, accompagnés par l’archevêque lui-même. Comboni avait demandé à don Bosco quelques uns de ses fils pour son vicariat. La réponse positive arrivait à cent ans de sa mort ! C’est ainsi que les routes des salésiens et des comboniens vont se croiser au Togo : bientôt nos postulants frères vont profiter de CAMA (Centre d’apprentissage Maria Auxiliadora, à Akodesséwa) et les postulants prêtres de la Maison don Bosco, où ils suivront les cours de philosophie. C’est à la paroisse Maria Auxiliadora de Gbényédji, dans le quartier de Bè, que les salésiens vont s’implanter.

Le p. Zulianello part en congé avec la nouvelle année 1983. Il est toujours infatigable et il connaît la langue. Il suivra le cours d’aggiornamento, auquel il s’est décidé à contre cœur (il aurait dû le faire 4 ans auparavant) et on voudrait le convaincre à rendre un service d’AM dans sa province d’origine. « Mais il faudrait les chaînes qui ont lié Samson, pour le retenir », écrit Neno. Finalement le père acceptera en esprit de foi de rendre ce service. Et Neno ajoute, pour expliquer comment il avait fait pour convaincre Zulianello : « Même les féticheurs togolais font avaler à leurs patients des potions impossibles en les accompagnant avec de la danse, de la musique et d’autres distractions ». On voudrait petit à petit renouveler la communauté de Kouvé.

Expulsion des étrangers du Nigéria

 

La nouvelle année 1983 commence aussi avec un évènement douloureux : l’expulsion de deux millions de ressortissants des pays de l’Afrique occidentale du Nigeria. Nombreux les béninois, les togolais (deux tiers originaires du sud-est où nous travaillons) et les ghanéens. Il faut les aider. Les communautés comboniennes en Italie et ailleurs se mobilisent. L’argent sera envoyé pour aider le plus grand nombre. La Caritas suggère de réaliser des projets durables qui assurent un minimum de travail, plutôt que passer à une distribution fragmentaire. On donnera aux rapatriés de la nourriture, des médicaments et puis on essaiera de financer des projets de développement avec semences, outils, élevages, etc.

Avec ces rapatriés, la densité de la population dans la préfecture des Lacs avait atteint certainement les 200 habitants par km². Le recensement de 1981 avait montré que la population doublait tous les 20 ans et que si en 1940 un hectare planté à manioc produisait 10-12 tonnes, en 1975 elles s’étaient réduites à 3 et à une en 1981 !

 

 

Communautés problématiques

 

La province italienne demande le p. Basso. Commentaire du p. Neno : « Ces faits rendent l’envie de programmer de plus en plus faible (…). Pour ma part, je fais un discours de foi : le fait qu’on nous déplace d’un endroit à l’autre est le signe que le Seigneur nous aime et il aime sa mission, ne permettant pas que dans un endroit nous fassions trop de bêtises ». Les difficultés de la communauté de Vogan, lui font écrire : « Finalement il s’agit toujours de petites choses, que nous avons le don d’agrandir. Quand nous étions petits, nous rêvions d’aller en Afrique pour y chasser les éléphants. Puis nous sommes tombés dans une région où sont surtout les moustiques à faire rage et alors, afin de dépasser un certain sentiment de frustration, nous grossissons les moustiques et les abordons avec une agressivité disproportionnée ». Et à une autre occasion : « J’ai été plusieurs fois à Vogan. La paix semble revenue et ils vont continuer la construction de la maison. Le fr. Santi a accepté de reprendre les travaux. C’est drôle la manière dont les choses arrivent : les problèmes du Royaume de Dieu sont si nombreux que nous ne devrions pas trouver une seconde pour autre chose. Au contraire, nous en trouvons même trop pour des choses qui, vue de loin pas seulement ne nous semblent pas grandes, mais nous paraissent même d’une piètre figure ». Le provincial jouait la réconciliation mais son conseil était sceptique et à raison. La situation va changer avec le départ du fr. Humberto, début septembre. Le frère ne reviendra plus au Togo.

La communauté de Liati aussi connaît des problèmes : le p. Jané est là et qui doit vivre avec lui trouve qu’il est fait à sa manière avec des imprévus qui peuvent mettre à dure épreuve celui qui ne le connaît pas. D’un petit dispensaire, le père est passé à concevoir une vraie clinique qui va l’absorber entièrement aux frais du travail pastoral. On lui demande de faire les choses petit à petit, mais lui, il rêve en grand. Et il ne craint pas de traverser la frontière fermée pour se procurer à Lomé les médicaments nécessaires ! Si on lui fait des remarques, il y en a qui pensent qu’il risque même de laisser la congrégation. Ce qui arrivera quelque année plus tard !...

 

 

Le postulat : un tournant

 

Depuis quelques années déjà on parle d’ouvrir un postulat dans la province et des confrères s’engagent dans la PV, en particulier les pères Petrogalli au Ghana, Girau au Bénin et Grotto au Togo. Il faut que la commission de la formation se mette au travail pour fixer quelques critères de formation à adopter au postulat et d’autres pour ceux qui veulent y entrer.

Le postulat ouvre officiellement le 1er octobre 1983 (en coïncidence avec l’ouverture du grand séminaire Jean Paul II de Lomé) dans une maison louée à Wouiti avec trois candidats (deux togolais : Jean Pierre Légonou de Kodjoviakopé et Kouévi Louis Adjétey de Vogan, et un ghanéen, Anthony Agbo d’Alavanyo). Le p. Girau en sera le responsable. Quatre nouveaux vont s’ajouter l’année suivante, alors que l’on quitte la maison louée pour s’installer à Adidogomé (3 ghanéens et un togolais) dont un seul arrivera au but : Timothée Hounaké d’Afagnan-Gbletta. La troisième année le nombre des postulants s’éleva à 12. La maison du postulat est dédiée à St Pierre Claver.

Cette ouverture marque de toute manière une date importante dans l’histoire de la province. C’est un commencement chargé de promesses et d’espoir. « Nous qui un jour avons entendu l’appel à l’Afrique, nous devons nous réjouir du fait que cet appel soit maintenant entendu par des africains de cette région », écrit Neno aux confrères. « C’est un nouveau chapitre qui s’ouvre dans la vie de la province - continue le provincial -, car à partir de maintenant ce sera avec nous que ces aspirants vont parcourir la route. Jusqu’aujourd’hui, ils n’ont eu que des contacts casuels avec nous ou avec nos communautés. Petit à petit, ils partageront notre vie à part entière et ils verront si elle leur rappellera les idéaux comboniens ». C’est une nouveauté absolue et un grand défi. Quelque confrère aura besoin d’une petite conversion, comme d’ailleurs cela s’est passé dans d’autres provinces au moment de se lancer dans l’aventure des comboniens autochtones qui devront se sentir accueillis dans toute communauté.

La PV ne sera plus chose facultative car elle doit assurer la continuation du postulat. La majorité des confrères est favorable. On a dépassé un certain scepticisme et la subtile méfiance qui barrait un peu la route au commencement. Il faut quand même reconnaître que la PV dans plusieurs communautés est encore plutôt faible : il n’y a que deux ou trois communautés vraiment engagées. Il est de notre rôle de missionnaires d’éveiller la conscience missionnaire de nos communautés chrétiennes. Nous devons sensibiliser à la dimension missionnaire tous les mouvements de nos paroisses car l’expérience enseigne que les vocations naissent et se développent à l’intérieur de ces groupes.

 

 

Kekeli neva

 

Grande affluence de fidèles à Togoville, le 5-6 novembre 1983, pour la célébration du 10ème anniversaire du sanctuaire. A cette occasion l’archevêque a béni la première pierre du centre pour aveugles Kekeli neva, que les confrères vont bâtir à l’entrée du village sur la route pour Vogan à l’aide de Misereor, Centro italiano ciechi et Caritas togolaise. Les travaux seront dirigés par le fr. Giacomelli. Le 6 janvier 1985 c’était la grande fête à Togoville : l’archevêque bénissait et inaugurait le centre, pendant une liturgie qui voyait les jeunes aveugles proclamer la Parole de Dieu à la grande foule de ceux qui se disent ‘voyants’. Les pères Grotto, Corazza et F. Gilli ainsi que le fr. Luciano voyaient ainsi couronnés leurs efforts en faveur des non-voyants.

 

 

20 ans de présence

 

Du 8 au 10 février 1984, se tient la 2ème assemblée de la province et le provincial présente son rapport sur le 20 ans de présence combonienne. L’occasion nous est donnée de nous interroger en frères sur l’état de santé de notre famille. Nous voulons approfondir les raisons qui sont à la base de notre vie en commun et améliorer, si nécessaire, la qualité de notre témoignage de fraternité. Le provincial fait le point : 65 confrères sont entrés en province ; aujourd’hui nous sommes 33. Deux sont morts et 5 ont quitté l’institut. Puis il continue avec l’historique de la province : délégation après le Chapitre de 1969, « région » en 1976, avec la motivation suivante : « Dès que les délégations représentent un stade encore imparfait … ». En 1977 p. Tiboni soulignait que la région « doit élaborer un programme de ses activités à partir du personnel dont elle dispose. Pour y parvenir, il faut que tous les confrères soient conscients de leur responsabilité commune ». Après le Chapitre de 1979 la région est érigée en province : 32 pères et 5 frères en 1982.

Le p. Neno rappelle qu’en 1966, le p. Cordero écrivait : « Que les visites ne soient pas reçues dans la chambre. Le bureau paroissial est le seul lieu indiqué pour les visites. Il y a malheureusement tant de petits sots et sottes autour de nos presbytères qui aiment faire perdre du temps. Qu’ils soient adressés au bureau. Sauf exceptions rares dictées par le bon sens, que l’on ne voyage pas avec des femmes dans la voiture. Il ne faut pas multiplier les visites à une seule famille. Quant on ne porte pas l’habit religieux, que l’on ne reste jamais en maillot de corps ou en culotte là où les gens peuvent nous voir ».

Au début on voyait dans les bavardages une menace pour la vie communautaire : avec grande légèreté on parle entre nous et les externes de nos petites misères, de nos défauts. « Bavardons moins et travaillons plus », comme disait p. Vignato. Il faut se rencontrer et se parler. La division vient de l’argent. Le provincial reconnaît la difficulté permanente des « commissions ». Et puis la vie continue, faite de simples choses, parfois banales, sans oublier que souvent à l’origine des problèmes, des conflits personnels ou d’idées, il y a la piqûre d’un moustique ou une nuit passée en blanc.

Vingt ans de vie avec ses joies et ses accidents. Les plus connus : p. Cordero se fracture une épaule en tombant de sa Vespa (12.12.1966) ce qui lui vaudra 40 jours de plâtre. Le 26 janvier 1969 le p. Zancanaro est piqué par un mystérieux insecte et le p. Pazzi souffre d’une infection à la jambe gauche. Le 10 février 1967 le fr. Staub se blessait grièvement à une jambe alors qu’il se baignait dans la lagune d’Adjido. En juin 1976 p. Jiménez finissait sous le tracteur, etc. Et puis les accidents d’auto des pères Pin, Gobbi, Depaoli, Jané, Ziliani, Corazza… La chronique reporte aussi des histoires de vols, comme celui d’Afagnan en 1976, alors que disparut tout l’ivoire brut et travaillé. Sécheresse en 1976 : Vogan et Kouvé ont dû acheter des citernes d’eau. Et encore : un seau de sable tombe sur la tête du p. Gobbi, p. Negrato tombe dans un puits et le p. Zulianello du clocher.

 

 

Mort du p. C. Zeziola

 

Le 28 janvier 1984 mourait à Rome à Via L. Lilio, à quelques heures seulement de son arrivée, le pionnier du Ghana, le p. Cuniberto Zeziola. Il avait 60 ans. En quittant la province depuis Lomé il sentait que c’était son dernier voyage. Dans Les gens vous attendent nous lisons que c’était un combonien à l’enthousiasme contagieux. « En mission, après des journées pleines d’activités, il passait une bonne partie de la nuit en écrivant aux bienfaiteurs et aux amis… des longues lettres, pleines de détails, presque toutes personnelles, dans lesquelles les problèmes de la mission étaient mis en relief avec une vivacité parfois dramatique ». En ce sens il était un parfait disciple du Fondateur. Exemplaire aussi à apprendre l’éwé : il écoutait les leçons pendant 7-8 heures par jour ! Et il avait 50 ans ! Et encore : « Tout en maniant beaucoup d’argent, il vivait personnellement d’une manière très pauvre qui frisait la misère ». Son caractère n’était pas des plus faciles : « J’ai le mérite d’avoir rendu martyrs plusieurs confrères! », a-t-il écrit.

Mais nous le rappelons pour son amour total à la mission, aux plus pauvres avec qui il s’identifiait, les enfants handicapés surtout. Au moment de sa mort, il était en train de soigner avec une commission diocésaine la réédition du Dziƒomò, le livre éwé de prière et de chants très aimé par les chrétiens. Le travail paraîtra finalement en 1986 comme Keta-Ho Katokiko Dziƒomò yeye, imprimé par I.S.G. Vicenza (Italie), et dédié aux missionnaires qui ont travaillé sans s’épargner dans le diocèse de Kéta-Ho, spécialment le p. C. Zeziola. Ce livre servira pendant des années à la prière et au chant des catholiques éwé jusqu’à la parution, en 1999, du nouveau Dziƒomò imprimé par Verbum Bible.

P. Calvia visite la province

 

L’année 1984 verra le renouvellement du CP. L’événement est important puisque les provinciaux nommés cette année-là participeront au prochain Chapitre général : il faut donc choisir des confrères ouverts et sensibles non seulement aux problèmes de la province, mais encore à ceux de la congrégation. Le pré-sondage est donc ouvert parmi les 33 membres de la province. Déjà le 31 mars on procéda au dépouillement des bulletins de l’élection du provincial. Ayant obtenu la majorité absolue, le p. Antonio Alvarez Del Pozo est proposé au CG pour la nomination.

Au mois de février 1984 a lieu finalement la visite tant attendue du p. Général. Le p. Salvatore Calvia prend part à l’assemblée provinciale programmée pour le 8-9 et 10 février. Il arrive à Lomé le soir du 8 et le lendemain matin il est à Togoville où les confrères (27) sont réunis. Le sujet : Notre vie communautaire !

Nous revenons sur le rapport du p. Neno car c’est avec son style qu’il trace le bilan de 20 ans de présence combonienne au Togo. C’est après le chapitre de 1979 que la région du Togo devient province. En 1982 elle compte 32 pères et 5 frères. « Nos ancêtres connurent nos problèmes », dit Neno. Surtout à propos de la vie communautaire : conseil de communauté délaissé, on ne se rencontre pas régulièrement et on ne se parle pas. On ne partage pas. On parle mal de l’autre. Il faut prier plus et parler moins. Et les commissions ou secrétariats ? « Les commissions sont comme les étoiles filantes : apparaissent, brillent pour un instant, disparaissent dans l’obscurité », disait le CR du 2 janvier 1979.

Le provincial continue avec la vie et raconte les fioretti’ des confrères avec leurs joies et accidents : épaule fracturée, piqûre d’insecte mystérieux, infections différentes, blessures, accidents de voitures (nombreux), vols, sécheresse, chutes, diarrhées, mycoses. Et les morts (Bettani et Zeziola en particulier). Il termine en parlant de l’animation : entre l’annonce que le boy Blaise partait au noviciat de Florence (26 septembre 1965) et l’actuel postulat il y a eu une fracture de presque 20 ans. « Après bien d’incertitudes le phénomène des vocations qui demandent d’entrer dans notre congrégation a fini par s’imposer… Comment nos communautés accueilleront ces jeunes qui frappent à la porte de notre institut?… Aujourd’hui les choses sont plus compliquées. D’abord parce que beaucoup d’aspects de la formation ont été mis en question ; et ensuite parce que les jeunes qui s’approchent de nous et veulent connaître Comboni et suivre son idéal, n’appartiennent pas à notre race et à notre culture.

Pendant la rencontre des supérieurs généraux à Rome (janvier et mai 1983), il a été dit : - Dans nombreux pays du tiers monde il y a une fleuraison surprenante de vocations. Les instituts changent de couleur, ce qui entraîne des problèmes, surtout d’inculturation, auxquels nous sommes impréparés surtout dans la formation des jeunes et les structures à revoir. La formation sera confiée aux formateurs. Mais il est évident que l’accueil et la formation dépendront surtout de ce que notre communauté provinciale et les communautés seront capables de donner… A partir de maintenant les ‘autres’ seront avec nous et la vie en commun sera le lieu privilégié où la mise en question de ce que nous sommes, disons et faisons, sera gratuite et sans nuances ».

Les conclusions de l’assemblée reconnaissent les difficultés de nos communautés. Dans très peu de communautés on met d’ordinaire en pratique les moyens indiqués par la RdV concernant les réunions du conseil de communauté. Dans la plupart de nos communautés on confie aux rencontres informelles la tâche qui en réalité revient aux conseils réguliers. On ne prie pas ensemble. Trop d’individualisme dans la gestion financière : on ignore ce que l’autre fait. La RdV indique les priorités et les conditions pour une vie ensemble : prière, rencontres régulières, partage des biens et coresponsabilité dans l’économie.

Le CP évalue l’assemblée. Les confrères du Ghana avaient finalement pu y assister (la frontière avait été fermée pendant un an et demi), mais la participation des confrères a été « froide » : insuffisante animation spirituelle, prière pauvre, choses belles mais théoriques, conclusions qui n’étaient pas le résultat d’une élaboration communautaire, absences injustifiées, manque de courage et d’une volonté disposée à chercher ce dont nos communautés et chacun de nous ont vraiment besoin.

Dans son rapport, le p. Calvia se dit satisfait de l’organisation de l’assemblée : un exposé le matin suivi du travail en carrefours sur un questionnaire, et puis réunion générale. Moins enthousiasmante la participation au débat : silence presque total de confrères qui auraient pu contribuer et stimuler la réflexion. Peu d’envie de se mettre en question ?

Le Général rencontre à Afagnan le CP le 11 février. On fait une évaluation de l’assemblée. On y parle du postulat. Il faudra trouver une maison définitive. Il faut penser aussi au postulat-frères. Mais à quelles conditions ? Le Zaïre pourrait aider. Il faut insister avec les confrères sur le choix prioritaire de la PV pour nous et l’Eglise locale. Au Togo et au Bénin les confrères ne semblent pas très enthousiastes : il faudra insister. Le Général visite le postulat.

Quant aux personnes : le p. Arbor partira pour l’Espagne dès que possible, la province a absolument besoin d’un économe. Le ‘cas’ du p. Pazzi doit être conclu : on prendra contact avec l’archevêque. Trop de projets individuels, surtout au Ghana.

 

 

Cas Pazzi : solution définitive ?

 

Le p. Calvia écrit depuis Rome à p. Pazzi en date du 26 avril 1984. Il lui propose l’avis du CG en vue d’une « solution définitive » de sa situation. Il lui exprime les sentiments de profonde estime et gratitude du CG pour « l’aspect de la contemplation et de l’étude de la culture locale que tu as réalisé pendant ces années. La congrégation et la mission en ont un besoin extrême - continue le Général - surtout si à cet aspect de contemplation et d’étude de la culture locale est uni le désir et la finalité spécifique d’une profonde insertion dans la culture locale pour découvrir des chemins toujours meilleurs pour l’évangélisation ». Mais le Général lui exprime aussi ses soucis : son éloignement croissant de la congrégation qui - d’après ses mêmes mots - lui rendrait impossible de rentrer à vivre dans une communauté combonienne; la dépendance croissante d’un point de vue psychologique de sœur Marie-Jeanne : son avis serait indispensable à toute décision du père; l’ambiguïté juridique dans le sens que le père mène une vie indépendante et des supérieurs et de l’évêque. Voici donc la décision du CG : « une année sabbatique en Europe pour un détachement qui permettrait un discernement selon ‘l’indifférence ignacienne’ ; devant un refus, le CG prendrait acte de ton détachement de l’institut et entrerait en contact avec l’archevêque pour une incardination ou autre solution ». Evidemment le p. Calvia écrit à contrecoeur, mais il le fait pour que le nouveau CP ne se retrouve avec ce problème non résolu.

Au mois de juillet le p. Calvia répond à la lettre que le p. Roberto avait envoyée comme réponse et où il dit que des accords été passés entre lui et le précédent CG qui acceptait déjà en 1970 sa forme de vie d’une manière définitive. Le Général essaye d’être le plus franc possible. Il dit au p. Roberto que son discours est ‘parallèle’ à celui du CG qui ne lui reproche pas son style de vie mais qui lui dit clairement qu’il n’entre pas ou qu’il n’est pas contemplé dans notre RdV. En effet, il n’y a pas de communion avec les confrères ; sa manière de vivre la vie religieuse et communautaire ainsi que sa vie apostolique est hors du style combonien. Tous les documents officiels insistent beaucoup sur la vie commune. Le CG ne nie pas la vie érémitique, mais il dit qu’elle est incompatible avec le projet combonien. Il faut donc choisir : « si tu considère que ton projet doit se continuer d’une manière définitive, tu dois choisir entre la vie en congrégation et l’incardination dans un diocèse ou dans un autre institut religieux ». Cette mise au pied du mur ne pouvait pas ne pas paraître brutale au p. Roberto, mais le p. Calvia, lui, parle de « charité et d’un besoin urgent de clarté ».

Le p. Pazzi fera une tentative d’entrer dans la fraternité monastique de Jérusalem, fondée par le p. Pierre Marie Delfieux. Le p. Calvia l’annonce aux confrères dans une lettre depuis Rome, le 18 mai. « Vous savez tous - écrit le p. Clavia - qu’il y a eu des moments difficiles dans les relations entre nous. En revoyant ce passé je crois que nous tous, soit lui soit nous, nous devons nous frapper la poitrine si parfois nous n’avons pas trouvé les moyens adéquats pour garder intacte notre communion et la charité fraternelle ». Mais finalement le p. Roberto choisira l’incardination dans l’archidiocèse, mais la chose n’aboutira jamais. La tentative d’incardination se répétera avec le premier évêque du nouveau diocèse d’Aneho (dès que le père avait quitté Logowomé début 1988 pour Agou, d’où il était rentré à Vogan fin 1990), mais la mort de l’évêque empêchera que les papiers soient signés. En l’année 2000 le père est toujours à Vogan, à 2km de la paroisse, avec sœur Marie-Jeanne et conduit la vie d’ermite qu’il avait choisie. Il continue ses recherches et ses études.

 

Le p. Calvia revient sur sa visite avec une lettre adressée au provincial, datée Rome 1er mars. Il redit son impression positive, au-delà des problèmes. Et il tient à souligner un point qui lui semble fondamental : « Je voudrais que l’on prête toute l’attention nécessaire au cours de langue - écrit Calvia - et au cours d’initiation des nouveaux missionnaires au milieu local. (...) Je dis vrai : cela a été pour moi une grande surprise de voir nos missionnaires, presque tous, parler par interprète interposé. J’avais remarqué cela en 1973 - alors que j’étais venu en visite, la première, comme conseiller général -, mais je n’aurais pas cru - je te le dis à cœur ouvert - que la situation était la même en 1984 ! Je crois qu’une des priorités doit être celle de soigner ce cours de langue et ‘obliger’ tous à le suivre et, une fois les principes de la langue appris, obliger aussi tous à s’en servir. Je ne connais pas d’autres endroits où l’on parle par interprète… ».

Le Général passe ensuite au point de la révision de notre manière de présence : l’espoir d’avoir bientôt un clergé local abondant, doit nous pousser à ‘spécialiser’ notre présence dans l’Eglise locale pour en assurer la stabilité et éviter que nos missionnaires perdent l’impulsion pour un travail ‘de frontière’ qui est notre spécifique. Il insiste aussi pour un travail de PV et de formation de toute vocation dans l’Eglise locale.

 

 

 

 

 

Quatrième Partie

P. ANTONIO DEL POZO PROVINCIAL

(1984 - 1989)

 

Le nouveau CP se réunit le 28 juin avec l’ancien. Provincial est le p. Antonio Alvarez Del Pozo. Conseillers : les pères S. Cadei, P. Corazza, P. J. Pellicer Girau et le fr. Baudouin Tanzi Avo (qui fera sa profession solennelle le lendemain à Togoville devant tous les confrères). On dit merci et au revoir au p. Neno qui a été appelé à Rome comme secrétaire général de l’AM (et qui reconnaîtra que son tort principal a été celui d’avoir laissé trop de monde quitter la province pour aller ailleurs). On remercie aussi le fr. Santi pour le travail accompli au sein du CP. Le p. Cadei est élu vice provincial et sa nomination soumise au CG.

Et tout de suite on traite du personnel : le p. Oliveira passe à Afagnan et Lobogo reste avec le seul p. Radaelli. Le p. Cremaschi est proposé pour Vogan et le p. Cadei passera à Kodjoviakopé en remplacement du p. Zancanaro qui, étant le seul anglophone disponible, remplacera Zeziola à Sogakopé. On se retrouve avec 3 communautés avec un seul confrère ! Le postulat abandonne la maison louée pour un an et se déplacera à Adidogomé. On pensait alors que la solution n’était pas définitive. Les postulants seront sept, 3 en deuxième année et 4 en première. Le p. Del Pozo, dans la mesure de sa disponibilité, donnera un coup de main au p. Girau formateur. Le p. Del Pozo s’est en effet transféré d’Afagnan à Kodjoviakopé, où depuis le régional-provincial Contran se trouve la maison provinciale.

Le CP se réunit de nouveau le 3 août. Il est communiqué que le noviciat pour les trois provinces africaines francophones sera au Zaïre, à Isiro. La province donne sa contribution pour sa construction. Le p. Francisco de Matos Diaz est nommé économe provincial en remplacement du p. Basso qui rentre en Italie : on le remercie pour les services rendus avec tant de dévouement et exactitude.

 

 

Assemblée panafricaine de l’AM et de la formation

 

Du 12 au 26 août 1984 se tient à Kinshasa la 2ème assemblée panafricaine de l’AM et de la formation. De la province participent les pères Del Pozo, Contran, Girau et Petrogalli. Cinquante comboniens étaient présents, dont 8 religieuses, de 12 pays d’Afrique. La réunion s’est tenue dans les locaux du Grand collège de Kimwenza, colline à Nord ouest de la capitale zaïroise, surnommée Mini-Vatican à cause de la présence d’une quinzaine de maisons religieuses. On y parle de la réalité juvénile africaine, de l’AM et PV, des médias, de la vie communautaire, de la vie religieuse, du frère combonien et des rapports évêques-religieux.

Le but de l’assemblée (« Promotion des vocations et formation en Afrique ») était double : approfondir la compréhension de la réalité africaine pour aboutir à l’élaboration de critères clairs, concrets et réalistes et avoir des orientations pour la formation et la promotion des vocations, celle du frère en particulier. On constate en Afrique une augmentation un peu partout des candidats au sacerdoce et à la vie religieuse.

En ce qui concerne les instituts spécifiquement missionnaires on voit un début appréciable de la ‘relève missionnaire’. On peut deviner de quoi l’avenir sera fait ! Les vocations spécifiquement missionnaires commencent à fleurir dans les jeunes Eglises d’Afrique. Le discernement s’impose évidemment car il se pourrait que cet accroissement soit lié à des facteurs tels que le chômage, le désir de poursuivre les études… Des experts d’autres congrégations qui travaillent dans la formation, comme par exemple le jésuite p. Mertens, n’ont pas caché les échecs (des pertes douloureuses) et les espoirs. On a pu partager et échanger les expériences ainsi que les difficultés et les projets pour l’avenir.

 

 

Rapport au Chapitre de 1985

 

Le 1er août 1984 est convoqué officiellement le XIIIè Chapitre général qui ouvrira à Rome à la maison généralice le 29 juin 1985. Il constituera « un approfondissement de la mission : spiritualité et méthodologie ». Il faudra répondre à un très joli questionnaire qui prendra du temps et des énergies. Et préparer la relation de la province. Et on devra se prononcer sur l’ouverture en Asie. Il faut penser aussi au délégué : ce sera le p. E. Petrogalli. Et comme délégué frère pour l’Afrique francophone (Centrafrique, Zaïre et Togo) est choisi le fr. Duilio Plazzotta de la province zaïroise.

Le rapport est discuté et approuvé au cours de l’assemblée provinciale pré-capitulaire qui se tient à Togoville du jeudi 27 au samedi 29 décembre 1984. La première partie analyse la réalité de la province. Quant à la situation historique, les événements significatifs ont été les suivants : dans le domaine de l’Eglise au Togo, on a assisté à la normalisation des rapports entre Eglise et Etat, avec le règlement de l’affaire Kpodzro (l’évêque d’Atakpamé empêché de rejoindre son siège épiscopal) et la nomination d’un ambassadeur près le Saint Siège ; au Bénin, la visite du Pape (février 1982) a eu une grande importance pour l’Eglise locale en la soutenant moralement (nous sommes sous un régime de socialisme scientifique) et en la confirmant dans son identité catholique (la hiérarchie locale a complété son indigénisation par le sacre du dernier évêque béninois en décembre 1983) ; au Ghana il y a eu la prise de position des évêques face à la nouvelle orientation politique du pays et la visite du Pape qui a représenté pour l’Eglise locale l’occasion de prendre conscience de son rôle social. Au Ghana on remarque partout un essor remarquable des vocations autochtones.

Quant au domaine socio-politique : au Ghana il y a eu la révolution du 31 décembre 1981 conduite par le capitaine Jerry Rawlings, avec la fermeture des frontières 22 mois durant ; au Bénin le régime est devenu plus souple et accepte, voire demande, l’action de l’Eglise dans le social ; au Togo, situation ‘stable’. Les trois pays ont eu beaucoup à souffrir des conséquences de l’expulsion des étrangers du Nigeria. A noter que dans le questionnaire il était aussi question de la rédaction d’une « histoire de la province ». Rien a été fait, mais on y pense…

Cadre statistique : 29 pères, 4 frères ; âge moyen, 43.8 ans ; postulants 7. Treize les communautés : Afagnan et Tovoville avec 4 membres, Lomé 3, Abor, Liati, Adjido, Vogan, Aklakou et Bopa avec 2, Sogakopé, Kouvé, Lobogo et Adidogome 1.

En 1979, au dernier Chapitre, on s’était engagé à partager Abor en deux : Sogakopé en est née. De Kouvé aurait dû naître Tabligbo, mais à la condition du passage d’Adjido au clergé local, ce qui n’a pas été fait, à cause de l’archevêque. A l’intercapitulaire on s’était engagé à l’ouverture du postulat : chose faite.

On remarque le manque de programmation pastorale et de directives provenant de la hiérarchie (un refrain qui reviendra encore pendant longtemps), mais on reconnaît aussi le manque d’un dialogue vrai et fructueux entre nous et les évêques et l’individualisme chez nous. On a travaillé pour animer les confrères et les aider à vivre la RdV par plusieurs initiatives.

Quant à la pratique des vœux, on dit que la pauvreté est vécue plutôt au niveau individuel que communautaire ; la chasteté est laissée au domaine de la privacy et l’obéissance semble acceptée. La prière communautaire a vu un progrès, grâce surtout à la richesse de la nouvelle Prière du jour, mais au niveau personnel on ne voit pas encore d’effort de fidélité à la prière (méditation, etc.). C’était comme si l’action l’emportait toujours et partout sur la contemplation. On constate la difficulté de la vie communautaire : on ne s’accepte pas et manque la commu­nication. On ne tient pas le conseil de communauté : on ne se confronte pas, on ne dialogue pas, on ne planifie pas ensemble. On n’a jamais fait une réflexion sérieuse sur le milieu afin de vivre un style de vie qui nous rapprocherait davantage des gens.

Si l’AM commence à prendre corps (ce qui a été fait surtout à l’occasion du centenaire de la mort du Fondateur) et s’exprime dans les vocations qui ont commencé à venir à nous, il reste beaucoup à faire, surtout vis-à-vis du clergé local. Quant à la PV, l’invitation du CG à y penser sérieusement (c’était en 1981), est devenue réalité avec l’ouverture du postulat le 1er octobre 1983. On pense ouvrir le postulat-frères en octobre 1985, mais alors il faudrait un frère formateur.

Quant à la formation permanente, des rencontres ont été organisées et les confrères ont été encouragés à profiter de toute occasion (journée de recollection, journée communautaire…), mais on reconnaît qu’il y a des résistances. Un mot sur la rotation : « Un dicton court dans notre province : - ce sont les autres qui font notre rotation. Donc il nous épargnent du temps pour la faire mais ils nous privent aussi du personnel, avec le handicap que ceci impose à notre province, où presque rien peut être programmé ».

On reconnaît qu’il faut faire plus pour un vrai partage des biens. L’économe provincial se limite à distribuer de l’argent et à tenir à jour le livre de la comptabilité. On a donné notre participation pour la construction du noviciat d’Isiro, interprovincial, et pour le grand séminaire de Lomé. Chaque communauté donne quelque chose pour le postulat.

Quant à l’ouverture en Asie, les confrères sont partagés.

 

 

Personnel au minimum

 

Six mois après son élection, le provincial Del Pozo adresse une lettre au Général, où il fait état de la situation extrêmement dangereuse du personnel réduit au minimum : 21 pères et 3 frères. Six pères vivent seuls et comment remplacer quelqu’un qui tomberait malade ? On demande du personnel. Au vicaire général est envoyée une lettre qui traite de plusieurs confrères. La chose plus intéressante de la lettre est constituée par la demande de confrères qui ne piétineront jamais le sol de la province : à la place du p. Contran, on demande le p. Masserdotti ! On demande le p. Enrique Sanchez, mexicain, pour Kouvé et le p. Vicente Reig, le p. Renato Cagni pour le Bénin, ainsi que le fr. Toffan. On finira par se contenter du fr. do Rosario pour le postulat-frères et le p. Trivella qui revient comme aumônier de l’hôpital d’Afagnan. Le p. G. Trivella établit un programme de travail à la mesure de ses forces : visite quotidienne aux malades de l’hôpital et messe du dimanche dans deux communautés villageoises. Avec une connaissance réduite de la langue, il arrivait à faire des heures de catéchisme et beaucoup de conversation ! Quel courage n’a-t-il pas montré ! Et tout le monde connaissait son hobby pour la photo.

 

 

Visite de Jean Paul II au Togo

 

Du 8 au 10 août 1985, le Pape Jean Paul II visite le Togo. Moment important pour l’Eglise togolaise qui a vu une mobilisation des consciences avec conversions, baptêmes, régularisations de situations diverses (mariages) et un moment solennel pour les confrères de Togoville qui le soir du 9 août reçoivent le Pape au sanctuaire de Notre Dame du Lac Togo, Mère de Miséricorde, à qui il a la joie de confier le Togo tout entier. Après le chapelet et la bénédiction finale, et d’une voix transie d’émotion, le Pape disait : « Merci pour la prière ici à Togoville auprès de la Vierge de la Miséricorde… Je porterai dans mon cœur ce sanctuaire togolais, partout en Afrique, partout dans le monde ». Etant le provincial au Chapitre, c’est son vice, le p. Cadei, qui représente les comboniens aux festivités. A Kara le Pape avait ordonné prêtres onze diacres.

Dans son discours d’adieu à Lomé, le pape formulait des vœux : « Je souhaite que vous regardiez en avant. Ayant reçu la foi chrétienne, approfondissez-la ; tirez-en toutes les conséquences, construisez avec elle une civilisation originale qui puise ce qu’il y a de meilleur dans vos traditions, et qui se réfère en même temps à l’expérience de l’Eglise universelle. Ce n’est pas l’Evangile qui doit changer, ce sont les cultures qui doivent s’efforcer de mieux assimiler les germes de vie et de salut apportés par Jésus-Christ. C’est cette évangélisation en profondeur qu’il importe de poursuivre selon les orientations du concile Vatican II, avec la lumière et la force de l’Esprit Saint. Je suis sûr que vous pouvez préparer, avec la grâce de Dieu, un bel avenir pour votre Eglise, si vous cultivez avec persévérance la graine authentique de l’Evangile semée dans votre terre, et si vous veillez sur sa croissance. Ainsi votre communauté catholique apportera elle-même sa richesse dans le concert de l’Eglise universelle et, dans ce pays, en harmonieuses relations avec tous les citoyens, elle contribuera au progrès de la nation ». Précédemment le Pape avait invité les togolais à « être authentiquement africains et authentiquement chrétiens, sans séparer l’un de l’autre et sans craindre de témoigner en public de nos convictions ».

 

 

Les valeurs du Royaume

 

Le XIIIè Chapitre élit le nouveau CG : p. Francesco Pierli, Général ; Angel Lafita, vicaire général ; le p. Otto Fuchs, fr. Giuseppe Menegotto et p. Venanzio Milani conseillers. Ce Chapitre passera à l’histoire de l’institut pour avoir opéré l’option pour l’Asie et avoir mis les valeurs du Royaume au centre de l’activité missionnaire, qui ne se limite pas à fonder des Eglises mais vise la transformation de la société. Un dépassement de la vision cléricale de la mission. Les priorités du Chapitre : révision et requalification des engagements ; la communauté missionnaire combonienne ; les valeurs du Royaume et la libération intégrale de l’homme.

Le nouveau Général, le p. Francesco Pierli, écrit une lettre aux confrères de la province du Togo-Bénin-Ghana en exprimant des réflexions. Il rappelle que la province (région, alors) a été érigée le 20 janvier 1976 (ce sera donc bientôt dix ans) et que cette expérience devrait sanctionner une fois pour toute le sens communautaire de notre présence et action missionnaire. Le point faible semble être l’individualisme qu’il faut dépasser surtout dans le domaine de l’apostolat et de l’économie. Il faut apprendre à faire ensemble. Le Général revient sur l’AM qui doit être l’affaire de tout missionnaire et de la formation combonienne qui s’exprime par l’accueil des postulants dans les communautés. Le p. Pierli invite enfin chaque communauté à fixer dans l’horaire un temps programmé pour la méditation, en dehors de tout autre engagement. La lettre sera lue à l’assemblée provinciale.

De retour du Chapitre, le provincial avec son conseil procède à l’érection de la communauté d’Adidogomé (les pères Girau et Ricardo Andrade) et de celle de Sogakopé (pères Zancanaro e Novati).

Nos communautés doivent être formées selon la RdV et donc par trois confrères au moins : on nommera les supérieurs et les économes. Il faudra arriver à bien séparer et distinguer les comptes de la paroisse et ceux de la communauté. Le problème reviendra des années après…

L’assemblée provinciale se tiendra à Togoville et aura comme thème la 1ère priorité du Chapitre, Révision et requalification des engagements. Depuis Rome on insiste pour une présence plus qualifiée au Togo. Le provincial visitera les communautés en y passant au moins une… semaine pour voir ensemble et de près les activités d’évangélisation, la vie communautaire, les projets, l’économie, etc.

Le CP se réunit encore le 4 décembre. Le fr. Santi est élu pour remplacer le fr. Baudouin (en formation en Italie). On quitte finalement Adjido le 2 décembre. Le centre de la paroisse est passée dans les mains du clergé local, mais les villages le long de la lagune vers le Mono passent sous la paroisse d’Aklakou. Le projet de l’archevêque pour les trois pères qui seront à Aklakou est qu’un d’entre eux puisse préparer la nouvelle paroisse d’Anfoin. Ce sera le p. Grotto. Quant au postulat-frères, on se résigne à attendre le retour du fr. do Rosario qui fera deux ans de préparation-études à Rome.

Priorités du Chapitre

 

Le 2-3 janvier 1986 se tient à Togoville l’assemblée provinciale. Le but est de sensibiliser tous les confrères aux priorités du Chapitre : Révision et requalification de nos engagements missionnaires. Le but est celui de faire connaissance approfondie du document capitulaire et de mettre en œuvre les orientations et décisions du Chapitre. Le texte capitulaire nous demande de « vérifier nos engagements et de rendre compte à la province ». Pour faciliter le travail un questionnaire avait été préparé en vue de l’assemblée. Voici quelques-unes des questions : « A partir de la fidélité au charisme combonien, dans votre communauté missionnaire, qu’est-ce que vous faites pour atteindre ‘les plus pauvres et abandonnés’ en vue du Royaume ? Comment affrontez-vous les défis qui ressortent du milieu : le chômage, l’exode rural, la crise des valeurs et de la culture traditionnelle, le très haut pourcentage des jeunes, la masse des non-chrétiens, l’attention aux valeurs culturelles, l’engagement en faveur de l’homme et de la justice ? En tenant compte que nous devons favoriser la croissance des Eglises locales, qu’est-ce que vous faites pour atteindre l’autosuffisance ministérielle, apostolique et économique des Eglises locales ? Pourquoi nos évêques sont-ils insatisfaits de notre travail pastoral ? Quelles seraient les prochaines paroisses à confier au clergé local ? ».

Les communautés ont bien répondu. Il faut tout faire pour arriver à atteindre les plus pauvres et abandonnés. Cela pourrait devenir un slogan, mais l’aspect social de notre annonce doit être fortement souligné, en donnant, nous les premiers, l’exemple de la justice et de l’attention aux personnes (leurs valeurs et leur culture). Dans notre travail nous devons viser l’autosuffisance ministérielle, apostolique et économique de nos Eglises. Il y a beaucoup à faire. Au Bénin l’évêque veut reprendre ses paroisses en main : il faut pas précipiter, même s’il est certain que l’on va vers la fin de notre présence dans le diocèse de Lokossa. On peut ouvrir dans un autre diocèse. Afin de renforcer Sogakopé et Abor, on pense de fermer Liati au Ghana. Quant au Togo l’assemblée se prononce contre le passage de Kodjoviakopé au clergé local car c’est une paroisse, siège du provincial, procure et maison d’accueil pour les confrères de passage. Evidemment quand il s’agit de parler de quelle paroisse passer au clergé local, personne remet en cause sa propre paroisse mais plutôt celle des autres ! L’assemblée se prononce aussi sur le toit du personnel : 40 confrères semblent indispensables afin que toutes les communautés soient formées de trois membres, que le service d’évangélisation soit assuré comme d’ailleurs celui de la formation et les autres services d’une province.

Le postulat soit autonome et plus proche du séminaire. Le séminaire réclame la présence au moins d’un professeur de philosophie combonien. Où le trouver ? Notre père Général est convaincu que surtout en mission on s’est trop identifié à la paroisse, alors que l’engagement pour la formation des agents pastoraux locaux est prioritaire (comme déjà dit aux Chapitre de 1979). Alors l’engagement dans les grands séminaires est digne d’une attention particulière. Est-ce que l’on ne pourrait pas recycler, réorienter des confrères pour qu’ils arrivent à enseigner ? Une paroisse de moins, et un combonien de plus au grand séminaire. Ce qui ne se fera pas de si tôt…

 

 

CONSUMATO

 

Au mois de février 1986 naît la CON.SU.MA.TO., la Conférence des supérieurs majeurs du Togo, qui rassemble 206 religieux de 17 instituts différents. On avait commencé à en parler au début de 1980. Maintenant c’est une réalité. Notre provincial en devient le secrétaire-trésorier. Cette conférence se réunira en assemblée plénière une fois par an et n’aura pas peur d’aborder les problèmes vrais de la vie religieuse au Togo et ceux qui touchent la vie de la société. D’ailleurs, n’est-il pas le propre des religieux d’être prophètes dans l’Eglise? Le sujet JPIC occupera, d’une manière ou de l’autre, sa bonne place dans les rencontres des supérieurs.

Pendant le CP du 12-13 mai 1986 on décide de porter la contribution mensuelle des communautés au fonds provincial de 5.000 f cfa à 10.000. Le CP accepte la demande d’entrer au noviciat de Jean Pierre Légonou et Louis Adjétey. Ils sont les deux premiers novices de la province ! Ils partiront à Isiro (Zaïre).

Deux nouveaux confrères arrivent en province : le Fr. Alfio Guzzardi et le P. João Correia. Après le cours d’ewe (à Togoville), dirigé par le p. Corazza, le Fr. Alfio est affecté à Kodzoviakopé et le P. João à Liati.

 

 

Visite des pères Milani et Fuchs

 

Du 25 juillet au 17 août se déroule la visite des pères Venanzio Milani et Otto Fuchs, assistants généraux. Ils visitent toutes les communautés et ils rencontrent ensemble tous les confrères, à l’occasion d’une réunion générale, et le CP. L’impression est que l’on est en train de progresser, même si beaucoup reste à faire pour ce qui est d’une authentique vie communautaire. On reconnaît que pas partout on fait l’effort pour connaître la RdV et la pratiquer. La connaissance aussi des Actes du Chapitre n’est pas partout enregistrée. Quant au personnel, le p. Vicente Reig, pressenti pour le postulat, a été détourné au Mexique et il ne verra jamais le Togo. On reparle du postulat-frères. Les choses traînent. On prévoit un postulat de deux ans, mais les candidats doivent entrer avec une préparation technique d’un certain niveau. Pour le postulat-pères on est encore suspendu entre rester à Adidogomé ou acheter un terrain près du grand séminaire. On finira par rester à Adidogomé. Quant aux projets, il faut plus de transparence dans les sources de financement.

Une réflexion générale sur notre présence s’impose de manière à choisir en conséquence les engagements. Il faut se laisser guider par les priorités indiquées par le Chapitre afin qu’elles deviennent norme concrète d’action. L’économe provincial doit jouer son rôle d’animateur afin que toute communauté ait une gestion sérieuse. L’économe devrait passer dans toutes les communautés pour bien préciser les choses. Les différents secrétariats doivent faire leur part. Et ce sera surtout le secrétariat de l’évangélisation à devoir faire le plus grand boulot, pour aider les confrères à s’insérer dans le plan pastoral du diocèse (là où il existe) et à coordonner les différentes activités, sans jamais oublier que l’évangélisation directe (catéchuménat et formation des catéchistes et collaborateurs laïcs) prime sur les activités de développement qui devraient être réservées aux frères.

Dans leur rapport après la visite, les deux conseillers généraux insistent sur la vie communautaire, car ils ont remarqué la persistance d’un esprit individualiste qui « mène à gérer le temps, la prière, l’activité apostolique, les moyens et les biens économiques personnellement ». Ils appellent à un plus grand partage en créant un seul fonds provincial. Il faut donner de l’importance au conseil de communauté, qui doit être aussi occasion de formation permanente. La charte de la communauté est l’instrument privilégié qui favorise la communion, le partage et le travail ensemble. Il faut retrouver le goût de la prière personnelle. Le conseil pastoral paroissial devrait être l’instrument principal de programmation et collaboration pastorale. Il faut faire confiance aux laïcs.

Dans une lettre au provincial, le Général revient sur la visite des conseillers. Il félicite le p. Del Pozo pour l’effort qu’il endure à créer plus d’esprit communautaire et à lutter contre l’individualisme. Il doit y avoir plus de pluralisme à l’intérieur de la province. Le fait d’avoir seulement des paroisses n’aide pas la croissance d’une province. En plus que la formation et l’AM qui sont déjà réalité, le Général propose la création d’un Centre catéchétique qui qualifierait notre présence.

Encore des problèmes de personnel

 

Avant la fin de l’année 1986, le provincial essaye de résoudre le problème du p. Jané en le remettant dans les mains du CG. A Liati le père avait fini par faire de sa propre tête, sans aucun sens de la communion ecclésiale et de l’appartenance à l’institut. Son projet de construire à Liati un hôpital était contre l’avis de l’évêque, avec qui il avait d’ailleurs rompu les rapports. Même le Nonce était intervenu pour faire renvoyer le père car « il détruit plus qu’il ne construit ». Après la clinique, il veut faire une maternité, la maison du docteur, etc. Le père souffre de « mégalomanie », en donnant l’image de l’éléphant dans la piscine… C’est avec un grand chagrin que le provincial dit tout cela. La suite lui donnera raison. A sa place on demande le p. Villarino. On invite le Général à venir prêcher la retraite, qui pour la première fois (en 1987) se fera entre comboniens (ce qui deviendra une tradition) et qui aura comme thème « l’esprit du Fondateur et la RdV ».

A la fin de l’année 1986, les membres de la province sont 35 (30 pères et 5 frères) avec un âge moyen de 45.8 ans. On travaille dans 13 paroisses et dans le postulat. Mais le provincial se bat pour un toit de 40 missionnaires, car on pense à la possibilité d’ouvrir de nouvelles présences : prendre le service diocésain des œuvres à Sokodé (avec l’animation chrétienne des jeunes en particulier) ; la fondation d’une mission toute neuve dans le diocèse d’Atakpamé (nouveau barrage de Nambéto) ; percée au nord du Bénin (c’est la première fois que la question se pose) et même s’occuper des jeunes délinquants de Cotonou... Il est aussi question d’un centre de formation permanente pour les catéchistes et le clergé dans le diocèse de Kéta-Ho.

 

 

Del Pozo reconduit

 

Avec le 1er janvier 1987 le nouveau CP est là. Le Chapitre avait décidé d’anticiper de 6 mois les élections de manière à que les provinciaux et leurs conseils entrent en charge le 1er janvier 1987. Le p. Del Pozo est reconduit comme provincial ainsi que les conseillers, les pères Corazza, Cadei, Girau et fr. Santi. On élit le vice provincial dans la personne de p. Sandro Cadei. Secrétaire du CP sera le p. Corazza. Le CP nomme les membres des différents secrétariats et chacun est invité au travail.

Après sa visite aux communautés (janvier-mars 1987) le provincial insiste sur la charte de la communauté qui toucherait tous les aspects de la vie d’une communauté. Dans les communautés de paroisse il faut fixer une priorité pour l’année pastorale, préciser les activités et les projets concrets en y spécifiant les ‘qui’, ‘comment’, ‘avec quoi’, ‘quand’ et ‘où’. Il est urgent dans nos communautés de communiquer et de partager.

Le p. Del Pozo voudrait donner à la province unité et une physionomie propre, choses difficiles à réaliser dès que la province est encore jeune et composée de fortes individualités. Il faut beaucoup de patience et de savoir faire. Il fait appel au Général afin que les pères Villarino, Rabbiosi, Radaelli, Zulianello reviennent. Le Ghana aurait besoin de deux pères et d’un frère. Le postulat d’Adidogomé a aussi besoin de personnel, dès que l’on demande le p. Girau. Si le p. João revient en bonne santé (il avait dû rentrer à cause du palu et d’une hépatite), il pourrait s’en charger.

Sur le personnel, il présente au Général quelques noms de frères dont la province aurait besoin, parmi lesquels Genesio Maroso et Giuseppe Busetti. En même temps, il voudrait que d’autres prennent un peu de distance : c’est le cas du p. Cremaschi, à cause de sa santé, et surtout du p. Gobbi. Ce dernier ne fait que créer des problèmes en communauté et dans la pastorale et avec l’évêque dont il se sent un ‘protégé’. A cause de sa personnalité problématique, Del Pozo voudrait qu’il soit affecté à sa province d’origine en prenant du recul par rapport à ce qui se vit au Togo.

Sa demande concernant Cremaschi et Gobbi sera satisfaite, mais le p. Villarino sera affecté à la revue au Pérou, le p. Joe doit participer à la refondation de la NAP et aucun frère n’est pour l’instant disponible, sinon Marcellino Frison qui ne va durer que quelque mois. Ce qui n’empêche pas la province de commencer à envisager une ouverture à Accra et après la fermeture de Bopa, d’ouvrir dans un autre diocèse pour garder au Bénin une présence combonienne. Le clergé de Lomé augmente : il devient donc envisageable de passer des paroisses au clergé local, pour continuer notre présence au Bénin. En gardant un toit du personnel de 40 membres on peut envisager un futur tranquille.

 

 

Chronique 1987

 

Du 5 au 7 janvier 1987 se tient à Togoville l’assemblée provinciale consacrée à la rédaction du nouveau Directoire provincial (qui sera approuvé par le CG le 11 novembre 1987), qui dicte les lignes de conduite qui devraient être la manière commune de vivre et d’agir des comboniens dans la province. Et cela dans la communion avec l’Eglise locale. Eglise locale très concrète, avec ses limites, ses lenteurs et contradictions qui font la croix des missionnaires, mais aussi avec ses vertus. Les priorités de la province doivent être les priorités de tout le monde. Ce qui demande un changement en profondeur dans la province. Mais c’est un discours qui semble revenir comme un refrain, signe que les résistances ne font pas défaut.

La communauté d’Aklakou verra comme curé et supérieur le p. Grassi ; le p. Andrade sera l’économe et le p. Grotto est proposé curé d’Anfoin avec résidence à Aklakou, dès que la paroisse sera érigée canoniquement. Le 27 février la paroisse de Lobogo passe au clergé local. Le p. Radaelli dès le début jusqu’à la fin aura été le curé combonien de la paroisse.

Du 27 juillet au 8 août 1987 se tient au noviciat des Frères de St Jean de Dieu à Lomé-Agouégnivé l’assemblée panafricaine combonienne sur la PV et la formation dans les postulats. Le p. Lafita, vicaire général, rappelle que « l’expérience nous dit que des trois phases spécifiques de la formation combonienne, la plus cruciale et décisive est le postulat… C’est dans le postulat que doit se faire le discernement vocationnel, que doivent être vérifiées et acquises les aptitudes et les qualités indispensables pour une future croissance. Un candidat qui au terme du postulat ne montrerait pas des signes clairs de maturité humaine, spirituelle et vocationnelle, ne devrait pas aller au noviciat ». (Ce n’est pas les belles choses qui manquent à l’occasion de nos assemblées, et des discours très clairs et éclairants sont faits et des propositions offertes, mais après on fait l’amer constat que le suivi a manqué et que parfois l’essentiel a été déficient : la rectitude d’intention, la sincérité et la disponibilité à la formation du candidat !)

1987 est l’année centenaire des premières professions dans l’Institut. Pendant une célébration à Kodjoviakopé, à laquelle participent les invités de la panafricaine, l’archevêque Dosseh (qui célèbre cette année ses 25 ans d’épiscopat) en profite pour annoncer la venue au Togo des sœurs missionnaires comboniennes, un rêve qui finira par se réaliser… dix ans après !

Au mois d’août sont aussi organisés au monastère de Dzogbégan les premiers Exercices spirituels de la province. Cela se fera en deux tours, ce qui deviendra une tradition, et ce sera l’occasion pour un ‘bain combonien’ dans l’esprit du Fondateur et de la RdV.

Au mois de septembre est constitué l’équipe formative du postulat-frères à Afagnan: fr. Alfredo do Rosario, responsable et formateur, fr. B. Avo Tanzi et p. de Oliveira comme collaborateurs. C’est le 9 octobre 1987 que nous accompagnons aux ‘fonts baptismaux’ les cinq premiers postulants frères à Afagnan. On souhaite une étroite collaboration entre les formateurs de deux postulats. Les candidats doivent avoir au minimum le niveau BEPC.

On nomme le fr. Santi économe provincial et le fr. Baudouin directeur du Centre d’apprentissage d’Afagnan. Maintenant que le courant électrique est arrivé, on peut envisager la section mécanique, mais il faut un frère ou un laïc associé. Ce sera Baudouin à remplacer dans le CP le fr. Santi.

Au mois de septembre arrivent au Togo deux nouveaux : les pères Joaquin Martinez, mexicain, et Saverio Perego, italien. Joaquin sera affecté à Abor et Perego à Kouvé.

PV et formation dans la province

 

Du 5 au 7 janvier 1988 se tient à Togoville l’assemblée provinciale consacrée à « La promotion et la formation des vocations en province ». Dans son mot d’introduction, le provincial, p. A. Del Pozo, trace d’abord l’historique de la promotion des vocations dans notre province. Puis il continue : « Nous sommes engagés sur une voie qui doit être rassurée de continuité : pour qu’un groupe puisse survivre et avoir une identité propre, il doit atteindre le plus tôt possible, un certain nombre de membres, comme il a été dit à l’assemblée panafricaine. Nos structures de formation visent la possibilité de loger, à Adidogomé, une quinzaine de jeunes et à Afagnan une douzaine, à peu près. Si nous tenons compte que l’indice de persévérance se situe entre le 25 et le 30%, à une moyenne de 2 ou 3 par an de finalistes (et pardonnez-moi si je fais un cours de calcul à l’Esprit Saint !), nous aurons besoin d’un délai d’au moins 20 ans pour atteindre, en personnel autochtone, un nombre égal au personnel actuel de notre province. ».

Et si le provincial fait état des difficultés dans certains diocèses pour la PV combonienne, il ne tait pas non plus les difficultés internes car il y a « quelques confrères qui ne sont pas encore convaincus de l’importance de l’internationalité ou de l’opportunité historique de faire recrutement en Afrique, en le jugeant prématuré. Quelques uns pensent que tout cela est une manière de dérober du personnel à l’évangélisation, activité prioritaire de l’institut. D’autres invoquent la difficulté de trouver du personnel suffisant et bien préparé pour la PV et la formation. Pour répondre d’une manière concrète, je dirais qu’au moment de commencer la formation, les membres de notre province étaient au nombre de 33 (en 1983), aujourd’hui nous sommes au nombre de 38, et le nombre du personnel exclusivement consacré à la formation ne dépasse le chiffre de 3 confrères ». Il faut donc du courage et porter un regard sur les autres instituts qui se sont lancés dans la même aventure que nous et qui comptent un grand nombre de vocations.

Nos jeunes au postulat étaient alors au nombre de 11. Au provincial n’échappe pas l’importance de la formation des formateurs (« dont le ministère - dit Jean Paul II - est l’un de plus difficiles et délicats, qui demande tout notre appui et notre confiance ») et leur continuité ou, du moins, de l’équipe formative.

Quelques conclusions de l’assemblée : le Manuel de l’Animateur est là (même s’il faut le reformuler) comme instrument de travail dans la pastorale des vocations. Avant d’entrer au postulat, il est nécessaire de connaître sérieusement le candidat ; la communauté combonienne est responsable de cette connaissance et du cheminement du candidat. Cinq sont les aspects essentiels de la formation des postulants : maturité humaine, maturité chrétienne, vérification de la vocation, connaissance de l’institut combonien et de son charisme, expérience de vie communautaire. Il faut un promoteur pour coordonner le service de la promotion des vocations. Dans chaque paroisse sera créé un groupe des vocations. L’âge maximum pour entrer au postulat ne doit pas dépasser les 25 ans. Pour les frères, le niveau BEPC ou ‘O level’ (Ghana) est demandé.

 

 

Intercapitulaire 1988

 

L’année 1988 est l’année du texte renouvelé et définitif de la RdV. Elle est aussi l’année de l’intercapitulaire. Une relation est préparée. Là où on y parle des pauvres, on peut lire : « Il y a les pauvres qui frappent à notre porte : porteurs d’handicap, étudiants, malades, femmes enceintes, etc. Nous ne pouvons pas avoir la garantie que notre charité est bien méritée de leur part, mais… ‘la charité couvre une multitude de péchés’, dont le pardon nous est aussi nécessaire ». On reconnaît la volonté de partager, mais « passer à un fonds commun, c’est très difficile » car chaque communauté se débrouille. On fait état de la difficulté d’avoir une charte de la communauté. Au CG on propose d’ouvrir une communauté à Accra pour travailler parmi les jeunes et la PV et même la formation (la Conférence des évêques du Ghana a ouvert en janvier 1988 le grand séminaire de philosophie) et avoir un pied à terre dans la capitale. Au Bénin, après la fermeture de Bopa, on ouvrira ailleurs une autre présence.

A l’intercapitulaire (13-30 septembre 1988) participera aussi le fr. Do Rosario, dès qu’un des sujets à traiter ce sera celui de la promotion de la vocation du frère. Les frères s’y étaient préparés avec une rencontre le 19 mars à Afagnan. Il partira au mois d’août pour participer à la rencontre sur la révision de la Ratio studiorum des Frères. L’assemblée a fait siennes les suggestions de la commission spéciale chargée d’étudier préalablement le questionnaire : une plus adéquate distribution des frères dans les provinces ; une sensibilisation plus accrue et un engagement de la part de tous les confrères dans la promotion et la formation des frères ; que les frères puissent se consacrer davantage à des projets de promotion humaine et d’AM ; que dans chaque communauté soit clair le ministère du frère dans le projet communautaire et pastoral. Quant au Togo, il faut revoir les critères d’admission, la formation professionnelle et théologique à donner dans notre postulat et l’emplacement du postulat-frères.

La consulta d’octobre approuve, même si en retard par rapport aux indications du Chapitre, un document Révision et requalification des engagements. Le document contient des suggestions du CG pour notre province : « il convient de différencier nos tâches, sans les concentrer seulement sur les paroisses. Une attention particulière devrait être accordée à la formation permanente du clergé et des agents pastoraux. Mieux équilibrer notre nombre en divers diocèses. Continuer le soin apporté à l’initiation à la culture et à la pastorale des nouveaux missionnaires, ainsi qu’à l’étude de la langue locale. Encourager un nouveau type de rapports avec les religions traditionnelles. Donner plus d’attention aux éléments culturels et à leur application pastorale. Faire une pastorale d’ensemble en dépassant l’individualisme. Veiller à proportionner les structures matérielles à la consistance réelle des communautés et de façon que les gens puissent s’en occuper. Susciter la participation des gens aux œuvres qui se font ».

Quant au service des vocations et formation : « On apprécie le travail déjà accompli et on demande de se rappeler, quand on fait la programmation, la nécessité de préparer des personnes qualifiées en vue de la continuité. Suivre avec une attention particulière l’initiative de la formation des frères ». Et l’AM ? « Donner une impulsion aussi à ce secteur et non seulement en vue d’éventuelles vocations comboniennes, mais pour contribuer à faire mûrir les Eglise locales. Exploiter les possibilités fournies par le sanctuaire de Togoville ».

 

 

Mort du fr. A. Santi

 

Le 29 avril 1988 meurt à Afagnan le fr. Adone Santi. On ne s’y attendait pas. Tout s’est passé si vite. C’est le deuxième frère qui nous quitte. Il faisait partie des 8 comboniens arrivés les premiers au Togo. On avait essayé de l’évacuer sur Lomé, mais il n’arrivait pas vivant à Anfoin. Il a consacré 19 ans de sa vie missionnaire au Centre d’apprentissage d’Afagnan, dans la construction de chapelles et écoles, dans la perforation d’innombrables puits. La mort l’a surpris à la tâche, car il a laissé ouverts les chantiers de l’église paroissiale d’Afagnan et celui de l’école de Kodjoviakopé. Il faisait le catéchisme à ses apprentis et à un groupe de collégiens. Le dimanche il faisait la pastorale, en assistant alternativement les communautés chrétiennes d’Attitogon et d’Assakondji. On le surnommait le « curé d’Assakondji ».

Il a été missionnaire surtout par le témoignage de sa vie : ami et confident des jeunes, après le travail de chaque jour il les attendait, la nuit tombant, assis devant la porte de sa chambre pour les ‘confesser’. Il nous laisse le témoignage d’un frère conscient et consciencieux, exact, responsable, même si parfois un peu têtu, et toujours dévoué aux charges qu’on lui confiait. Il a voulu rester à Afagnan où il est enterré, car là-bas c’était « la maison de Santi ».

Et voilà comment le provincial s’adressait à la famille du frère pour porter son témoignage : « Son enterrement a été grandiose et surtout populaire. Plus d’une cinquantaine de concélébrants, un nombre égal de frères et sœurs et plus de trois mille personnes. Tout avait commencé le 14 avril, et la fièvre persistant, nous de Lomé lui avions proposé d’aller à l’hôpital d’Afagnan ». Le docteur Roger Hounnaké exprime au provincial son souci : le frère a une infection sanguine et ne réagit pas aux soins. Le frère exprime au provincial son désir d’être rapatrié. Le provincial voudrait l’accompagner lui-même en Italie, en même temps que le p. Trivella. Mais le vendredi 29 avril le fr. do Rosario vient annoncer au provincial que le fr. Santi est décédé dans l’ambulance qui voulait l’amener dans une clinique à Lomé. De quoi le frère est-il mort ? Le docteur parle de l’infection au sang ou d’un palu cérébral ou les deux ensemble.

 

 

Rapatriement et mort de p. Trivella

 

Le p. Trivella est rapatrié le 10 mai et fini à l’hôpital de Négrar : une hémiplégie l’avait paralysée dans toute la partie gauche, depuis le 20 avril, lorsqu’il célébrait l’eucharistie avec les postulants d’Afagnan. Un blocage des reins s’était déclaré avec paralysie. Les médecins conseillent un retour en Italie d’urgence. Le père était très conscient que cette fois-ci l’Afrique et le Togo c’était fini pour lui. Nous rappelons ce que le p. Battelli avait écrit à l’archevêque de Lomé en présentant le p. Giovanni pour qu’il soit accueilli dans son diocèse. Le témoignage du p. Battelli est profondément vrai et le p. Giovanni a servi avec courage et volonté le Seigneur dans notre institut pour l’Eglise et le bien des africains. Il meurt le 18 septembre. Le jour de son enterrement (celui qui écrit y était) il y eut une participation très émue et la maison mère était remplie de monde. Pendant la messe d’enterrement le p. Luigi Moser nous confia les derniers mots que le père lui avait dits d’une voix très affaiblie mais encore énergique, avant de mourir : « il faut les payer toutes les âmes, celles qu’on veut gagner ».

 

 

Mort de p. J. A. do Vale

 

Le 10 août 1988 meurt à Porto (Portugal) p. José Augusto Martins do Vale. Il n’a que 41 ans. Il était arrivé en province le 12 juin 1978. Après le cours de langue à Agou chez les Sœurs Notre Dame des Apôtres , il avait été affecté à Abor. Sa permanence au Ghana ne va pas durer longtemps, car il sera appelé chez lui pour la formation. « Ma courte expérience de trois ans et demi au Ghana a été pour nombreuses raisons merveilleuse. Je peux dire d’aimer ces gens et que je suis heureux de travailler ici », avait-il écrit au Général. Il a été emporté par un cancer fulgurant à l’estomac, lui qui avait un aspect physique exceptionnellement solide. José Augusto avait quitté la province en 1982 pour un travail de formation au Portugal, sa province d’origine. Après un cours de trois ans à Rome, à partir de 1984 il travaille à Santarém et puis à Coimbra comme supérieur et formateur des postulants. Son acceptation de la maladie reste un exemple pour tous ceux qui l’ont connu.

 

 

Quelques bonnes nouvelles

 

Parmi les bonnes nouvelles, il faut signaler aussi qu’au terme de leur noviciat, sous la tutelle du père maître Lorenzo Farronato, nos deux premiers profès (la profession est fixée au 22 mai) ont été affectés au scolasticat de Rome : il s’agit de Jean Pierre Légonou et Louis Adjétey. « C’est avec joie - écrit leur père maître - que je vois retourner chez vous nos confrères J. Pierre et Louis. Les novices sont convaincus que l’expérience d’internationalité faite ici a été positive. Nous regardons ces jeunes confrères avec grand espoir ». Au noviciat est admis le fr. Joseph Kudiamenou Anku qui sera le premier frère profès de la province.

Arrive au Togo le fr. Oscar, depuis le CIF de Nairobi, et Zulianello revient pour donner au Togo sa seconde jeunesse.

Le 13 décembre se tient à Kouvé une importante réunion du provincial avec les supérieurs des communautés. Il est question du projet communautaire ou charte de la communauté, un sujet qui reviendra régulièrement dans la problématique de la province. Un exposé du fr. Emmanuel Plumelet, supérieur régional des Frères des écoles chrétiennes, avait ouvert la séance et la méthode pour l’élaboration du projet avait été présentée par le fr. Basilio Rueda. Le projet communautaire doit se construire d’abord sur la prière et puis on doit préciser l’objectif de la communauté et son organisation, les fonctions de chaque membre, l’apostolat, la formation permanente, les loisirs, le budget, etc. Chaque fois qu’un nouveau membre rejoint la communauté, il faut réviser et préciser. Chacun doit se sentir responsable de la vie et de l’activité de la communauté. A préciser que l’intercapitulaire avait dit que pour la fin de l’année 1988 ou le commencement de 1989, toute communauté devait préparer sa charte de la communauté.

Le 14 décembre 1988, l’archevêque de Lomé appelle le provincial et son vice pour leur communiquer sa décision de signer l’acte de passation de l’usufruit perpétuel du terrain d’Adidogomé aux comboniens, là où surgit le postulat-pères (voir annexe n° 2).

 

 

1989 : Jubilé d’argent

 

Du 16 au 18 janvier 1989 se tient à Togoville l’assemblée provinciale qui a comme thème : Notre évangélisation à la lumière des valeurs du Royaume, 3ème priorité du Chapitre de 1985. L’assemblée avait été préparée par un questionnaire auquel les communautés avaient répondu et a permis aux confrères de se confronter sur les méthodes un peu trop personnelles de faire le catéchuménat (qui trois ans, qui deux, qui un seul et qui se contente de quelques mois…).

Le document final de l’assemblée, après avoir donné des lignes qui doivent guider nos paroisses en ce qui concerne le programme de catéchuménat, souligne aussi, une fois de plus, les priorités de notre province dans le domaine de l’évangélisation : le catéchuménat comme lieu d’initiation à la foi et du vécu chrétien ; formation des chrétiens en vue d’être eux-mêmes des évangélisateurs ; travailler afin que l’Eglise devienne autosuffisante à tout niveau (ministériel, financier, etc.). La province est en train de réfléchir sur l’emplacement du postulat-frères car Afagnan ne semble pas l’idéal comme lieu de formation, même si le centre d’apprentissage devait s’améliorer. On pense à Lomé ou Accra.

On prépare la célébration du 25è anniversaire de l’arrivée des comboniens au Togo. L’archevêque de Lomé l’annonce officiellement par une lettre circulaire. Après avoir rappelé l’arrivée des huit premiers et des ceux qui les ont suivis, Mgr Dosseh écrit : « A notre appel et avec l’accord de Propaganda, ces missionnaires sont arrivés et ont œuvré avec nous et il convient que notre Eglise en dise son action de grâce à Dieu et en exprime sa reconnaissance aux Missionnaires Comboniens du Cœur de Jésus ».

Voici les événements principaux du programme :

-        On commencera le dimanche 15 janvier 1989 avec la bénédiction de la chapelle d’Avélé (Anfoin), dédiée à St Joseph, construction de l’infatigable p. Grotto.

-        Du lundi 16 au mercredi 18 janvier se tiendra à Togoville l’assemblée provinciale sur le thème « Notre évangélisation aujourd’hui à la lumière de la troisième priorité du Chapitre de 1985 ».

-        Le jeudi 19, jour d’incidence, une concélébration aura lieu à la cathédrale de Lomé et sera présidée par l’archevêque, le même qui avait accueilli les premiers 8 comboniens.

-        Samedi 21, une messe de requiem sera célébrée à Afagnan pour les confrères défunts.

-        Le dimanche 22 à Kodjoviakopé aura lieu une messe pontificale présidée par l’archevêque et concélébrée par Mgr Lodonu, évêque de Kéta-Ho et Mgr Robert Sastre, évêque de Lokossa.

-        Dimanche 29 ce sera le tour de la consécration de l’église d’Ahépé, dédiée à Notre Dame de la Médaille Miraculeuse, avec pose de la première pierre du presbytère.

-        Le 16 avril, consécration de l’église d’Adidogomé, dédiée à Marie Mère du Rédempteur et construite par le fr. V. Negrin.

La consécration de l’église d’Afagnan se fera le dimanche 20 mai 1990, toujours par l’archevêque, et mettra fin aux célébrations. L’église est dédiée à Notre Dame du Perpétuel Secours. L’édifice est à plan octogonal avec un périmètre de 109 m; la coupole s’élève à 23.50 m. Les sculptures en bois sont l’œuvre des apprentis et des maîtres du Centre, et les peintures d’Agagan Atsu, disciple du prof. Michelini, auteur du projet. A l’occasion de la consécration, on a fait mémoire du fr. Santi qui avait dirigés les travaux, interrompus par sa mort et terminés par le fr. V. Negrin. Le curé d’Afagnan, p. B. Gilli, heureux du travail accompli, peut rentrer dans sa province d’origine pour un service d’AM.

Par ces célébrations, l’archevêque de Lomé voulait rendre grâce au Seigneur et faire en sorte qu’elles soient « un nouveau tremplin pour une évangélisation plus poussée, en extension et en profondeur, des préfectures de Vo, des Lacs et du Yoto. Nous remercions la famille combonienne - écrit encore Mgr Dosseh - de nous avoir ‘administré cette grâce’ et prions le Seigneur de bénir leurs nouveaux efforts missionnaires ».

 

 

Jubilé : témoignage et animation

 

Pour les célébrations jubilaires, les ‘émérites’ du premier groupe avaient été invités : les pères F. Cordero (Brésil nord), M. Piotti (Italie), E. Rossi (Egypte) et le fr. N. Calligaro (Zaïre). Le p. Piotti a été empêché, mais les trois autres sont venus, en apportant avec eux la richesse de leurs Eglises et en nous ramenant à nos racines, aux origines de notre présence ici, lorsque les temps étaient plus durs. Les autres pionniers étaient là (Grotto, Radaelli et Zulianello), alors que depuis le ciel le fr. Santi nous accompagnait. Pour l’occasion, les pères Contran et Tenias (au nom de la DG) sont venus aussi. Ce sera ce dernier à animer l’assemblée provinciale.

Pendant les célébrations, le p. Cordero à propos d’inculturation, raconta qu’après avoir été admis à l’examen de langue éwé pour les confessions, il avait appris par cœur ces mots : « Et maintenant demande pardon au Seigneur de tes péchés et lui dans sa miséricorde te pardonnera ». Il s’était répété la phrase de dizaines de fois jusqu’à la maîtriser. La première qui arriva à confesse ce fut une vieille maman. Le père à un certain moment dégaina sa phrase. La maman le regarda étonnée et puis : « Mon père - lui dit-elle - mais ce péché moi je ne l’ai jamais commis ! ».

Pendant le pontifical du 19 janvier dans la cathédrale de Lomé, l’archevêque expliqua les racines de son estime pour les comboniens. Il était étudiant au Collège de Propaganda (Collège Urbain) à Rome lorsqu’il entendit lire la biographie de Comboni pendant les repas. Il avait été frappé par le courage avec lequel il réalisait ses projets. Il avait été particulièrement frappé par le récit des derniers sacrements que le jeune Comboni avait donnés à un franc-maçon, condamné à mort par les chefs de sa loge. Au concile il connut le p. Général, Briani, à qui il parla du Togo et des problèmes de son diocèse dont depuis peu il avait assumé la charge. P. Briani vint voir et il y arriva juste alors que l’on célébrait les funérailles de l’abbé Kondo, un très jeune prêtre mort en 1973, le 15 mars. Ce fut un enterrement grandiose qui fit dire au p. Briani : « Si ce peuple aime tant les prêtres, j’enverrai ici les miens ». L’évêque souligna une coïncidence : p. Briani mourut en 1984, le même jour et même mois que le l’abbé Kondo.

La veille ne pouvait pas manquer le théâtre, qui représente l’arrivée de nos confrères : Un jour la nouvelle parvient aux oreilles du chef, obligatoirement polygame, de l’arrivée de mission­naires blancs. Il fait appeler le devin qui le rassure sur leurs intentions : ils sont arrivés dans son royaume non comme commerçants ou brigands. Admis à sa présence : « Ne craignez pas - disent-ils au roi - nous sommes là pour annoncer Jésus et faire du bien au gens ». Rigolade générale quand ils essayent d’articuler quelques mots dans la langue du pays : 25 ans plutôt on n’avait pas ri, car politesse oblige, mais à présent le théâtre le permet et on en profite ! Le spectacle se termine par le premier mariage chrétien béni par le missionnaire et célébrée entre la fille du chef et l’écrivain du lieu. Quand les époux s’embrassent, un cri assourdissant s’envole vers les étoiles…

Le 22 janvier, grande messe à Kodjoviakopé concélébrée par l’archevêque, Mgr Sastre et Mgr Lodonu arrivé avec un moment de retard à cause des tracas à la frontière entre le Ghana et le Togo. Mgr Dosseh dit d’avoir toujours considéré une grâce le fait d’avoir trouvé, tout jeune évêque qu’il était, les comboniens disponibles à venir travailler avec lui. Il présente l’évêque de Lokossa, concélébrant, son compagnon de classe depuis la sixième et à présent son voisin. Au cours de son homélie, Mgr Dosseh souligne l’importance de la vocation missionnaire pour tout fidèle. Il fait répéter plusieurs fois à l’assemblée, comme une antienne, la phrase du Concile : « Tout disciple du Christ a le devoir de répandre la foi » (LG, 17).

 

 

Jubilé : moment pour faire le point

 

Le p. Général intervient avec une lettre depuis Rome (14 janvier 1989) pour dire sa proximité aux confrères de la province à l’occasion du jubilé d’argent de leur arrivée au Togo. « Les débuts ont été durs - écrit le p. Pierli - et cela à cause de la pauvreté, presque la misère des structures et la pesanteur du climat auquel on ne s’était pas encore habitué. La santé de quelques confrères en a été marquée pour toujours ». Il rappelle avec émotion les confrères défunts, témoins des mots de Comboni que les œuvres de Dieu doivent naître au pied de la croix : fr. B. Bettani, p. C. Zeziola, fr. A. Santi, p. J. A. do Vale et p. G. Trivella, sur l’intercession desquels la province espère. Il reconnaît le grand esprit de consécration, d’initiative et d’enthousiasme missionnaire manifesté pendant ces années, avec l’engagement pour l’inculturation (étude de la langue, ouverte aux membres d’autres instituts, et études spécialisées).

On avait commencé avec l’évangélisation et la promotion humaine, en développant des communautés chrétiennes et les structures matérielles. La promotion humaine s’est exprimée dans l’école artisanale d’Afagnan, le centre pour non voyants de Togoville, celui pour enfants handicapés d’Abor et d’autres initiatives dans le domaine de l’école, de la santé et de l’agriculture. Tout cela grâce au travail des frères, parmi lesquels le Seigneur a choisi les deux premiers morts sur le champ : Bettani et Santi.

Les dernières années ont vu se développer notre engagement dans l’AM et la PV. Il s’agit de former la première génération de comboniens autochtones ! Le Général souligne encore l’internationalité de la province, une des plus internationales et interraciales de l’institut (européens, africains et américains) : « une primauté de grand prestige et engagement ».

A présent il faut revoir notre méthodologie missionnaire pour rendre notre évangélisation plus incisive et unitaire : un certain individualisme persiste. Il lance un appel pour un plus grand partage et la transparence dans l’administration des biens. P. Pierli termine en soulignant l’importance de l’AM de l’Eglise locale, selon le style du Fondateur.

 

 

Assemblée panafricaine de l’évangélisation

 

Du 29 mai au 8 juin 1989 se tient à Nairobi l’assemblée panafricaine de l’évangélisation, à laquelle participent le p. Corazza et le fr. Baudouin. Le thème de l’assemblée est celui de la méthodologie missionnaire des comboniens. On voudrait arriver à définir des lignes méthodo­logiques qui paraissent essentielles pour notre service missionnaire en Afrique, auquel nous sommes consacrés et pour lequel les Eglise locales nous appellent.

« Etre missionnaires aujourd’hui en Afrique ce n’est pas facile - a reconnu p. Laurenti Magesa, tanzanien, un des experts intervenus à l’assemblée. Cela demande du courage et de l’intelligence ; exige la participation et l’immersion dans la vie des gens, sa pauvreté et sa souffrance ; et comporte en outre confiance en soi pour pouvoir crier aux évêques, présidents et premiers ministres, quand ils sont clairement du côté du tort, ‘ainsi parle Yahvé’. On se donne des priorités mais qui ne marchent pas avec la praxis. Exemples : la première évangélisation est un absolu, mais souvent nous évangélisons là où les non chrétiens sont très peu nombreux ; l’urbanisation se présente comme un phénomène crucial, mais nous travaillons surtout en zone rurale ; la jeunesse est une priorité urgente, mais les enfants restent notre vrai souci ; les mass-médias sont essentiels, mais nombreuses sont les paroisses qui ne disposent même pas d’une feuillette de liaison ; les valeurs traditionnelles sont en crise mais nous n’offrons que les valeurs occidentales ; l’œcuménisme est une nécessité, mais les autres chrétiens nous les tolérons ; la réalité de l’Eglise locale semble plus théorique qu’acceptée pratiquement. »

L’autre expert intervenu à l’assemblée, p. Tony Bellagamba de la Consolata, a trouvé défaillants dans les relations des provinces les aspects concernant la justice et la conscientisation des communautés. Le sujet fait peur aux missionnaires qui, expatriés, ne veulent pas se mêler dans les affaires politiques et économiques des Etats : on a peur d’être expulsés… (Et qui écrit en sait quelque chose !) Mais il est question non pas de manifestations et de condamnations, mais d’une conscientisation des gens, des petites communautés de base, faite à partir de la bible et de la doctrine sociale de l’Eglise.

L’assemblée a vu dans la première évangélisation, les petites communautés de base et les ministères, les jeunes, la promotion humaine et l’engagement pour la justice, l’œcuménisme et le dialogue avec l’Islam et la collaboration avec l’Eglise locale les défis majeurs à relever. A remarquer que le p. Pierli, Général, était intervenu pour parler de la méthodologie missionnaire dans l’histoire de l’institut.

 

 

Ouverture de Fidjrossè

 

Le provincial pense qu’en passant Bopa au clergé local (ce qui se fait le 31 juillet 1989, en quittant le diocèse de Lokossa où les confrères avaient travaillé pendant 15 ans) on doit se rendre à Cotonou, dans la banlieue où il y a beaucoup de jeunes, une vraie situation missionnaire, un pied à terre dans la capitale et l’AM et la PV à faire. Après une rencontre du CP le 30 mars à Cotonou avec l’archevêque-coadjuteur Isidore De Souza, qui propose deux paroisses en ville ou deux autres à fonder dans la banlieue, le choix se portera sur le quartier de Fidjrossè, zone dépourvue d’électricité et de toute urbanisation avec une forte immigration, présence massive de jeunes et invasion des sectes. Le Nonce félicitera les nôtres pour le « choix vraiment missionnaire typique des comboniens ». La nouvelle paroisse, dédiée à s. François d’Assise, comprend les stations secondaires de la paroisse du Bon Pasteur. En attendant le nouveau presbytère, la communauté pourra s’installer dans une maison à louer.

On pense comme responsable de la nouvelle fondation au p. G. Montresor (arrivé au Togo en décembre 1984). Le fr. A. Guzzardi sera du groupe. Et le troisième ? Ce sera le p. Pegoraro. Le 21 septembre 1989, Mgr. C. Adimou, archevêque de Cotonou, en présence de son coadjuteur, Mgr De Souza, signe la convention qui ouvrait les portes à notre présence dans le quartier de Fidjrossè. Le jeudi 12 octobre 1989, le provincial se rend à Cotonou pour présenter à l’archevêque la nouvelle communauté.

Le 29 octobre les confrères ont fait leur entrée solennelle dans la nouvelle paroisse, la onzième de Cotonou, qui comprend les communautés de Fidjrossè, Gbédegbè, Agla, Akplomé, Djako et qui s’étend le long de la mer vers Ouidah, en passant par Hiyo et d’autres quartiers en formation. Un jour historique dans l’évangélisation du secteur. La cérémonie était fixée pour 10h00. L’archevêque est arrivé quelques minutes avant et sans attendre qu’on lui fasse des compliments il a rejoint les confrères en les saluant fraternellement dans la simplicité qui le caractérise. Une fillette de 12 ans souhaite la bienvenue au nom de tous les enfants. « L’évènement de ce jour - dit-elle - représente la fin d’un orphelinat… Nous vous prions de recevoir ce bouquet de fleurs, il symbolise notre cœur d’enfants. Puisse-t-il parfumer votre séjour parmi nous ». Une nouvelle aventure venait de commencer.

Visite ad limina

 

Le 12 juin 1989, au cours de leur visite ad limina Apostolorum, le Pape Jean Paul II avait dit aux évêques du Togo (Mgr Dosseh-Anyron, Mgr Ph. F. Kpodzro, évêque d’Atakpamé, Mgr C. Matawo Bakpessi, évêque de Sokodé, et le p. Pierre Reinhard, administrateur apostolique de Dapaong), à propos de l’unité qui devait régner entre eux, « Que celui d’entre vous qui a des ouvriers apostoliques en nombre raisonnable pense à celui qui en a moins. Que celui qui bénéficie de structures ecclésiales de formation en fasse profiter aussi les autres. (…) L’autorité que vous exercez en votre qualité d’évêques est celle d’un père, qui cherche à aimer, à comprendre et, pour cela, se fait proche de ses collaborateurs et de son peuple. Un père qui se soucie d’être accueillant, notamment pour ses prêtres, connaissant leurs souhaits et leurs besoins, comme le bon pasteur de l’Evangile connaît chacune de ses brebis… Sachez créer une réelle solidarité dans le presbyterium et une convivialité joyeuse entre ses membres pour que chaque prêtre reconnaisse en l’évêque un pasteur proche de lui dans le service des fidèles ». Et puis le Pape souligne l’importance de la pastorale familiale, objectif prioritaire, et d’une évangélisation en profondeur de l’ensemble des fidèles adultes.

Au nom des 4 évêques du Togo, Mgr Dosseh dans son mot adressé au pape avait parlé des « problèmes de l’heure ». « Ce sont nos jeunes dont on a fait les consommateurs assidus d’une culture générale sans débouchés réels sur la vie active qui sont réduits au chômage obligé… C’est la pauvreté grandissante de nos paysans, rendus plus sensibles encore à leur pauvreté quand ils voient autour d’eux des signes de richesse se multiplier… C’est l’assaut formidable des puissantes industries de la mort et de la contraception dont l’impérialisme resserre l’Afrique dans son étreinte criminelle ». Et d’inviter le Pape à revenir au Togo pour le centenaire de la foi en 1992.

C’est le 14 juin que les évêques sont reçus par le Préfet de la Congrégation pour l’évangé­lisation des peuples. Son éminence le Card. Jozef Tomko se réjouit pour l’éveil des vocations sacerdotales et religieuses, pour l’importance accordé à l’enseignement catholique, pour les groupes de prière, de méditations, d’études de la Parole de Dieu et de toutes les ‘congrégations’, associations, mouvements paroissiaux si florissants au Togo. Mais il ne cache pas « les problèmes de conversion liés à la polygamie, le redémarrage encore difficile de la célébration du sacrement de mariage, l’abandon de la foi catholique et des pratiques de la part de quelques personnes de l’élite, l’islam et les sectes qui trouvent terrain fertile parmi vos fidèles, les retours, officiels et officieux aux pratiques de la religion traditionnelle ». Pour le cardinal la solution se trouve dans « une formation catéchétique permanente ou une évangélisation en profondeurs de nos chrétiens. Le rudiment d’instruction catéchétique reçu en vue des sacrements de l’initiation ne peut suffire pour garantir une foi solide dans leur vie quotidienne ».

Tomko rappelle aussi aux évêques que sont obligatoires des organismes tels que le collège des consulteurs, le conseil presbytéral et le conseil pour les affaires économiques devenu obligatoire dans le nouveau code de Droit canonique (cf.Can. 492). Ce dernier conseil n’existe que dans le diocèse de Sokodé. Et le cardinal de citer le Droit au can. 492,§3 : « Sont exclus du conseil pour les affaires économiques les personnes apparentés à l’évêque jusqu’au quatrième degré de consanguinité ou d’affinité » ! Il faudra penser à nommer donc un économe pour 5 ans qui, à la fin de l’année, doit rendre compte des recettes et des dépenses au conseil pour les affaires économiques. Ce sera l’abbé Cyrille Kété qui sera nommé économe.

Un dernier mot le cardinal dit à propos des rapports entre évêque et prêtres : « A l’égard de ses prêtres, l’évêque se montre, moins un pontife et un juge qu’un guide, un père, un ami et un frère, disposé à la bonté, à la miséricorde, à l’indulgence, au pardon et à l’assistance ».

 

 

Vers le centenaire de l’Eglise au Togo

 

Début décembre 1989 le card. Jozef Tomko, préfet de la congrégation pour l’évangélisation des peuples, vient au Togo pour le 25 ans du diocèse d’Atakpamé et pour l’ouverture solennelle au nom du Saint Père à Atakpamé du triennat de la préparation spirituelle pour le centenaire de l’évangélisation du Togo. L’occasion est donnée à l’Eglise du Togo « de relire en famille sa propre histoire, de revoir dans cette histoire son propre cheminement spirituel vers le Christ à la lumière du don reçu de la foi ». Un triennat qui sera l’occasion pour faire le bilan en vue d’un meilleur départ pour un nouveau siècle d’évangélisation. Finalement les événements politiques et ecclésiaux que le pays connaîtra empêcheront les manifestations folkloriques et d’autres réjouissances matérielles pour s’adonner à l’action de grâce et à l’examen de conscience.

En rencontrant les religieux et religieuses de Lomé, le cardinal leur dira : « Vous n’oubliez jamais tous ceux qui demeurent attachés à la religion traditionnelle, à ses rites, au culte des ancêtres ; puis les autres religions ; vous les portez dans la prière. Vous connaissez les valeurs humaines et religieuses qu’ils honorent et vous les estimez. Vous devez leur apporter la lumière du Christ ». Il fait l’éloge des catéchistes, « vos collaborateurs à un titre spécial » et qu’il faut continuer à former. Aux prêtres il dit : « Votre désintéressement, le style de votre vie marqué par l’esprit de pauvreté évangélique, votre proximité et votre solidarité avec un peuple de pauvres authentifient le prédicateur de l’Evangile ».

 

 

Chronique 1989

 

Le 24 avril, le président togolais Eyadéma décore le p. L. Negrato de la médaille d’Officier de l’Ordre du Mono pour son travail en faveur des écoles pendant ses 20 ans à Kouvé : les ressortissants de Kouvé ont voulu ainsi montrer au confrère leur reconnaissance. Mais reste le problème du Collège qui représente un poids financier non négligeable : il faudra entrer en contact avec l’archevêque en lui présentant les difficultés. Au directeur diocésain de l’enseignement catholique, M. Akpemado, il faudra présenter un rapport réel, même s’il n’était pas accepté. Est-ce que l’Etat ne pourrait pas se faire charge du salaire de quelques professeurs ?

Au mois de juillet le p. Girau quitte pour l’Espagne : pour lui c’est un adieu au Togo. Le P. G. Miante le remplace dans la responsabilité du postulat d’Adidogome, secondé par le P. João. On attend l’arrivée des nouveaux : p. Christopher Besigye, ougandais, le mexicain p. Mario Merino, l’italien p. Flavio Mazzata et plus tard l’ougandais p. Philip Zema. Le fr. Mario Citterio viendra du CIF de Kinshasa. Le retour du p. P. Basso est annoncé pour septembre, juste 5 ans après son départ pour un service d’AM dans sa province d’origine.

L’année scolaire 1989-90 avait commencé avec 14 postulants à Adidogomé (12 candidats prêtres et 2 candidats frères qui suivent les cours à l’Institut Saint Paul de Lomé) et 8 à Afagnan. Si l’ambiance est bonne, on remarque qu’il faut encourager nos postulants à avoir une attitude de majeure ouverture, confiance et disponibilité envers la communauté et les formateurs.

Le dernier CP de l’année se penche aussi sur la situation du p. Gobbi qui a demandé d’être incardiné dans l’archidiocèse. Si cela devait arriver, il nous créerait des difficultés dans les rencontres avec les autres prêtres diocésains et aussi à cause de ses ‘amis’ qui sont présents là où nous travaillons. Il nous rendrait difficiles mêmes les rapports avec l’archevêque à cause de l’esprit qui l’anime. A l’évêque on présente l’avis du CG et du CP sur l’inopportunité de son incardination dans le diocèse. Finalement les choses traîneront et après des vicissitudes diverses, en l’an 2000 c’est dans le diocèse d’Aného qu’il sera accueilli : il est nommé curé à Tokpli qui prend la partie est de la paroisse de Tabligbo desservie par les confrères. C’est là qu’il fonde la congrégation des Frères missionnaires de Saint Joseph.

Le provincial est disponible à se sacrifier afin que la province ne manque pas du personnel dont elle a besoin. Mais il sera affecté au Pérou. Après avoir suivi à la Grégorienne (Rome) un cours de spiritualité apte pour les formateurs, en vue de sa nouvelle responsabilité, il s’envolera pour Lima pour y être formateur dans le scolasticat. Il faut reconnaître que le p. Del Pozo avait assumé avec enthousiasme son service comme provincial et avait lutté pour avoir le personnel qu’il fallait. A présent (c’est sa dernière année comme provincial) il se retrouve un peu fatigué, chose normale, mais pas déçu, au contraire ! Avant de prendre sa retraite et passer le tablier au nouveau CP, il livre aux confrères un bilan sur l’héritage provincial que le nouveau CP recevra le premier janvier suivant. Nous avons grandi comme province, mais nous continuons avec une pastorale traditionnelle. « Est-ce que nous avons une vrai pastorale d’ensemble pour les jeunes dont le 65% au moins constitue le noyau de nos communautés chrétiennes ? - se demande le provincial. Et ne parlons pas de la pastorale familiale. C’est toujours un défi, soit en vue du foyer chrétien à former, soit dans la perspective de soutenir les couples qui y sont arrivés… Dans l’annonce des valeurs du Royaume, à nous revient le rôle d’éducateurs de la paix, de la justice et des droits de l’homme ».

Notre vie communautaire laisse beaucoup à désirer : « Il me vient à l’esprit la ‘vision monstre’ de nos communautés, c’est-à-dire que nos communautés ont beaucoup développé le ‘corps’, le travail, l’activité ; mais la ‘tête’, les idées qui donnent la vision de la vie de la communauté, de sa pastorale missionnaire et de son style de présence, reste encore un peu ‘naine’ ». Et encore : « L’idée de créer des structures faciles à gérer ainsi que la volonté de dépendre de moins en moins de l’étranger devrait prendre corps davantage dans notre groupe ». Et si en économie la province a atteint une certaine solidité, les voix ‘formation, scolastiques et voyages’ commencent à faire sentir leur poids, mais sans nous écraser. L’esprit de partage trouvera toutes les occasions de se manifester, surtout vis-à-vis de certaines communautés qui doivent affronter d’importants travaux pour la construction de leur habitat respectif : Kouvé, Tabligbo et Cotonou. Chaque communauté devrait pratiquer le partage et la solidarité.

Le 23 décembre est solennellement consacrée l’église Christ Roi d’Akatsi (Ghana). Une foule immense s’est rassemblée autour de l’évêque, Mgr F. Lodonu, qui célébrait son 25è anniversaire de consécration épiscopale. Ce sera cette église qui deviendra cathédrale à la création du nouveau diocèse de Kéta-Akatsi en 1995.

 


 

Cinquième Partie

P. GIROLAMO MIANTE PROVINCIAL

(1990 - 1995)

 

 

L’élection du nouveau provincial n’a pas été chose facile. Les ayant droit au vote étaient 44. Le 14 septembre la consultation pour la nomination du provincial donnait 19 voix au p. Miante, 17 au p. Cadei et 3 au p. Corazza. Rome décide qu’ils soient présentés tous les trois pour une deuxième consultation. Les 44 électeurs s’expriment tous. C’est finalement le p. Miante, avec 21 voix, qui sera élu et nommé. Le nouveau CP est ainsi composé : p. G. Miante, provincial ; fr. A. do Rosario et les pères G. Montresor, Orendain Ramon et E. Petrogalli conseillers.

Du 9 au 11 janvier 1990 se tient à Togoville l’assemblée provinciale qui a pour thème la programmation. Les confrères doivent élaborer une programmation à confier au nouveau CP.

Dans sa première rencontre à Kodjoviakopé, le CP élit le p. Montresor vice provincial, nomme le fr. do Rosario secrétaire et comme économe provincial et procureur le p. A. Grassi. Les secrétariats - qui à l’assemblée de Togoville avaient présenté le rapport sur les activités réalisées et donné des lignes de programmation - sont renouvelés afin de leur donner une nouvelle impulsion. Voici les secrétaires : pour l’évangélisation le p. P. Re, pour les vocations le p. João Correia, pour l’économie le p. A. Grassi et pour la formation permanente le p. S. Cadei. Le p. Ambrogio sera un vrai économe et non pas un simple comptable come cela avait été le cas jusqu’alors dans la province pour celui qu’on appelait ‘économe’. Il animera les communautés à vivre la pauvreté selon la RdV.

Le secrétariat de l’évangélisation se penchera sur l’étude des Lineamenta pour le Synode africain et continuera à organiser des stages de formation pour les catéchistes. L’idée d’un Centre catéchétique au niveau combonien commence à faire ses premiers pas.

Au secrétariat des vocations est demandé d’étudier la possibilité de réaliser le postulat-frères à Lomé ou à Accra, on le déplaçant d’Afagnan. Il sera finalement déplacé à Lomé à partir d’octobre 1991, provisoirement dans une maison louée. Le secrétariat étudie aussi d’éventuelles nouvelles possibilités d’étude de la philosophie pour les postulants prêtres. Le grand séminaire de Lomé ne semble pas correspondre aux besoins. On finira par choisir les salésiens (octobre 1991).

A noter que depuis janvier 1990 le secrétariat des vocations fait paraître un bulletin de liaison avec les candidats comboniens : Echos de notre rencontre pour le Togo et le Bénin et Be my witness pour le Ghana. A partir d’octobre 1990 le secrétariat publie une feuille mensuelle de réflexion sur la vocation pour les groupes de nos paroisses : Le maître t’appelle. Le premier numéro était juste une feuille A4 imprimée des deux côtés : « Voci arrivée à tes mains cette feuille de réflexion sur la vocation. Elle veut te rendre un service très simple et humble, - nous lisons comme mots d’ouverture. Chaque mois elle viendra te dire simplement : Le Maître T’Appelle ! (Jn 11, 28). Oui, comme Marthe à sa sœur Marie, nous venons te dire que ‘le Maître est là, il t’appelle’. A toi d’aller à sa rencontre et voir qu’est-ce qu’il te demande ! ». Très vite, sous l’impulsion de p. M. Merino, la feuille devient un vrai bulletin.

Pour la promotion vocationnelle en dehors du contexte combonien, on a visité le Collège St Albert à Atakpamé et Ss Pierre et Paul à Aného. On doit revoir la charte formative des postulats à partir de la Ratio fundamentalis. Pour le Ghana on propose l’ouverture d’un prépostulat, c’est-à-dire d’une communauté d’accueil pour les aspirants comboniens à Abor qui serait aussi point de référence pour la promotion vocationnelle. Pour cela il faut absolument trouver un confrère à plein temps. On y parviendra en 1993. Une tentative de CAM voit le jour à Abor le 1er septembre. Objectifs : rendre possible un meilleur discernement vocationnel ; aider le candidat dans sa formation humaine et chrétienne ; donner la possibilité d’étudier le français. Le CAM passera à Accra/Kaneshie le 15 octobre 1999.

Au secrétariat de l’économie est demandé d’animer les confrères sur les indications de l’institut concernant l’économie et de préparer l’assemblée provinciale 1991 sur le thème : «Communauté de frères et témoignage de la pauvreté consacrée » (RdV, 162). Il sera donc question de notre manière de vivre la pauvreté et la vie économique selon la RdV. On demandera la présence de l’économe général, p. G. Z. Picotti. Le secrétariat devra aussi aider les confrères à impliquer dans la charité et dans les projets nos communautés chrétiennes. Les économes des communautés vont se retrouver à Afagnan le 2 mai. Ils proposent au CP que toutes les communautés déposent leur argent à l’économat provincial. Les paroisses sont invitées à faire un recensement des biens immeubles, surtout des terrains, avec leur certificat administratif. On a commencé aussi la réflexion sur le fonds provincial.

Quant à la commission pour la FP, elle doit s’engager plus dans l’initiation des nouveaux confrères (cours de langue, connaissance du milieu et de la province, histoire de l’Eglise au Togo…). Elle devrait aussi organiser la retraite annuelle des confrères au niveau combonien. Jusqu’alors, nous avions participé aux retraites organisées par le diocèse. Les exercices spirituels comboniens se tiendront donc au monastère de Dzogbégan au mois de novembre - ce qui deviendra une habitude - et le prédicateur sera le p. Giovanni Ferracin, coordonnateur de la formation permanente à Rome.

A l’unanimité les frères s’étaient prononcés pour déplacer le postulat d’Afagnan à Lomé en vue d’une formation plus sérieuse du candidat frère. On fini par trouver à Ablogamé une maison en bail qui sera le siège provisoire du postulat, alors que les 3 postulants qui suivent les cours d’infirmiers à l’hôpital St Jean de Dieu d’Afagnan termineront leurs études en partageant la vie de la communauté d’Afagnan. Il s’agit de Constant, Silvère et Simon. Selon leur propre témoignage, la communauté les a bien accueillis (prière et repas ensemble), ainsi ils ont appris que chaque communauté combonienne est communauté de formation et que toute famille accueille un enfant comme une richesse et l’aide à grandir. Et que la différence qui caractérise les confrères peut résulter une richesse.

Le dimanche 20 mai Mgr Dosseh consacre l’église paroissiale d’Afagnan, dédiée à Notre Dame du Perpétuel Secours. Merci au p. B. Gilli et au fr. Negrin pour la réalisation de l’œuvre qui avait été commencée par le fr. Santi.

L’année 1990 voit l’arrivée de deux nouveaux confrères en province : le p. José Luis Almanza, mexicain, qui travaillera au Ghana, et le p. Vitor Anciães qui sera affecté à Kouvé.

On pense à l’achat d’une maison à Accra comme point de référence pour les confrères. La petite maison sera propriété de la province et responsable du projet le p. A. Confalonieri.

 

 

Le Chrétien dans le Togo en pleine mutation

 

L’année 1990 se termine au Togo par une lettre pastorale des évêques, datée Atakpamé, Noël 1990, intitulée Le Chrétien dans le Togo en pleine mutation. C’est la première des lettres des évêques togolais qui vont jalonner les années chaotiques d’une démocratisation ratée. Les évêques veulent éclairer la conscience des fidèles et de tous les hommes de bonne volonté afin qu’ils puissent « remplir avec zèle et fidélité leurs tâches terrestres en se laissant conduire par l’esprit de l’Evangile ». Dans la lettre nous lisons : « La situation qui se dessine aujourd’hui en des traits accusés, voire violents et provocateurs, n’a pas germé soudainement de notre terroir. Elle est le fruit de compromissions, de lâchetés, de refus de servir la vérité, du manque d’un véritable amour de la patrie, de divisions tribales acceptées, subies ou encouragées, de silences complices et coupables dont nous tous, citoyens togolais, chacun pour sa part et à la place qui est la sienne, portons une part plus ou moins consciente de responsabilité ». Tout le monde est invité à un profond examen de conscience. Et les évêques de citer l’enseignement du magistère surtout celui de l’encyclique Sollicitudo rei socialis qui affirme qu’il y a des pays qui « ont besoin de réformer certaines structures injustes et notamment leurs institutions politiques afin de remplacer des régimes corrompus, dictatoriaux et autoritaires par des régimes démocratiques qui favorisent la participation ».

« Construire le pays - continuent les évêques - est l’affaire de tous, depuis le paysan qui doit être encouragé dans son travail livré aux caprices des saisons et respecté dans son habitat, jusqu’aux plus hauts fonctionnaires dont le sens du service doit être soutenu, en passant par les jeunes qui doivent être encouragés à jouer un rôle constructif dans la nation ». Et les évêques lancent un appel à l’amnistie générale pour permettre à tout togolais qui s’est exilé pour des raisons politiques, de revenir au pays. « S’engager est une obligation pour les chrétiens - nous lisons encore -, mais pour la défense et la promotion de la justice en esprit de service... Si les chrétiens font preuve de cet engagement désintéressé appuyé sur la Parole et la force de Dieu, ils pourront apporter une contribution essentielle à cette paix dont notre nation a tant besoin ». La lettre se termine par la fameuse prière Dieu de nos pères et Seigneur de tendresse que les catholiques continuent à réciter tant d’années après, toujours dans l’attente d’une démocratisation réelle du pouvoir.

Six mois après, le 24 juin 1991, les évêques togolais interviennent de nouveau pour accompagner le moment de la conférence nationale qui avait été acceptée par un accord intervenu le 12 juin. La lettre des évêques porte le titre Démocratie : orientations pastorales pour une société de droit, d’amour, de solidarité et de paix. Elle « voudrait évoquer les points de ralliement d’une charte fondamentale pour le passage à une société démocratique selon l’expérience et la doctrine sociale de l’Eglise ». « A l’occasion de la conférence nationale - écrivent les évêques - il importe d’identifier avec objectivité les causes des succès et des échecs du passé, afin de mieux assurer l’avenir de notre Pays. Sans aucun doute, toutes les couches de la population togolaise sont concernées par cet événement capital. Celui-ci permettra en effet, après le débat général sur la vie politique, économique, sociale et culturelle du pays, de mettre en place les institutions nouvelles requises pour le nouveau départ dont le besoin est ressenti par tous ». A présider la conférence nationale sera élu Mgr Ph. Kpodzro, un des deux représentants de l’Eglise catholique à l’assise.

Les évêques du Togo seront ‘obligés’ d’intervenir à plusieurs reprises. Nous rappelons la lettre pastorale du dimanche de Pâques 1995 : Pour un esprit et un comportement nouveaux ; celle du 2 février 1998 : Lettre pastorale des évêques du Togo sur la construction de la nation à l’aube du troisième millénaire; le message du 18 juin 2002 : A l’attention des catholiques et des compatriotes, hommes et femmes de bonne volonté ; pour terminer avec Dans la vérité bâtissons la Paix ! du 19 mars 2003, qui provoqua pas mal de réactions de la part des autorités.

 

 

Témoignage de pauvreté

 

Du 15 au 17 janvier 1991 se tient à Togoville l’assemblée provinciale avec thème « communauté de frères et témoignage de la pauvreté consacrée ». Le p. Giuseppe-Zeno Picotti, économe général, est avec nous. Dans son exposé il se réfère à Comboni et à la RdV dans sa cinquième partie : L’administration des biens de l’institut. Pour avoir une vraie communion il faut que tous les membres de la communauté deviennent co-responsables. Chacun de nous doit considérer les biens de la communauté comme appartenant à tous. Rien ne doit être décidé par une seule personne. Pas de secret dans notre économie ! Pour partager avec les autres et l’Eglise locale, il faut s’imposer une auto-limitation. A aucun missionnaire il n’est permis d’avoir un compte privé, soit à la banque, soit à la procure, soit chez des parents. Et le p. Picotti de citer le card. Martini : « Si tu as quelque chose, tu l’as pour la donner aux autres ». La gestion économique doit être le fruit d’un discernement communautaire : conseil de communauté et CP.

Et voici les motions approuvées par l’assemblée : 1) Chaque communauté préparera au commencement de l’année un budget prévisionnel, soit pour les dépenses ordinaires, soit pour les projets (dépenses extraordinaires) ; 2) Tout projet soit conçu, programmé et réalisé avec les gens (sensibilisation, participation, respect des rythmes de réalisation) ; 3) Il revient à l’économat provincial de coordonner l’acheminement des projets présentés par les communautés vers le CP. Après l’approbation et selon les priorités établies par celui-ci, l’économat provincial contacte les organismes internationaux en vue de leur financement et la communauté en vue de la réalisation.

Le n° 164.1 de la RdV est normatif : il engage chaque communauté au partage. Pour cela : 1) Chaque communauté participera à la vie ordinaire de la province avec le 15% de toute offrande reçue, excepté les financements des projets approuvés ; 2) Les intérêts des dépôts des communautés en province restent comme fonds des projets à réaliser ; 3) D’une manière exceptionnelle, le CP pourrait inviter les communautés à collaborer à la réalisation de certains projets ; 4) On invite les communautés à mettre à la disposition de la province leur superavit, après prévision budgétaire.

Les motions deviennent décisions du CP et entreront en vigueur le 13 février, mercredi des cendres avec quelques retouches. Après approbation, le CP présentera le projet à l’Ordinaire du lieu. Les intérêts seront distribués aux communautés sur la valeur de 4%. Toutes les communautés sont invitées à déposer leur argent à la procure provinciale : il n’y aura donc plus de comptes d’individus ou de communautés, éparpillés par ici ou par là dans les banques ! Tout sera déposé dans le compte courant, en distinguant le compte de la communauté du compte de la paroisse.

A personne n’échappe l’importance de cette assemblée dans l’histoire de la province, grâce aux décisions prises. Ce n’est qu’un début, mais qui amènera loin, jusqu’à envisager un jour un fonds provincial commun total. L’assemblée a permis à chaque confrère de s’exprimer et d’apprendre que seul l’institut peut posséder et que les offrandes reçues appartiennent à l’institut. On y a parlé aussi d’un problème ‘délicat’, celui des prêts, source de difficultés dans nos rapports avec les gens, surtout avec ceux qui nous sont proches : maîtres, catéchistes, etc. Le conseil donné est donc de ne pas faire de prêts; à la limite, on donne une aide tout court. Le p. Picotti suggère qu’il y ait dans la paroisse une commission ad hoc afin que ce ne soit pas le confrère à ‘prêter’. Il faut apprendre aux gens à épargner, à mettre de côté. Quant à nos ‘employés’, ouvriers, cuisiniers… il faut pratiquer scrupuleusement la justice ! Quant à l’aide à l’Eglise locale, elle devrait se faire non pas de communauté à Eglise, mais de province en tant que telle à Eglise locale.

C’est au cours de l’assemblée que le p. provincial annonce que l’institut depuis le 23 novembre 1990 a sa personnalité juridique et donc peut acheter, recevoir des légats, héritages, dons, etc. C’est une étape importante dans la croissance de la province. Tout a été fait selon les démarches nécessaires auprès du ministère de l’intérieur d’accord avec le CP qui est le responsable du bureau directeur. Quand le CP termine son mandat on a trois mois pour présenter le nouveau bureau directeur. Le CP pense qu’il faut regarder en avant : bientôt les confrères autochtones seront là. Actuellement, là où nous sommes tout appartient aux diocèses, sauf l’usufruit d’Adidogomé. On voudrait donc acheter un terrain à Lomé qui pourrait servir pour la maison provinciale et le postulat-frères. D’autres congrégations sont en train de faire des pas pareils.

En janvier 1991, le p. J. Pereira est nommé supérieur et curé à Togoville et le p. A. Boscaini, qui revient en province, est nommé supérieur et curé à Afagnan, après le départ subit du p. P. Corazza. Au mois d’avril c’est le p. Joaquín Martínez qui est nommé supérieur et curé à Liati, alors que le p. Capelli repart à Abor, comme vicaire.

Au mois de mars sont approuvés le projet et le devis de l’église paroissiale de Tabligbo. Ce projet prendra du temps à voir le jour : il sera réalisé par le fr. Negrin dès son retour du congé en 1992. Le 11 juin 2000 l’église sera consacrée par Mgr Dossavi, mais le frère ne sera pas là : il avait quitté pour rentrer en Italie au début de 1999 alors que les travaux tiraient vers la fin. Mais l’église de Tabligbo restera son chef d’œuvre!

Le CP se réunit avant le départ à Rome du provincial pour la commission pré-capitulaire. Depuis Rome est arrivé l’autorisation pour l’achat d’un premier terrain (9500 m2) où devrait surgir le postulat-frères, le CAM et la maison provinciale. Comme le p. Ramon Orendain est affecté au Mexique, il faudra passer à l’élection d’un nouveau conseiller, remplaçant. Ce sera le p. João Correia.

Le 1er mai 1991, à Afagnan, les frères O. da Cunha et J. M. Kulitsi font leur profession perpétuelle.

 

 

Mort du p. Zancanaro

 

Le 29 mai c’est le p. A.Zancanaro qui s’éteint à l’hôpital d’Afagnan, où il avait été accueilli le 14 avril. Le père était malade depuis un certain temps, mais il avait voulu revenir d’Italie au Togo quelques mois avant sa mort et il avait repris son service à Afagnan comme aumônier de l’hôpital. En le visitant à l’hôpital, le provincial lui proposait de rentrer en Italie avec lui, mais lui refusait : il voulait rester au Togo pour toujours. Il était arrivé en province le 21 janvier 1965, après avoir travaillé au Soudan, d’abord à Port Soudan et puis au Comboni College à Khartoum dans l’enseignement, de 1949 à 1962. Mais il ne se sentait pas fait pour cela.

Vogan l’a vu comme curé pendant dix ans (1966-1976) et puis de nouveau de 1979 à 1981. En 1977-1978 il était à Afagnan. A Lomé il avait travaillé d’octobre 1981 jusqu’à l’arrivée de p. S. Cadei en 1984, et puis il était passé à Sogakopé (Ghana) jusqu’en 1989.

Le jour des obsèques à Vogan, le mercredi 5 juin, nous a tous rassemblés en grand nombre avec les communautés chrétiennes de Kodjoviakopé et spécialement de Vogan. Mgr Dosseh a présidé l’eucharistie et nombreux étaient les prêtres diocésains concélébrants, pour témoigner de leur affection et de leur estime envers le père. Il a été enterré à côté des parents de l’archevêque, qui à plusieurs reprises a dit de considérer le p. Zancanaro comme un second papa.

 

Il est bon de rappeler que l’enterrement de p. Zancanaro avait été anticipé d’une journée, à cause de l’instable situation politique au Togo et d’une grève générale illimitée. La traditionnelle stabilité du pays avait commencé à se ‘déstabiliser’ le 5 octobre 1990. La volonté de changement finira par aboutir à la convocation par le président Eyadéma de la Conférence nationale souveraine (annoncée au mois de juin) qui se terminera en élisant un premier ministre de la transition dans la personne de maître Koffigoh et un Haut Conseil de la République, présidé par Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, évêque d’Atakpamé, et qui à la fin de 1992 sera nommé archevêque de Lomé. Mais les choses au Togo n’iront pas à l’exemple de ce qui s’était passé au Bénin, où le président Kérékou avait accepté les décisions de la conférence nationale (là aussi présidée par un archevêque catholique, Mgr I. De Souza) et sera provisoirement écarté du pouvoir. Au Togo tout le monde comprendra vite que le pays était l’otage des militaires et du parti unique, RPT. Et on vivra de longues années troubles, avec coup de mains des militaires et élections truquées qui garderont Eyadéma (et le RPT) au pouvoir jusqu’à sa mort subite, le 5 février 2005, pour être remplacé par un de ses fils, Faure E. Gnassingbé, porté au pouvoir d’abord par les militaires et ensuite par des élections très contestées.

Il est bon de rappeler que les manifestations de rue qui avaient vu des milliers de jeunes loméens manifester pour la démocratisation du régime en 1991, touchent aussi au mois de mars et avril le quartier de Kodjoviakopé, considéré depuis toujours une citadelle de l’opposition. L’avenue de Duisburg, devant la paroisse, était complètement bloquée jusqu’à la frontière par des pneus et des autos en flammes et par du fil barbelé qu’on avait traîné depuis la frontière avec le Ghana. Les militaires se tenaient à distance, mais ils sont intervenus avec des bombes lacrymogènes pour disperser les manifestants et surtout empêcher les jeunes de s’approcher trop du feu rouge placé tout près du palais présidentiel. Sur les murs de la ville étaient apparus des placards et d’autres graffitis avec des expressions très dures à l’égard du président et même contre l’archevêque.

 

 

XIVè Chapitre Général

 

L’année 1991 est l’année du Chapitre général. Notre provincial avait été appelé à Rome pour faire partie de la commission préparatoire. Le délégué père sera S. Cadei et le délégué frère francophone Duilio Plazzotta. Une des intuitions de ce Chapitre a été celle de l’AM qui devait se faire dans toutes les Eglises locales. L’AM est partie et engagement de la vie de toute Eglise. Le défi sera donc celui de centrer l’AM sur l’Eglise et la société. Les médias ne sont donc pas seulement un moyen d’évangélisation et de promotion de la mission, mais aussi un domaine de défi de l’ad gentes.

 

Le samedi 23 novembre 1991, Jean Pierre Légonou fait sa profession perpétuelle. C’est le premier profès perpétuel de la province. Le dimanche 15 décembre, dans la chapelle des comboniens à la maison générale, il est ordonné diacre, avec trois autres scolastiques, par l’imposition des mains de Mgr Giuseppe Ferraioli. Il faudra maintenant penser à son ordination. Son compagnon à Rome, L. K. Adjétey fera, avant ses vœux perpétuels et son ordination, deux ans d’expérience au Zaïre. C’était le vicaire général, p. I. A. Lafita, qui le 22 février 1989 les avait faits ‘lecteurs’.

Dans toutes les paroisses comboniennes on a réussi à établir un groupe des vocations : il faut accompagner les jeunes personnellement, spécialement par la direction spirituelle. La revue Pirogue est proposée comme instrument de formation et de lecture spirituelle. Le Maître t’appelle  paraîtra sous la responsabilité du p. João Correia, Echos de notre rencontre sous celle du p. João et fr Alfredo, et Be my witness sous celle des pères Merino et Joaquín.

 

 

Père Glenday visite la province

 

Au mois de février 1992 le nouveau supérieur général et le Fr. Casas, conseiller général, viennent en visite à la province. Ils rencontrent les confrères au cours de l’assemblée provinciale, consacrée aux documents du Chapitre de 1991. Cette réflexion se poursuivra au niveau des communautés et le fruit de notre expérience du point central, à la lumière des Actes du Chapitre, sera le thème de la rencontre provinciale du 26 juin, fête du Sacré-Cœur. Les différentes expériences ont été présentées dans une petite brochure. Le p. Général et fr. Guillermo rencontrent aussi le CP pour une vision d’ensemble de la province, parler du ‘personnel’ et prendre vision d’une manière directe de notre réalité.

Au terme de leur visite à la province, le p. David et le fr. Guillermo écrivent aux confrères le fruit de leurs réflexions, en soulignant certains aspects du chemin provincial qui leur sont apparus particulièrement importants : le dévouement à l’œuvre de l’évangélisation ; le chemin entrepris pour pouvoir évangéliser en tant que communauté ; la promotion des vocations et la formation combonienne. « La préoccupation particulière de votre province pour la vocation du frère combonien, fruit sans doute aussi du témoignage des frères qui ont travaillé et encore travaillent dans la province - on lit dans la lettre - signifie la fidélité aux intentions de Comboni et stimule tout l’institut ».

Il faudra commencer l’évaluation de la formation, fondée sur la Ratio, voulue par le Chapitre, et « réfléchir sur l’accompagnement des candidats dans la phase qui précède leur entrée au postulat, pour une plus grande clarté dans le discernement vocationnel ». Dans le programme du sexennat, il faudra compter sur un nombre de confrères au-dessous du ‘plafond’ établi auparavant, et donc il faudra qualifier au mieux notre présence et notre travail.

Il faut renouveler le contact avec le Fondateur et surtout porter une attention particulière aux personnes des confrères (« un souci qui pousse vers une attention toute particulière pour la formation permanente »), à la valorisation de la communauté comme le lieu privilégié de cette formation, les rencontres de zone, l’accompagnement des nouveaux arrivés... Il faut insister sur la prière personnelle et l’étude et le partage des biens : « L’individualisme et l’activisme restent des maux à combattre pour une plus grande efficacité apostolique ». Il faut continuer le dialogue pour la passation de certaines paroisses au clergé local, en continuant « la requalification de notre présence et de notre apostolat dans le contexte de l’Eglise locale », et concrétiser l’idée du ‘centre catéchétique’. Le CP pense que ce Centre doit être un service pour toute la province. Il croit opportun d’utiliser les locaux de l’ancien postulat-frères à Afagnan.

On approuve le plan pour la construction du postulat-frères, après quelques corrections apportées par l’architecte Adjamagbo. Le devis tourne autour de 45 millions de f cfa et superviseur des travaux sera le fr. do Rosario.

« L’assemblée a proposé d’avoir une attention particulière pour notre présence au Ghana, - on lit encore dans la lettre. En sachant que cette réflexion est déjà en cours, nous proposons de tenir en compte les points suivants : un dialogue ouvert avec l’évêque, en éclaircissant notre contribution spécifique à l’Eglise locale; des efforts concrets pour une plus grande intégration parmi les confrères qui travaillent au Ghana et le reste de la province ; l’engagement de tous les membres de la province à propos de la réflexion sur le Ghana ; l’évaluation des projets de développement social, de manière que soient tenues en considération les nécessités de notre témoignage communautaire, de l’engagement des personnes de la place et de la possibilité qu’ils soient gérés, dans un temps à programmer, par l’Eglise locale ou par d’autres agents locaux ».

 

 

‘Comboni Center’ de Sogakopé

 

Depuis février 1985 le p. Riccardo Novati était arrivé en province en s’installant à Sogakopé. Il s’est dédié complètement à la promotion humaine, en fondant le ‘Comboni Center’. Le p. Novati est un missionnaire aux grandes initiatives, mais qui ne semblent pas conformes à la méthodologie combonienne. Avec les grands moyens et beaucoup de liberté, le père réalisera de grandes œuvres (écoles, polyclinique, imprimerie, etc.), toujours espérant que la province les assume. On lui reproche de programmer et réaliser des projets sans trop tenir compte des confrères et des supérieurs. L’aspect de la communauté combonienne semble faire défaut, soit dans sa manière de vivre que de gérer son activité. Il faudra qu’il fasse tout seul, en vivant à part mais toujours accueillant vis-à-vis des confrères.

Le p. Del Pozo d’abord, et le P. Miante ensuite, essayeront de ‘regolariser’ la situation personnelle et l’activité du p. Novati, mais le… ‘charisme’ du père aura toujours partie gagnée (surtout si parmi ses amis on peut compter Giulio Andreotti !). Le cas de confrères trop auto­nomes dans leur manière de faire (voir Novati, Jané, Confalonieri...) n’aidait pas le cheminement communautaire de la province.

Le Général, pendant sa visite, essaye d’entrer en dialogue avec le p. Novati, poussé aussi par les réflexions du CP. Il ne craint pas de manifester son désaccord et celui du CG sur la manière de porter de l’avant l’œuvre. Le diocèse finira par assumer le projet mais de forts doutes pèsent sur la capacité de l’Eglise locale d’assumer un jour l’œuvre qu’il réalise. Elle semble trop dépendre de la personne du père et de sa capacité à trouver des financements

L’évêque de Kéta-Ho souhaiterait que les comboniens soient plus présents et significatifs dans la vie du diocèse : il est donc important de participer aux réunions diocésaines. C’est là que nous pouvons vivre la communion avec l’Eglise locale, nous exprimer, apporter notre contribution, connaître le chemin et les priorités de l’Eglise locale. L’évêque souhaite aussi une meilleure collaboration en ce qui concerne la réalisation des projets : il est bon de les réaliser en syntonie avec l’évêque et le diocèse. Les œuvres de promotion sociale sont chemin d’évangélisation et elles pourront, petit à petit, être prises en charge par le diocèse. Les confrères, pour leur part, souhaitent la parution d’un nouveau catéchisme considéré urgent et très utile pour le travail pastoral.

 

 

Démission de Mgr Dosseh

 

Les notes du p. Général, rédigées depuis Rome, tombaient au moment où la Congrégation pour l’Evangélisation des peuples avait accepté la démission de l’archevêque de Lomé, Mgr. Dosseh-Anyron, et l’avait remplacé par un administrateur apostolique, l’abbé Jean Kuassi Gbikpi-Bénissan, qui va administrer l’archidiocèse du 13 février 1992 au 2 février 1993, quand le nouvel évêque, Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, sera intronisé.

Depuis quelques années déjà les choses ne marchaient plus entre l’archevêque Dosseh et certains de ses prêtres, surtout les jeunes, engagés au petit séminaire. A l’archevêque ils reprochaient surtout son autoritarisme et sa mauvaise gestion des finances. Un article très critique vis-à-vis de l’archevêque, signé par Comi M. Toulabor, était paru en Politique Africaine d’octobre 1989. On y parle d’un évêque revêche et autoritaire, qui aurait refusé la nomination à ses côtés d’un coadjuteur ou même d’un évêque auxiliaire. Il semble s’être opposé à la création de trois nouveaux diocèses voulue par le Vatican (ce qui se fera en 1994). Il n’aurait pas en face de lui des structures de participation des fidèles ou du clergé pour la gestion des affaires diocésaines. Il a voulu ‘diocésain’ le grand séminaire de Lomé et non pas interdiocésain comme il avait été prévu, afin d’éviter qu’il ne soit cogéré par les évêques suffragants. Il aurait bâti au sein du clergé une hiérarchie en instituant un ‘haut clergé’ composé d’une minorités de prêtres formés à Rome et/ou nantis de diplômes universitaires qui jouissent de la considération de l’évêque, et un ‘bas clergé’ constitué de la masse de ceux qui ont fait leurs études supérieures dans un grand séminaire africain. (Mais il est vrai aussi que le clergé est tout aussi atteint de ‘diplômite’ que l’élite politique). Les rumeurs courent qu’il menace, intimide, insulte à tout propos et, parfois publiquement, son clergé.

Et puis il y a toute l’histoire des finances du diocèse, dont Mgr Dosseh n’aurait lui-même qu’une vague idée, mettant toute sa confiance en M. Agbabou, qui depuis 1962 règne en maître absolu. Il y a aussi les subventions de l’Etat à l’enseignement catholique. Il est difficile de faire la part entre les sources officielles et ordinaires et d’autres exceptionnelles. On parle des ‘affaires’ qui se passeraient autour du grand marché dans l’infrastructure immobilière importante qui appartient à l’Eglise et que l’Etat lui envie, et même à l’étranger. Beaucoup d’argent n’est jamais arrivé à destination des projets prévus et financés par divers organismes. Fastes et fêtes semblent la partie émergée de la gestion Dosseh-Agbabou des finances du diocèse.

On l’accuse de tribalisme et népotisme, mais surtout d’avoir manqué bien d’occasions d’affirmer l’indépendance de l’Eglise face au pouvoir politique. Rome sera finalement obligée à intervenir : le card. Christian Tumi depuis Douala viendra ‘enquêter’ et finalement Rome tranchera : Mgr Dosseh sera obligé à démissionner. Cela se passait le 13 février 1992.

Un décret important de l’administrateur apostolique est celui concernant la transformation du grand séminaire diocésain Jean-Paul II de Lomé en grand séminaire interdiocésain. L’abbé Gbikpi-Bénissan ne faisait qu’exécuter une des instructions qu’il avait reçue au moment de sa nomination de la part de la congrégation pour l’évangélisation des peuples, qui récitait : « Eu égard aux récents événements survenus au Grand Séminaire de Lomé et qui ont porté un coup dur à son caractère propre, cette Congrégation pour l’Evangélisation des peuples estime qu’il serait plus sage, à tous points de vue, de le transformer, par Décret, en un Grand Séminaire Interdiocésain, où tous les évêques du Togo auraient pariter droit de cité. Les efforts seraient alors mieux conjugués sous la direction de la Conférence Episcopale et les avantages en seraient plus nombreux ». Le décret porte la date du 24 juillet 1992. C’était par décret du 28 août 1982 que Mgr Dosseh-Anyron avait érigé le grand séminaire Jean-Paul II dans la ville archiépiscopale de Lomé.

 

 

Centre d’Afagnan : fermer ?

 

Le 1er mai 1990 les frères de la province se retrouvaient pour leur rencontre annuelle à Afagnan. Le fr. M. Citterio venait d’être nommé directeur du Centre de formation professionnelle. Le CP nomme un conseil d’administration du ‘Centre A. Santi’, composé des frères Citterio, do Rosario (comptable du Centre) et Guzzardi et des pères A. Grassi (économe provincial) et P. Corazza (supérieur et curé d’Afagnan). Ce conseil devra, comme tâche prioritaire, préparer les statuts du Centre (la vie du Centre, règlement administratif, priorités de travail, etc.). On voudrait que le Centre devienne ‘l’œuvre provinciale’ des frères. Le 15 mars 1991, le CP approuve les statuts du Centre professionnel d’Afagnan et son règlement intérieur. Le but est celui de consolider le Centre pour en faire un Collège technique en mesure d’octroyer des certificats ou diplômes équivalents à ceux des autres écoles professionnelles. A côté de la sculpture, de la menuiserie, de la maçonnerie, en octobre 1989 le Centre avait vu paraître la section mécanique-auto.

Une commission, composée par le fr. do Rosario (responsable) et les pères Montresor et Boscaini, étudiera les possibilités concrètes pour réaliser le projet en contactant les responsables de l’enseignement catholique, diocésain et national. On n’arrivera à rien… Au contraire, l’idée de fermer le Centre commence à percer dans la tête de l’un et l’autre confrère. Et le Centre sera fermé effectivement en 1995. Ce que l’école donnait était devenu trop générique (au Togo il y a assez de sculpteurs, mécaniciens, maçons et menuisiers). Les maîtres-enseignants avaient fini par imposer leur loi dans l’école, ne suivant plus les statuts, n’assurant plus l’esprit de service auquel l’école s’inspirait et donc ne garantissant plus aux jeunes la formation telle que les comboniens la voulaient. Surtout il nous manquait le personnel qualifié pour la direction de l’œuvre, sans compter le prix financier de plus en plus cher des entreprises.

Le 3 avril 2000 ce sera la réouverture de la section menuiserie du Centre de formation professionnelle, re-baptisé Nazareth. Directeur en sera le curé de la paroisse, l’abbé Joseph Kossivi Koumaglo. Durée de la formation : 3 ans. Finalité : Certificat d’aptitude professionnelle (CAP) d’Etat, délivré par le Centre national de perfectionnement professionnel. Le Centre offre une possibilité d’internat aux jeunes venant de loin.

 

 

Quelques statistiques

 

L’Eglise catholique en Afrique  de l’Ouest et Centrale (le répertoire des missions catholiques), édition de 1991, donne des statistiques. Pour ce qui est de nos paroisses, voici le tableau qui peut nous fixer. Afagnan : 9.974 catholiques et 723 catéchumènes, 30 stations secondaires et 68 catéchistes, 9 écoles primaires avec 3.739 élèves et 59 maîtres. Aklakou : 2.383 catholiques et 512 catéchumènes, 17 stations secondaires et 20 catéchistes, 2 écoles primaires avec 446 élèves et 11 maîtres. Anfoin : 2.509 catholiques et 253 catéchumènes, 6 stations secondaires et 25 catéchistes, 1 école primaire avec 627 élèves et 7 maîtres. Togoville : 9.345 catholiques et 326 catéchumènes, 4 stations secondaires et 14 catéchistes, 1 école primaire avec 1.165 élèves et 16 maîtres. Vogan : 12.292 catholiques et 2.425 catéchumènes, 34 stations secondaires et 50 catéchistes, 7 écoles primaires avec 3.436 élèves et 49 maîtres. Kouvé : 13.933 catholiques et 450 catéchumènes, 8 stations secondaires et 9 catéchistes, 12 écoles primaires avec 3.653 élèves et 70 maîtres, CEG catholique avec 299 élèves et 14 professeurs, Collège Christ Roi avec 190 élèves et 13 professeurs. Tabligbo: 4.841 catholiques et 244 catéchumènes, 14 stations secondaires et 15 catéchistes, 8 écoles primaires avec 1408 élèves et 30 maîtres. Kodjoviakopé: 13.214 catholiques et 195 catéchumènes, 3 stations secondaires et 35 catéchistes, 2 écoles primaires avec 2.102 élèves et 35 maîtres. Lobogo : 27.000 habitants dont 3.000 catholiques et 200 catéchumènes. Bopa : 24.000 habitants dont 3.100 catholiques et 300 catéchumènes. Pour le Ghana manquent les statistiques des paroisses. Pour le diocèse de Kéta-Ho nous lisons que pour une supérficie de 22.000 km² il y a une population de 1.393.000 habitants, les catholiques sont 346.000 et les catéchumènes 12.650.

 

 

Centre Emmaüs

 

La formation des catéchistes est la première priorité du cheminement provincial après l’assemblée de février. Le p. Gambin est nommé responsable du Centre de formation des catéchistes - il s’appellera Centre Emmaüs - dont le siège sera à Afagnan, dans les locaux de l’ex postulat-frères. Ouverture officielle, le 10 octobre 1992. Avec l’équipe du Centre, formée par le p. Gambin, l’aide de p. R. Cerea et le volontariat du maître-catéchiste André Missoh d’Afagnan-Gbletta et de sœur Pia Beraldin des Sœurs de la Providence (elle est à Kouvé), on pourra multiplier les rencontres de formation de nos premiers collaborateurs dont la formation laisse à désirer. Une formation qui se fera en passant dans les différentes paroisses (du vendredi à dimanche). Sr Pia donnera aussi une formation sanitaire, en tant qu’infirmière. Toutefois les réunions des catéchistes qu’on faisait habituellement dans les paroisses sont maintenues, étant donné qu’elles visent surtout la préparation de la liturgie dominicale.

Les rencontres organisées par le Centre porteront sur la catéchèse, la bible et l’étude de la nouvelle méthode catéchétique avec expérience pratique, c’est-à-dire des leçons aux catéchumènes avec évaluation. La rencontre catéchétique aura 5 moments : cherchons ensemble, écoutons la Parole de Dieu, réfléchissons ensemble, prions ensemble et retenons (mémorisation). Le catéchiste doit être homme/femme du Christ et avoir donc une forte expérience de prière. On pense que l’ancienne méthode du catéchisme questions-réponses (le catéchisme de S. Pie X) est dépassée et incomplète. On adoptera donc la méthode utilisée par le Centre catéchétique de Ouidah pour les enfants en âge scolaire et par la CERAO (Conférence épiscopale régionale de l’Afrique de l’Ouest) Chrétiens aujourd’hui (en trois volumes, pour les adultes), sans oublier la mémorisation. On n’oubliera pas non plus les images de la bible de don Carlo Donati (Florence).

Le Centre sera aussi lieu d’approfondissement de la culture et de la religion traditionnelle avec BERTA (Bureau d’étude de la religion traditionnelle africaine).

Le p. Gambin sera aussi responsable du cours d’introduction des nouveaux confrères qui arrivent en province, et auxquels s’ajoutent des missionnaires d’autres instituts, et qui se tiendra à Afagnan. La communauté d’Afagnan sera très heureuse d’accueillir ces missionnaires aux prises avec une langue, l’éwé, dont le cours ressemble beaucoup à une compétition de vélo à étapes où il n’y a que des montées et des étapes contre la montre. Pas de descentes, pas de plaines où l’on puisse souffler un peu et constater qu’on avance sans faire trop d’effort. Le p. Elio mérite une mention particulière pour les longs monologues qu’il tenait à table, en oxygénant le cerveau des confrères et consoeurs étudiants, en les distrayant un peu de l’éwé !

1992, faits divers

 

Le 10 juin 1992 le p. Luigi Capelli rentre en Italie pour des raisons de santé. « Le p. Capelli - récite un fax du 2 novembre envoyé par le fr. Smalzi directeur du CAA de Vérone - se trouve dans notre Centre en convalescence, après avoir subi deux interventions chirurgicales au pancréas. Tout se poursuit bien, même si pour une raison pas encore bien précisée, il accuse des troubles cérébraux avec perte de la mémoire. Il est sous contrôle médical et à mon avis, en ce moment, il va mieux ». Le p. Luigi ne se remettra plus pour être en mesure de revenir en province et sera affecté à sa province d’origine.

A partir du 1er juillet, sont affectés à la province les pères Roberto Cerea (il arrivera le 7 octobre), G. Rabbiosi (vieille connaissance), G. Antonio Dasilva F. (espagnol) et fr. Alfredo de Jesus Cedeño Aguilar, costaricain. A la même date, les pères G. Montresor et E. Petrogalli sont affectés à leur province d’origine.

Le 27 septembre les togolais se rendent massivement aux urnes pour s’exprimer par référendum sur la Constitution de la IVè République. Elle est massivement adoptée et promulguée par le président le 14 octobre suivant. Cela permettait de procéder aux différentes échéances électorales jusqu’à la présidentielle. Le chemin sera très tourmenté. Le Ghana aussi se prépare à l’élection présidentielle.

Le 28 août on célèbre le centenaire de l’arrivée des premiers missionnaires au Togo. Arrivés l’avant-veille en rade de Lomé, les deux premiers Verbites avaient célébré la première messe en terre togolaise le 28 août 1892 : c’était la fête de St Augustin l’africain, patron de leur société. Les diocèses sont 4 et les catholiques sont évalués à 740mille environ sur une population totale de trois millions et demi d’habitants. A cause de la situation socio-politique les choses se feront dans la discrétion.

Pour nous les comboniens, le centenaire de la foi est marqué par l’ordination sacerdotale du premier confrère de la province, le p. Jean Pierre Légonou, et par le départ en mission du premier frère originaire de la province, Joseph Kudiamenou Anku, qui au terme du CIF (Nairobi) est affecté à la province du Zaïre et sera dans la communauté de Duru. Il quitte le 19 août, accompagné par 10 novices de la province. Dix en effet sont les candidats admis au noviciat : 5 candidat prêtres (Afola Elias, Degblor Shane, Guéli Abel, Kornu Godwin et Tossavi Théophile) et cinq frères (Daliwa Silvère, Edan Antoine, Latévi Pierre Fourrier, Tchoklo Simon et Tsomafo Constant). C’est la première fois qu’un tel nombre est atteint. Isiro (Magambe) les attend et on doit penser à agrandir la maison, car celle ouverte le 1er mai 1985 comme noviciat dédié à St Pierre Claver est devenue insuffisante ! Ils sont accompagnés aussi par le nouveau père maître, Ramon Eguíluz Eguíluz, qui vient de passer une semaine au Togo. La nécessité commence à se faire sentir d’un confrère de la province au noviciat et, à plus long terme, que des démarches soient entreprises pour avoir un deuxième noviciat au niveau de l’Afrique francophone.

1992 est aussi une année électorale : on va procéder au sondage et puis à l’élection pour la nomination du provincial et l’élection des conseillers. Le p. G. Miante est reconduit pour un second mandat.

 

 

1er prêtre combonien de la province

 

Le samedi 25 juillet, grande fête à Kodjoviakopé : le diacre Jean Pierre Légonou est ordonné prêtre par le Nonce apostolique, Mgr. Abraham Katumana. Il n’y avait pas d’évêque à Lomé en ce moment-là. Des amis italiens avaient fait le déplacement depuis Rome. Les chrétiens venus d’Abomey, ville dont sa famille est originaire, ont donné un ton de fête particulier à toute la célébration. La messe de prémices sera une apothéose. C’est le premier prêtre combonien de la province ! La première de nos paroisses était en mesure de donner à l’Eglise un de ses fils pour la mission ad gentes. Il y a cent ans les missionnaires allemands avaient foulé le sol du Togo : aujourd’hui des jeunes de cette terre et de cette Eglise deviennent missionnaires pour le monde. D’autres fils de Kodjoviakopé lui emboîteront le pas. Le p. Jean Pierre sera affecté l’année suivante à la délégation de l’Amérique centrale.

La construction du postulat-frères se poursuit sous la direction de fr. do Rosario. Le plan avait été approuvé par le CP avec une estime des dépenses à 45 millions de f cfa. Il est inauguré avec 12 candidats à l’occasion de la fête du 10 octobre, et la maison dédiée au fr. Giosué dei Cas, le frère mort de lèpre à Wau (Sud Soudan) en 1932. Il avait 52 ans. Pour sa part, le CG demande si on ne pourrait pas penser à accueillir dans la même maison tous les confrères pour assemblées ou rencontres. Le postulat-frères finira par devenir la maison d’accueil et de passage des confrères, mais on ne prévoit pas un nombre suffisant de chambres pour accueillir tous les confrères : assemblées et autres rencontres se feront ailleurs. L’équipe du postulat se chargera aussi du CAM pour l’animation spirituelle et vocationnelle des jeunes.

Et pour la maison provinciale ? Le CG en a approuvé le plan et il l’a financé avec US $ 100.000. Mais la solidarité de toutes les communautés est demandée. Elle devrait surgir à 300 mètres de la maison du postulat-frères, sur un terrain d’un tiers d’hectare, et devenir aussi la maison d’accueil des confrères autochtones. La chose sera entravée du fait que le terrain va se révéler litigieux et au-delà des ‘papiers’, 15 ans après on sera encore en litige. On va donc se contenter d’une maison provinciale plus petite que celle premièrement prévue qui sera bâtie sur le terrain du postulat-frères. Mais cela n’empêchera pas la collaboration des confrères avec de merveilleux gestes de solidarité.

 

 

Passation de Togoville

 

L’année 1992 se termine par le passage de la paroisse de Togoville, sanctuaire marial diocésain, au clergé local. La nouvelle a été rendue publique au cours du pèlerinage annuel à Togoville (le 7-8 novembre) auquel ont participé des milliers de fidèles. La messe de minuit a été présidée par le p. Saverio Perego, dernier curé combonien de Togoville, et le provincial a tenu l’homélie. Au terme de l’eucharistie, l’administrateur apostolique, Mgr Jean Gbikpi-Benissan a publiquement remercié les comboniens pour le travail accompli et les œuvres réalisées en vingt ans de présence à Togoville.

Les comboniens pourront à présent s’engager davantage dans des choix missionnaires qualifiés (centre catéchétique, centre des vocations à Cacavéli et banlieue urbaine à Adidogomé). Le nouveau curé, en remplacement du p. S. Perego qui passera à Cotonou, sera l’abbé Paul Jean-Marie dom Dossavi, qui sera quatre ans après le 2ème évêque du nouveau diocèse d’Aného. Certains confrères ont regretté cette passation en pensant que Togoville pouvait être un centre d’AM et de PV. Et puis, le nombre des pèlerins qu’on pouvait toucher… D’après le p. F. Gilli, 40mille pèlerins avaient foulé le sol de Togoville en 1992.

 

 

Programmation 1992-1997

 

L’année 1993 voit s’installer le nouveau CP : p. G. Miante, provincial, reconduit. Conseillers : les pères L. Gambin, E. Ziliani, S. Cadei et fr. Oscar da Cunha. Le p. S. Cadei est élu vice provincial et l’élection est confirmée par le CG.

Programmer comporte toujours du temps. C’est ainsi que la programmation provinciale 1992-1997 paraîtra finalement en la fête de Christ Roi, le 21 novembre 1993 (qui est aussi la date du passage de Kodjoviakopé au clergé diocésain). Le CP, en la présentant, remercie le Seigneur qui nous « a accompagnés avec son Esprit pour discerner et découvrir les priorités, les choix, les décisions qui nous aideront à vivre dans la joie et avec courage notre engagement missionnaire à la suite de Daniel Comboni, aujourd’hui. Avec humilité nous Lui présentons le fruit de ce travail : c’est Lui qui conduit notre histoire sur les routes du Togo-Ghana-Bénin. Nous Lui confions cette programmation, toujours disponibles à lire dans les événements des pays et des Eglises, où nous sommes, sa présence et son action ». La programmation tient compte de la réduction des engagements et du personnel, à la lumière des indications du Chapitre et des lettres du CG.

Dans la programmation, on parle d’une Eglise ‘vivante’ à Cotonou, d’une Eglise ‘en attente’ à Lomé et d’une Eglise ‘plus ou moins classique’ à Kéta-Ho. On y confirme l’ad gentes de cette région d’Afrique, où 80% de la population n’est pas encore gagné au Christ. Nous restons fidèles à notre charisme : première annonce, AM et accompagnement et formation des jeunes qui veulent s’engager dans la vie missionnaire combonienne. Mais de nouveaux défis nous interpellent : la formation des laïcs, et notamment des catéchistes et agents pastoraux ; le monde des jeunes ; les banlieues urbaines ; les réalités culturelles de notre milieu et le phénomène des sectes qui foisonnent. On y constate aussi nos limites, surtout en ce qui est de l’étude et de la prière personnelle, et la difficulté d’être fidèles au conseil de communauté. On s’engage à faire en sorte que toutes les communautés soient conformes à la RdV, c’est-à-dire viables et significatives, avec un minimum de trois membres. Chaque année, pour la nouvelle année scolaire et pastorale, la communauté révise et renouvelle, si nécessaire, la charte de la communauté, qui doit être soumise au CP. L’horaire de la communauté doit indiquer le temps pour la prière personnelle et favoriser l’étude. Une fois par semaine il y a la journée communautaire, et au moins une fois par mois le conseil de communauté.

Dans la programmation on ne parle pas du journal que chaque communauté devrait avoir pour y enregistrer les événements les plus significatifs. Au début on l’avait et puis il est disparu, signe évident des temps où l’allergie à enregistrer les chroniques domestiques a frappé tout le monde. Le vide créé par la disparition de l’enregistrement de la chronique locale, dont se chargeaient normalement les supérieurs, est particulièrement ressenti alors que l’on voudrait rédiger une relation un peu exhaustive. Mais ce journal pourrait aussi servir à mesurer la réalisation et l’avancement d’éventuelles décisions prises au cours du conseil de communauté. Et puis, les choses qui arrivent mais qui ne sont pas enregistrées, vont pratiquement perdues et on assiste à un appauvrissement de la réflexion, car on manque du point de repère irremplaçable que l’expérience du passé constitue.

En octobre 1992 est prévue l’ouverture du CAM de Lomé. Pour le mois d’octobre 1993 il y aura un promoteur des vocations pour le Togo-Bénin et un pour le Ghana. On donnera une attention particulière à la préparation des bulletins vocationnels, tels que Le maître t’appelle, Be my witness, Echos de notre rencontre. Chaque année on publiera un calendrier vocationnel. Chaque communauté aura son groupe vocationnel. Des rencontres pour les candidats comboniens seront organisées au niveau général.

En 1992 une nouvelle charte formative pour les postulats a été rédigée, en tenant compte de la Ratio. Pour le postulat d’Adidogomé, avec la rentrée 1993-94, on arrivera a distinguer clairement l’activité formative du postulat et la paroisse dont on nommera un responsable. Les postulants fréquentent l’école de philosophie des salésiens qui est en train de devenir un institut intercongrégationnel. On demande notre collaboration pour l’enseignement. Pour octobre 1992 est prévue l’ouverture du nouveau siège du postulat-frères à Cacavéli. Les postulants frères seront 12 ! On voudrait un confrère de la province dans le noviciat interprovincial d’Isiro au Zaïre et continuer le dialogue pour avoir un deuxième noviciat au niveau de l’Afrique francophone. L’idée fera son chemin.

La formation permanente occupe sa belle place dans la programmation. Le stage d’introduction pour les nouveaux confrères affectés à la province aura une durée de six mois au minimum et son siège est fixé à Afagnan. Le directeur sera le responsable du Centre catéchétique, le p. L. Gambin. Le secrétariat de la FP assume la rédaction du bulletin provincial La Voix du Togo-Ghana-Bénin.

Quant à la révision de notre présence, il est prévu le passage de Togoville (novembre 1992), Kodjoviakopé (novembre 1993) et Anfoin (Pâques 1994) à l’archidiocèse. Ces passages permettent, dès octobre 1992, de commencer l’expérience de la formation des catéchistes avec un père à plein temps. Le centre catéchétique s’appellera Emmaüs, aura son siège à Afagnan et le responsable en sera le p. L. Gambin. La formation se fera dans les différentes paroisses pendant le weekend. Le P. Gambin et son équipe (une sœur et un catéchiste) se déplacent selon un calendrier établi. Emmaüs sera aussi le lieu d’approfondissement de la culture et religion traditionnelles en vue de l’inculturation. Ainsi va naître BERTA (Bureau d’étude de la religion et de la tradition africaines). Avec le passage de Kodjoviakopé au diocèse, Adidogomé sera érigée canoniquement en paroisse autonome. Sur le terrain du postulat-frères sera bâtie la maison provinciale.

On veut requalifier notre présence au Ghana : on aura deux communauté selon la RdV à Abor et Sogakopé. En avril 1994 Liati sera confiée au clergé diocésain. Entre 1993 et 1997 on développera Akatsi et Adidomé. Il y aura dialogue avec l’évêque pour passer au diocèse le centre pour handicapés à Abor et le Comboni Centre de Sogakopé. Il faut tenir compte aussi que tout cela doit se faire en réduisant le personnel de quelques unités, comme demandée par le CG.

Au 1er juillet 1993 les confrères de la province sont 41 : 33 pères et 8 frères. Dans la programmation ils sont prévus à 37 pour 10 communautés (7 au Ghana pour 2 communautés, 26 au Togo pour 7 communautés et 4 à Cotonou).

On pense aussi à la réalisation d’un centre mass-média dans une des provinces francophones. Au Togo de préparer une ébauche de projet que les autres provinces intéressées étudieront et compléteront. Le même projet sera débattu à l’intercapitulaire de 1994. L’histoire nous dira que la programmation se réalisera petit à petit mais sûrement.

Fin janvier 1993 se tient au Zaire la rencontre des chargés des vocations des provinces francophones. Objectif de la rencontre : étude des chartes formatives en référence à la nouvelle Ratio ; collaboration pour la préparation des subsides de promotion vocationnelle ; l’expérience du noviciat interprovincial : réalité et problèmes. Pour la province, participent à la rencontre le provincial et le fr. do Rosario. Ils resteront quelques jours, aussi, avec les 14 novices de la province.

 

 

Jean Paul II au Bénin

 

Du 3 au 5 février 1993 le Pape vient en visite au Bénin. Il y en a qui ont écrit que « le choix de Cotonou comme première escale de son Xè voyage africain a traduit la volonté de Jean Paul II d’apporter un appui franc et massif au processus de démocratisation sur le continent » (il tisse l’éloge de la hiérarchie du Bénin qui, en la personne de Mgr Isidore De Souza a rendu à la nation, à une heure importante, un grand service, tout en formulant le vœu qu’il puisse revenir à sa tâche de pasteur) et que « jamais auparavant le Saint-Père n’avait effectivement pris à partie une dictature africaine, en l’occurrence celle du général togolais Gnassingbé Eyadéma ».

Le Pape en effet avait adressé à tous les togolais par le biais des pèlerins qui s’étaient rendus au ‘stade de l’amitié’ de Cotonou, le 3 février, pour rencontrer l’évêque de Rome, ces paroles : « Je tiens à dire toute ma sympathie et mon affection à tous les togolais. (…) La violence et le mépris des aspirations légitimes des citoyens n’ont jamais conduit au progrès civique et social. On peut même dire qu’ils traduisent souvent un comportement irresponsable. Seules les valeurs qui cimentent l’ordre démocratique et la consolidation de l’Etat de droit permettent de préparer un avenir meilleur ». Au Togo était en cours une grève générale illimitée qui paralysait les activités les plus importantes (à commencer par l’école). Le 25 janvier alors que la foule en liesse se rendait au stade omnisport de Lomé pour y accueillir des représentants du gouvernement français et allemand venus comme médiateurs, les militaires tiraient sur la foule, faisant des dizaines de morts et de blessés. Cela avait provoqué l’exode massif des loméens vers le Ghana et le Bénin, laissant la ville à moitié vide. Et pourtant à la télé d’Etat on continuait à raconter que la vie avait repris son cours normal dans la ville, même si les écoles restaient fermées depuis le 16 novembre 1992. Et nous les comboniens ? Nous vivons mal cette situation chaotique, mais nous ne sommes pas très... ‘politisés’ ou, de toute manière, moins que d’autres confrères d’autres provinces qui vivent ou ont vécu des situations difficiles et de danger. On essaye quand même de faire de notre mieux pour aider les gens à ne pas désespérer.

Pour nous, ce qu’il faut surtout retenir de cette visite, c’est la rencontre du Pape avec les représentants du vaudou, convaincu qu’il est que le contact avec des personnes d’autres religions est un aspect important de son ministère. Dans sa rencontre du 4 février, le Pape rappelle que l’Eglise catholique est pour le dialogue interreligieux, dès que dans toute tradition religieuse il y a du vrai et du bon. Le Pape a voulu montrer tout son respect pour les valeurs traditionnelles : le sens du sacré, la foi en un Dieu unique et bon, le goût de la célébration, le respect pour la vie morale et l’harmonie dans la société. Le Pape continuait son discours en parlant des missionnaires venus porter la foi chrétienne au béninois dans la liberté et la vérité. A présent il faut regarder en avant, car le Bénin a besoin de tous ses enfants (chrétiens, musulmans et fidèles de la religion traditionnelle) pour son développement. Cette action solidaire des croyants est importante pour le développement intégral, la justice et la libération humaine.

 

 

Election présidentielle au Togo

 

Le 25 août 1993 les togolais se rendent aux urnes pour l’élection présidentielle : les résultats sont déjà escomptés, surtout que les candidats de l’opposition se retireront à la dernière minute et le président Eyadéma sera investi le 24 septembre pour un mandat de 5 ans devant la cour suprême, alors que la constitution prévoit que cela se fasse devant le parlement (mais les élections législatives n’ont pas encore eu lieu, donc il n’y a pas d’assemblée). Nous nous sentons tous pris au piège de qui s’est accroché au pouvoir et pour aucune raison au monde veut le lâcher. Et aussi par l’attitude équivoque de la France, toujours disponible à soutenir un ‘ami’ plutôt que jouer la règle de la démocratie, proclamée pourtant à haute voix, même si Chirac arrivera à se poser la question de savoir si l’Afrique peut se permettre le… luxe de la démocratie ! Le pays connaîtra ainsi des jours encore plus sombres. Après une année blanche, l’école reprendra quand même avec la nouvelle année scolaire.

 

 

« Les gens vous attendent »

 

En 1993, grâce au travail du p. Contran, est publié Les gens vous attendent, une biographie des 6 confrères défunts qui ont travaillé en Province (les frères Bettani et Santi et les pères Zeziola, do Vale, Trivella et Zancanaro).

Deux confrères prêtres sont affectés à la province, l’italien Donato Benedetti et le zaïrois Albert  Motoya Ndula, alors que le p. B. Gilli revient au mois de juillet. A septembre, le p. S. Cadei devient supérieur et formateur au postulat d’Adidogome (en remplacement de p. João Correia, destiné à Rome) et p. Roberto Cerea formateur au postulat-frères de Cacavéli. P. M. Merino est nommé promoteur des vocations à plein temps et reste responsable du centre vocationnel à Cacavéli. P. Re sera curé à Kodjoviakopé jusqu’au passage de la paroisse au clergé local. Fr. S. Salandini est chargé de la construction de la maison provinciale. Le p. Ph. Zema, à son retour du congé, est affecté à Abor, comme promoteur des vocations pour le Ghana et chargé du pré-postulat (des locaux sont aménagés et pourraient accueillir des pré-postulants pour un meilleur discernement, une meilleure formation et l’étude du français).

Préparation du synode

 

On se prépare aussi à célébrer la première assemblée spéciale du Synode des évêques pour l’Afrique. Les confrères réfléchissent au Lineamenta et puis à l’Instrumentum laboris, en essayant d’animer les conseils pastoraux et les membres des ‘congrégations’. Le synode africain  se tiendra à Rome au mois d’avril 1994. Ce synode sera un temps de grâce pour tout le continent noir, qui sera au centre de l’intérêt de toute l’Eglise. Nous nous sommes préparés par des rencontres avec le clergé local et à notre niveau, et par la prière demandée aux communautés chrétiennes. Mais la mobilisation n’a pas été ce qu’elle aurait pu être, du fait même, peut-être, que les documents venus de Rome nous paraissent ne pas laisser beaucoup d’espace à… l’inventive. Et pourtant - comme dirait Engelbert Mveng - « Il faut ces hommes de Dieu qui sont, en même temps, des fils de leur peuple, qui en incarnent les traditions et la culture, autant qu’ils sont animés de l’Esprit de l’Evangile… Il s’agit d’inventer, de créer en Afrique des voies africaines pour le christianisme. Evangéliser nos cultures impose l’insécurité des sentiers non battus » (dans Paroles d’un croyant, Editions l’Harmattan).

 

 

Timothée Hounaké prêtre

 

Le 14 août 1993, dans l’église paroissiale d’Afagnan, est ordonné prêtre le deuxième combonien de la province, p. Timothée Hounaké. Le 31 octobre 1992 il avait émis ses vœux perpétuels à Paris et le 2 janvier 1993 il avait été ordonné diacre. En ce centenaire de la foi au Togo et à la veille du trentième anniversaire de la présence combonienne à Afagnan, Timothée représente un don précieux de cette Eglise à la mission. Le rite d’ordination s’est déroulé dans l’après midi, avec un grand concours de foule, et a été présidé par Mgr Ph. F.  Kpodzro, nouvel archevêque de Lomé.

« Je voudrais profiter de cette occasion - a dit l’archevêque dans son homélie - pour remercier, particulièrement, les missionnaires comboniens pour le bien immense qu’ils font à l’Eglise du Togo. Exemple en est cette belle église où nous célébrons cette eucharistie. Cette belle église commencée par fr. A. Santi : le grain de blé tombé en terre qui a produit beaucoup de fruits (…) Nous devrions célébrer le premier centenaire de la foi dans la joie, mais le Seigneur a changé un peu les programmes ! (…) Les premiers fruits du Togo qui vont, comme missionnaires, ailleurs dans le monde, doivent être des fruits mûrs, parfaits. Timothée, sois un missionnaire à part entière, missionnaire cent pour cent ! Sois témoin de Dieu ! (…) Je voudrais remercier le jeune p. Timothée, parce qu’il nous a permis de répondre à cet appel lancé par le Pape Paul VI à Kampala. Le Pape a dit à toute l’Eglise d’Afrique : «Africains, désormais vous êtes vos propres missionnaires ! ». Nous répondons aujourd’hui à cet appel, l’Eglise de Lomé répond : à travers les missionnaires comboniens, nous sommes fiers d’y trouver l’Eglise de Lomé présente là-dedans avec J. P. Légonou et T. Hounaké. (…) A partir de Lomé, cette fondation doit gagner tous les autres diocèses du Togo, pour que le Togo soit bien représenté dans la dimension missionnaire de l’Eglise ».

Le lendemain a lieu dans son village natal d’Afagnan-Gbletta la messe de prémices. Après quelques mois à Londres pour apprendre l’anglais, p. Timothée sera missionnaire dans la province de Malawi-Zambie.

 

 

Le ‘premier amour’ passe au clergé diocésain

 

Le 21 novembre 1993 restera dans l’histoire et la vie des comboniens au Togo : la paroisse ‘mère’ des comboniens au Togo passe au clergé local, au cours d’une eucharistie présidée par Mgr Kpodzro. « Qu’il nous soit permis d’exprimer aux missionnaires comboniens - écrit l’archevêque en annonçant la nouvelle - nos sincères remerciements mêlés d’admiration pour le fait suivant : fidèles à l’esprit de leur Fondateur, ils laissent la paroisse Christ-Roi de Kodjoviakopé au clergé diocésain pour aller continuer leur apostolat dans le secteur d’Adidogomé, vaste zone à peine touchée par l’évangélisation ». Au cours de son homélie de passation, Mgr Kpodzro a dit : « Ces missionnaires nous surprennent ! Ils pouvaient très bien jouir du fruit de leur travail de 30 ans. Eh bien, non : fidèles au charisme combonien, ils remettent au clergé diocésain cette très belle communauté chrétienne et ils demandent de recommencer à nouveau pour continuer à annoncer l’Evangile là où il n’est pas encore connu. Nous les remercions de cet exemple significatif ». L’assemblée applaudit chaleureusement qui quitte, mais aussi qui arrive, l’abbé Gilbert Géléwonu Woglo, signe tangible de la maturité de la communauté catholique de Kodjoviakopé.

C’est avec disponibilité et humilité que nous avons offert ‘le premier amour’ à l’Eglise locale. Kodjoviakopé a été aussi la maison provinciale. En 30 ans, 87 comboniens sont arrivés à Lomé pour travailler dans la province. Et tous y ont passé quelques jours. Nous avons aimé Kodjoviakopé et les gens nous ont aimé. Notre présence à Lomé continue dans la première évangélisation et dans le domaine des vocations (deux postulats et le CAM). Le siège provincial se déplace à Cacavéli, où se trouve aussi le postulat-frères.

Et voici quelques réflexions sorties à cette occasion de la plume de p. S. Cadei, qui a Kodjoviakopé avait travaillé pendant 9 ans, et qui expriment bien les sentiments qui nous habitent tous, je crois, quand il s’agit de… partir pour continuer ailleurs. « ‘Partir c’est mourir un peu’, dit-on. Pour le missionnaire cela est vrai à plus d’un titre et lui-même le ressent à plus d’une occasion. Comme pour Comboni, laisser sa propre famille, sa maman, etc..., cela ne se fait pas sans un pincement au cœur et quelques fois les larmes aux yeux… Mais il le faut bien. Quand la mission appelle, qui saurait résister ou dire non ? Et c’est mourir un peu à chaque fois que le missionnaire est affecté d’une mission à une autre. Il part de là où il avait, petit à petit, péniblement parfois, pu créer une communauté chrétienne, tisser des amitiés, connu les familles, pour se rendre ailleurs où il pourra bien sûr tisser des amitiés, faire un grand travail apostolique mais où il ne connaît encore personne… Il arrive aussi que des missions auxquelles le missionnaire était très lié, car il y avait vu grandir toute une communauté, naître des groupes de prière et d’apostolat, qui avaient fait un peu sa joie… doivent être passées non plus à un confrère, donc à quelqu’un de la ‘famille’ mais au clergé autochtone. On est alors presque tenté de dire : désormais cette paroisse ne nous ‘appartient’ plus ; elle n’est plus à nous… Une sorte d’esprit de possession s’est emparé du missionnaire, comme si la mission était à lui… Mais non, la mission, ‘le champ’ n’est pas le sien ; il y est envoyé comme ouvrier. Les ouvriers peuvent aussi changer, selon le désir du Maître. Mais le Maître est tellement bon qu’il ne renvoie personne à la retraite, si l’intéressé ne le souhaite pas ».

Et le confrère de continuer en se référant à Kodjoviakopé : « Après 30 ans - à quelques mois près - de présence combonienne, la paroisse a été consignée avec joie, malgré le pincement de cœur dont on parlait plus haut, au clergé local. Car cela va dans la droite ligne du principe de Comboni : ‘sauver l’Afrique par l’Afrique’. Il faut bien donner aux africains la possibilité de pouvoir se sauver d’eux-mêmes après avoir été sauvés… Il faut leur donner cette chance qui leur permette de grandir, d’inculturer l’évangile mieux que nous ne l’ayons fait, car eux sont chez eux, ils sont du terroir… Et dans son homélie, l’archevêque a bien fait comprendre que c’est dans une attitude missionnaire que la paroisse a été remise au clergé diocésain. Ce n’est pas un abandon. A un moment donné cela devient même une obligation. L’enfant, à la maison, ne saurait demeurer éternellement ‘enfant’, un beau jour il lui revient d’assumer des responsabilités, conditio sine qua non de son épanouissement et de sa croissance. Tout dans la paroisse n’a pas encore était fait, loin s’en faut, mais les bases y sont pour une continuité sûre. C’est notre souhait ! Que la paroisse trouve même des chemins d’apostolat plus ‘africains’ et qu’ainsi sa vitalité augmente… pour la gloire du Christ et de son Règne ».

Juste la veille, le 20 novembre, mourait à Fortaleza (Brésil) le p. F. Cordero qui de Kodjoviakopé avait été le premier curé. Pendant les 4 ans qu’il y avait passés, il avait donné tout de lui-même, jamais fatigué dans son action apostolique, attentif aux malades et aux familles qu’il visitait le dimanche après-midi. Souvent en mobylette, il se rendait dans les villages dépendants de la paroisse. Nous en faisons mémoire en rappelant que, dans la maison que les confrères habitaient avant d’occuper le presbytère, un matin le p. Cordero se leva et ne trouva pas le pantalon pour s’habiller. Il appela alors le fr. Santi qui dormait à côté : « Frère - lui dit-il - ne blague pas, amène mon pantalon ! ». Après ils ont remarqué que pendant la nuit il y avait eu une ‘visite’, que le réveil manquait, mais le sac du frère était là avec son argent à l’intérieur, alors que le pantalon était sur la fenêtre, les poches renversées...

 

 

Lignes de méthodologie

 

Du 3 au 6 janvier 1994 se tient à Cacavéli l’assemblée provinciale sur Lignes de méthodologie missionnaire combonienne dans la province du Togo-Ghana-Bénin.  Dans son mot d’introduction, le provincial rappelle deux choses fondamentales que nous trouvons dans l’introduction à la 5ème  piste - méthodologie missionnaire - des Actes du Chapitre : « Par le mot méthodologie nous voulons dire non seulement les moyens et les techniques, mais aussi et surtout, les attitudes de fond, le style de vie et la spiritualité. Deuxièmement, il est évident que, faisant partie intégrante des Eglises locales, nous devons accepter leurs directives méthodologiques et pastorales mais sans oublier ‘ce qui est spécifiquement combonien’ : c’est notre devoir de leur apporter cet enrichissement ».

Voici les lignes retenues : 1) Sauver l’Afrique par l’Afrique : travailler pour la formation des leaders ; rencontrer les gens là où ils vivent ; investir dans la formation de la jeunesse en personnel et en moyens. 2) Faire cause commune avec les gens : c’est une attitude intérieure qu’il faut avoir tout d’abord, qui doit nous conduire à prier pour les gens, savoir rester avec eux, perdre du temps (les SVD avaient l’obligation de passer au moins deux heures par jour avec les gens) ; préparer les chrétiens à assumer les charges dans la paroisse, en s’entraidant par des mini-projets d’autosuffisance ; éduquer les gens par l’enseignement de la doctrine sociale de l’Eglise ; il faut insister sur le volontariat comme service que les chrétiens doivent rendre. Il faut savoir prétendre pour former. Il ne faut pas payer ou faire des cadeaux pour des services que les chrétiens doivent faire. 3) Evangéliser comme communauté : établir un projet communautaire ; les comptes économiques ne doivent pas être une affaire personnelle et chaque mois tout confrère doit présenter les comptes ainsi que l’économe ; vivre ensemble, en montrant que nous nous aimons, est la première évangélisation ; il faut se concerter, dans la fidélité au conseil de communauté et aux décisions prises, en évitant que les gens jouent sur nos divisions.

Chaque secrétariat a exposé en assemblée le fruit de ses réflexions : le p. Re pour l’évangélisation, le p. R. Cerea pour les vocations, le p. Mazzata pour la formation permanente et le p. fr. Alfredo do Rosario pour l’économie. Ce dernier secrétariat propose l’achat de deux terrains à Cotonou et Accra en pensant à nos confrères autochtones. En 1992-93, l’archidiocèse de Lomé n’a pas payé nos voyages pour les congés. La raison ? La situation économique catastrophique de l’archidiocèse. C’est la province qui a payé, et finalement les voyages finiront par peser sur le bilan des communautés… Il ne manquait plus que la dévaluation de la lirette italienne pour nous causer des problèmes financiers ! Mais cela aura l’avantage d’ouvrir des comptes en devise étrangère : un en francs français et l’autre en dollars américains.

Le Centre Emmaüs fait un bon travail de formation des catéchistes et de publication de textes, ainsi qu’un travail d’inculturation par BERTA.

Dans le partage, nous reconnaissons de ne pas donner trop d’importance à l’inculturation. La formation des leaders doit être une priorité. Les catéchistes ne doivent pas être payés mais aidés par des projets d’autosuffisance (agro-pastoraux) ou alors par leur communauté.

Dans sa relation finale, le provincial demande à toute communauté « de rédiger son projet communautaire, à présenter au CP… Je dirais que cela est plus que la charte de la communauté - continue le provincial - : il s’agit d’aller plus loin et plus en avant : une lecture de la réalité là où nous sommes, méthodologie et priorités à vivre, style de notre vie, etc. ».

L’assemblée se tenait alors que des affrontements armés éclataient à Lomé, en faisant beaucoup de victimes parmi les civils et les militaires. Les confrères du Ghana et du Bénin ont dû retarder leur rentrée de quelques jours car les frontières étaient fermées ! Les confrères au Togo dans les régions rurales sont rentrés à leurs postes sans aucun ennui. Plus complexe la situation d’Adidogomé, voisine d’un camp militaire. Pendant la fusillade du 5 janvier, plusieurs dizaines de personnes se sont précipitées dans la cour du postulat et avaient trouvé refuge à l’intérieur, en se couchant par terre. Les coups avaient continué jusqu’à trois heures du matin du 6. Les ‘réfugiés’ quittent le postulat le matin avec beaucoup d’hésitation : ils étaient 52. Pendant le petit déjeuner, les fusils reprennent à tirer. Tous les postulants sont de nouveau couchés par terre dans la cuisine. Trois d’entre eux sortent pour répondre au téléphone. Les soldats les aperçoivent et tirent directement sur eux. Les ‘blessés’ furent la chapelle et le bureau du p. Fabio. La journée du 7 ne fut pas moins dangereuse. Les formateurs étaient de retour, mais au moment d’échanger la paix pendant la messe, les soldats placés derrière la chapelle recommencent à tirer. Ce fut collé au sol que l’on communia, et puis on regagna les dortoirs pour se réfugier sous les lits ! Le 8 matin le calme était revenu. Mais les postulants avaient appris que la frayeur fait parfois partie de la ‘cause commune’ avec les gens.

Le CP approuve les lignes de méthodologie missionnaire combonienne choisies dans l’assemblée provinciale et elles deviennent normatives. Il s’agit de « sauver l’Afrique par l’Afrique ; « faire cause commune avec les gens » ; « évangéliser comme communauté ». A cette méthodologie on fera toujours référence, surtout pour nous rappeler que nous sommes là pour les gens et qu’avec eux il faut travailler et construire l’Eglise. Le même CP a décidé de proposer à toutes les communautés la réalisation du Projet pastoral communautaire qui tienne en compte soit les orientations diocésaines soit la méthodologie combonienne, et qui implique tous les agents pastoraux de la paroisse. Il devra être présenté au CP pour le 15 mars. Ce jour là, naissance de Mgr Comboni, sera présent à notre rencontre Mgr Kpodzro, archevêque de Lomé qui prendra part au synode pour l’Afrique au nom de l’Eglise du Togo.

 

 

Chronique 1994

 

Le samedi 26 mars la paroisse de Liati au Ghana passe au clergé diocésain au cours d’une messe d’action de grâce à Dieu (et aux comboniens, une dizaine, qui y ont travaillé), présidée par l’évêque du diocèse. Le dernier combonien à Liati a été le méxicain p. Joaquín Martínez. Mgr Lodonu en avait annoncé le départ dans une lettre aux fidèles en rappelant l’arrivée des comboniens à Liati en 1977. « De cette date là, ils ont travaillé infatigablement et avec beaucoup d’enthousiasme pour rehausser la paroisse matériellement et spirituellement. Vous êtes tous témoins de l’énorme transformation que les comboniens ont donné à la paroisse de Liati. Maintenant leurs services prêtés à nous dans la paroisse de Liati sont finis. Et le p. Martínez, jeune, énergique, travailleur et très habile prêtre, a amené leur travail magnifique à une conclusion impressionnante ».

Le samedi 28 mai, dans l’église paroissiale d’Adidogomé, 8 novices de la province font leur première profession religieuse. C’est la première fois que l’on atteint un tel nombre : il s’agit de E. Afola, S. Degblor, A. Guéli, G. Kornu, P. Latévi, S.Tchoklo, C. Tsomafo et T. Tossavi. Au lendemain de la célébration du synode africain, cet événement est déjà une réponse à l’appel adressé par les pères du synode à l’Eglise d’Afrique afin qu’elle brûle d’ardeur missionnaire !

Le 3 juin à Anfoin le p. Grotto célèbre ses 50 ans d’ordination sacerdotale.

Le CP du 13-14 juin décide du personnel : p. P. Basso est nommé curé d’Adidogomé à partir du 1er août ; p. E. Ziliani sera supérieur et formateur du postulat-frères à partir du 1er septembre et le fr. Oscar sera l’économe et fera partie de l’équipe formative à partir du 1er juillet. A Aklakou est nommé supérieur et curé le p. C. Besigye. Supérieur et curé à Kouvé à partir du 1er août le p. V. Anciaes, alors que le p. Antonio Dasilva sera vicaire et économe à partir du 1er juillet. Est prévue aussi l’arrivée du frère centrafricain Romuald Palandazoyako pour suivre le cours d’infirmier à Afagnan. On établit la table de matières de cours pour la troisième année de postulat : écriture sainte, anthropologie philosophique, histoire de l’Eglise, etc. Le p. Cadei est chargé de trouver les différents enseignants pour les cours qui seront dispensés à la maison du postulat. On approuve le texte de la promotion vocationnelle Un avenir heureux revu selon la Ratio.

Présence chrétienne ressuscite au Togo, grâce aussi à la contribution combonienne d’un million de f cfa. Directeur en sera l’abbé Dovi N’danu. Ce geste dit que les comboniens croient à l’importance de la presse dans le processus d’évangélisation et dans la vie de l’Eglise au Togo.

Du 17 au 27 juillet se tient à Kampala la rencontre panafricaine de la PV et de la formation. Au nom de la province y participera le p. Zema, chargé à plein temps de la PV au Ghana avec résidence Abor. Parmi les motions finales concernant le postulat, nous lisons : « les formateurs visitent les familles des postulants au moins une fois pendant la période du postulat. Pour inculturer la formation des postulants nous suggérons : de promouvoir une meilleure connaissance et estime de leur culture ». Evidemment, il est rappelé que la PV et la formation sont la responsabilité de toute la province et que les formateurs doivent être préparés d’une manière spécifique à leur tâche.

Du 29 août au 17 septembre se tient à Pesaro l’intercapitulaire. Pour notre histoire il est question aussi d’un Centre mass medias francophone. Les pères M. Merino et A. Boscaini avaient été chargés de faire une étude du projet. Tout aurait pu se faire au Togo. Finalement ce sera Kinshasa à être choisie comme lieu pour accueillir le Centre, mais nous serons déjà en 1997.

Lundi 7 novembre, soudainement, celui qui après avoir remis Kodjoviakopé au clergé diocésain était devenu supérieur et curé de Vogan, a été rappelé dans la maison du Père. Le p. Pierino Re, par tous à Vogan appelé familièrement Fada Lolo, avait fêté ses 50 ans juste 40 jours auparavant, le 29 septembre. Il avait tenu à faire de ce jour-là un jour d’action de grâce au Seigneur pour le don de la vie reçue, un jour de fête et un jour de partage avec les fidèles et les amis.

Le samedi 17 décembre 1994, dans l’après midi, à Vogan, à 40 jours du ‘départ’ de Pierino, Mgr Hounnaké ordonne prêtre le troisième fils de la province, Louis Kouévi Adjétey, déjà en mission au Zaïre. Le lendemain le nouveau prêtre célébrera sa première messe, toujours à Vogan, dont il est originaire. Ce sera le p. Louis qui tiendra dans notre province la première ‘journée des missions’. Comment concrétiser le message final du synode pour l’Afrique qui dit que « nos Eglises locales doivent brûler d’ardeur missionnaire » ? L’idée est venue au p. Peppino d’organiser à Adidogomé, où il est curé une ‘journée des missions’ pour le p. Adjétey en train de repartir au Zaïre : homélie du p. Louis à toutes les messes, enveloppes et dépliant expliquant la raison de l’initiative. Tout chrétien est missionnaire ; le p. Louis part de cette Eglise au nom de tous pour partager avec d’autres frères la même foi ; il faut collaborer concrètement avec un geste de partage. La réponse a été généreuse : 212mille f cfa ! Il faudra continuer !...

 

 

Faisant mémoire de ‘Fada Lolo’

 

P. Re Pietro Atanasio est devenu prêtre en 1970, non sans avoir rencontré quelques difficultés avec ses formateurs. Ses supérieurs profitèrent du don qu’il avait de s’identifier aux petits (depuis le lycée déjà il avait manifesté un don particulier pour la catéchèse aux enfants), pour l’affecter au travail de PV et de formation dans le petit séminaire de Pesaro (Italie). Ce n’est donc qu’en 1975 que Pierino sera au Togo et plus précisément vicaire à Kodjoviakopé, avec l’enthousiasme du néophyte. L’église paroissiale n’était pas encore achevée : elle allait trouver chez Pierino les attentions de l’homme pratique dont elle nécessitait. Infatigable, il était sur le chantier et à la menuiserie pour les bancs. Il ne négligeait pas pour autant la catéchèse et il savait accueillir en frère les missionnaires qui de l’intérieur venaient à Lomé pour les achats. S’il était vicaire à Kodjoviakopé, il se sentait « curé » à Adidogomé, qui alors ne comptait qu’une petite école catholique de trois classes dans laquelle le dimanche Pierino réunissait les chrétiens pour la messe.

Sa première période africaine terminée, les supérieurs pensèrent à lui pour le Canada pour un service d’AM dans les paroisses et auprès des groupes de jeunes. En effet, il n’était pas seulement question de trouver des moyens financiers, mais aussi des vocations. Les neiges du Canada, du Québec en particulier, verront le jeune missionnaire parcourir des milliers et des milliers de kilomètres pour offrir son témoignage dans un monde qui ne croit qu’aux témoins. L’AM de la Belle province, Pierino la fera aussi par le biais d’Echo missionnaire , un petit journal de liaison avec amis et bienfaiteurs dont il était le responsable et où la voix et les images du Togo ne manquaient jamais.

Mais son cœur était resté au Togo, où il revient en 1985 pour être vicaire à Vogan : il aime les gens et il visite les villages qui forment la grande paroisse du sud-est. A Kodjoviakopé il avait appris l’art du maçon ; maintenant il en profite pour donner à chaque communauté un lieu de rencontre et de prière digne de ce nom. Et s’il s’occupait de briques, il n’oubliait jamais que l’Eglise se construit de pierres vivantes. Il s’occupait de la formation des catéchistes (il a fait longtemps partie du secrétariat de l’évangélisation) en reconnaissant l’importance de leur rôle pour avoir des communautés vivantes. Il aimait l’Eglise du Togo, celle de Lomé in particulier dont il se sentait partie. Il s’était donc lié d’amitié avec beaucoup de prêtres de l’archidiocèse et il pensait à eux en cherchant des intentions de messes. La présence de nombreux d’entre eux à la messe de requiem célébrée à Kodjoviakopé et à celle d’enterrement à Vogan dit la profondeur de cette amitié sacerdotale.

De Vogan il était ensuite devenu curé. Les voganais ont voulu qu’il reste avec eux comme la graine qui tombe dans un bon terrain et qui donne beaucoup de fruit. A la messe d’enterrement concélébrée à Vogan le 17 novembre et présidée par le nonce apostolique, Mgr André Dupuy, avec la participation de l’archevêque de Lomé, Mgr Kpodzro, l’évêque de Kpalimé, Mgr P. Seshie, et d’Aného, Mgr V. D. Hounnaké, et la participation de nombreux prêtres et d’une foule immense, Mgr Hounnaké a voulu rappeler les mots adressé par Comboni au peuple de Khartoum alors qu’il prenait la responsabilité du vicariat apostolique en 1973 : « Je viens parmi vous pour ne plus jamais cesser d’être à vous… ». Oui, le plus heureux des jours a été pour Pierino celui où il a donné sa vie pour les gens de Vogan. Les voganais retiendront de ce combonien qui aimait ‘être avec’ et qui répandait la joie autour de lui, son cœur aimant.

Il avait ouvert une pharmacie bien équipée et mise gratuitement à la disposition de toute la population sans aucune distinction. Il aidait les malades nécessiteux en les transportant généreusement aux centres médicaux d’Anyronkopé, de Kouvé ou d’Afagnan. Il prêtait assistance sous diverse formes aux jeunes, surtout les apprentis, aux enfants et aux vieux qui venaient frapper à sa porte. Il s’en est allé alors que l’on pensait à construire l’église paroissiale : le plan était là et les travaux de construction auraient dû démarrer bientôt. Après sa mort, les plans ont été changés. La nouvelle église surgira en face de la préfecture, mais il nous est agréable de penser qu’au paradis le p. Pierino est en train de déranger l’un ou l’autre saint architecte afin que les choses progressent et de pousser les voganais à faire leur part. Alors les gens de Vogan sauront que leur Fada Lolo est devenu pour eux, comme un de ses confrères voganais disait, Fada Lõlõ. Le p. Pierino a un cousin qui a été longtemps substitut à la secrétairie d’Etat au Vatican, Mgr Giovanni Battista Re, et que Jean Paul II créera cardinal en 2001 et qui deviendrait un jour (2006) le Préfet de la Congrégation pour les évêques.

Synode africain

 

L’année 1994 restera dans les annales de l’Eglise d’Afrique pour la célébration au Vatican de l’assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des évêques. Au synode participera aussi notre supérieur général. Le thème de la discussion de cette assemblée spéciale pour l’Afrique du synode des évêques, déterminé par le pape, était: L’Eglise en Afrique et sa mission évangélisatrice vers l’an 2000 : ‘vous serez mes témoins’ (Actes 1,8). La Messe d’ouverture le 10 avril a été présidée par le pape Jean Paul II et celle de clôture le 8 mai par le card. Francis Arinze, président délégué du synode.

L’origine lointaine du synode est à chercher dans le Concile Œcuménique de Vatican II : le besoin avait été senti par les pères conciliaires d’avoir un groupe de consensus africain afin de faire valoir les propositions venant du continent. Cette coopération initiale s’est institutionnalisée par la création du SCEAM (Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar), lors de la visite de Paul VI en Ouganda en juillet-août 1969, le premier Pape des temps modernes à visiter le continent. Petit à petit l’idée d’un ‘concile’ ou d’un ‘synode’ pour tout le continent africain se fraya son chemin.

L’exigence était de plus en plus ressentie de faire le point sur l’évangélisation de toute l’Afrique moderne. Jean Paul II fit sienne l’instance désormais avancée par les évêques mais aussi par les prêtres, les théologiens et le laïcat. « Le 6 janvier 1989, dans le cadre de la solennité de l’Epiphanie, fête liturgique au cours de laquelle l’Eglise saisit mieux l’universalité de sa mission et donc de son devoir de porter la lumière du Christ à tous les peuples, j’ai annoncé que j’avais pris cette ‘initiative d’une grande importance pour la diffusion de l’Evangile’ ». Le Pape annonçait la tenue du synode pendant l’Angelus. Le but du synode était de « favoriser une solidarité pastorale organique dans tout le territoire africain ».

Nombreux étaient ceux qui auraient préféré l’Afrique comme lieu de la célébration. « Dès le début de la préparation de l’assemblée spéciale, je désirais ardemment que ce synode soit authentiquement africain, sans équivoque. Et, en même temps, il était essentiel que l’assemblée spéciale soit célébrée en pleine communion avec l’Eglise universelle. Quand j’ai décidé que la première phase des travaux de l’assemblée spéciale se déroulerait à Rome, je l’ai fait pour mieux manifester la communion de l’Eglise qui est en Afrique avec l’Eglise universelle, et pour souligner l’engagement de tous les fidèles en faveur de l’Afrique ». Ces mots, comme ceux cités plus haut, que nous trouvons dans Ecclesia in Africa, l’exhortation apostolique post-synodale de Jean Paul II sur l’Eglise en Afrique et sa mission évangélisatrice vers l’an 2000, résonnent aux oreilles des comboniens comme l’écho de ce que leur Fondateur voulait pour le continent qu’il chérissait. Mais des confrères auraient de toute manière souhaité que le synode fût célébré en terre africaine, et les polémiques firent rages (voir l’affaire New People).

Le moment clé dans l’historique du synode peut se situer entre 1977 et 1983, lorsque des évêques, prêtres, personnes consacrées, des théologiens et des laïcs exprimèrent le vœu d’un concile (comment ne pas mentionner le défunt théologien jésuite camerounais Engelbert Mveng, qui aura ardemment milité pour la tenue d’un concile africain plutôt que d’un synode ?) ou d’un synode africain qui aurait pour tâche de faire une évaluation de l’évangélisation en Afrique, en vue des grandes options à prendre pour l’avenir du continent.

A partir de l’annonce du Pape, nous constatons que le but du synode est principalement la recherche d’une pastorale plus organique en vue d’une évangélisation efficace du continent. De cette déclaration d’intention jusqu’à l’ouverture solennelle du synode tant de travail préliminaire a été fait par différents groupes, et les confrères aussi ont massivement participé à leur niveau et au niveau des différents diocèses où ils travaillaient.

Le 25 juillet 1990 c’est à Lomé, au cours de la 9ème assemblée plénière du SCEAM (elle se déroulait du 22 au 29 juillet et avait comme thème des travaux L’Eglise et les mass-médias en Afrique) que des Lineamenta furent présentés. Ils furent envoyés à plusieurs couches de la société ecclésiale. Les réponses furent rassemblées et publiées par les Conférences épiscopales ou diocèses. De ces travaux sortit en 1993 l’Instrumentum laboris qui a guidé le travail du synode et qui se compose d’une première partie, où l’accent est mis sur le thème central : l’évangélisation, et d’une deuxième partie qui reprend chacun des cinq sous-thèmes séparément : annonce, inculturation, dialogue, justice et paix, moyens de communication sociale.

C’est à Kampala que le 9 février 1993 Jean Paul II annonçait la date et le lieu du synode. Notre p. Général écrit aux confrères : « Nous sommes appelés comme institut à donner une réponse significative à cette annonce et à cet événement… Daniel Comboni aurait sûrement vu dans le synode une occasion d’or pour l’Eglise en Afrique d’affirmer et rendre plus concrète sa responsabilité dans la mission universelle de l’Eglise… Nos confrères et candidats africains, à tous les niveaux, doivent être impliqués dans la préparation de ce synode ». Des rencontres de réflexion et de prière sont organisées dans les paroisses à partir du livret En priant avec le Synode Africain. Un numéro de Pirogue  y est aussi consacrée : 50 exemplaires seront achetés par communauté. On réfléchit aussi à partir d’une publication du Sillon noir avec ses suggestions.

Des avis contrastants ont été exprimés sur le processus de préparation au synode : selon Mgr Jan P. Schotte, secrétaire général du synode, la consultation des Eglises locale africaines a été tellement vaste à dépasser toute prévision. Mais d’après nombreux théologiens, et même d’après nombreux missionnaires et quelques évêques et conférences épiscopales, la plus grande partie des communautés chrétiennes était restée complètement étrangère aux étapes de préparation. Peut-être sur la ‘liberté’ du synode aura pesé plus le fait de la dépendance de presque tous les diocèses africains de l’aide économique des congrégations vaticanes que le fait de l’interdiction aux évêques de se faire accompagner par des consulteurs théologiens qui auraient pu entraîner la discussion sur des sujets brûlants tels que l’inculturation, la formation du clergé, les ministère, le mariage chrétien, le culte aux ancêtres, etc.

L’Afrique, un continent à la dérive, sillonné par le plus grand fleuve de larmes dans le monde ? Une terre à genoux, dévastée d’épidémies, sécheresse et pauvreté croissante, et de surcroît mal gouvernée par les hommes politiques locaux, incompétents et corrompus ? Ou alors l’Afrique peut être « une grande promesse, un réservoir d’espérance » ? « En raison des nombreuses difficultés, des crises et des conflits qui entraînent tant de misère et de souffrance sur le continent, il y a des africains quelquefois tentés de conclure que le Seigneur les a abandonnés, qu’il les a oubliés (cf. Is 49,14) ! Et Dieu répond par les paroles du grand Prophète : - Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si une mère pouvait oublier son enfant, moi, je ne t’oublierai jamais. Vois, je t’ai gravé sur les paumes de mes mains (Is 49,15-16). Oui, sur les paumes des mains du Christ, percées par les clous de la crucifixion. Le nom de chacun d’entre vous [africains] est gravé sur ces mains ». C’est par ces mots, marqués d’un vif espoir dans le salut de l’Afrique, que se termine Ecclesia in Africa. Mais le début même d’EA est marqué par cette pensée ‘combonienne’ : Dieu veut sauver l’Afrique ! « Il semble qu’est venue une ‘heure de l’Afrique’, une heure favorable qui invite instamment les messagers du Christ à avancer en eau profonde et à lâcher les filets pour la pêche (cf. Lc 5,4) ».

C’est à Yaoundé (capitale du Cameroun), au siège de la Nonciature apostolique, à 18h56 du 14 septembre 1995 que le Pape a officiellement signé l’exhortation apostolique Ecclesia in Africa. Il n’est peut-être pas superflu de relever que c’est la toute première fois (à part évidemment le temps de la ‘captivité d’Avignon’) qu’un Pape signe hors de Rome un document de portée historique pour toute l’Eglise. Par là Jean Paul II voulait certainement souligner le rôle actif, missionnaire, qui doit caractériser l’Eglise qui est en Afrique.

Comment EA a été accueillie en Afrique? Avec agréable surprise. Le Pape a puisé à pleines mains dans les 64 propositions que les pères synodaux lui avaient présentées au terme des travaux au Vatican. Certes, l’exhortation a passé sous silence certaines revendications des évêques (la question du mariage coutumier, l’hommage aux ancêtres…), mais le Pape a beaucoup travaillé afin que le synode soit un succès. La mise en pratique de l’exhortation peut être jugée minime et décevante, mais ce n’est pas la faute à Rome ! Il est mieux peut-être de rappeler qu’après Yaoundé, le Pape se rendit à Johannesburg (Afrique du Sud) et à Nairobi (Kenya) pour y présenter les travaux du synode. En Afrique du Sud, à accueillir le « Pape africain » il y avait Nelson Mandela, le président symbole de la lutte contre l’apartheid  et les injustices raciales. Le Pape y parla de « salut, justice et paix ». A Nairobi il consacra ses discours à la famille : évangélisation et promotion de la famille. « L’Afrique est le continent de la famille et l’évangélisation passe par la famille », a dit Jean paul II à Uhuru Park.

Il n’a pas été aisé de faire passer à la base les conclusions du synode. Ce que l’on retiendra le plus c’est peut-être l’idée d’Eglise Famille de Dieu. « Les pères - nous lisons en EA - y ont vu une expression particulièrement appropriée de la nature de l’Eglise pour l’Afrique. L’image, en effet, met l’accent sur l’attention à l’autre, la solidarité, la chaleur des relations, l’accueil, le dialogue et la confiance ». Mais le vrai problème reste celui de l’évangélisation et de l’inculturation du message et de la foi. Un long chemin reste à parcourir : «  Eglise d’Afrique, en avant ! » Après 12 ans de la célébration du premier, et avec les changements qui se sont opérés sur le continent, la tenue d’un deuxième synode africain a été annoncée.

En rentrant à Rome et en revenant sur son voyage africain, déjà le 24 septembre à l’Angelus, le Pape disait avec stupeur : « Comment ne pas être touchés par la chaleur humaine des africains ? Comment oublier les couleurs, les sons, les rythmes de ces terres-là ? Ils sont la danse de la vie, le triomphe de la vie ! (…) Aujourd’hui l’Afrique demande d’être estimée et aimée pour ce qu’elle est. Elle ne demande pas de la compassion, mais solidarité. (…) Tout le continent est comme écrasé par un poids énorme de pauvreté, famine, maladies endémiques, analphabétisme. A cela il faut ajouter la charge de la dette qui semble fermer toute échappatoire. Il est de mon devoir d’indiquer l’Afrique à la conscience du monde, de ce monde de l’opulence qui ne se fait de scrupule à soustraire des ressources aux pauvres pour les investir en armes meurtrières. Les yeux des enfants africains nous regardent ! »

Nous les comboniens nous allons essayer nous aussi de mieux comprendre le sens du synode qui nous interpelle. Le 15 mars 1996 nous nous retrouvons en rencontre provinciale à Cacavéli pour en parler avec Mgr Joulien Kouto, nouvel évêque d’Atakpamé (il avait été sacré évêque par Jean Paul II à l’Epiphanie 1994 en la basilique St Pierre de Rome) - en remplacement de Mgr Kpodzro qui avait été nommé archevêque de Lomé fin 1992 - qui nous fait partager le climat du synode. Nous les missionnaires nous sommes appelés à insuffler aux Eglises locales l’esprit missionnaire qui nous anime. Il faut aider prêtres et fidèles à devenir ‘missionnaires’. Nous formons tous une famille qui marche vers sa maturité, son autosuffisance ministérielle, économique et capable de se prendre en charge. L’inculturation c’est bien l’un des thèmes majeurs du synode. Elle est indispensable, mais il faut aller en profondeur et cela prendra du temps.

A la même occasion, on célèbre le 25ème d’ordination sacerdotale des pères B. Gilli et J. Pereira. Dans la prière sont aussi présents les pères L. Capelli, au CAA de Vérone, et P. Re qui fête déjà son sacerdoce dans la gloire du Père (c’était aussi son 25ème  anniversaire).

 

 

Togo : de 4 à 7 diocèses

 

L’année 1994 est aussi l’année où le Togo passe de 4 à 7 diocèses. Le 20 juillet sont créés les diocèses de Kpalimé et Aného par démembrement de l’archidiocèse de Lomé, et Kara, sorti d’une côte de Sokodé. Evêque de Kara est nommé Mgr Ernest Patili Assi, de Kpalimé Mgr Pierre Koffi Seshie et d’Aného Mgr Victor Dovi Hounnaké. Les trois évêques sont sacrés le 15 octobre par le card. Jozef Tomko, préfet de la congrégation pour l’évangélisation des peuples. L’événement avait pour cadre l’esplanade du Palais des congrès de Lomé. Une cérémonie belle, émouvante, inoubliable.

C’est surtout le nouveau diocèse d’Aného qui nous occupe, formé par l’ancien doyenné du sud-est qui comprend les préfectures des Lacs, de Vo, du Yoto et la sous-préfecture d’Afagnan (sa superficie est de 2787 km2 et compte un demi-million d’habitants environ) car à sa naissance 6 des 10 paroisses dont il se compose sont encore desservies par les comboniens. Il s’agit d’Afagnan, Aklakou, Anfoin, Vogan, Kouvé et Tabligbo. Des 23 prêtres qui travaillent dans le diocèse au moment de sa création, 11 sont comboniens, 9 diocésains et 3 salésiens.

Le nouvel évêque a 57 ans et est originaire d’Afagnan-Gbletta et c’est dans la cour de la mission qu’il était devenu prêtre le 2 janvier 1966, au terme de ses études de théologie au grand séminaire de Ouidah (Bénin). Il est le 5ème d’une famille de 12 enfants. Il devient vicaire à la paroisse Ss Pierre et Paul d’Aného, il sera directeur diocésain et national des Œuvres catholiques, avec une attention particulière pour la formation chrétienne de l’enfance (CVAV) et de la jeunesse catholique. Envoyé aux études, il fera son doctorat en théologie pastorale à Strasbourg sans oublier d’autres études ‘profanes’. A son retour au Togo, il sera vicaire et puis curé doyen du sud-est. De 1985 à 1989 il est de nouveau directeur diocésain et national des Œuvres et de 1989 à sa nomination épiscopale, directeur national de l’Enseignement catholique au Togo. Le 15 octobre il est sacré évêque à Lomé avec les deux autres titulaires de nouveaux diocèses par le card. Jozef Tomko, assisté du nonce apostolique, Mgr André Dupuy, et de Mgr Kpodzro, archevêque de Lomé, qui l’intronisera le dimanche 30 octobre dans la cathédrale Ss Pierre et Paul d’Aného avec la participation de tout un peuple en liesse. Personne n’aurait pu alors imaginer que la croix serait vite parue dans le ciel du nouveau diocèse.

Notre supérieur général a voulu à cette occasion envoyer un bref message depuis Rome, daté 10 octobre, où on peut lire : « Notre cœur de missionnaires et de comboniens, qui par charisme reçu de notre Fondateur bat depuis toujours au rythme de l’Afrique, se réjouit d’une façon toute spéciale et rend grâce à Dieu de ce don qu’il fait à l’Eglise du Togo, et qui témoigne de sa croissance et de sa maturité. Le Seigneur nous avait réservé ce beau et très significatif couronnement à la célébration du premier centenaire de l’évangélisation du Togo ! ».

Dans son message à tous les diocésains, Mgr Hounnaké écrit : « Voici qu’apparaît à nouveau pour nous tous, l’aurore des jours d’espérance, l’espérance d’une fraternité vraie, profonde, sans frontières, dans le partage, le service, le respect de la vie des individus, des personnes et des groupes humains, dans la paix qui vient de la vérité, de la justice et de la liberté. Nous pourrons alors nous atteler au devoir de tendre de plus en plus à vivre de la vie même de Dieu dans nos engagements obligés au service de nos frères, et d’abord les plus démunis et les plus désemparés ».

Après les célébrations qui avaient vu tous les comboniens participer avec joie comme au couronnement de leur travail missionnaire, les choses sérieuses allaient commencer. Nous sommes appelés à collaborer avec créativité pour un bon départ pastoral. La dimension pastorale et missionnaire devrait être la priorité. Le CP pense importante une réflexion provinciale sur l’ensemble de notre présence : quelle présence, comment et où ? La prochaine assemblée provinciale nous donnera des lumières. Pour leur part, les confrères dans le diocèse d’Aného comprennent vite qu’ils sont trop coincés : il faut laisser la place aux prêtres originaires du diocèse et qui veulent y travailler. La cession des paroisses deviendra une obligation, même si l’un ou l’autre d’entre nous se posera la question : comment quitter des paroisses qui sont encore de première évangélisation ? Et la langue ? Les faits finiront, étant têtus, par s’imposer. De l’autre côté, l’évêque voudrait un combonien pour le service de l’économat.

 

 

Visite du p. Filippi

 

L’année 1995 commence avec l’assemblée provinciale du 2 au 5 janvier à Cacavéli. Les confrères, une trentaine, sont presque tous présents, sauf quelques confrères du Ghana qui n’ont pas pu faire le déplacement à cause du visa. A l’assemblée sont présents les pères G. Filippi (il est en visite à la province du 28 décembre 1994 au 23 janvier 1995), conseiller général, et J. Tenias, secrétaire général de l’AM. Leur contribution à la réussite de l’assemblée a été significative. L’assemblée se penche sur trois thèmes majeurs : l’AM ; les Laïcs missionnaires comboniens (LMC) ; et les perspectives de notre présence au Togo-Ghana-Bénin avec des choix concrets pour la vie de la province. C’était la première fois que la province consacrait une réunion entière à réfléchir sur ces sujets.

La communauté de Tabligbo se déclare disponible à accueillir des LMC, qui finalement débarqueront au Ghana. Et puis, la création du nouveau diocèse d’Aného nous conduisait à penser au désir de l’archevêque de Cotonou de nous confier une deuxième paroisse et à l’opportunité de nous établir à Accra pour y faire de l’AM et de la PV. On donnera une nouvelle impulsion à l’AM en créant dans chaque paroisse un ‘groupe missionnaire’, en proposant aux séminaires de Lomé et Ouidah un cours de missiologie pour les séminaristes, en collaborant aux journaux catholiques des pays où nous travaillons et en contactant les responsables des OPM dans les diocèses. La prochaine béatification de Daniel Comboni sera l’occasion d’une vraie AM. La création du centre mass-médias francophone donnera sa contribution à l’AM des Eglise locales de l’Afrique occidentale. L’initiative devait naître avant la fin de l’année 1995. Mais la question du personnel était fondamentale. Il fallait trouver des personnes bien disposées pour la nouvelle aventure.

Au cours de l’assemblée, le p. Filippi a béni les bâtiments de la maison provinciale et du centre pour l’AM et la PV construits depuis peu et qui en s’adjoignant au postulat des frères, forment le Centre combonien de Cacavéli. C’est une manière de qualifier notre présence. L’inauguration officielle du CAM se fera le 4 mars 1995. Il est ouvert aux rencontres, recollections, week-end de la foi… C’est un service pour le réveil missionnaire des jeunes de nos paroisses. Le Centre est la réponse combonienne à l’AM des Eglise locales là où nous sommes : « c’est l’heure missionnaire de l’Afrique » et « nos Eglises locales doivent toutes brûler d’ardeur missionnaire », ont écrit les évêques d’Afrique dans le message final du synode. C’est dans cet esprit et pour éveiller cette conscience missionnaire de l’Eglise qu’on a créé le Centre. P. Merino en est le responsable. Le CAM  sera un lieu de rencontre pour les jeunes désireux de découvrir leur engagement dans l’Eglise et dans le monde. Ce centre dispose d’une salle de conférence, de deux dortoirs (comprenant 70 places), de deux chambres pour accompagnateurs, d’une cuisine et d’une paillote comme réfectoire et d’une chapelle.

Après l’assemblée, le p. Filippi visite les communautés. Il est heureux de constater que nombreux sont les points de la programmation qui sont devenus réalité ou sont en train de le devenir. Nous avons réussi à porter de l’avant avec courage la requalification des engagements, même avec moins de personnel. Les communautés sont viables selon la RdV. Le p. Filippi, dans sa lettre après la visite, dit la cordialité des rencontres avec les évêques où nous travaillons. Et il formule leurs remarques : les évêques donnent beaucoup d’importance aux rencontres et aux initiatives diocésaines. Il s’agit d’occasions pour grandir dans la communion avec le clergé local. Ils apprécient beaucoup les nombreuses initiatives de développement des structures paroissiales et des œuvres sociales. Ils nous invitent à le faire en dialogue avec eux et les autorités civiles, en stimulant la participation des communautés chrétiennes. Dès que le missionnaire œuvre à la croissance de l’Eglise locale dans le but de la rendre autosuffisante, il faut que le développement de la paroisse réponde aux réelles possibilités du clergé diocésain, ainsi à assurer une certaine continuité et viabilité même après notre remise au diocèse.

Le p. Filippi insiste sur nos ‘congrégations’ paroissiales qui doivent être plus tendues vers l’apostolat : de leur engagement dépendra le développement de la ‘nouvelle évangélisation’ que de nombreux groupes religieux nouveaux rendent difficile en Afrique. Il est bon peut-être de citer ici Alphonse Quenum dans son Evangéliser Hier, Aujourd’hui, Ed. ICAO, Abidjan 1999 : « Il faut le reconnaître tout simplement, le christianisme dont l’Afrique a hérité a le gros inconvénient de rejoindre ce qu’il y a de moins positif dans la culture négro-africaine : une mentalité magique qui sacrifie l’engagement, l’audace créatrice à la crédulité naïve ; qui préfère les dévotions parfois superstitieuses et stérilisantes à une piété réfléchie ; néglige le sens de la responsabilité qui permet de s’assumer dans l’épreuve et le travail rationnel autonome ; favorise le culte de l’autorité, de la solidarité parasitaire et de la soumission hypocrite et servile aux dépens d’une quête de vérité laborieuse. C’est en définitive un christianisme aux mains pures, qui éloigne des combats qui bâtissent la cité à travers des efforts de mise en place de structures de liberté, en vue de promouvoir le droit, la justice et les solidarités réfléchies. C’est un christianisme qui pousse inconsciemment à la résignation comme abandon à la volonté de Dieu ».

P. Filippi souligne l’importance de l’AM et nous pousse à un plus grand engagement pour la JPIC. Il termine sa lettre en nous encourageant à une plus grande intégration et connaissance réciproques des confrères dans les trois pays qui forment la province. Un confrère du Ghana pourrait représenter le pays dans le CP.

 

 

Ordination de Benjamin Guivi

 

Le samedi 18 mars 1995, à 15h00, dans l’église St Michel d’Aklakou, Benjamin Guivi est ordonné prêtre par l’imposition des mains de Mgr Hounnaké. Benjamin est d’origine béninoise et il est le 4ème combonien de la province à devenir prêtre. Le lendemain le nouveau prêtre célèbre sa messe de prémices dans la même église. Son ordination, dans l’année combonienne, a été l’occasion pour une forte AM dans la paroisse combonienne d’Aklakou. Il est affecté à la RCA pour y servir la mission.

En ce début de 1995, six sont les confrères autochtones en mission : J. P. Légonou en DAC, Hounaké au Malawi, Adjétey au Zaïre, B. Guivi en RCA, le fr. Anku au Zaïre et le fr. Eshun en Ouganda : le CP décide pour un geste de partage aux 6 confrères (500mille f cfa), ce qui deviendra une tradition de la province.

 

 

Nouveaux diocèses au Ghana

 

Le 17 mars 1995 sont crées au Ghana des nouveaux diocèses. En particulier, le diocèse de Kéta-Ho a donné vie à deux nouveaux diocèses : Kéta-Akatsi pour la zone sud et Jasikan pour la zone nord. Au centre reste l’ancien diocèse de Ho. Le nouvel évêque de Kéta-Akatsi est Mgr Antony Adanuty. Les communautés d’Abor et Sogakopé appartiennent au nouveau diocèse. Akatsi, station secondaire de la paroisse d’Abor, est devenue en quelque mois, non seulement paroisse autonome, mais siège épiscopal. L’Eglise Christ Roi, bâtie par le p. A. Confalonieri avec comme architecte le fr. Negrin, est en train de devenir cathédrale. Nouvel évêque de Jasikan est Mgr Gabriel Mante. Mgr Lodonu continue comme évêque de Ho. Les nouveaux évêques sont consacrés le 28 mai à Accra par le card. Tomko. Le 10 juin, Mgr Adanuty sera intronisé à Akatsi.

Mgr Lodonu écrit depuis Ho une lettre de remerciement le 15 avril : «  Je désire mettre par écrit avec une profonde gratitude l’immense contribution que les pères comboniens ont ajouté pour le développement de notre diocèse de Kéta-Ho depuis l’entrée dans notre scène pastorale en 1975… Quoi que je me plaigne souvent que certains d’entre vous ne sont pas en union avec le diocèse, je ne peux pas me plaindre et dire que vous avez été paresseux ou négligents dans les zones de travail à vous confiées. Le p. A. Confalonieri a bâti cette extraordinaire église d’Akatsi et cet accomplissement a élevé le statut d’une chapelle secondaire à ce qu’elle est devenue maintenant. Le grand presbytère que vous êtes en train de bâtir en ce moment est une œuvre louable. Nous ne pouvons pas oublier le travail pionnier du p. C. Zeziola qui a occasionné l’existence de la paroisse de Sogakopé. Maintenant le p. G. Vicari est en train de faire un énorme travail dans sa zone. En ce qui concerne l’éducation nous remarquons l’énorme travail que pères Angelo et Riccardo sont en train de faire à Abor et Sogakopé respectivement. Tous les pères ou frères comboniens qui ont travaillé ou qui sont au travail parmi nous, ont essayé de laisser quelque signe de leur travail… Nous espérons qu’un jour les supérieurs de votre congrégation accepteront d’entrer dans notre zone la plus pauvre : le nouveau diocèse de Jasikan. Peut-être, le nouvel évêque présentera formellement et très tôt la demande à votre supérieur. Je serai très heureux si vous appuierez cette demande ».

Le 6 octobre 1994 le p. A. Confalonieri a été nommé Chevalier (Cavaliere) de la république italienne. La décoration lui a été remise par l’ambassadeur d’Italie à Accra en présence du Nonce, de l’archevêque de Cape Coast et d’ambassadeurs. On reconnaissait ainsi le travail de p. Angelo dans la réalisation à Abor du St Theresa Centre for Handicapped.

 

 

Béatification du Fondateur

 

Les comboniens se préparent à la béatification de leur Fondateur, fixée au dimanche Laetare , le 17 mars 1996, dans la basilique St Pierre à Rome. Nous sommes tous heureux que la béatification se fasse là où le Fondateur a reçu l’ « illumination d’en haut » et le dimanche le plus proche de l’anniversaire de sa naissance. En même temps sera béatifié Mgr Guido M. Conforti, Fondateur des Missionnaires Xavériens.

Rappelons que la cause de béatification de Mgr Comboni avait été commencée par le p. Paolo Meroni, supérieur général, avec son conseil le 19 mars 1928. Depuis le 26 mars 1994 notre Fondateur était ‘vénérable’. Ce jour-là en effet, a midi, dans la salle du consistoire, Jean Paul II avait solennellement déclaré de « constater l’exercice héroïque des vertus théologales et cardinales » dans la vie et l’œuvre du « Serviteur de Dieu Daniel Comboni, Vicaire apostolique de l’Afrique centrale et Fondateur des Missionnaires Comboniens du Cœur de Jésus et des Sœurs Missionnaires Pieuses Mères de la Nigritie ». Le 6 avril 1995, le pape a autorisé la publication du décret de reconnaissance que la guérison de Maria José Oliveira Paixão à São Mateus (Brésil) le 25 octobre 1970 est un miracle, obtenu grâce à l’intercession du vénérable D. Comboni.

Tout provincial est prié de communiquer la nouvelle aux évêques des pays où nous travaillons. Parmi les réponses, significative celle de l’évêque de Kpalimé : « Vous avez beaucoup fait pour le Togo. Jésus, à la suite de qui vous marchez, saura mieux que quiconque vous récompenser pour le travail que vous faites au sein de son Eglise et vous combler de ses bénédictions…. Je souhaite vivement - continue Mgr Pierre K. Seshie - que notre père dans la foi, Daniel Comboni, continue de veiller sur l’Eglise universelle et en particulier sur l’Afrique afin que tout le continent soit gagné au Christ et qu’enfin son règne vienne… Avec l’assurance de ma prière fervente, et espérant qu’un jour nos frères qui continuent cette œuvre merveilleuse et exaltante de D. Comboni s’établissent dans notre nouveau diocèse de Kpalimé, pour concrétiser ce ‘plan pour la régénération de l’Afrique’».

Il faut remercier de tout cœur les pères Chiocchetta et Gilli de la postulation dont le dévouement a beaucoup contribué pour arriver à ce moment si heureux. La créativité combonienne s’est manifestée dans les innombrables initiatives en vue de la béatification du Fondateur. Notre préparation spirituelle à l’événement s’est faite surtout par la méditation du message des trois conseils généraux de la famille combonienne En regardant le Rocher.

A la béatification à Rome participeront aux frais de la province les deux archevêques de Lomé et Cotonou, Mgr Kpodzro et Mgr De Souza, les parents du premier combonien de la province, papa et maman Légonou, et deux confrères, les pères S. Perego et A. Ndula. Le Ghana sera représenté par Mgr Adanuty grâce à p. A. Confalonieri. Pour la béatification du Fondateur, Présence chrétienne y a consacré des pages dans le numéro 27 du 27 février. La TVT, la télévision nationale togolaise, a retransmis la messe depuis notre paroisse d’Adidogomé, le jour de sa béatification le dimanche 17 mars. Un numéro spécial de Le Maître t’appelle, tiré à 2.500 exemplaires a été distribué et envoyé à toutes les paroisses du Togo et du Bénin. Pour le Ghana c’est Be my witness  qui s’en est occupé. Un spectacle, préparé par nos postulants, la veille du 17 au soir, faisait revivre à Adidogomé l’aventure de Comboni.

A Rome une veille de prière se tient dans l’après-midi du 16 mars en la basilique St Paul. Le dimanche 17 la messe est prévue pour 10 heures sur la place St Pierre. Mais il pleut et donc en s’entasse à l’intérieur de la basilique. On craint aussi pour la santé du Pape. Mais à 10 heures, sous les acclamations de l’assemblée, le Pape arrive à la sacristie et participe à la procession jusqu’à l’autel. Tous étaient émus par son courage. Après la proclamation des deux bienheureux (Daniel Comboni et G. M. Conforti) par le Pape, Jean Paul II se retira laissant la pace au secrétaire d’Etat, le card. Angelo Sodano, pour la suite de l’eucharistie qui était très émouvante. A 11h30, le renvoi de l’assemblée par une bénédiction papale. Le lendemain, 18 mars, c’est l’archevêque de Khartoum, 7ème successeur de Comboni, Mgr Gabriel Zubeir Wako, qui préside la messe pour rendre grâce au Seigneur pour le nouveau bienheureux.

 

 

Chronique 1995

 

Le 1er juin 1995 le p. Antonio Arbor, de retour en province (le 21 avril), devient économe provincial. Quelques mois après, il sera nommé comme représentant légal de l’institut, selon la RdV 163.2. L’intérim entre le départ pour l’Italie du p. A. Grassi et l’arrivée de p. Antonio avait été assuré par le p. P. Basso dont on avait apprécié la disponibilité, malgré les multiples engagements à Adidogomé comme curé. Sogakopé a un nouveau vicaire à partir du 1er mai en la personne de p. F. Machado.

Le 24 juin se tient à Cacavéli (à la suite de l’assemblée de janvier où le thème des laïcs avait été abordé selon la lettre du CG de l’année précédente) la première rencontre avec les familles des confrères originaires de la province (ils sont 27 !). La rencontre a été un succès soit dans la participation soit dans son but : créer une plus grande communion ‘combonienne’ entre les familles.

Le 30 juin est officiellement fermé le Centre Adone Santi d’Afagnan. Tous les confrères avaient exprimé leur avis à l’occasion de l’assemblée de janvier. Les 3 juillet les maîtres ont été payés avec indemnité de départ et le 22 il y a eu la libération des apprentis.

Le 4 août, à 57 ans, s’éteint à l’hôpital d’Afagnan Mgr Hounnaké, emporté par une tumeur aux poumons. Il portait dans son cœur le désir d’assister à la béatification de notre Fondateur, le 17 mars 1996. De lui nous gardons un témoignage émouvant : « Ah ! vous, les comboniens, je vous ai connus trop tard, je vous ai aimés trop tard… mais j’en ai déjà demandé pardon au Seigneur ». Son neveu, p. Timothée, en gardera le souvenir pour toujours parmi nous. L’évêque a été enterré dans sa cathédrale d’Aného le 10 août.

Le 12 août le diacre Eugène Nordjoé est ordonné prêtre en l’église St Augustin d’Amoutivé (Lomé) par l’imposition des mains de Mgr Ph. F. Kpodzro. Cérémonie splendide, avec un très beau témoignage missionnaire. Au cours de son homélie, l’archevêque a fait remarquer qu’Eugène, aussi jeune que les trois candidats du diocèse ordonnés avec lui, fils de la même Eglise, allait devenir prêtre pour être témoin de l’Evangile au Pérou. Il le sera au nom de cette Eglise et envoyé par elle. Le lendemain p. Eugène célèbre sa messe de prémices dans sa ville, Tsévié. La communauté paroissiale a accueilli son nouveau prêtre très chaleureusement. Là aussi, sa présence a été pour les jeunes un témoignage sur la mission. De fait, nombreux ont été ceux qui ont voulu en savoir davantage sur les comboniens. Sans oublier que la semaine qui avait précédée l’ordination avait été l’occasion pour l’animation missionnaire de toute la paroisse. Le p. Eugène est le 5ème prêtre originaire de la province.

Du 8 au 31 août se tient à Cacavéli la rencontre pour les formateurs des provinces francophones. La rencontre est organisée par le secrétariat général de la formation. Le secrétariat des vocations au Togo insiste afin que les chargés des vocations suivent le directoire de la promotion des vocations Un avenir heureux. Pour les rencontres des groupes de vocations on peut suivre le bouquin Un chemin qui pourrait être le tien et d’autres subsides. Mais surtout, il faut donner une très grande importance à la direction spirituelle : la connaissance du candidat avant son entrée au postulat est essentielle ! Avec le candidat il faut élaborer un programme de vie qui comporte : engagement chrétien personnel et communautaire, participation à la messe, confession, direction spirituelle.

Le 10 octobre, le fr. J. Anku Kudiamenou fait sa profession perpétuelle à Kinshasa. C’est le premier frère originaire de la province. A Kinshasa il travaille avec le fr. G. Bianchi à la construction du scolasticat de langue française qui d’Issy les Moulineaux avait été transféré dans la capitale zaïroise.

L’année 1995 constitue pour le Bénin une année de grandes grâces. L’implantation de l’Eglise y a reçu une triple impulsion dans l’institution de trois nouveaux diocèses : Kandi, Dassa-Zoumè et Djougou. Désormais l’antique Dahomey compte neuf diocèses ! A rappeler que la première préfecture apostolique du Dahomey fut érigée le 26 juin 1883 : on peut mesurer le long chemin parcouru ainsi que la rapidité de la croissance de l’évangélisation.

 

 

P. Glenday revient au Togo

 

Le 9 novembre le p. D. Glenday revient au Togo. Il vient surtout pour prêcher les exercices spirituels aux confrères, une retraite ‘combonienne’ qui se tiendra pendant 8 jours (du 12 au 20) au monastère de Dzogbégan. C’est la première fois que dans la province se tient une retraite de 8 jours : un temps de grâce pour rester avec le Seigneur en compagnie de Daniel Comboni. Le calme, le silence, le climat agréable ont favorisé le recueillement et l’oraison. Le Général, le matin et l’après-midi présentait ses réflexions : pas trop longues mais très riches en s’inspirant à Daniel Comboni. Très fréquentes les références aux écrits de Comboni, à Ecclesia in Africa  et à Tertio millennio adveniente. Ces huit jours se sont terminés par un sympathique rassemblement avec tous les confrères de la province.

En arrivant, le p. Général avait rencontré d’abord des évêques : Mgr De Souza à Cotonou, Mgr Kpodzro à Lomé et Mgr Kouto à Atakpamé. La soirée de samedi 11 a été dédiée à la rencontre avec les postulants : entretien et questions variées, eucharistie, dîner et réjouissances dans les chants et la danse. Le p. David s’est réjouit de leur allégresse et du nombre: 27 !

Le 21 novembre il y a rencontre provinciale avec le père Général. Voici ce qui en est ressorti : nécessité d’un approfondissement de notre engagement d’évangélisation. Nous constatons, en effet, des Eglises avec un nombre croissant de prêtres, mais les chrétiens n’augmentent pas de la même manière ! Un discernement sérieux s’impose quant à notre présence dans le nouveau diocèse d’Aného : cinq paroisses c’est trop ! C’est une ‘richesse missionnaire’ trop grande et qui doit être revue en fonction de la nouvelle réalité ecclésiale des pays qui nous accueillent. Il faut s’engager d’avantage dans l’étude de la langue locale : ne serait-il pas le cas de revoir la formule du cours d’introduction pour les nouveaux arrivés en province ? EA doit être notre texte de référence, comme actualisation du Plan de Comboni aujourd’hui. Il faut avoir le courage de continuer la réflexion et le discernement pour de nouvelles expériences de vie communautaire en province selon les indications du Chapitre et de la lettre du CG après l’intercapitulaire de 1994.

Le 22 novembre au siège du postulat-frères, le p. Glenday rencontre les évêques (Kpodzro, Kouto et Adanuty) ainsi que les prêtres (une trentaine) et les religieux pour leur présenter Daniel Comboni. Le partage qui a suivi a été très riche et profond : une initiative bien appréciée, car la figure du Fondateur reste encore peu connue. Puis chacun a reçu la biographie de Comboni intitulée Un prophète pour l’Afrique. Le 23, le CP travaille avec le p. Glenday, en donnant un regard d’ensemble à la vie de la province. Le soir, le Général reprend l’avion pour Rome.

 

Le p. Girolamo Miante avant de quitter la province, au terme de ses 6 ans comme provincial, remercie le Seigneur pour les dix ans passées au Togo : « années belles, intenses et dures ». Le p. Girolamo a travaillé dur pour faire passer dans la tête et la vie des confrères les directives du XIVè Chapitre général, auquel il avait participé, même dans sa préparation, et qui l’avait été particulièrement marqué. A lui la reconnaissance priante de toute la province et les vœux les meilleurs pour son nouveau poste : il sera supérieur-formateur au scolasticat de Kinshasa.


 

Sixième Partie

P. SANDRO CADEI PROVINCIAL

(1996 - 2001)

 

 

Le 1er janvier 1996 s’installe le nouveau CP : p. Sandro Cadei, supérieur provincial ; p. S. Perego, vice provincial ; pères G. Rabbiosi et C. Besigye et fr. Oscar da Cunha conseillers. La passation de service se fait le mardi 2 janvier à Cacavéli. Le CP remercie le p. Miante et ses conseillers pour le service rendu et souhaite le continuer pendant les trois prochaines années. A l’eucharistie et au repas de midi tous les confrères sont conviés.

Le même jour le p. V. Anciães est nommé supérieur et formateur de la communauté du postulat de Cacavéli. On attend l’arrivée des pères M. Cremaschi et Ruffino Ezama. Ils sont affectés à Kouvé jusqu’à la remise de la paroisse au clergé diocésain, ce qui est prévu (et souhaité) pour le mois de juin.

Le dimanche 28 janvier 1996 soir, le scolastique d’origine mexicaine Miguel Angel Madrazo Gonzáles, fait sa profession perpétuelle dans l’église paroissiale d’Adidogome, en présence du provincial et de quelques confrères. On remarqua une présence notable de la communauté chrétienne, spécialement des jeunes. Parmi eux, il y avait les groupes dirigés par Miguel dans son travail apostolique - depuis plus qu’un an il est en stage pastoral sur la paroisse - soit comme catéchiste, soit comme directeur de théâtre. Le vendredi 2 février suivant, fête de la Présentation du Seigneur, avec trois autres séminaristes diocésains, il est ordonné diacre dans l’église Maria Auxiliadora à Gbégnédzi tenue par les salésiens. L’ordination a été présidée par l’archevêque, Mgr Kpodzro. Miguel Angel sera ordonné prêtre chez lui au Mexique le 24 août suivant et reviendra travailler en province.

Du 6 au 8 mars s’est tenue à Cacavéli l’assemblée provinciale. Elle avait été repoussée car pendant les jours prévus au départ pour l’assemblée, on avait été informés de la venue du p. Emilien Tardif du renouveau charismatique. Il fallait donc que cet ‘événement’ d’Eglise soit suivi aussi par ceux qui, parmi nous, le souhaitaient. Le thème a été toute une réflexion sur l’exhortation apostolique post-synodale du Pape Jean Paul II EA. Les communautés avaient déjà envoyé leurs réflexions stimulées par un questionnaire formulé à partir des chapitres de l’exhortation apostolique post-sinodale, qui, réunies en un petit bouquin distribué à chacun, avaient constitué en quelque sorte l’instrumentum laboris de l’assemblée même.

Chaque communauté a fait un travail remarquable de réflexion. A propos de famille, dans les réponses il est dit que bien que nous soyons là depuis, nous constatons qu’il y a peu de familles chrétiennes régulières. Jusqu’à présent, pour maintes raisons, leur formation a été souvent négligée. La famille est un des aspects épineux dans nos activités pastorales, d’où la réussite ou l’échec dépendent. Le sens du mariage chrétien est très faible. Très divisés les confrères se montrent en ce qui concerne où aller après avoir réduit notre présence dans le diocèse d’Aného.

Finalement, on s’oriente à ouvrir une deuxième paroisse au Bénin en pays fon et une dans le diocèse de Kpalimé. Pour Atakpamé, on verra plus tard. Mais tout cela est lié au passage de quelques paroisses d’Aného au clergé local. Il faudra dialoguer avec le nouvel évêque. Sa nomination est annoncée le 2 mars : c’est l’abbé Paul Jean-Marie dom Dossavi, jusque là en poste au grand séminaire Jean Paul II de Lomé en qualité de père spirituel. Il est connu de tous les confrères du Togo pour avoir été doyen du sud-est et premier curé de Togoville après notre départ. Il sera consacré le dimanche du Bon Pasteur, le 28 avril.

Le p. Gonzalo Dasilva est affecté au Ghana pour remplacer comme promoteur des vocations le p. Ph. Zema qui rentre dans sa province d’origine, l’Ouganda, après deux périodes de service en province. P. Ruffino Ezama est affecté à la communauté de Cotonou. Pour la nouvelle paroisse au Bénin en pense aux pères C. Pegoraro et M. Cremaschi (de retour au Togo après 8 ans de service dans sa province d’origine).

 

 

Passation de Kouvé

 

Le 23 juin 1996, veille de la fête du Sacré-Cœur, a eu lieu à Kouvé la passation de la paroisse des comboniens au clergé autochtone. Cette passation était bien dans la programmation depuis, mais la mort de Mgr Hounnaké l’avait retardée. En effet, à la veille de la mort du 1er évêque d’Aného, des décisions-nominations étaient sorties et qui semblaient, à plus qu’un, « volées » à l’évêque mourant. Parmi les décisions, celle du passage de la paroisse de Kouvé au clergé diocésain. Les choses n’étant pas claires, quelque confrère n’avait pas craint de manifester sa surprise et son amertume. C’est ainsi que le 28 octobre 1995, l’Administrateur apostolique d’Aného, Mgr Kpodzro, archevêque de Lomé, communiquait au provincial sa décision de remettre la question du passage de Kouvé aux prêtres diocésains au prochain évêque d’Aného. Nous étions donc restés à Kouvé dans l’attente d’une réflexion provinciale sur l’ensemble de notre présence dans le diocèse.

La cérémonie s’est déroulée dans une ambiance de fraternité à la présence de Mgr Dossavi, de son vicaire général, l’abbé Ameganvie, et de son secrétaire. Du côté combonien : les pères Cremaschi, Merino, Grotto, Gambin, Mazzata et Arbor. Le p. Cremaschi, en tant que curé en exercice de la paroisse, remettait entre les mains de son excellence le dossier (fort apprécié par celui-ci) de cette passation, contenant la description matérielle et morale de la paroisse et de toutes ses œuvres. Sans oublier l’inventaire de tout ce qui s’y trouve en matériel, mobilier, etc. Au total un livret d’une centaine de pages. Le dossier en question a été signé, séance tenante, par qui de droit et par le p. provincial dès son retour de Lima. Les fidèles avaient été salués le dimanche précédent. Ce fut une occasion pour ceux-ci de manifester, à leur tour, la reconnaissance pour tout le travail accompli par les différents confrères qui se sont succédés au service de la paroisse depuis 1965. Rappelons que le fr. Bettani (on célébrait le 25è de sa mort le lendemain de la passation) avait travaillé à Kouvé. Aujourd’hui une école primaire catholique porte son nom. C’est l’abbé Clément Kalénou qui sera le premier curé à Kouvé après les comboniens.

Nous en profitons pour rappeler que c’était seulement le 20 novembre 1994 que la communauté catholique de Kouvé avait vécu la consécration de son église paroissiale. C’était le dernier dimanche de l’année liturgique et la fête de Christ Roi de l’univers, auquel l’église est consacrée. Dans un climat joyeux, la célébration liturgique avait été présidée par le nouvel évêque d’Aného. Curé était le p. Vitor Anciães. Des prêtres diocésains et religieux avaient concélébré et ne manquaient pas non plus des personnalités du monde politique et traditionnel. La fête avait commencée la veille avec l’accueil de l’évêque à l’entrée du village et une veillée de prière devant les reliques des saints qui auraient été, le lendemain, déposées dans l’autel de l’église, les saints Justin, Ph. Neri, Marguérite Marie Alacoque, D. Savio et J. Berchmans. La paroisse de Kouvé avait été fondée le 1er janvier 1958 par un décret de Mgr Joseph Strebler, archevêque de Lomé. Son premier curé a été le p. Ugo Bosetti, SMA. Elle avait été confiée aux comboniens en 1965. Le p. G. Radaelli a été le premier curé combonien. Parmi les confrères qui y ont travaillé longtemps il est bon de nommer les pères L. Negrato, A. Zulianello, J. Pereira, S. Perego, P. Basso et le fr. B. Bettani.

 

Formation

 

Du 7 au 27 juillet 1996 se tient à Nairobi l’assemblée panafricaine de la formation. Les francophones auraient dû se rencontrer à Lomé, mais leur faible participation avait convaincu le secrétariat général de faire une seule rencontre. Y participent le fr. Oscar da Cunha et les pères  E. Ziliani, Anciães et M. Merino. Le p. Manuel João Correia, secrétaire général, souligne que cette rencontre est la réponse à une décision du Chapitre, à savoir, donner une formation plus approfondie aux formateurs. Cette rencontre est la troisième après celles d’Europe et d’Amérique. Le but de la rencontre : recevoir une formation. Les deux thèmes développés ont été : le charisme combonien dans notre processus de formation, et dialogue et direction spirituelle.

Une rencontre des provinciaux est prévue à Lima (5-19 juin). Notre provincial en profitera pour visiter nos frères au CIF de Bogotá. On y parle formation, surtout des scolastiques. Les vocations viennent désormais du sud du monde et sont de nature à modifier le visage de l’institut. Cette présence nombreuse dans les scolasticats grève sur les finances des provinces, au moins de certaines, la nôtre est du nombre. Vingt scolastiques ce n’est pas rien ! Les provinces du nord répondent favorablement. Mais il faudra que les provinces du sud sollicitent d’abord tous les membres et les communautés qui les composent.

Les provinciaux des provinces africaines en réfléchissant sur la formation ont fait des constatations et des propositions. Ils ont constaté une certaine facilité, parfois, dans l’admission des candidats au postulat (sans un accompagnement préalable) et l’existence de cas difficiles qui traînent pendant les années de la formation. Ils ont proposé donc que l’on soit exigeant dans l’admission et la formation des candidats ; que l’on respecte l’âge prévu par la Ratio et que l’on crée un climat de plus grande austérité et solidarité avec les gens du lieu dans nos maisons de formation. Le candidat frère devrait avoir acquis une préparation professionnelle adéquate au terme du postulat.

 

 

Scolasticat de Kinshasa

 

Le mois de juillet 1996 voit aussi la maison de Kimwenza (Kinshasa) accueillir les premiers 8 scolastiques du scolasticat francophone qui quitte la France pour l’Afrique. La décision de porter le scolasticat d’Issy les Moulineaux à Kinshasa avait été prise encore en 1990 et la chose aurait dû se faire à partir de l’année scolaire 1991-92. Les scolasticats internationaux sont un fruit du Chapitre de 1969. Alors, les scolasticats étaient tous en Europe. Mais la géographie vocationnelle qui change (moins de vocations au Nord et de plus en plus de vocations dans les pays du Sud) portera à un transfert de scolasticats et à la création de nouveaux. Le premier scolasticat en Afrique avait été celui de Kampala (1974-75), déplacé en 1988 à Nairobi. Chicago naissait en 1976-77 et São Paulo en 1978. Le Chapitre de la réunification en 1979 réaffirmait la ligne de déplacer les scolasticats vers le Sud et décida que les CIF (Centre International des Frères) soient portés tous au Sud (Nairobi, Kinshasa et Bogotá). Le scolasticat d’Issy souffrait d’un handicap majeur : celui d’être le seul à ne pas être inséré dans une de nos provinces.

Pourquoi Kinshasa ? D’abord parce que c’est la ville africaine francophone avec la plus longue tradition théologique. L’université catholique de Kinshasa existe déjà depuis 25 ans et a approfondi la recherche théologique (inculturation, etc). Et puis, plusieurs instituts y ont ouvert des maisons de formation et une école de théologie est déjà là, et une dizaine d’instituts y envoient leurs membres. Le niveau d’études est assez qualifié. A Kinshasa, en outre, existe déjà le CIF : une intégration entre candidats prêtres et frères pourrait être très bénéfique. Seulement que les provinciaux africains, dans leur rencontre au mois de mai-juin 1990, avaient opté pour réunifier les deux CIF du continent dans le seul de Nairobi. A partir de 1990 aucun frère ne sera envoyé à Kinshasa. L’histoire du scolasticat de Kinshasa est une preuve de plus que le temps des décisions finit par être beaucoup plus long que prévu dans les réalisations. Supérieur-formateur des scolastiques à Kinshasa est le p. Miante. Ils seront à Kimwenza jusqu’à ce que le bâtiment commencé à Kintambo par nos frères Anku et G. Bianchi ne soit terminé.

 

 

2ème engagement au Bénin : Toffo

 

Le jeudi 11 juillet 1996 (fête de St Benoît), l’archevêque de Cotonou présente à la communauté catholique de la paroisse de Toffo les deux confrères qui vont prendre la charge de notre deuxième paroisse au Bénin, les pères C. Pegoraro et M. Cremaschi. Cela se passait lors de la cérémonie de confirmations données à 190 candidats. Il s’agit de la paroisse St Benoît de Toffo, sur la route qui mène au nord du pays, à 90 km de Cotonou. Le village abrite aussi un monastère de sœurs bénédictines, érigé à Toffo-centre depuis 1960, dépendant du monastère des bénédictines de Vanves, dans la banlieue parisienne, non loin de notre scolasticat d’Issy les Moulineaux.

Les nôtres ont pris vision de la maison et du vaste terrain, cultivé à maïs et manioc qui entoure la mission. S’ils aiment faire du jardinage et du jardin potager, ils se trouveront dans leur paradis. Le presbytère (rez-de-chaussée et étage) n’existe que depuis 1990. Un ou deux prêtres y ont résidé, selon les périodes, avec des séminaristes stagiaires. La paroisse compte un seul séminariste, mais elle est le creuset de nombreuses vocations sacerdotales et religieuses. La terre de Toffo a l’insigne honneur de servir de terre natale à son éminence le card. Gantin. Le vaudou reste la religion traditionnelle majoritairement pratiquée. Foisonnent et se développent les sectes. Les catéchistes bénévoles sont une centaine, encadrés par 3 catéchistes permanents, et enseignent les catéchumènes en les préparant aux sacrements de l’initiation chrétienne.

Parmi les nombreux prêtres qui ont desservi la paroisse, le dernier a été l’abbé Dorothée Hamawouzo qui pendant quatre ans a travaillé beaucoup pour l’évangélisation de la paroisse et la promotion humaine. C’est de lui que nous avons reçu la paroisse et à son travail nous nous inspirons : il reste beaucoup à faire. Si l’archevêque souhaitait que notre choix tombe sur Toffo c’était aussi pour permettre la décrispation d’une situation de tension qui s’était créée entre les gens et le curé.

La paroisse est partie intégrante de la sous-préfecture de Toffo, l’une des 9 circonscriptions administratives du département de l’Atlantique. La paroisse s’étend sur une superficie de 515 km², compte 40mille habitants environ, dont 5mille baptisés, et est limitée au sud par Allada. Le milieu est généralement rural et pauvre. L’agriculture représente l’activité économique dominante. Mais les paysans restent pauvres. De là l’exode rural qui continue. Il manque aussi l’eau potable dans la plus grande partie des villages et donc celle des marigots sert à tous les besoins engendrant ainsi des maladies de tout genre comme le ver de Guinée, fléau du milieu. La mortalité enfantine est encore élevée, due aussi à la malnutrition. Personne ne s’étonnera s’il en résulte la culpabilité de la sorcellerie comme bouc émissaire de tous ces maux et… le trafic des enfants !

La première visite officielle du provincial à la nouvelle communauté lui a permis de faire avec les deux confrères qui y travaillent « une vérification et une évaluation sur l’attitude de toute la province à l’égard de ce nouvel engagement. La province semble ne pas avoir été trop concernée », nous lisons dans une lettre aux confrères. Les pères Cesare et Massimo « n’ont pas senti les confrères derrière eux, intéressés à connaître la nouvelle paroisse, ni non plus préoccupés de fournir une aide de solidarité et de partage. Cela a fait défaut et même comme CP nous n’avons pas su animer les confrères ». On voudrait éviter que le ‘scénario’ se répète avec le prochain engagement.

Ordinations et premier prêtre combonien ghanéen

 

Le 7 septembre 1996 à Abor est ordonné prêtre par les mains de l’évêque de Kéta-Akatsi le premier prêtre combonien ghanéen, John Tasiame. Il a fait son scolasticat à Issy les Moulineaux. Il a fréquenté les cours à l’Institut Catholique de Paris, ayant décroché une licence en théologie. Il est affecté à l’Ethiopie. Mais quelques mois seulement après son arrivée là-bas, un incident lui arrive : une blessure par balle qui aurait pu lui coûter la vie. La balle s’est logée dans la colonne vertébrale, mais sans produire aucune lésion. Le père revient en province pour un peu de repos et sa reprise psychologique. Il passera quelques mois à Tabligbo et puis il sera affecté au Kenya.

Le 14 septembre 1996 est ordonné prêtre à Ouidah par les mains de Mgr I. De Souza, archevêque de Cotonou, le diacre Justin Dossou-Yovo. Justin avait fait toutes ses études au grand séminaire St Gall de Ouidah. Ensuite, avec la permission de son ordinaire, il avait intégré notre institut. Après une année de postulat à Adidogomé, il avait fait deux ans de noviciat à Isiro et puis trois ans à Issy les Moulineaux. Il a sa maîtrise en catéchèse et il est affecté à l’Ouganda. Aux deux ordinations, de John et de Justin, était présent le p. Giorgio Aldegheri, formateur au scolasticat d’Issy.

Le samedi 18 janvier 1997, c’est le tour du diacre Fidèle Katsan d’être ordonné prêtre. Cela se passait à Vogan par l’imposition des mains de Mgr Dossavi. Fidèle a fait son scolasticat à Rome. Il a sa licence en théologie biblique, avec une thèse sur le livre de Job. Il est affecté au Brésil nord. Avec son ordination, les pères originaires de notre province sont au nombre de huit. Avec le p. Adjétey (à présent en pleine activité missionnaire à Kinshasa, paroisse de St Mbaga), Fidèle est le deuxième voganais. D’autres se préparent et ils sont originaires d’une région où le vaudou est encore bien vivant. Nous voyons en ces jeunes confrères le fruit des deux confrères là bas enterrés (les pères Zancanaro et Re) et nous voulons rêver que l’heure de la conversion de ce grand centre a sonné !...

 

 

Mort du premier novice

 

Le 31 octobre 1996 meurt le novice Magloire Rémi Kokou Akakpo-Numado. Il était né à Badja (Ave, Togo) le 1er octobre 1969. Son papa est instituteur et maman ménagère. Il fait ses études primaires à Assahoun, à l’école de la paroisse. Le curé, voyant ses capacités et son caractère de garçon bon et éveillé, l’envoie au séminaire diocésain S. Pie X d’Agoé. Il le quitte pour rentrer en famille. Il fait son entrée au postulat-frères au mois de septembre 1992 alors que le postulat ouvre ses portes à Cacavéli sous la direction de fr. do Rosario. Pendant le postulat il suit un cours en architecture (dessin-bâtiment) et un en informatique (CIFOP de Lomé). Le 4 août 1995 il part au noviciat d’Isiro. Pendant son stage communautaire à Rungu, en deuxième année, voilà le drame : dans l’après midi du jeudi 31 octobre il se rend au fleuve pour une baignade et il est emporté par le courant. Le même fleuve qui en novembre 1964 avait ‘accueilli’ les corps d’autres confrères tués lors de la rébellion des simba.

 

 

Vers le Chapitre 1997

 

Un questionnaire est envoyé à tous les confrères en vue du XVè Chapitre général. Le provincial écrit à chaque confrère à propos de ce questionnaire : « Ne dis pas que tu n’as pas le temps pour ça : la préparation au Chapitre de la part de chaque combonien est pour lui une priorité par rapport à tout autre engagement, depuis l’évangélisation, à la catéchèse, aux groupes paroissiaux, etc. S’il le faut, retire-toi quelque part, pour ce travail… mais fais-le. Tel a été le souhait de la DG et de tous les provinciaux réunis à Lima. Invoque l’Esprit saint et… du courage ! ». Le questionnaire est confidentiel. Deux tiers des confrères de la province ont répondu. Au niveau de tout l’institut, sur un total de 1807 confrères présents dans l’institut en 1997, et 48 autres qui vivent hors communauté, les questionnaires revenus ont été 1155, ce qui fait 63.92% des membres de tout l’institut.

Les réponses (elles devaient arriver au secrétariat général à Rome pour le 31 octobre) ont été passées à l’Université pontificale salésienne pour analyse. Le travail a été conduit sous la responsabilité du professeur Renato Mion et porte le titre Con il beato Daniele Comboni verso la missione del 2000. C’est un tableau vrai de la réalité de l’institut. C’est malheureux qu’au moment de la présentation dans la salle du Chapitre, ce travail - qui avait vu tant de confrères engagés et tant d’argent investi pour analyse - n’ait pas été perçu de la bonne manière et on l’ait laissé tomber… Délégué au Chapitre sera le p. A. Boscaini, mais des 54 confrères qui avaient droit au vote, seulement 34 avaient  s’étaient prononcés. En particulier, 13 confrères travaillant dans la province n’ont pas voté ! Indifférence ou peu d’intérêt ?

 

 

Passation d’Aklakou

 

Le dimanche 2 février 1997 Mgr Dossavi consacre l’église paroissiale d’Aklakou. On attendait l’événement depuis longtemps. A l’arrivée des comboniens au Togo, Aklakou était une station de la paroisse d’Afagnan, desservie particulièrement par le p. Pegoraro, qui en 1972 en devenait ‘curé’. En 1973 le fr. Santi y construisait un petit presbytère, où allaient s’installer les deux premiers confrères : les pères C. Pegoraro et L. Marcolongo. D’autres confrères ont suivi. La paroisse n’avait jamais été érigée canoniquement : la consécration en a offert l’occasion. Les gens ont participé nombreux et heureux. C’est un signe que la foi chrétienne a pu faire brèche dans le grand monde du vaudou. Au cours de son homélie, l’évêque annonçait pour l’année suivante la remise de la paroisse au clergé diocésain. Un grand merci à p. E. Ziliani pour avoir tant contribué à la construction de cette église. Le p. Eugenio avait été nommé curé d’Aklakou en octobre 1990.

La paroisse d’Aklakou passe au clergé diocésain le dimanche 7 juin 1998. L’évêque préside la célébration entouré du provincial, les confrères de la communauté, le nouveau curé, l’abbé Léon Dogbévi-Fiohin. Pendant la célébration eucharistique, l’évêque, le provincial et le curé, le p. C. Besigye, procédaient à la signature du document portant sur la description de la paroisse (inventaire). Ensuite le provincial le remettait entre les mains de monseigneur et l’assemblée applaudissait.

Lors de son homélie, l’évêque remerciait les comboniens du travail fourni pendant plus de 25 ans de leur présence, en faisant ressortir, d’après sa manière de voir, quelques aspects importants et bien accomplis : leur zèle dans l’évangélisation et leur engagement en ce qui concerne la catéchèse, le catéchuménat et les catéchistes. « Les pères - ajoutai-il - ont aussi bien préparés les gens à cette passation, et je suis très heureux de cela. Aujourd’hui -continuait-il en s’adressant à la communauté - c’est pour vous comme le jour où l’on donne la libération aux apprentis. Est-ce que l’apprenti pleure ce jour-là ? Au contraire, il est heureux, parce qu’il se dit qu’il peut se mettre à travailler en propre : lui aussi peut ouvrir un atelier s’il le veut. Et vous êtes adultes désormais dans votre foi. Est-ce qu’un enfant peut souhaiter de demeurer toujours un enfant ? N’a-t-il pas plutôt le désir de grandir ? Sans doute que si. Vous êtes adultes, réjouissez-vous ! Et puis, si des fils du pays viennent comme prêtres, cela veut dire que notre Eglise est en train de grandir aussi : remercions-en le Seigneur. Merci encore aux missionnaires comboniens! ».

L’abbé Léon, par décret épiscopal, avait rejoint la communauté d’Aklakou (depuis Togoville où il était curé) déjà le soir de Pâques, le 1er avril, « pour faciliter la transition », ce qui n’avait pas été du goût de tous les confrères intéressés.

Rencontre des provinciaux francophones de 1997

 

Pour une préparation continentale au Chapitre, souhait exprimé à Lima par les provinciaux, ceux des provinces francophones se réunissent à Kinshasa, accompagnés du délégué au Chapitre des provinces respectives, du 19 au 21 février 1997. Notre provincial, accompagné du délégué, est déjà sur place le 14 février. Un premier moment est consacré à la rencontre avec les novices et leurs formateurs. A la rencontre, il est aussi question du Centre médias francophone. Le p. E. Tacchella est là, mais le p. Lino Salvi qui avait été pressenti pour ce travail est malade et bientôt il sera emporté par son mal. Il faut trouver un responsable et la chose se révèle ardue. Le p. Boscaini, après maintes tergiversations, hésitations, laisse entrevoir une petite ‘lumière’ dans sa disponibilité. Il semble se laisser convaincre. Il sera même affecté à la province du Congo pour le Centre mass-médias francophone à partir du 1er janvier 1998 ! Mais ce sera finalement le p. Neno Contran à donner vie au Centre et à la revue Afriquespoir.

Les provinciaux présents interrogent le provincial du Togo sur la possibilité d’ouvrir un postulat-frères interprovincial à Lomé. Ainsi Kisangani fermerait (déjà fermé à cause de la guerre) et les candidats des autres trois provinces viendraient à Cacavéli. Notre secrétariat pour la formation exprimera des réserves, mais le CP accueillera favorablement la proposition. Nous sommes heureux d’être en mesure d’offrir un service qualifié au niveau professionnel à Lomé.

A Kinshasa on réfléchit sur un brouillon de rapport de l’Afrique au Chapitre, élaboré par les provinciaux de langue anglaise à Nairobi, et sur des propositions de thèmes majeurs pour le prochain Chapitre : c’est toujours l’heure de l’Afrique ! Avant de se retrouver avec tous les autres au Mericianum de Desenzano (Brescia) le 24 août, les provinciaux francophones et les délégués se retrouveront pour une mise en commun des questions qui leur sont particulières.

Les frais de formation sont toujours le gros morceau des dépenses générales de la province. La diaria au noviciat augmente et est portée à US $ 7,5 (4mille f cfa environ par jour et par tête). Les novices pour l’année 1997-98 seront 11 (5 en deuxième et 6 en première année).

 

 

Asrama

 

Le 18 juin 1997, le fr. Oscar, le p. C. Besigye et le provincial se mettent en route à la… recherche d’une paroisse dans le diocèse de Kpalimé. Ils s’arrêtaient à Wohala, à quelques 25 km au nord de Notsè. Il y a une chapelle et une école catholique. Le village compte six mille habitants environ. C’est la communauté chrétienne la plus importante après Notsè centre. Etant situé sur la route goudronnée Lomé-Atakpamé, l’endroit est un lieu assez important. Nombreux sont les villages autour. On reprend la route et, par la piste et au milieu d’un paysage très beau et verdoyant, au bout de 35 km les confrères arrivent à Asrama. Il y a une chapelle construite vers les années ’80 et à côté une école catholique avec 500 élèves. Asrama aussi est desservi par les prêtres qui viennent de Notsè. C’est un centre important. On continue la route pour atteindre la paroisse de Tado à 40 km après avoir traversé le Mono et la ville de Tohoun, chef-lieu de la même préfecture.

On commence à penser que la région d’Asrama pourrait être une zone ‘intéressante’ pour les comboniens, presque à mi-chemin entre Tado et Notsè. Là, tout est à faire. Etant enclavée, elle n’a pratiquement pas connu de développement : ce sont de petits villages avec leur petit marché, une petite école, sans plus. Il faut ajouter aussi que les sectes y sont abondantes et sillonnent le territoire sans discontinuer. Elles semblent mêmes virulentes. Pour avoir une idée plus précise : Notsè est le chef-lieu de la préfecture de Haho qui compte 130mille habitants sur une superficie de 2.310 km2. Pour toute la préfecture, il y a la seule paroisse de Notsè.

Le jeudi 26 février 1998, Mgr Seshie, évêque de Kpalimé, visite le provincial pour en savoir plus sur notre arrivée dans son diocèse. Après la passation d’Aklakou et Afagnan au clergé local, nous sommes donc prêts à assumer Asrama. La région est pratiquement abandonnée à tous points de vue, mais surtout du point de vue spirituel ; elle offre ainsi tous les éléments pour une présence missionnaire. C’est pour cela que nous l’avons choisie comme répondant à notre charisme pour y porter l’annonce de la Bonne nouvelle. Parmi les confrères affectés à cette nouvelle mission figure le p. F. Grotto, le doyen de la province avec ses 80 ans. Il s’est lui-même porté candidat pour cette nouvelle aventure : « Oui, je veux recommencer depuis le début ! ».

C’est au mois de septembre que la nouvelle communauté combonienne s’installe à Asrama. Les pionniers sont le fr. L. Giacomelli (économe) et le p. Francisco de Matos Dias (de retour en province après quelques années de service au Portugal) supérieur et curé. C’était comme partir de zéro, donc il fallait tout acheter, le nécessaire pour la cuisine, la toilette, etc. Le 24 novembre c’était le troisième « mousquetaire » qui les rejoignait, p. F. Grotto. L’accueil officiel des comboniens et des  comboniennes dans le diocèse de Kpalimé (dont Asrama fait partie) est fixé au 20 décembre. La concélébration présidée par Mgr Seshie, l’ordinaire du lieu, voyait la présence d’une vingtaine de prêtres diocésains, de la communauté combonienne d’Asrama au complet, du provincial et de l’économe provincial et des sœurs Lucia et Irma. Monseigneur qui n’était pas en très bonne santé, a néanmoins fait preuve de sympathie et d’amitié. Bienvenus donc les comboniens dans le diocèse de Kpalimé. Accueil exprimé par la remise de dons : un tas d’igname, beaucoup de bananes et autres fruits de la terre. Un repas fraternel clôturait la fête.

A Asrama les confrères se sentiront un peu isolés, surtout à cause des 30 kms de mauvaise route qu’il faut parcourir depuis Notsè. Ils se mettent quand même au travail avec ardeur et ils pensent d’abord à la maison. Le p. Sylvain Songho sera affecté à la communauté après son ordination sacerdotale. Bientôt une communauté des comboniennes va les rejoindre.

La fête du Sacré-Cœur 2001 (22 juin) sera célébrée à Asrama : occasion offerte à tous les confrères de connaître la nouvelle mission combonienne, située en pays adja. Ce jour-là toutes les communautés de la province étaient bien représentées, malgré la mauvaise route, le temps maussade du matin et la pluie battante de l’après-midi. L’accueil des deux communautés comboniennes, masculine et féminine, a été chaleureux et fraternel, comme d’ailleurs l’accueil de la communauté chrétienne qui a participé en grand nombre à la messe et qui a voulu nous offrir un bon repas traditionnel. Le provincial a béni la maison, même si le bâtisseur, le fr. Giacomelli était absent (à Vérone pour opération aux deux genoux). Alors que la matinée s’était bien passée, la participation dans l’après-midi a été faible et très peu constructive. Ainsi nous avons raté le discernement communautaire sur l’élection du nouveau provincial.

 

 

Chronique 1997

 

Au mois de février démarrent les travaux d’agrandissement du postulat d’Adidogomé, sous l’œil vigilant de fr. O. da Cunha. Aussitôt après Pâques, on avait coulé la dalle de l’étage, une surface de 300m2. On pense aussi à la chapelle. Tout sera prêt pour la rentrée 1997-98. Le nombre des postulants augmente. Les travaux ont pu être effectués grâce à une subvention substantielle de Missio et la collaboration de la province d’Espagne, par l’intermédiaire de p. A. Arbor, économe provincial.

Le CP se réunit les 4-5 mars. Il revient sur l’assemblée provinciale du 4-7 février pour en donner une appréciation globale positive. Mais trop de confrères étaient absents : une dizaine, chose qui ne se voyait pas depuis. La participation aux rencontres dites ‘provinciales’ est obligatoire ! Tous les confrères sont invités à faire de la pastorale du mariage une priorité pour les années à venir et à investir dans le domaine des jeunes et du mariage.

Après le départ d’Afagnan de p. Elio (mi-avril), le p. R. Andrade est nommé curé et supérieur. Le p. J. da Ascensão sera affecté à sa province d’origine (1er juillet). Le p. F. Mazzata est nommé vicaire à Adidogome et le p. B. Gilli curé et supérieur à Tabligbo. Le fr. Simon Tsoklo est affecté au Centre pour les confrères malades à la maison mère de Vérone. Un fils du Togo s’occupera de ces missionnaires malades ou âgés qui pour l’Afrique ont consommé leur existence. Le scolastique de la RCA, Sylvain Songho, fera son expérience de deux ans dans la communauté d’Adidogomé paroisse. Le novice prêtre don Tarcisio Marin ira en expérience de 5 mois dans la communauté d’Afagnan. Le p. Radaelli a demandé l’incardination dans son diocèse de Cremona, chose faite le 9 novembre 1997. Le p. José Luis Almanza quitte l’institut. Le 5 décembre le p. A. Ndula rentre au Congo. Le p. M. Merino entre en rotation pour la NAP.

Le 15 août 1997 le St Theresa Centre pour handicapés d’Abor passe aux mains des Guanelliani. Son ancien directeur, p. Confalonieri, est en congé. Le 31 août c’est la paroisse Holy Cross de Sogakopé (confiée aux comboniens en 1979) qui passe au clergé local. La communauté combonienne se déplace dans la partie nord de la dite paroisse, appelée The Risen Christ Parish d’Adidomé. Pendant les années de leur présence à Sogakopé, les confrères ont fait un travail assez important. Nous avons bâti non seulement des écoles et des chapelles, mais aussi des communautés chrétiennes. C’est un nouveau commencement.

Se tient à Rome au mois de septembre, le XVè Chapitre général. Notre délégué est le p. Aurelio Boscaini qui avait été appelé à faire partie de la commission préparatoire. Un plus grand partage a été accepté par les provinces qui ont moins de candidats, pour soutenir financièrement celle, comme la nôtre, qui en ont beaucoup.

Le 10 octobre 1997, trois Sœurs Missionnaires Comboniennes débarquent à Lomé. Il s’agit des sœurs Lucia Giacomelli, Josefina Calle et Irma. Début décembre se joindra aux trois premières sr. Anna Brunelli. Elles viennent de la RDC. Du 10 au 22 mai, deux comboniennes de la province du Zaïre étaient venues prospecter le terrain pour une possible ouverture au Togo. Après un temps chez nous à Cacavéli, les nouvelles venues trouvent une maison en location non loin de l’église d’Adidogomé, où elles se sont installées. Ainsi le premier ‘contingent’ est au complet. Il ne reste qu’à acheter un terrain pour y bâtir une maison et à commencer les activités. C’est l’aventure togolaise des comboniennes qui commence. Elles avaient été annoncées depuis des années ! Nous leur donnons la bienvenue et les assurons de notre collaboration dans l’esprit du Chapitre.

Le CG décide de garder une présence à Issy et de procéder à la recherche d’une entreprise qui construira sur notre terrain un immeuble pour nous (douze chambres). Le même CG exprime des doutes sur le postulat interprovincial pour frères à Lomé : est-ce que Lomé offrirait des garanties professionnelles et de formation ? Les provinciaux en discuteront dans leur rencontre du mois de février. A la fin de 1997, le CG pense que l’heure n’est pas encore arrivée pour un noviciat dans notre province. « Les difficultés avec le Congo devraient être vite dépassées. Même les questions économiques ne sont pas absolues, quoi que lourdes. Une nouvelle ouverture impliquerait du personnel nouveau qui, à l’heure actuelle, n’est pas facile à trouver. En outre, le groupe du Congo risquerait de s’amoindrir de trop. Les formateurs du noviciat ont en effet, une bonne impression des novices togolais pour ce qui concerne la vie communautaire et apostolique ».

 

 

L’Afrique à Westminster

 

Le samedi 7 février 1998 le p. Boscaini, avant de nous revenir, est témoin à Londres, dans la cathédrale à Westminster, d’un événement exceptionnel pour l’Eglise qui est en Angleterre : l’ordination diaconale par le card. Basil Hume de 14 jeunes missionnaires de différentes familles religieuses, dont 11 d’origine africaine. Tous étudiants au Missionary Institute of London (MIL), dont le président est notre confrère p. Danilo Castello. Parmi les diacres il y a 4 comboniens, dont deux originaires de notre province : Casimir Odjo et Shane Degblor. Celui qui écrit était ‘distrait’ par la beauté bariolée des robes, des pagnes et des toilettes et costumes africains portés par les centaines d’africains qui en majorité remplissaient la nef de l’église.

(J’ai cru un moment de me retrouver en Afrique et certainement les voûtes de la cathédrale de Westminster n’avaient jamais accueilli un événement si haut en couleurs africaines, alors qu’accompagnés du rythme des tam-tam huit danseurs, garçons et filles, africains et européens, avançaient du fond de la cathédrale suivis d’autres qui amenaient les offrandes – avec les drapeaux nationaux des pays des diacres - vers l’autel pour l’offertoire, soutenus par une assemblée qui chantait un chant swahili du Kenya Utukuzwe, Utukuzwe Baba Mwumba vimwengu, alleluia. Je me rappelais que quelque chose de semblable s’était passé dans la basilique de St Pierre à Rome, sous la coupole de Michel-Ange, à l’occasion de l’eucharistie d’ouverture du synode pour l’Afrique. Cet événement londonien me disait que l’avenir de la mission appartenait désormais aux fils du continent.)

A son retour, le p. Boscaini est affecté à la communauté de Tabligbo, où le p. J. Tasiame venait de passer quelques mois en donnant un coup de main au p. B. Gilli après le départ du p. Ndula.

 

 

Assemblée provinciale 1998

 

Du 16 au 19 février se tient l’assemblée provinciale consacrée à l’étude des Actes du XVè Chapitre général. Un questionnaire avait été préparé, de nature à nous aider dans la préparation et dans le partage préalable, en communauté. C’est le p. Boscaini qui nous a présenté les Actes du Chapitre. Et un bon moment a été consacré à JPIC, en répondant à la question : quelles situations de Nigritia peux-tu dénombrer dans le milieu où tu travailles ? Des choses intéressantes ont été dites. Il faut insister sur le suivi à donner surtout à la partie concernant Justice et paix ; chaque confrère et chaque communauté doivent en faire une priorité et chercher les moyens de collaboration pour qu’une plus grande attention soit accordée à ces valeurs, au niveau soit paroissial soit diocésain et même national. Après l’assemblée un Manuel pour promoteurs de justice et paix et intégrité de la création (Rome 1997) est distribué en un exemplaire par communauté. On souhaite que ce manuel soit objet de réflexion au niveau des communautés.

Le CP qui suivra crée un secrétariat pour l’AM composé des pères Boscaini, secrétaire, D. Benedetti, F. Machado, R. Novati et fr. Bien-Aimé N’Kuagata. Il faut faire avancer les choses et faire bouger la province. Il nous est annoncé que les deux frères J. Afanvi et C. Gaba, après le CIF à Nairobi, reviendront à Lomé au cours de l’été 1998, en vue de parfaire leur formation professionnelle, avant d’être affectés à une province.

 

 

Afriquespoir

 

Du 20 au 28 février 1998 se tient à Lomé la rencontre des provinciaux francophones. Etaient présents les pères Cadei, J. Aguirre (nouvellement nommé évêque de Bangassou en Centrafrique) et L. Gusmeroli (Centrafrique), Kike Rosich (Tchad), F. Zolli (Congo). Le vicaire général, p. V. Milani, est présent aussi.

Les provinciaux se sont accordés pour insister sur une plus grande attention au discerne­ment des vocations des candidats. Etant donné la garantie de trouver différents cours de qualité, on a été d’avis d’établir à Lomé un postulat interprovincial de frères. Les provinciaux se penchent sur d’autres sujets. Pour le postulat interprovincial, on demande aux candidats le BAC 1 et un âge inférieur à 24 ans. Lomé offre les possibilités concrètes d’étude, à savoir : architecture, secrétariat, assistant social, administration, informatique, journalisme… Les dépenses par postulant et par an dépasseront le million et demi de f cfa. Pour remplacer le fr. Oscar da Cunha, les provinciaux proposent le fr. J. K. Anku.

Un de principaux objectifs de la rencontre était la création du Centre francophone mass-médias et la naissance d’une revue combonienne de langue française. C’est le 24 et 25 février que l’on parle du CAE (Centre Afriquespoir). Ce Centre est la réalisation des motions des assemblées de Nairobi (1981), de Kinshasa (1984), de Lomé (1987), de Lima (1996) et de la décision du Chapitre de 1985. A la rencontre sont présents les provinciaux, ainsi que les pères Tacchella, N. Contran et Boscaini, les sœurs comboniennes A. Gianotti (Centrafrique), M. L. Mattarazzo et Betty Imperial (RDC). On souligne la nature interprovinciale de cette initiative d’animation et la participation à part entière au CAE des comboniennes. C’est le p. Fernando Zolli qui a été nommé président du conseil du Centre, le p. E. Tacchella responsable et chargé de l’administration et de la diffusion, le p. Neno Contran directeur de la revue et sr Betty Imperial membre de la rédaction et préposée à la diffusion.

Le Centre publiera la revue Afriquespoir (baptisée pendant la rencontre), qui aura comme sous-titre : L’Eglise du continent ouverte au monde. Le titre exprime d’un côté la nécessité de mettre en relief les valeurs et les signes d’espérance présents dans la réalité africaine et de l’autre l’engagement de toute personne de bonne volonté à devenir, dans le concret, bâtisseur d’espérance pour le Règne de Dieu. Le sous-titre souligne, en outre, l’obligation de l’Eglise en Afrique d’être missionnaire sur son propre continent et d’être enfin en esprit de communion et de collaboration. Le premier numéro de la revue (trimestrielle) paraîtra avant Pâques et son tirage sera de 5-6mille exemplaires. Elle aura comme caractéristique celle d’être ecclésiale, libératrice, combonienne, ouverte à la promotion des vocations. Pour la maison du CAE, le CG donne 30mille US $.

Le Togo recevra 700 exemplaires de la revue, mais déjà pour le n° 3 nous en recevrons 1.200. Un abonnement gratuit sera donné à toutes les paroisses et instituts religieux du Togo. Pour le Bénin on peut envisager quelque chose de pareil. On pense même à diffuser la revue en Côte d’Ivoire… Le premier numéro arrive déjà avant fin mars. Il sera vendu à 300 f cfa comme prix promotionnel, mais le prix que l’économat attribue aux communautés est de 500 f cfa l’unité. La différence est à la charge de chaque communauté. 

Le problème de la diffusion reste le problème de toute publication. C’est ainsi que nous allons demander l’aide des curés, surtout en ville, comme à Lomé, afin qu’ils nous donnent un coup de main pour une large diffusion de la revue, afin qu’elle ne reste pas là dans un coin, oubliée… Des postulants passeront dans les paroisses pour la proposer aux fidèles.

Quant au noviciat, paraît le nom du p. T. Hounaké comme socius. Le siège sera à Kimwenza ou à Agambé, mais il demande des travaux d’aménagement et d’agrandissement.

 

 

P. Peppino Basso nous quitte

 

Le 7 mars c’est le p. Peppino Basso qui nous quitte. Il s’en est allé comme ça, sur la pointe des pieds et sans déranger, selon son style. Sa mort a été une surprise pour nous tous, même pour ces confrères qui lui étaient proches et qui savaient qu’il souffrait de tension artérielle et de diabète. Peppino tenait à sa santé et donc il se soignait, mais il avait fini par se convaincre qu’après les 60 ans, le surplus était tout donné (ses parents en effet, n’avaient pas vécu plus longtemps et lui, en fils obéissant, voulait en suivre l’exemple !).

Peppino (Giuseppe) Basso était entré chez les comboniens à Crema (Italie), alors qu’il avait presque 21 ans, au ‘séminaire pour les vocations adultes’. Après le lycée à Carraia, il était passé au noviciat à Florence au moment où le p. Stefano Patroni allait tomber malade et succomber. Son remplaçant ce sera p. Pietro Rossi. Après sa profession, il poursuivit les études de théologie à Venegono (1965-69) et était ordonné prêtre dans sa 32ème année, en 1969, par le card. Giovanni Colombo, archevêque de Milan, dans l’église St Ambroise. Il passera quelque temps comme formateur dans la maison de formation de Pesaro. Mais la crise des petits séminaires en Italie était déjà une réalité et Peppino sera très heureux de partir pour la mission. Il arrive en province le 6 août 1973. Il aura, à cause de son âge, quelques difficultés à apprendre la langue des éwé considérée particulièrement dure au « palais » européen. Mais cela ne l’empêchera guère de prendre en affection le peuple du sud Togo et de se faire aimer.

Tout d’abord il fut vicaire à Kodjoviakopé. Après deux ans, il fut affecté à Togoville avec le p. Grotto et il y resta deux ans, jusqu’en 1977, en étant choisi aussi comme économe de la délégation dès que c’était un homme précis et parcimonieux. Après son premier congé en Italie, il revient pour aller travailler au Bénin. A Lobogo dans le diocèse de Lokossa il y a déjà une communauté combonienne. P. Peppino, lui - nous sommes en avril 1978 - s’installera à Bopa, située sur les bords du lac Axé, en donnant ainsi vie à la deuxième communauté combonienne au Bénin. Les confrères qui travaillent au Togo ne sont pas loin: juste au-delà de la frontière, marquée par le fleuve Mono. De Bopa, Peppino s’éloignait fort peu (et non seulement à cause des routes impraticables) et seulement pour participer aux réunions du clergé diocésain, qui se tenaient d’habitude à Lokossa chez l’évêque, et des confrères auxquelles il était assidu.

Bopa restera dans son cœur, soit pour le caractère affable des gens soit parce qu’il avait pu y vivre en missionnaire tel qu’il le souhaitait. Les gens se souviennent de lui traversant les routes du village, avec son typique béret, en mobylette, à laquelle il tenait beaucoup, à pied ou alors en voiture. Volontiers et en plaisantant, il se faisait appeler l’ « évêque du lac », plaisanterie que Mgr Sastre acceptait les yeux souriants. Peppino connaissait les difficultés de la vie, mais il a toujours su les affronter avec courage et joie en regardant en avant et en mettant sa foi en Dieu. N’oublions pas, en effet, que les années de Peppino à Bopa étaient celles du Bénin marxiste-léniniste !

Il resta à Bopa jusqu’en 1982. Il partit en congé et suivit à Rome le cours d’aggiornamento. Il revient, mais l’année suivante (1984) il est rappelé en Italie pour un service d’AM. Le moment était arrivé pour lui aussi de raconter dans son pays les merveilles que l’Esprit de Dieu suscite dans les communautés d’Afrique. Il fut affecté à Messina, en sillonnant pendant 5 ans les paroisses de Sicile pour animer missionnairement les communautés chrétiennes et leur demander d’être solidaires avec les frères les plus pauvres d’Afrique. Peppino avait le don de toucher le cœur de ses compatriotes qui répondaient toujours avec générosité à ses appels d’aide.

Après cette parenthèse italienne, Peppino revient au Togo en 1989 : il est nommé curé et supérieur à Kouvé qui est le village de M. Agboyibo, un des chefs de l’opposition démocratique, et Peppino trouvera de quoi s’amuser pendant les moments chauds de la démocratisation… Il connaissait déjà Kouvé pour y avoir travaillé après Bopa, alors que Kouvé comprenait aussi le territoire de l’actuelle paroisse de Tabligbo. Son œuvre pastorale s’accompagnera d’une attention particulière aux plus pauvres, aux malades mentaux en particulier. Les Sœurs de la Providence, qui à Kouvé ont leur CMS, ont été l’instrument privilégié pour réaliser cet amour particulier de Peppino pour les pauvres.

Quand déjà les comboniens avaient commencé à penser de passer Kouvé au clergé local, Peppino fut appelé à Adidogomé (1994) où il sera curé jusqu’à sa mort. Des chrétiens avaient pu alors retenir l’impression que Peppino était un homme sévère. Mais ceux qui ont poussé leur regard un peu au-delà ont découvert en lui un cœur très sensible et généreux. Pour sa part, il éprouva de la nostalgie pour Kouvé, mais vite oubliée par l’accueil que les gens d’Adidogomé lui ont réservé. Dès son arrivée à Adidogomé, il s’était mis à sillonner les quartiers et avait recensé les malades et les paralysés : il les avait même rassemblés à la paroisse pour leur signifier son attention.

Il prétendait que les chrétiens soient actifs et responsables, capables de se prendre en charge. Il ne craignait donc pas de faire part à la communauté du budget de la paroisse, dont il avait relevé la situation économique. Il était heureux d’avoir réalisé le presbytère qu’il appelait, en blaguant, « la maison blanche ». Et c’est là que notre sœur la mort est venue nous le ravir, 4 jours seulement après avoir célébré avec les postulants, les confrères et quelques hôtes véronais du P. F. Gilli, son 61ème anniversaire.

Peppino nous laisse le souvenir d’un missionnaire heureux. Ses boutades (« la santé va très bien, donc si je dois mourir, je vais mourir sain ! » ; « je m’excuse si cette lettre est longue : soixante ans se font une seule fois. Pour les cent, je serai certainement plus bref ! ») étaient très connues et en manifestaient le cœur heureux. Il savait amuser par ses écrits les nombreux amis qui l’aidaient. Peut-être son style appartenait-il plus à l’époque passée qu’à l’aile ‘progressiste’ de la mission. Cependant les gens - qui sont nos clients et ont toujours raison - ont su cueillir en Peppino le cœur doux qui battait en lui sous des apparences parfois rudes.

Ses funérailles, le vendredi 13 mars, ont été un triomphe à la manière togolaise. Dans l’église qui avait été la sienne en tant que curé, les gens ont veillé autour de sas dépouille toute la nuit avant son enterrement. Plusieurs religieux et religieuses ont participé à cette même veillée ainsi que deux évêques. Les sœurs de la Providence (de Kouvé) et les comboniennes ont été particulièrement proches. Signe de l’amitié qui les liait au p. Peppino.

Sous prétexte que l’on célébrait en même temps les funérailles de Mgr André Anaté, doyen en âge des prêtres de la région (il avait 99ans), le rite de sépulture en l’église d’Amoutivé a vu la présence de divers évêques togolais et béninois. Le président de la république du Togo a voulu aussi être présent avec plusieurs personnalités du gouvernement. « Et que la terre te soit légère », Peppino!, comme disent les gens ici. Maintenant il repose, dans l’attente de la bienheureuse résurrection, au cimetière de la plage à Lomé, là où sont enterrés aussi les premiers  missionnaires décédés dans ce coin de l’Afrique.

 

 

Afagnan passe au clergé local

 

Le dimanche 9 août 1998, c’est le tour d’Afagnan de passer dans les mains du clergé diocésain. Après Aklakou, c’est la deuxième passation en l’espace de deux mois. Et ce ne sera pas fini, car à Akoumapé la communauté de Vogan projette de construire un presbytère où elle va bientôt déménager. La cérémonie de la remise d’Afagnan a été comme celle d’Aklakou : messe pontificale présidée par l’évêque d’Aného, avec présence des confrères, d’un prêtre diocésain et d’une communauté chrétienne… pas trop nombreuse : on aurait souhaité qu’après 34 ans de présence combonienne, les gens se manifestent plus, même les non chrétiens… car ce n’est pas seulement la communauté chrétienne qui a bénéficié de notre présence. Où c’était une manière des gens d’exprimer leur…mécontentement ? Car finalement il faut reconnaître qu’à ces passations les gens ont opposé une résistance, bien que muette.

Après l’homélie, l’évêque signait le document (inventaire) descriptif de la situation morale et économique de la paroisse (Centre d’apprentissage, plus stations secondaires et villages), puis il le recevait des mains du provincial pour le remettre entre les mains de l’abbé Christophe Vossah-Attiogbé, curé d’Attitogon et représentant du clergé diocésain. « Dès ce jour - disait l’évêque - Afagnan est confiée aux prêtres diocésains qui se doivent de continuer le travail d’évangélisation de leurs devanciers… Quant aux missionnaires comboniens, même s’ils partent, en fait, ils laissent quelque chose d’eux-mêmes, en plus du travail accompli, confiée à la terre togolaise... ». L’ordinaire du lieu, par ces mots, entendait évoquer la figure de feu fr. Santi, dont le tombeau est là, à côté du centre qu’il avait fondé (et que deux ans après rouvrira les portes). Il y restera, signe indélébile de présence et de collaboration. Un repas d’amitié a couronné la fête. Le p. R. Andrade a été le dernier curé  combonien d’Afagnan.

Le Centre Emmaüs reste sous la direction du p. Gambin (p. Luigi est en année sabbatique et ne reviendra qu’en septembre 2000 ; c’est le p. Andrade qui assure l’interim), jusqu’au moment où il sera, lui aussi, passé au diocèse, dès que l’abbé Godfroy Kouégan-Abbey sera de retour de ses études en Italie. Malgré certaines nostalgies, la cession des paroisses dit que nous avons atteint le but de la mission.

A remarquer que le CG, à l’occasion de ces passations, nous rappelle que notre présence est liée à l’évangélisation, mais aussi à l’AM, la PV, la formation. « En outre, que l’on soit vigilant pour ne pas trop déchirer la province soit du point de vue des distances, que des langues, etc. », nous rappelle le CG.

 

 

Chronique 1998

 

Cette année, la première profession religieuse de 5 novices se fait à Cacavéli, le 16 mai. Pour l’année 1998-99 nous avons 12 novices en première année, 6 en deuxième. Les nouveaux postulants seront, candidats prêtres et frères ensemble, 18, un nombre que le provincial défini ‘élevé’, tout en invitant les confrères à accueillir avec confiance le discernement accompli. En y ajoutant les anciens, les postulants atteignent le nombre de 34 ! Aux CIF et scolasticats les étudiants sont 14.

Le 31 mai, le fr. Negrin fête ses 50 ans de vœux perpétuels. Après le p. Grotto, il est le plus âgé du groupe dans la province. Mais toujours à la tâche, malgré ses quelques by pass (pile au cœur). Il est en train de terminer la plus grande église du diocèse d’Aného, celle de Tabligbo, car elle a une superficie de 1.700 m2 environ. « Quand je l’aurai terminée - dit-il - je pourrai alors prendre ma retraite ».

1998 est aussi l’année de 40 ans d’ordination des pères A. Confalonieri (31.5.1958) et R. Novati (4.3.1958). Pour les deux jubilaires, une petite fête avait été organisée et célébrée le 21 décembre 1998, à Sogakopé, avec présence de tous les confrères qui sont au Ghana, plus le provincial et le p. Boscaini. Ad multos annos !

Au mois d’août, la paroisse d’Abor se prépare à recevoir trois autres LMC qui vont s’ajouter aux deux déjà présents. Cela fera donc 5 laïcs, tous de la NAP. Mais les conditions devraient être claires en vue d’éviter des expériences négatives comme cela a déjà été le cas ailleurs. Pour des raisons personnelles, un des nouveaux ne fera pas les deux mois. Pour l’assemblée des LMC à Mellatz (Allemagne), prévue au mois de décembre, c’est le p. A. Dasilva qui participera : il sera accompagné par M. Nelsen, le mari du couple arrivé à Abor en 1997 et qui représente les LMC du Tchad, Togo et de la Centrafrique.

Le 15 août, l’église paroissiale de Tabligbo sert de cadre à la profession perpétuelle de sr Pierrette Agonou des Sœurs de la providence, une enfant de la paroisse, originaire de Tokpli. Une cérémonie émouvante et touchante comme seulement nos sœurs en sont capables.

Le 29 août 1998, Abel Komi Guéli est ordonné prêtre avec d’autres diacres du diocèse dans la cathédrale d’Aného par les mains de Mgr Dossavi. Le lendemain il célébrera sa messe de prémices à Vogan, sa paroisse natale. Il a fait son scolasticat à Issy, où il a obtenu une licence en théologie. Il avait été ordonné diacre à St Bruno d’Issy par Mgr François Favreau, évêque de Nanterre, le diocèse qui avait accueilli le scolasticat d’Issy. Il sera missionnaire au Tchad.

Le 12 septembre 1998, est ordonné prêtre dans l’église paroissiale de Kodjoviakopé le diacre Casimir Odjo Obafemi. Ses origines sont yoruba du Bénin (son prénom le dit) de la part de papa et mina d’Aného de la part de maman. Il est le 5è de 12 enfants. En 1993, après son noviciat à Isiro, il part pour le scolasticat à Elstree (Angleterre), où il fait ses études de théologie avec licence en théologie pastorale, B.A. de la Middlesex University et un STB de l’université catholique de Louvain (Belgique). Il restera en province comme responsable de la promotion vocationnelle et du CAM de Cacavéli.

Le 17 octobre le troisième prêtre combonien de l’année de la province est ordonné dans la paroisse d’Adidomé par les mains de Mgr Adanuty. Il s’agit de Shane Kwaku Mensah Degblor. Lui aussi vient du scolasticat d’Elstree avec son diplôme B.A. de la Middlesex University de Londres et le STB de l’université de Louvain. Le lendemain il célèbre sa messe de prémices à Abor, sa paroisse d’origine. Il sera missionnaire en Centrafrique.

Le CP du mois de mai s’était  penché sur les affectations à l’intérieur de la province. Le p. D. Benedetti passera d’Aklakou à Tabligbo, p. C. Besigye d’Aklakou à Adidogomé, les pères F.Grotto, F. de Matos Dias et fr. L. Giacomelli à Asrama, p. M. Madrazo d’Afagnan à Vogan, les pères Boscaini et Gambin et fr. A. Cedeno à Tabligbo, p. N. Rangu à Toffo, p. C. Odjo à Cacavéli, fr. Anku au postulat-frères, les frères C. Gaba et J. Afanvi au postulat-frères pour perfectionnement professionnel.

Au mois d’octobre, le CP procède aux nominations : p. R. Andrade est affecté à Toffo comme vicaire (le p. Cremaschi fera une année sabbatique); p. Boscaini est nommé supérieur à Tabligbo et p. D . Benedetti économe ; fr. Giacomelli économe d’Asrama ; fr J. Anku, formateur et économe du postulat-frères. Le fr. C.Tsomafo est affecté à la communauté d’Adidomé à partir du 28 décembre 1998.

 

 

Programmation 1998-2003

 

En vue de la rédaction de la programmation comme suivi du Chapitre et telle que le CG nous la demande, le CP décide que chaque secrétariat organise une rencontre pour bien étudier le secteur qui le concerne à partir de Guida all’attuazione del XV Capitolo. Au mois d’octobre le résultat du travail sera présenté par les secrétaires au CP, qui rédigera un brouillon de programmation, envoyé à toutes les communautés pour servir d’instrumentum laboris de l’assemblée provinciale 1999, qui se tient à Cacavéli du 22 au 25 février. Elle est consacrée justement à la programmation sexennale (1998-2003) comme notre réponse au XVè Chapitre Général et sera point de référence pour notre vie et notre action missionnaire.

Avant de paraître, le plan sexennal prendra du temps, mais au-delà des belles idées, les orientations opérationnelles sont concrétisées. On planifie notre présence dans les capitales des trois pays où nous travaillons. A Lomé-Adidogomé il faudra y investir plus d’énergie et de temps, dès que le territoire est en pleine expansion urbaine. A Cotonou il faudra un combonien à plein temps pour l’AM et un autre pour la PV. Le travail est énorme : contacts avec le clergé diocésain, les paroisses, les écoles et les jeunes. Sans compter la diffusion d’ Afriquespoir.

Nous envisageons la même ‘stratégie’ pour Accra, capitale du Ghana en plein essor. Y investir c’est une chance et promesse d’avenir. Cela requiert la présence d’une communauté combonienne pour l’AM, la PV, la diffusion de New People, les contacts avec le clergé, les paroisses, etc. En octobre 1999 une communauté combonienne s’établira à Accra. Il est prévu aussi une présence pastorale par la prise en charge d’une paroisse, de préférence dans la banlieue. Mais une présence significative dans les trois capitales requiert plus de personnel. On s’oriente à passer Vogan au clergé diocésain (ce sera chose faite en 2000) et à déplacer notre présence à Akoumapé. Abor (Ghana) passera au clergé local aussi (2003).

On formera un réseau d’amis des comboniens. Dans chaque paroisse doit être formée la commission JPIC. Nous nous donnons l’année 2003 pour démarrer le fonds commun. Avec janvier 2001 le taux de 20% sur toute offrande au fonds provincial passera à 25%. Le p. A. Dasilva est le confrère prévu pour une formation en économie en vue de remplacer le p. A. Arbor à l’économat provincial. Le Directoire provincial sera mis à jour en tenant compte de cette programmation…

Pendant l’assemblée de 1999, le consensus a été presque total sur chacun des thèmes proposés. Plus de difficulté a trouvé la partie concernant l’économie. On le sait, quand on touche aux poches, chacun a ses réactions. Cependant, même à ce niveau, de la bonne volonté de changement vers le fonds commun s’est manifestée. Nous ne voulons pas brûler les étapes, même si la date du 1 janvier 2003 est retenue. Mieux vaut aller par conscientisation que par imposition. En même temps nous savons que parfois une certaine imposition à soi-même s’avère nécessaire. Comme à dire que, si l’on ne se fait pas violence, les changements souhaités ne se produiront pas.

Conseil provincial 1999-2001

 

A la fin de l’année 1998, le provincial reconduit, p. Cadei, remercie les conseillers sortant, tout en recommandant aux nouveaux, choisis par zone selon la tradition (un pour chacun des trois pays qui forment la province, plus un représentant des frères), de s’engager plus selon la programmation qu’on est en train de préparer. Les conseillers doivent s’impliquer plus dans le dialogue avec les confrères et dans leur animation. Et dès que nous nous préparons au grand jubilé de l’an 2000 et le Pape invite l’Eglise à une demande de pardon des péchés passés et présents de ses fils, nous les missionnaires nous pourrions, en l’occurrence, demander pardon pour nos péchés dans le domaine qui est le nôtre, celui de la mission et de l’évangélisation, pour n’avoir pas su le faire avec zèle et l’audace qui nous étaient demandés

L’année 1999 voit donc un nouveau CP se mettre en place. Le p. S. Cadei continue son service comme provincial et aura comme conseillers (avaient droit de vote 53 confrères et 41 ont voté) les pères A. Dasilva, R. Ezama et E. Ziliani et le fr. J. Anku. Pour cette élection on avait prévu un partage au niveau de toute la province, un temps fort de discernement personnel et communautaire au niveau provincial, vécu dans un climat de réflexion et de prière, de dialogue franc et serein selon l’esprit de notre RdV et les indications des derniers Chapitres. Ce qui a été fait à l’occasion de la fête du Sacré-Cœur à Cacavéli, anticipé du 19 au 12 juin 1998 à cause des élections présidentielles au Togo.

Le Général avait envoyé une lettre aux supérieurs provinciaux en vue de la nomination du provincial et des conseillers. Nous y lisons : « Il ne sera peut-être pas inutile de vous rappeler le rôle important des supérieurs provinciaux qui seront élus, en ce qui concerne l’application du XVè Chapitre général et dans le gouvernement de la province. Dans l’exercice du service comme supérieur provincial sera fondamentale la vision de foi et l’identification avec le service missionnaire, la capacité de rapports personnels, la capacité à travailler en équipe et à animer toute la communauté provinciale en ce qui concerne la vie communautaire et le service missionnaire ». Quant aux conseillers provinciaux : « Dans le choix des conseillers provinciaux et de délégation, il est extrêmement important de souligner leur contribution essentielle dans le discernement et dans le gouvernement de la province. La capacité d’écoute et de dialogue avec les confrères, ainsi qu’à coordonner et à représenter les différents secteurs de la vie de la province est essentielle en vue de l’exercice de leur service en tant que conseillers ».

Dans sa première rencontre, le CP élit comme vice provincial p. E. Ziliani. Quant aux attributions des conseillers dans les secrétariats, le p . Dasilva s’occupera des vocations et formation de base, le p. Ziliani de la formation permanente, le p. Ezama de l’évangélisation et le fr. Anku de l’économie.

Une lettre de l’économe général, en date du 25.12.1998, a été envoyée à chaque communauté. Elle doit nous aider dans le domaine de l’économie, toujours dans le cadre de notre programmation et des décisions à prendre. A remarquer l’insistance de la lettre sur l’autosuffisance, en rappelant la RdV, 60.2 : « A l’exemple de Comboni, le missionnaire est convaincu que les peuples et les Eglises parmi lesquelles il travaille se développeront jusqu’à devenir autosuffisants ». C’est un rappel à réaliser des œuvres proportionnées aux possibilités des Eglise locales, auxquelles elles seront remises. Et le p. Guarda de rappeler que « l’activité évangélisatrice de l’institut a atteint pleinement son achèvement quand la communauté chrétienne se suffit à elle-même, c’est-à-dire possède ses ministres, pourvoit à ses propres nécessités et prend part à la diffusion de l’Evangile » (RdV, 70).

Mais il est sous les yeux de tout le monde que les choses ne sont pas si faciles : « Implantée du dehors sur des modèles d’Eglise élaborés par et pour des sociétés données, nées dans un contexte socioculturel appauvri, les Eglises d’Afrique sont structurées dans une dépendance totale de l’extérieur, sur le plan théologique, pastoral, liturgique, financier, etc., et cela plus de cent ans après l’évangélisation de certaines régions ». C’est l’abbé béninois Efoé-Julien Pénoukou qui parle. Et il continue : « A ce propos, et à l’instar des Etats africains, les Eglises d’Afrique sont placées en permanence sous perfusion financière. Les projets se conçoivent et se réalisent à partir des possibilités d’aide extérieure ; même des honoraires de messe viennent des Eglise nanties… De nombreux organismes d’aide sont nés, se développent et se concurrencent, en dehors desquels il n’y a point de salut (matériel) pour la gestion de nos diocèses, le fonctionnement de nos institutions, la garantie de nos moyens pastoraux, la survie de nos séminaires, de nos facultés de théologie, de nos divers centres de formation… Cette dépendance structurelle est finalement anti-ecclésiale. Elle porte atteinte à l’identité même de l’Eglise et à sa finalité de signe et sacrement de salut. Elle pose du coup la question de la crédibilité de l’Eglise en Afrique ».

 

 

Malentendu avec Mgr Dossavi

 

Le 19 avril 1999, le provincial rencontre Mgr Dossavi, évêque d’Aného, à l’évêché même. Depuis un certain temps, il y a un malentendu qui perdure entre les confrères et l’ordinaire du lieu. Objet du contentieux : l’argent. L’évêque demande 200 f cfa sur les messes ordinaires et 500 sur celles de 3mille f cfa et plus. Pour l’évêque, c’est une manière de collaborer avec le diocèse qui veut constituer un fonds en vue de payer les cotisations pour l’assurance maladie des prêtres. Il faut être solidaires avec le clergé local. Mais, selon les confrères, l’évêque oublie que nous avons notre assurance maladie à payer, étant liés au fonds maladie de l’économat général. Mais l’évêque veut que les comboniens jouent son jeu ! Il accueille bien le texte de la convention que le provincial lui propose. Quelle contribution aux missionnaires ? Le diocèse n’a pas de caisse particulière, étant jeune. Mais dès que cela existera, les missionnaires recevront ce que les diocésains percevront : même régime. En attendant, il faut patienter. Il accepte que Vogan passe au clergé local entre mai et juin 2000. Mais il reste l’église à construire : il voudrait que les comboniens collaborent au projet. Pour Tabligbo, aucune urgence. Le Centre Emmaüs passera au diocèse, dès que l’abbé Godfroy sera de retour des études en Italie. Le p. Gambin sera proposé au niveau du bureau national pour la catéchèse. L’évêque se plaint que parfois nous « boudons » certaines initiatives diocésaines (pèlerinages et autres). Il aimerait plus de participation de notre part.

Dans une lettre adressée au p. Général qui demandait l’avis sur la mission des confrères aux évêques avec qui nous travaillons (et cela en vue du Chapitre général de 1997), Mgr Dossavi fait l’éloge des comboniens de son diocèse dont « les réalisation les plus spectaculaires constituent la construction de belles églises, de chapelles et des presbytères modernes ». Et l’évêque de continuer : « Il faut reconnaître que toute œuvre humaine est perfectible. Les paroisses laissées aux prêtres autochtones ne sont pas dotées et ceux qui y sont affectés s’essoufflent assez rapide­ment, malgré le dépôt d’argent que l’on veille à y laisser. Les communautés ne sont pas préparées à prendre en charge leurs propres Eglises ; ils en arrivent parfois à se révolter quand on leur parle de quête, de denier du culte ou d’autres sacrifices de ce genre ; les missionnaires arrivent à joindre les deux bouts grâce aux apports extérieurs ». L’évêque voudrait que les relations avec les comboniens dépassent le stade « des bonnes relations pour se concrétiser par un partage fraternel ». Et de conclure, par « le vœu que l’embryon du centre catéchétique se développe et pousse à l’allure d’un centre catéchétique à la dimension de ceux que l’on voit ailleurs : construction adaptée à une œuvre si importante. Je voudrais d’autre part qu’une plus substantielle participation de votre part constitue un apport à notre jeune diocèse qui s’efforce de mettre péniblement en place les infrastructures dont il a besoin pour asseoir l’Eglise ». 

Sollicité de nouveau à l’occasion du Chapitre général de 2003, Mgr Dossavi tiendra pratiquement le même langage. Dans sa lettre au p. Général, nous lisons : « Les missionnaires comboniens ont fait un travail merveilleux dans le diocèse d’Aného. Quand Rome me l’a confié en 1996, ils occupaient six des onze paroisses qui existaient alors. Mais, à mon corps défendant, ils ont abandonné assez rapidement cinq d’entre elles (…). Le séjour de 30 ans des fils de Comboni dans le doyenné d’Aného devenu un diocèse depuis le 1er juillet 1994, a été fort bénéfique pour la nouvelle Eglise-famille de Dieu d’Aného. Elle peut donc se glorifier non seulement de belles églises, chapelles et de jolis presbytères, mais surtout de ferventes communautés chrétiennes. Le fleuron de cette œuvre magnifique me semble être la création du Centre catéchétique Emmaüs à Afagnan. Grâce à cela la catéchèse a été renouvelée et a pu s’adapter au mieux aux directives du Directoire promulgué par Rome (…)

« L’unique zone d’ombre qui continue jusqu’à ce jour peut se résumer en ceci : ils n’ont pas réussi à convaincre les chrétiens qu’ils sont eux aussi l’Eglise et qu’à ce titre ils ont mission de veiller à sa survie et à son épanouissement. Les fidèles n’arrivent pas à comprendre, par exemple, qu’il leur faut participer à l’entretien des prêtres, aux frais de la construction des églises et des presbytères. Ils s’attendent plutôt à être aidés matériellement par les prêtres et affichent une mentalité d’assistés et de mendiants. Leur pauvreté a dû attendrir le cœur des missionnaires qui leur sont venus en aide spontanément par compassion. Nous essayons à présent de leur apprendre à partager leurs pauvretés, mais cela n’est pas du tout facile ». Et Monseigneur de terminer en exprimant sa « profonde gratitude » pour le travail accompli par les comboniens.

Le p. Neno Contran, ancien provincial, réagira, en écrivant : « J’ai médité sur le témoignage de l’évêque d’Aného, Mgr Dossavi. Il a raison, dans le sens qu’il souligne un aspect important à ne pas oublier de notre évangélisation : faire en sorte que les communautés deviennent autosuffisantes et pas des éternelles beggars. Mais combien de tentatives n’ont pas été faites pour mettre sur pieds des activités d’autosuffisance (Afagnan, Togoville, Vogan…) ? D’habitude les comboniens ont pris des paroisses qui avaient été administrées  pendant des dizaines d’années par des missionnaires d’autres instituts ou par le clergé local lui même. Mgr Anaté, vicaire général et ancien curé d’Adjido, à un combonien qui lui faisait remarquer combien les gens étaient lents à collaborer aux initiatives proposées, raconta qu’un dimanche il avait pris la corbeille de la quête et l’avait renversée sous les yeux des fidèles, en leur disant : « Regardez quelle misère » !

 

 

Visite de p. Milani et fr. Martinuzzo

 

Du 23 avril au 25 mai 1999, le p. Milani et le fr. Martinuzzo, conseillers généraux, viennent en visite à la province. Le p. Giovanni Battista Antonini et un laïc font partie jusqu’au 2 mai de la comitive : ils sont là pour des services à Comboni press. C’est le dimanche 2 mai que la visite proprement dite commençait. On a essayé d’attribuer deux jours par communauté de manière à avoir une rencontre de toute la communauté avec les deux conseillers plus le provincial et un moment de rencontre personnelle. Le p. Milani s’est beaucoup inspiré de La vie fraternelle en communauté. Les deux conseillers nous ont rappelé que la mission n’est pas confiée à l’individu mais à la communauté : c’est donc celle-ci qui évangélise, qui annonce, qui fait des projets, qui s’engage sur le terrain de la justice et de la paix. Insistance a été faite sur la nécessité de vivre davantage avec les gens, passer plus de temps parmi eux : cela nous permettra de mieux « sentir » avec eux. Après le Mexique et l’Italie, notre province est à la troisième place dans l’institut comme nombre de candidats en formation ! Et en l’année 1999/2000, notre province occupera la deuxième place après le Mexique (57) et avant l’Italie (35) avec 38 candidats (novices, scolastiques et frères).

Le 21 mai, le groupe des frères se réunit avec le fr. Martinuzzo pour une demi-journée de partage. Le frère assistant général fait un bref rapport au terme de la visite suivi d’un débat. Dans la province il existe une bonne tradition de présence de frères qui se sont signalés pour l’engagement dans la promotion de la jeunesse. A présent, les temps ont changé. Il n’y a plus d’œuvres significatives à réaliser, mais c’est le moment de la créativité et de nouvelles initiatives dans le domaine du développement intégral, des droits de l’homme, de la formation des laïcs. La province est accueillante et donne de l’espace aux initiatives des frères. Le postulat-frères doit continuer en améliorant la qualité de la formation et relancer la proposition de la vocation du frère.

Une assemblée générale est prévue avec les deux conseillers généraux. Presque tous les confrères étaient présents. On en avait compté 34 ! En rencontrant le CP le 25 mai, les deux conseillers ont délivré un ensemble de réflexions comme commentaire de leur visite. Il faut constituer des communautés viables, au moins une par zone, de manière à pouvoir, le cas échéant, y envoyer des jeunes confrères, ou même des postulants ou scolastiques en expérience missionnaire et de communauté. La politique de boucher les trous n’est pas payante. Il faut une présence plus consistante du CP et du provincial dans les communautés. Des visites moins fréquentes mais plus longues et mieux préparées. Réunir aussi les communautés par zones, de temps à autre. Le CP devrait savoir prévenir les choses et des situations et ainsi intervenir au mieux évitant que des réactions ou des mécontentements inutiles surgissent par-ci par-là parmi les confrères. Une présence plus fréquente chez les évêques est aussi utile. Il faut une plus grande attention aux nouveaux qui arrivent en province, surtout pour ce qui est de l’étude de la langue et de l’insertion dans la culture locale. La charte de la communauté et le projet pastoral sont nécessaires.

Chaque confrère recevra la programmation une fois qu’elle sera revenue de Rome : elle sera le texte de référence pour notre action missionnaire pour les années à venir. Le directoire provincial doit être revu et mis à jour à partir de la nouvelle programmation. Il faut redynamiser les secrétariats qui sont très importants dans la vie de la province.

Pour le noviciat au Bénin il faut présenter toutes les données utiles au CG en vue de l’achat du terrain et de la construction de l’œuvre. Pour Accra feu vert est donné. Il est bon de célébrer le 75è anniversaire de la paroisse d’Abor et le 10è de celle de Cotonou : des célébrations simples mais qui soient significatives pour les gens. Pour l’œuvre du p. Novati à Sogakopé on pourrait penser aux LMC italiens. Le cas du p. R. Pazzi revient : les comboniens acceptent son expérience (cela peut étonner quelque confrère…) et l’accueillent sur leurs paroisses. En cas de maladie l’institut est toujours présent… Mais le p Roberto ne compte évidemment pas bouger de son ermitage ! Que les confrères vérifient plus leur style de vie, leur mode de vivre la pauvreté, la simplicité et l’insertion parmi les gens : il est question de vivre et travailler avec plus que travailler pour…

Les conseillers ont rendu visite aussi aux évêques. Quant à Sogakopé, Mgr Adanuty dit de n’avoir jamais répondu à une lettre du p. Glenday qui lui communiquait que le Comboni Centre était non une œuvre combonienne mais diocésaine. L’évêque d’Akatsi devrait répondre en disant que l’œuvre est diocésaine et doit donc en assumer la pleine responsabilité à tous les niveaux, même si la collaboration avec laïcs et volontaires comboniens reste toujours ouverte. Le Centre doit aller plus dans le sens de l’autofinancement et de la collaboration locale. La paroisse d’Abor sera remise au clergé local dans 5 ans au plus tard. Quant aux prêtres diocésains qui vivent dans la communauté d’Abor, l’évêque leur donnera un statut pour assurer une meilleure collaboration et entente avec la communauté combonienne et son style de vie. Quant au p. A. Confalonieri, l’évêque voudrait le garder comme administrateur pendant 5 ans encore. Etant seulement orale, la présence et la collaboration du confrère doit être mise par écrit. Il faut une petite convention. Adidomé est quasi-paroisse car la communauté chrétienne n’est pas encore bien solide, mais déjà les confrères sont là : les pères G. Vicari, F. Machado, L. Marcolongo et fr. C. Tsomafo.

A l’occasion de la visite à l’évêque d’Aného, Mgr Dossavi exprime sa volonté que les comboniens restent dans le diocèse. Une présence missionnaire est nécessaire dans toute Eglise particulière. Ils savent faire travailler les gens et collaborer avec eux. Il est en train d’étudier la convention en vue de sa signature. Quelques remarques : quand la passation d’une paroisse est prévue, les confrères devraient sensibiliser plus les gens à la collaboration à la vie matérielle des prêtres. Que l’on crée des projets de financement (petites ressources). Et que le fonds qui sera laissé dans la caisse de la paroisse soit plus consistant, afin que l’œuvre puisse continuer. Eventuellement un projet de moins, mais une somme plus grande… Vogan passera au clergé local après Pâques de l’an 2000. Le p. Gambin est prévu comme secrétaire national pour la catéchèse dès qu’il sera déchargé de la direction du Centre Emmaüs (été 2000 ?).

Le fr. Martinuzzo invite la province à penser à une « œuvre significative » pour les frères, dès qu’ils sont nombreux dans la province, qui reste ouverte à accueillir toute sorte de frères, et le postulat (un des 4 postulats pour frères que l’institut compte) est bien ‘fourni’ (on prévoit dix postulants pour l’année 1999-2000). Il doit donc constituer une priorité pour la province. On pourrait penser aussi à un frère ‘animateur’ des frères dans la province. Quant au postulat-frères, les deux formateurs doivent travailler ensemble, visant le même but pour éviter des divisions au niveau des candidats. Il faut donc qu’ils se retrouvent chaque semaine. Le fr. Anku pourrait collaborer plus avec l’équipe vocationnelle et travailler aussi dans le social, sans se borner à la formation. La bibliothèque du postulat est assez pauvre. Dans l’avenir, un frère pourrait être supérieur du postulat et le supérieur  de la communauté de Cacavéli. Tout cela n’empêche de constater que le nombre des candidats frères dans l’institut est en baisse constante.

Quant à l’économie, il faudrait que la province se donne des lignes communes sur la manière de traiter nos employés et ouvriers, tout en respectant la législation propre aux trois pays. Il faut penser à un remplaçant de l’économe provincial actuel de manière à le préparer. Le domaine de JPIC est très important et le coordinateur doit se sentir engagé et demander la collaboration de tous les confrères. Mais pourquoi parmi les frères il semble qu’il y ait si peu de sensibilité à ce problème ?

Pendant la visite des deux conseillers généraux, des terrains pour le noviciat ont été visités à Cotonou. A été retenu celui derrière l’université sur la route de Calavi (un hectare et demi). Mais le feuilleton n’est pas fini. Une commission est constituée pour rédiger le projet qui sera financé en grande partie par la DG et la générosité des confrères. Le sens de l’œuvre est clair depuis : noviciat, PV et AM, accueil des confrères de passage ou en congé

 

 

Crise des frères

 

Du 1er au 9 juillet 1999 une rencontre des frères sera organisée à Limone à laquelle prendront part le fr. Anku et le p. Anciães. Il est question de la formation des frères… mais personne n’arrive à trouver la ‘formule magique’, même si tout le monde est d’accord sur l’importance du travail-métier dans la vie du frère et de sa formation spirituelle. Nos frères dans la province écouteront le fr. Anku à son retour de Limone et parleront entre eux de l’importance de la création dans la province d’un centre de formation professionnelle rien que pour les frères. Est-ce que nos candidats ne pourraient pas trouver à Cacavéli le lieu de cette formation professionnelle ? A cette rencontre ils parlent aussi du problème de la première affectation, de la préparation immédiate aux vœux perpétuels et de l’importance de la formation des formateurs. « La crise » qui secoue le CIF de Bogotá vient confirmer la ‘difficulté’ de la vocation du frère et le problème de sa formation : Paul Koto et Antoine Etou reviennent, invités à quitter l’institut. Le provincial, du 20 mars au 8 avril 2000, fera un saut à Bogotá pour voir ce qui se passe et ce qu’il en est de deux survivants, les frères B. Dalikou et D. Gakpé. Eux aussi, un jour, quitteront l’institut.

Une rencontre pour la révision de la formation, comme cela s’est fait pour les frères à Limone, se fait à Pesaro du 11 au 30 juillet pour les noviciats et les scolasticats/CIF. Tout le matériel sera synthétisé par une commission centrale pour la révision de la formation et repris pendant l’intercapitulaire convoquée à Rome du 14 septembre au 4 octobre 2000.

Amicale

 

Le 12 juin 1999, à l’occasion de la rencontre des parents des confrères autochtones, est lancée l’Amicale des comboniens. Par là nous comptons élargir le cercle de nos amitiés et de nos bienfaiteurs. Et puis il y a tant de gens qui nous connaissent et qui aimeraient se sentir davantage en communion avec nous et la mission et partager le charisme de Comboni en vue de l’évangélisation.

La première rencontre se tiendra le 9 octobre suivant. Le provincial y rappellera que l’Amicale « se veut une association de personnes intéressées à la cause de la mission… Les confrères autochtones déjà en mission - une bonne douzaine - nous interpellent et demandent notre soutien, notre collaboration, car ils partent au nom d’une Eglise locale, d’une communauté chrétienne, non en leur nom personnel ! ». Il ne faudra pas oublier, certes, l’aide spirituelle, la prière, mais il faudra y ajouter les aides financières, car les œuvres missionnaires comportent des frais. Pour la chronique il est bon de rappeler que le p. Boscaini aurait dû intervenir pour présenter l’histoire des comboniens au Togo, mais il y fut empêché par un accès palustre…

Le résultat de la rencontre ? moyen par rapport aux attentes, mais les commencements sont toujours un peu difficiles. Il faudra maintenant s’appliquer à fournir le travail escompté : prière, collaboration, rayonnement missionnaire, aide de toute sorte aux missions, surtout aux confrères originaires de la province. Le p. C. Odjo est le responsable de guider l’association dans ses premiers pas. Une feuille de liaison et d’information est aussi prévue. Elle s’appellera Amis de Comboni. Mais elle ne fera pas long feu, peut-être aussi du fait que les choses n’étaient pas trop réfléchies dès le départ.

 

 

Visite ad limina

 

Le 2 juillet 1999 Jean Paul II reçoit les évêques du Togo, à l’occasion de leur visite ad limina Apostolorum. Le Pape rappelle à nos évêques que « l’annonce du message évangélique aux hommes et aux femmes de notre temps nécessite d’être attentif aux réalités de leur vie quotidienne. Il est du devoir de l’Eglise de contribuer au bien commun, avec tous les hommes de bonne volonté, afin que la dignité et les droits légitimes de toute personne soient toujours mieux respectés ».

Quant aux séminaristes, le Pape leur dit : «  La situation actuelle exige un sérieux discernement pour que les séminaristes aient suffisamment conscience que le chemin sur lequel ils s’engagent exige un renoncement total à eux-mêmes et à la recherche de toute promotion personnelle, afin de devenir des ministres fervents et convaincus pour la nouvelle évangélisation, des serviteurs fidèles et généreux de Jésus Christ et des hommes‘».

Le Pape souligne l’importance de la formation des chrétiens laïcs : « La formation intégrale dispensée aux laïcs doit aussi les aider à être des citoyens qui prennent leurs responsa­bilités dans la vie de la collectivité … Dans la société, les laïcs ne peuvent renoncer à l’action multiforme pour promouvoir le bien commun. Cela passe aussi par le difficile engagement pour la défense et la promotion de la justice et pour l’affermissement d’une authentique démocratie qui permette à tous de se sentir effectivement acteurs de leur destinée dans la nation ».

Le Pape continue avec « les graves questions qui concernent le mariage chrétien et la vie familiale » et qui constituent « des défis auxquels l’Eglise dans votre région se trouve affrontée. C’est donc pour vous - dit Jean Paul II aux évêques - une tâche importante d’éduquer les fidèles aux valeurs fondamentales du mariage et de la famille… Que les familles chrétiennes soient aux yeux de tous des modèles d’unité et d’amour partagé ».

Le Pape termine en encourageant les évêques à continuer sur la voie de l’inculturation « pour contribuer à transformer les authentiques valeurs de votre peuple en les intégrant dans le christianisme et à enraciner ainsi la foi chrétienne dans votre culture ».

Chronique 1999

 

Quelques faits significatifs de notre récit à ne pas oublier pour l’année 1999.

Le p. Jean Pierre Légonou est nommé supérieur de la délégation d’Amérique centrale à partir du 1er janvier 1999.

A la rencontre annuelle des provinciaux de l’Afrique francophone à Kinshasa, le 25 janvier, il est question du noviciat. Le père maître, Ramon Eguiluz dit que le climat est bon. A Kimwenza on doit ajouter encore 20 chambres car jusqu’à l’an 2001 on prévoit un nombre de novices autour de 30. Mais on commence à penser au deuxième noviciat, de préférence à Cotonou.

Quant à Afriquespoir on aimerait un peu plus d’attention à ce qui se passe au Togo et au Bénin au niveau politique. La diffusion est une difficulté commune à toute publication. Mais nous continuerons à en prendre 1.200 exemplaires, même si nos jeunes n’ont pas d’argent pour l’acheter. L’aspect clérical de la revue est trop évident, alors que l’aspect culturel est négligé. On voudrait diffuser la revue dans d’autres pays francophones où les comboniens ne sont pas présents. La charte du CAE (Centre Afriquespoir) est approuvée.

Le nouveau CP en mars 1999 approuve le projet du presbytère et de l’école catholique d’Asrama, celui des salles paroissiales à Tabligbo, l’augmentation de la ‘diaria’ par le noviciat de Kinshasa et l’attribution de 20mille US $ pour son agrandissement, et l’achat d’un terrain pour œuvre combonienne à Cotonou qui impliquerait : siège du noviciat, accueil des confrères et le CAM.

Le 7 août, le diacre Elias Afola est ordonné prêtre par Mgr Kpodzro dans l’église paroissiale d’Adidogomé, alors que Paul-Sylvain Songho, d’origine centrafricaine et en stage pastoral sur la paroisse, est ordonné diacre. Elias ira travailler dans la PV en Pologne.

Le CG donne le feu vert pour une présence combonienne à Accra, ce qui devrait être effectif vers la fin de l’année. La date du 10 octobre 1999 pourrait être la bonne. Le 23 juin le provincial a rencontré l’archevêque : « Il y a de la place pour tous », a-t-il répondu. Une demande officielle a été adressée. La maison de Kaneshie, faite construire par le p. Confalonieri, pourrait servir de pied-à-terre pendant un premier temps. L’équipe des confrères s’occupera de l’AM et de la PV. A partir de là, on pourra penser à un engagement  pastorale : la prise en charge d’une paroisse. Début année 2001?

Le 31 juillet est ordonné prêtre à Agoé-Kpétomé le diacre Godwin Kwamé Kornu originaire du diocèse de Ho. Il revient de Chicago. Il est affecté au Tchad, où il se retrouvera avec les ‘togolais’ fr. Luc Todjohon et le p. A. Guéli.

Le 11 octobre (le 10 étant un dimanche) l’anniversaire de la mort de Comboni est célébré à Tabligbo. C’est aussi le jour officiel de l’entrée de la communauté dans la nouvelle maison. C’est à Tabligbo que le provincial nous fait savoir que la parcelle que nous avions vue et prise en considération à Cotonou lors de la venue des deux assistants n’est plus fiable. Il faut chercher ailleurs. Quant à Accra la communauté s’installera à la fin du mois à Kaneshie : elle sera composée du p. A. Dasilva Gonzalo et du fr. Charles Gaba. Le nombre des confrères travaillant actuellement au Ghana est de dix, un chiffre jamais atteint auparavant. Un autre chiffre jamais atteint en province est celui des frères: 9 !

Quant au personnel : à partir du 15 octobre, p. N. Rangu est affecté à la communauté de Toffo et le p. E. Petrogalli à celle d’Abor. De retour en province après son ordination, p. S. Songho fera partie de la communauté d’Asrama.

Au mois d’octobre, le p. Sisto Agostini, responsable des LMC de la NAP, vient rendre visite à Abor. Le projet LMC se limite au Ghana : rien est fait au Togo et au Bénin. Il faudrait que telle ou telle communauté se penche sur la question.

Le 9 décembre le p. José da Ascensão Pereira nous quitte. Comme l’a été sa vie, réservée et silencieuse, ainsi a été sa mort. Il avait une forte arythmie cardiaque. Il était entré chez les comboniens encore petit garçon, au petit séminaire de Viseu. A Vérone il acheva ses études de théologie. Arrivé au Togo en 1978, il travailla à Adjido jusqu’en 1982. Il rentra au pays pour un service dans sa province d’origine. En 1987 il est de retour au Togo : Kouvé, Tabligbo, Afagnan l’ont vu travailler avec simplicité sans recourir aux aides extérieures, mais faisant appel à la bonne volonté des gens. En 1997 il était reparti au Portugal pour des raisons de santé.

 

 

Assemblée francophone de l’AM

 

Du 5 au 11 novembre 1999 se tient à Aképé, chez les Clarisses, l’assemblée de l’AM des provinces francophones. Des confrères et des sœurs comboniennes sont venus de la RDC, Cameroun, Centrafrique, Tchad et bien entendu du Togo-Ghana-Bénin. De Rome ont fait le déplacement le p. J. J. Tenias, secrétaire général de l’AM et sœur Maria Grazia Campostrini, animatrice générale des comboniennes. De Vérone est venu p. L. Moser directeur de FATMO, le studio de production audiovisuelle du CCA (Centro Comboni Africa).

C’est le p. provincial, S. Cadei, qui le soir du vendredi 5 novembre, donnait la bienvenue aux 25 missionnaires qui se retrouvaient pour la séance d’ouverture (13 comboniennes et 12 comboniens). Il a rappelé combien les provinciaux francophones tiennent à l’idée d’un travail d’ensemble en vue d’un échange d’expériences et même  de personnel pour réaliser, si nécessaire, des activités communes  dans le domaine de l’AM et autres. Il a aussi parlé de l’effort  fait par la province TGB pour l’AM, non seulement dans la diffusion d’Afriquespoir mais aussi dans celui de l’ouverture  d’une communauté à Accra (Ghana) entièrement consacrée au travail de PV et d’AM et d’une autre en perspective au Bénin. Au Togo aussi, a conclu le provincial, nous essayons des nous convaincre que l’AM fait partie intégrante du charisme missionnaire combonien.

Le but de l’assemblée: la formation des participants, le partage des expériences et une ébauche de programmation interprovinciale. Le moment de la formation nous a été assuré par M. François Sedalo, sociologue de formation et d’expérience, qui nous a entretenus sur les grandes lignes de la communication afin de mieux arriver à faire passer le message et à mieux nous servir de la communication dans l’AM. Son exposé a été apprécié. Moins brillant M. Sedalo a été dans le débat qui a suivi : ses réponses aux questions très concrètes que les participants lui posaient, ont paru insuffisantes. Cela peut-être vient confirmer l’idée que dans le domaine de la communication nous sommes encore, en Afrique, à l’état de recherche... et qu’un long chemin reste à parcourir.

Nous avons voulu écouter aussi ce que l’Eglise locale fait au niveau de l’AM. C’est ainsi que l’abbé Carlos Maria Olympio, directeur national des OPM au Togo, est venu nous entretenir  de son travail. Il ne nous a pas caché la réalité : au Togo nous ne sommes qu’au début, et tout pratiquement reste à faire. Il faut commencer à animer les évêques et puis les prêtres, les plus difficiles à… convertir ! Comment y arriver ? D’après l’abbé Olympio, c’est là surtout le travail des missionnaires ad vitam. Carlos s’est amusé à nous raconter de laïcs qui mieux que les curés connaissent les documents de l’Eglise sur l’AM et qui la font sérieusement dans leurs paroisses ! Dans l’échange qui a suivi son exposé, il a été question de créer des centres missionnaires diocésains à l’instar de ceux qui existent dans les diocèses du Nord.

Parmi les témoignages d’agents pastoraux locaux, nous avons eu le plaisir d’écouter le directeur de Radio Maria /Togo, l’abbé Cyprien Yawo Kodzo, qui nous a fait part de son expérience à la tête de la radio catholique nationale. Radio Maria /Togo compte beaucoup sur le volontariat. Son équipement est venu de Radio Maria/Italie mais la gestion est à présent confiée aux finances locales et donc un réseau d’amis de Radio Maria a été créé dans toutes les paroisses de Lomé et ailleurs. Radio Maria est désormais une réalité bien établie dans le domaine des radios privées au Togo. Aux moments importants de la vie sociale et politique du pays, depuis qu’elle a commencé à émettre en 1997, elle a rendu un service irremplaçable d’information. Les ennuis connus avec le pouvoir en sont la preuve ! Elle reste certainement la radio privée la plus écoutée au pays. Les comboniens ont pu profiter aussi de cette radio pour faire écouter leur voix.

Toujours pour Radio Mario/Togo, nous avons eu la joie d’écouter aussi le témoignage de sœur Gertrude Johnson, animatrice en particulier de l’émission La voix des enfants. Elle nous a dit que peu parmi nous se croient préparées pour un travail dans l’audio… et que parler devant le micro peut susciter de l’embarras. Mais petit à petit, on finit par apprendre, s’habituer et plaire à beaucoup de monde ! Nous devons penser au bien que l’usage des médias fait chez les auditeurs et à la sympathie que l’on peut créer autour de l’idéal chrétien que nous transmettons. La radio comme instrument de communion.

Les moments les plus importants de l’assemblée ont été consacrés au partage des expériences. Le sujet qui a retenu le plus l’attention de l’assemblée a été Afriquespoir et le CAE de Kinshasa. La collaboration est demandée à tous et plus particulièrement aux correspondants des différents pays afin que la revue soit moins… congolaise et plus ouverte aux autres pays francophones. Le prix réel d’un exemplaire est d’un dollar et demi.

Les participants ont eu droit à une rencontre liturgique avec l’Eglise locale. Le dimanche 7 novembre nous avons partagé l’eucharistie avec la communauté chrétienne d’Adidogomé, en goûtant la chaleur de l’enthousiasme ambiant. Un contact avec nos communautés au Togo ne pouvait pas manquer non plus. C’est ainsi qu’après la messe et le petit déjeuner au siège du postulat-frères à Cacavéli, nous avons mis le cap sur Tabligbo, où nous avons pu nous régaler de la cuisine locale. Plus d’un participant, aux prises avec la cuisine des Clarisses à l’image franciscaine, exprima alors le désir de continuer l’assemblée à Tabligbo ! Toujours  à Tabligbo, les jeunes de Radio Jeunesse Espoir ont eu l’honneur d’accueillir dans leur studio (au 2ème étage  du clocher rebaptisé tour Negrin) tous ces visiteurs de marque… et quelque promesse d’aide. Dans l’après midi nous avons visité brièvement les forgerons de Yohonou (village de la paroisse d’Afagnan) et pris contact avec la réalité du vaudou à Zooti. La communauté de Vogan a eu aussi la joie de voir les participants la visiter; c’était l’après-midi de mercredi 10 novembre. Les animateurs missionnaires ont pu aussi se rendre compte du travail d’évangélisation que nous menons dans le diocèse d’Aného.

A noter, finalement, que les comboniennes ont été plus nombreuses que nous les comboniens à participer (deux des leurs novices étaient avec nous !) et par leur sensibilité féminine elles nous ont rendu heureux un séjour qui n’a pas été des plus... commodes, grâce aussi à quelques moustiques de trop.

Au terme de l’assemblée on a voté des propositions. Voici celles concernant l’AM : les provinces proposent et collaborent avec l’Eglise locale à la création d’un Centre missionnaire diocésain ; notre AM soit plus insérée dans la vie et les initiatives de l’Eglise locale, pour que celle-ci devienne plus ouverte à la mission ; impliquer davantage dans l’AM nos jeunes en formation ; spécialiser des frères et des sœurs dans les médias et l’AM de base ; constituer dans les provinces, où cela est possible, un secrétariat unique de l’AM de la famille combonienne ou approfondir la collaboration ; les secrétariats généraux de l’AM renforcent l’information et la communication entre les provinces ; former des collaborateurs laïcs dans l’AM ; les secrétaires provinciaux et d’autres responsables de l’AM organisent un cours de formation de deux ou trois semaines pour les animateurs et animatrices ; notre AM soit ouverte à la collaboration avec les autres centres médias comboniens et aussi avec les grands médias du monde selon nos possibilités.

Et voici les propositions concernant le CAE (Centre Afriquespoir) : dans chaque province ou pays il y ait une personne qui coordonne la diffusion d’Afriquespoir ; dans chaque province il y ait un confrère et une consoeur à plein temps occupés dans l’AM ; dans chaque communauté il y ait une personne chargée de l’AM de base et de la diffusion d’Afriquespoir ; le CAE produit et met à notre disposition du matériel pour l’AM. A personne n’échappe que la limite de nos assemblées c’est qu’elles expriment de très jolis souhaits qui restent souvent sur le papier…

Assemblée de l’évangélisation à Kinshasa

 

Du 19 au 28 janvier 2000 se tient à Kinshasa la réunion des secrétariats de l’évangélisation et co-ordinateurs de Justice et paix et des LMC de l’Afrique francophone. Malheureusement, le provincial coordinateur, le p. Fernando Zolli était absent pour raison de santé. Les autres provinciaux étaient là et ont enrichi la rencontre de leur présence. On y parle aussi Ecclesia in Africa  pour constater que le synode africain fut un événement très important, mais qu’il est aujourd’hui absent de la vie des Eglises là où nous travaillons et de la vie de l’institut aussi. Comme document, EA n’a pas été exploité, tandis qu’il visait à être un document pour un nouveau projet d’Eglise.

Des ces jours de travail sont ressorties les propositions suivantes : la nécessité d’une réflexion permanente sur nos actions d’évangélisation ; l’urgence d’une médiation entre les orientations normatives (Eglise-institut) et l’expérience missionnaire de la communauté combonienne et de chacun de ses membres, dans son contexte particulier humain et ecclésial. Cette médiation est assurée par les secrétariats (général et provincial). Ces propositions naissent du souci que l’évangélisation soit effectivement le centre de notre vie et la source inspiratrice de toute notre action dans les différents secteurs d’activités. Style de vie et d’action vont ensemble. Ce principe doit être énoncé et explicité dans le projet de vie de la province, pour qu’il soit la source normative des chartes communautaires et d’évangélisation. Que l’engagement dans le domaine de JPIC soit effectivement partie intégrante de notre action évangélisatrice. Concrètement : chaque province se donnera un projet d’évangélisation, dont une charte provinciale sera l’instrument (elle sera réalisée dans les deux prochaines années); l’étude et la mise en application de la lettre des conseils généraux comboniens sur JPIC seront suivies par le secrétariat provincial pour l’évangélisation par l’intermédiaire du coordinateur. A été approuvée aussi la proposition d’avoir un groupe de chercheurs dans les différents domaines de l’évangélisation (théologie, sociologie, anthropologie, Justice et paix, ethnologie, dialogue et inculturation) au niveau continental ou zonal, pour aider dans la réflexion dans un contexte bien défini et répondant aux problèmes concrets de la mission.  Ouvert reste toujours le problème du suivi de ces réunions et de leurs propositions.

 

 

Assemblée provinciale JPIC

 

Du 21 au 24 février 2000 se tient l’assemblée provinciale à Cacavéli. C’est l’année jubilaire et l’assemblée sera consacrée à un sujet de brûlante actualité, celui de JPIC. En vue d’un travail fructueux, et comme cela est tradition dans notre province, nous sommes arrivés à l’assemblée « préparés » par un questionnaire, envoyé à chaque communauté par le coordonnateur  et formulé à partir de la partie Mission est engagement pour la justice et la paix (AC ‘97, 107-118).  Nous avons été aidés par nos réponses au questionnaire préparatoire : quelles sont les situations d’injustice les plus flagrantes dans votre milieu et quelles en sont les causes ? Comment aider l’Eglise locale à plus de courage dans la dénonciation prophétique de l’injustice et de la violation des droits de la personne humaine ? Comment nous former à une conscience ‘critique’ et à nous éduquer à revoir notre style de vie (rapports avec le personnel, les gens…) ? Comment collaborer avec la population afin qu’elle devienne ‘sujet actif’ de réconciliation et de respect des droits humains ? En tant que comboniens, qu’est-ce que nous pouvons faire pour approfondir la doctrine sociale de l’Eglise ? Qu’est-ce que vous suggérez pour la formation de ‘spécialistes’ en sciences sociales (frères, en particulier) ?

Les réponses n’avaient pas manqué. On avait dénoncé le retard dans le versement des salaires et leur inégalité (voir la situation des enseignants dans l’école catholique), l’infériorité sociale de la femme, la situation des ‘bonnes’ en ville, les abus sexuels, l’avortement forcé, le trafic des enfants, la situation des apprentis, la corruption généralisée, l’impunité, la peur, le manque d’accès aux biens essentiels tels que les soins et l’eau... En province il faudrait avoir au moins un confrère ‘spécialisé’ en la matière. Chacun d’entre nous devrait porter une attention particulière au problème JPIC. Nous avions reçu aussi la lettre des trois conseils généraux des instituts comboniens du 1er janvier La justice comme relation qui engendre vie et adressée aux membres des trois instituts comboniens. La lettre nous avait été présentée par le p. Boscaini.  Ce thème de Justice et paix sera central dans l’animation de l’institut pendant l’année jubilaire.

C’était l’abbé Gérard Nyuiadzi qui avait ouvert les interventions des personnes ressources. Dans l’après midi nous avions écouté Me Gally qui avait fait partie du gouvernement de M. Koffigoh, le gouvernement issu de la conférence nationale, et censé être de l’opposition démocratique. Les témoignages écoutés, en particulier celui de M. Tengue, qui avait fait la prison car accusé d’avoir passé des nouvelles à Amnesty, nous ont rappelé comment les misères et les souffrances des gens, même pas trop loin de chez nous, sont grandes et elles nous sollicitent. Les comboniennes ont sœur Anna Brunelli qui visite la prison civile centrale de Lomé et elle a mis par écrit le témoignage d’une situation sub-humaine.

Nous avons pris quelques petites résolutions comme assemblée : écrire une lettre signée par tous les confrères en faveur des prisonniers de longue date ; présenter à l’évêque la nécessité de nommer officiellement un aumônier des prisons ; constituer des commissions JPIC dans chaque communauté ; trouver des personnes intermédiaires entre nos paroisses et les grandes organisations de défense des droits de l’homme ; former et préparer des leaders qui informent et éduquent les gens dans le sens du respect des droits humains. On propose aussi de former un confrère en doctrine sociale de l’Eglise et d’en inviter un en qualité d’expert pour une session. Tout ou presque est resté au niveau des souhaits. Mais l’assemblée se voulait comme le commencement de toute une série d’actions que chaque communauté tâcherait d’appliquer dans l’avenir dès que nous sommes situés dans les tristesses et les souffrances dont sont victimes tant de personnes autour de nous.

La commission JPCI est aussi renouvelée, composée par les pères E. Boscaini, responsable, R. Ezama pour le Bénin et p. F. Machado pour le Ghana. Elle travaillera dans le cadre du secrétariat pour l’évangélisation. Les secrétariats sont renouvelés ou ajustés : chacun d’eux devrait prévoir au moins trois rencontres par an !

Pendant l’assemblée, le moment concernant l’économie et la question du fonds commun a été très chaud. Le CP se sent obligé à renvoyer le commencement du fonctionnement du fonds commun au 1er janvier 2003. Mais cette date-là sera encore repoussée… signe que le sujet est particulièrement ‘sensible’. En attendant des jours plus heureux, on porte à 25% le taux perçu par la province sur les offrandes génériques à partir du 1er janvier 2001. Le secrétariat pour l’économie est invité à rédiger un texte explicatif du fonctionnement du fonds commun. Le confrère prévu pour une formation en économie et finances, en vue d’un remplacement de l’économe provincial, est p. A. Dasilva.

 

 

Radio Jeunesse Espoir ou Speranza

 

Le CP dans sa réunion du 13-14 mars 2000 a pris aussi en considération le projet présenté par la communauté de Tabligbo, à savoir Radio Jeunesse Espoir. Et voici la réponse du conseil : « Le projet en soi est louable d’autant que l’engagement dans les médias se révèle de plus en plus nécessaire. Qu’une radio puisse diffuser paroles belles et vraies, informer, former, etc., quoi de meilleur ? Toutefois le CP fait les remarques suivantes : il faut qu’un statut intérieur soit rédigé ; que la radio n’ait pas de tendance politique au moins affichée ; que l’on cherche des fonds in loco, sans exclure bien entendu ceux venant d’ailleurs. Il est bien que pour cela un compte à part soit ouvert près de l’économat provincial. La responsabilité finale à qui revient-elle ? Par exemple, si un grave pépin se produisait, qui en assumerait les conséquences ? Car dans votre présentation du projet il est parlé de ‘son autonomie’. Jusqu’où va-t-elle cette autonomie? Voilà quelques questions qui ne se veulent pas obstacle à l’œuvre sinon favoriser encore plus la clarté ».

On avait déjà connu quelques difficultés avec les autorités, mais tout avait été résolu à l’amiable. Mais le 12 janvier 2001, la RJE est fermée de force tout simplement parce qu’elle avait annoncé un avis de messe ainsi libellé : « Il est porté à la connaissance des membres adhérents et sympathisants de l’UFC (Union des Forces du Changement) qu’une messe d’action de grâce sera célébrée le dimanche 14 janvier 2001 à la paroisse Saint Esprit et à l’Eglise Evangélique Presbytérienne de Tabligbo à la mémoire du feu Sylvanus Olympio et de tous ceux qui ont perdu leurs vies dans la longue lutte pour le changement démocratique. Tous sont invités à venir prier pour le disparu, tué le 13 janvier 1963. Pour le bureau fédéral de Yoto, son président, Ajavon Pascal-Georges ». L’avis porte la date du 8 janvier et devait passer le 11, 12 et 13 janvier en ewé et en français.

RJE était née le mercredi 19 mai 1999 par la volonté d’un groupe restreint d’amis catholiques lycéens (parmi lesquels Pierre Médé Toglo, un des fils du ‘vieux’ catéchiste de la ville, qui en sera le premier directeur) qui voulaient faire quelque chose de bon et durable pour la paroisse. C’était la neuvaine au St Esprit, auquel la paroisse est dédiée. Tout commença avec un micro ‘volé’ à la sacristie et à une antenne rudimentaire. Ce soir là, les premiers vagissements d’une radio ‘pirate’ s’envolaient dans l’éther à partir du 2è étage du clocher (ou tour ‘Negrin’) de l’église paroissiale pour atteindre quelques centaines de mètres de rayon. La voix était celle de John Kojo Sekyamah (qui fera sa première profession dans la famille des comboniens le 13 mai 2006 à Cotonou). Les jeunes fondateurs auraient voulu baptiser la radio Daniel Comboni mais finalement c’est Jeunesse Espoir qu’elle s’appellera. La communauté combonienne était mise devant le fait accompli.

On ne pouvait pas laisser mourir la nouvelle créature. C’est ainsi que le p. Boscaini, le ‘journaliste’ de la communauté, se laissa entraîner, sans trop y réfléchir, dans la nouvelle aventure. Grâce à la complicité de Giorgio Lolli, un italien originaire de Bologne qui depuis des années installe des radios rurales dans l’ouest africain, il put pourvoir à l’équipement nécessaire et lancer une véritable petite radio. Le 15 novembre 1999 la HAAC (Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication) enregistre la RJE, en lui attribuant la fréquence FM 105. Avant son départ en congé en novembre 2000 (jusqu’alors on émettait du clocher), p. Elio fera en sorte que la radio ait aussi son studio, en aménageant une des classes de l’ancienne école primaire catholique et qui servait de magasin, et portant l’antenne à 40 mètres.

C’est alors qu’il est chez lui en congé à Vérone qu’un matin le p. Elio apprend la nouvelle de la fermeture de la radio : après le communiqué de la messe pour S. Olympio, les forces de sécurité étaient venues séquestrer tout l’équipement pour le déposer chez le chef de brigade. On avait emporté aussi la clé du studio. Il faudra attendre le retour du p. Boscaini pour que la radio rouvre, mais après avoir été jusqu’au ministre de l’intérieur, le général Walla, pour s’expliquer et s’excuser. Il faudra changer et le nom et la fréquence. RJE deviendra ainsi Radio Speranza  et émettra sur 90.1 mhz FM, et cela à partir du 2 avril 2001. La permission d’émettre est ‘provisoire’, comme beaucoup de choses au Togo. En effet, tous les 5 ans, il faut refaire « demande d’installation et d’exploitation de radio », en établissant un dossier complet. On sera obligé à l’autocensure. Mais l’antenne sera portée à 50 mètres et les auditeurs vont capter Speranza jusqu’à Lomé et même au Bénin !

 

 

De Vogan à Akoumapé

 

Le 24 avril, lundi de Pâques, c’est le tour de Vogan de passer dans les mains du clergé local. La cérémonie commençait à 9h00. L’évêque d’Aného était entouré de prêtres diocésains ainsi que de comboniens, entre autres, le provincial et son vice. Mgr Dossavi dans son homélie remerciait les comboniens pour le travail accompli pendant 34 ans de présence (1966-2000). Une trentaine de confrères sont passés par Vogan ! L’évêque a fait aussi mention des deux qui y sont enterrés : les pères Zancanaro et Re.

Après l’homélie on donnait lecture de la décision épiscopale de passation de la paroisse des comboniens au clergé diocésain. On lisait ensuite l’autre décision épiscopale sur l’érection de la paroisse St Esprit d’Akoumapé par démembrement de la paroisse de Vogan, avec les noms des stations secondaires dépendantes de l’une et de l’autre paroisse et les noms des confrères responsables : p. Grassi curé et p. Zulianello vicaire. Un repas clôturait la célébration. Une dernière salutation et puis c’était la séparation : les confrères quittaient pour rejoindre la nouvelle maison à Akoumapé. Le missionnaire arrive, travaille, sème et puis il s’en va, laissant à d’autres de continuer. Quant à lui, il s’en va ailleurs, là où le travail attend d’être commencé. De commencement en commencement… Depuis des mois l’abbé Sévérin Zinsou partageait à Vogan la vie avec les confrères pour préparer la passation. Ce sera lui le nouveau curé de Vogan.

 

 

Chronique 2000

 

Pour l’année 2000 aussi nous enregistrons des faits à ne pas oublier.

Des nominations sont faites au mois de janvier : le fr. A. Guzzardi est nommé économe de la communauté à Toffo, le p. E. Petrogalli économe à Abor, le p. R. Ezama supérieur de la communauté de Fidjrossè et proposé comme curé de la paroisse à l’archevêque. Tous à partir du 31 janvier 2000.

New People est désormais imprimée à Sogakopé et la province considère la revue comme un projet provincial. Aux confrères du Ghana de la soutenir et la diffuser, en l’adaptant, si nécessaire, à la réalité du pays. By my witness doit aussi être relancé pour que sa parution soit régulière. Ce travail est confié au fr. C. Gaba en collaboration avec le p. Casimir. Par ailleurs, le CP souhaite que les chargés des vocations travaillent en équipe. Mais la chose sera renvoyée du fait que le fr. Charles quittera l’institut, quelque temps après.

Le même CP pense à donner vie ou à renforcer des fonds au niveau de la province : formation de base, aide aux communautés en difficultés, nouveaux engagements comboniens à niveau provincial, achat des moyens de transport, nouveaux lieux de culte, aide à l’Eglise locale. Aux confrères autochtones en mission est allée une aide de 400mille f cfa. Cette aide annuelle devient désormais une tradition. La province contribuera à la collaboration avec la DG avec une somme de 5millions de f cfa.

Toujours le CP du mois de janvier pense aussi qu’il faut ‘personnaliser’ la formation des postulants frères. Trois ans semblent ne plus suffire pour leur préparation professionnelle et humaine.

Les provinciaux des provinces francophones se sont retrouvés du 18 au 28 janvier à Kinshasa pour leur rencontre annuelle. Un texte a été rédigé concernant le deuxième noviciat francophone à Cotonou, souhaitant sa création dans le plus bref délai. Une lettre a été adressée au père Général demandant plus d’attention en personnel vis-à-vis de l’Afrique francophone.

En même temps que la rencontre des provinciaux, se tient à Kinshasa l’assemblée pour l’évangélisation (avec Justice et paix) et la rencontre des responsables du CAE et Afriquespoir. Le p. Gambin y participe.

Quant à Afriquespoir, deux numéros spéciaux paraîtront pendant cette année jubilaire. Chaque confrère est invité à en devenir un diffuseur. Pour New People imprimée à Sogakopé à 2mille exemplaires on pense de passer à 4mille. Le p. Novati a conclu un accord avec Alitalia afin que 600 exemplaires soient placés sur ses avions. Comme dire que la revue ira aussi outre mer, quelque part… Afriquespoir pourrait aussi être imprimée à Sogakopé : le coût d’impression serait moins cher par rapport à Kinshasa et des frais d’expédition aussi. Elle pourrait aussi bénéficier de quelques ajustements au contexte de l’Afrique occidentale. Sans compter d’éventuels dépliants (AM, vocations, Amicale…). Mais finalement on n’en profitera pas beaucoup.

Du 1 au 8 février se tient à Nairobi une rencontre pour les LMC : pour la province y prend part p. Dasilva.

Le 15 mars nous nous sommes retrouvés à Adidomé pour célébrer les 25 ans de notre présence au Ghana.

Le 27 mars revient du scolasticat de Chicago le diacre Elias Sindjalim. Il exercera son diaconat dans la paroisse de Fidjrossè à Cotonou avec les pères Ezama et Negrato. Le 29 juillet est prévue son ordination sacerdotale.

Le samedi 27 mai l’église paroissiale d’Adidogomé sert de cadre à la première profession de onze novices de la province (3 candidats frères et 8 prêtres). C’est la première fois qu’un tel nombre est atteint.

Le P. Cremaschi revient au mois de juin et est nommé supérieur et formateur au postulat-frères en remplacement de p. V. Anciães qui partira à l’ACFP (il sera à l’année combonienne au Mexique avec le fr. M Citterio) et entrera après en rotation dans sa province d’origine. « Un choix qui n’était pas des meilleurs et nous le savions - dira après le provincial -. Mais faute de mieux nous avions estimé que le p. Massimo aurait pu faire au moins un an. Ça n’a pas été le cas. Son départ crée difficulté ». Des problèmes de santé en effet avaient obligé le p. Massimo à rentrer en Italie déjà le 22 décembre.

P. S. Perego est nommé supérieur et formateur au postulat d’Adidogomé à partir du 1er juillet, alors que le p. Ziliani est nommé vicaire à la paroisse. P. L. Negrato sera vicaire à Adidomé.

On continue à rechercher un terrain pour le noviciat : un bon terrain de 3 hectares semble être trouvé entre Cotonou et Ouidah, à Kpahou (14 km de notre paroisse de Fidjrossè). On est en train de faire les démarches en vue d’obtenir la personnalité juridique et ensuite on procédera à l’achat.

Pour la fête du Sacré-Cœur on est à Asrama, où est inaugurée la nouvelle maison. Elle a vite poussée sous la direction de fr. Luciano : elle est jolie. Akoumapé aussi est belle, tout en étant d’un style plus ‘familial’.

Le 29 juillet c’est l’ordination sacerdotale de Elias Sindjalim, à Sokodé. Une ordination en 1999, une en 2000, ce n’est de toute évidence pas le grand nombre, vu l’effort que la province consent dans le domaine des vocations. Mais cela nous rappelle que la vocation est don de Dieu. P. Elias sera formateur au postulat d’Adidogomé et collaborateur part time à la paroisse.

Vers la fin de l’année, la consulta sollicite la passation d’Abor au clergé local. La paroisse a déjà des structures plus que suffisantes pour vivre. Le diocèse ne manque pas de prêtres, desquels quelques uns ont fait déjà leur expérience dans notre communauté à Abor. La construction de structures périphériques n’est pas une raison suffisante pour rester plus longtemps. La passation est un signe de confiance dans l’Eglise locale. Les confrères doivent comprendre, même si avec sacrifice, que les projets ne sont jamais personnels.

En attendant que le projet du second noviciat de langue française au Bénin se concrétise, les deux postulats de Lomé ont effectué leur rentrée 2000-2001. Les nouveautés ne manquent pas à commencer par les formateurs : p. M. Cremaschi à la tête du postulat-frères et p. S. Perego à la tête de celui pour les candidats prêtres. Dans ce dernier postulat, la nouveauté majeure est peut-être la présence de p. E. Sindjalim comme formateur. C’est là que Elias avait commencé sa propre formation combonienne. Les postulants sont 23 à Adidogomé et 9 à Cacavéli. Les confrères originaires de la province qui travaillent dans différents pays de mission sont déjà 19 !

Fin octobre le CP se réunit au retour du provincial de l’intercapitulaire. En guise d’écho à l’intercapitulaire, le provincial a dit que dans la salle capitulaire a été remarqué le phénomène de la difficulté à faire entrer dans la vie active des comboniens les documents que le Chapitre nous a légués. Les textes sont là, avec leurs propositions et leurs intuitions parfois belles, mais les comboniens continuent comme toujours. Pourquoi cela, pourquoi ce clivage ? Tout simplement parce que nous ne nous arrêtons pas à réfléchir sérieusement. Quelqu’un a même émis l’idée d’un moratoire : s’arrêter pendant un an, en réduisant au minimum nos activités, et prendre le temps de réfléchir et prier et faire un vrai discernement.

A ce conseil participent aussi les secrétaires des secrétariats. A retenir que p. C. Odjo évoque rapidement des éléments soulignés à la rencontre des promoteurs des vocations et des formateurs des provinces francophones de Nairobi (27 août- 3 septembre 2000) : importance de l’accompagnement des jeunes avant leur entrée au postulat et connaissance de leurs familles. De là la nécessité d’un promoteur à plein temps. Dans la promotion des vocations il faut penser aussi à un frère. Les candidats devraient  être normalement choisis dans les familles chrétiennes et non polygames, séparées ou divorcées. On voit la nécessité de travailler davantage sur la maturité humaine du postulant : on doit avoir des personnes saines et capables de vivre en communauté. Pendant le postulat, le jeune doit être initié à la valeur de l’accompagnement, éduqué à la direction spirituelle. On remarque aussi l’importance du projet personnel et d’un journal de vie. Il est important d’aider le postulant à vivre le sacrement de la réconciliation avec constance. Dans chaque province, il doit y avoir des promoteurs des vocations à temps plein et aussi un frère engagé dans la PV. Il faut soigner plus la formation des postulants, surtout candidats frères, en exigeant le niveau BAC II. On ne soulignera jamais assez l’importance des rencontres comme celle de Nairobi. Mais le suivi laisse parfois à désirer.

Le p. Gambin pour le secrétariat de l’évangélisation souligne une fois de plus l’importance du projet pastoral communautaire. Le cours de langue doit être suivi sans d’autres engagements dans la pastorale. Chaque confrère continuera l’étude de la culture et des mœurs pendant tout le temps de son activité missionnaire.

Le CP se penche aussi sur la vie des communautés. Il faut remettre en valeur la rencontre mensuelle de communauté. Que la récollection mensuelle soit remise en valeur, ainsi que les moments de prière communautaire qui doivent être vécus avec fidélité.

Le p. Dasilva est nommé responsable au niveau provincial des LMC. Les LMC de la NAP sont trois : un à Abor et deux dans des stations secondaires. Mais pourquoi pas à Sogakopé ou à Adidomé ?

Quant aux affectations : le fr. Latévi est affecté à la communauté de Tabligbo (1.11.2000) après le départ de fr. Alfredo Aguilar ; fr. Tsoklo à Cotonou (1.10.2000) ; fr. B. Dalikou à Adidomé (1.9.2000). Le p. A. Confalonieri est nommé curé et supérieur à Adidomé (1.11.2000), après avoir rendu service au diocèse d’Akatsi comme procureur-économe. A Adidomé sont arrivés aussi le p. Negrato (depuis Cotonou) et le fr. B. Dalikou. Il reste toujours vrai que la rotation se fait par moments en dehors de la programmation, imprévus aidant. Et alors on fait ce qu’on peut et tel ou tel confrère peut en souffrir.

Fin novembre 2000 les Ecrits de Comboni sont édités en français. Un grand merci aux pères Enzo Bellucco et Franco Noventa pour le remarquable travail de révision des textes et de la table des matières, ainsi qu’à la famille Tradico pour sa contribution financière. Les Ecrits permettront une approche plus directe des jeunes en formation avec le Fondateur.

 

 

Assemblée provinciale 2001 : laïcat

 

L’annuelle assemblée provinciale (la première du nouveau millénaire) se tient du 8 au 11 janvier 2001 à Cacavéli et tourne autour de la collaboration avec les laïcs et toutes les forces vives de nos communautés chrétiennes. Le provincial rappelle ce que le XVè Chapitre général nous dit :  « Dans le contexte de l’Eglise locale qui garde la responsabilité dernière pour ce qui est de l’action pastorale, et en rappelant l’idéal de Comboni de ‘sauver l’Afrique par l’Afrique’, nous nous engageons d’une façon particulière à collaborer avec les agents pastoraux locaux : prêtres, catéchistes, leaders de communauté… Participer à leur promotion et formation et les accompagner, est pour nous, une priorité absolue. Nous leur reconnaissons des domaines d’actions et de responsabilité en mettant en valeur leurs compétences et leur connaissance de la culture locale » (AC ‘97, 77).

D’abord, c’est l’abbé Antoine Doglo, actuel curé de la paroisse de Bè (Lomé) qui prend la parole pour nous parler des communautés de base. Il avait commencé ce travail à la paroisse Ss Martyrs de l’Ouganda et l’archevêque lui a demandé de continuer dans la paroisse Ste Marie Reine de Bè, où il a été affecté en 1999. Les CCCB (communautés chrétiennes catholiques de base) sont des ramifications paroissiales à taille humaine pour favoriser la vie fraternelle et solidaire où l’on fait l’expérience du partage. La première activité d’une CCCB est apostolique : l’évangélisation qui a pour action principale la catéchèse. Puis il y a aussi l’apostolat de réveil, porte à porte. D’autres activités sont les activités sociales : alphabétisation, campagne de salubrité, d’hygiène, programme sanitaire, intégration sociale. Sans oublier le développement et la promotion humaine. Le chrétien doit aussi être impliqué dans les activités politiques, au moins pour les éclairer avec la lumière de l’évangile. Cinq sont donc les piliers des CCCB : la Parole de Dieu, la prière, la communion fraternelle, la mission et la solidarité.

A suivi, dans l’après-midi, le témoignage de Mme Rita Amendah, professeur à l’université et qui a participé au synode diocésain de Lomé, qui nous a entretenu sur la difficulté de vivre la foi chrétienne au quotidien dans un milieu animiste et qui revient facilement à la culture des ancêtres. On risque d’être chrétien le jour et animiste la nuit. Elle nous a parlé aussi de son travail avec d’autres femmes au foyer Pie XII pour l’égalité des droits et des devoirs entre l’homme et la femme.

Nous avons écouté ensuite les témoignages d’autres laïcs engagés aussi bien au niveau paroissial que professionnel : M. Pierre Agui, professeur à l’université, et M. Emmanuel Gnassounou (ingénieur de la radiotélévision) responsable national du laïcat et ensuite M. Christophe Sakiti du renouveau, également membre du synode, informaticien à CAFE informatique, qui nous a parlé de son expérience d’une manière émouvante.

Le lendemain, le provincial se permet un rappel à la présence assidue de tout le monde, car l’assemblée provinciale est le lieu par excellence où nous définissons nos choix et nos orientations qui, après, deviennent référence obligatoire, et donc il faut la vivre avec intensité en participant aussi à l’eucharistie qui crée communion entre nous. Ensuite, l’on passe au questionnaire sur les laïcs que chaque communauté avait reçu en son temps pour une analyse plus approfondie de la réalité du laïcat.

Quand la parole passe aux secrétaires des secrétariats, on parle du centre Emmaüs qui passe au diocèse d’Aného et au nouveau service qui est demandé au p. Gambin pour ce qui est de la catéchèse dans l’archidiocèse de Lomé. Quant à la PV, il faut un chargé des vocations en vue de l’accompagnement personnel et pour une meilleure connaissance de la famille du candidat. Il faudrait penser aussi à un frère dans la PV. Des réactions sont suscitées par le chargé de la PV, le p. Odjo, quand il dit qu’il faudrait que nos candidats soient issus de préférence de familles chrétiennes et en situation régulière. Nombreux sont en effet les confrères autochtones issus des familles animistes et le milieu n’est pas encore chrétien. Mais il s’agit non d’une norme, mais d’une orientation.

On parle aussi de la formation de nos postulants, un problème qui revient toujours. Il semble que nos candidats n’aient jamais fait de synthèse de foi dans leur vie : l’enseignement reçu au catéchisme ne suffit pas ! Il faut les initier à la liturgie, à la vie spirituelle, à la Bible… à l’amour du Christ ! 

Quant à l’économie, toutes les communautés ont une situation financière positive et réalisent des projets. Certaines en ont même trop en chantier ! Il faudra procéder plus doucement. Nos dépenses ordinaires, comme administration provinciale, sont autour de 56% consacrées à la formation de base. C’est le noviciat (sa ‘diaria’ de 8 euros par jour) et les voyages de nos scolastiques (les nouveaux étaient 11 à voyager en 2000) qui nous coûtent le plus. Le tarif des scolasticats, avec le nouveau système (dont on avait parlé au Chapitre), nous revient à moins de la moitié de ce que nous payions avant. La collaboration de nos communautés aux dépenses de l’administration provinciale est la plus grande de nos recettes. Nos économes de communauté, dans l’ensemble, sont loin d’être des économes capables… Les comptes ne sont pas toujours bien faits : fautes à des millions près dans quelque cas ! L’économe provincial devrait les aider à une meilleure comptabilité et les intéressés devraient se laisser aider… Le budget prévisionnel doit être obligatoirement rédigé. La retenue de 25% sur toute offrande, sauf sur les financements de projets approuvés, n’augmentera pas. Quant au fonds commun, l’économe provincial pense que l’on pourrait fixer à deux ans de dépenses ordinaires le toit des avoirs de chaque communauté : le surplus serait versé au fonds commun.

Dans la commission de la FP il est question de faire ce que nous lisons au n°135 des Actes du Chapitre de 1997 : prévoir dans chaque province une structure d’accueil pour les confrères malades et âgés (CAA) qui désirent rester jusqu’au bout de leur vie en mission. On pense à une structure en proximité de l’hôpital d’Afagnan. Cette structure servira aussi aux confrères autochtones qui de retour de la mission pourront faire aisément un check-up ou se reposer. Il faudra acheter un terrain, envisager dans un délai raisonnable la construction d’une structure d’accueil et y établir une communauté. Au cours de l’assemblée des alternatives ont été émises : le Comboni Centre  de Sogakopé, dès qu’il est pourvu d’une polyclinique et pourrait permettre de continuer à vivre au milieu des gens, ou alors la communauté de Tabligbo qui est la plus proche d’Afagnan. Il faudrait aussi demander l’avis des scolastiques et frères autochtones autour de ce projet, car c’est eux qui, un jour, en bénéficieront de préférence. Mais le projet restera au niveau des rêves, car les urgences sont Cotonou et Accra.

Dans son rapport à l’assemblée, le provincial fait part des « lenteurs » que notre présence à Accra est en train de prendre, tout en se consolidant. Les surprises ne manquent pas : parfois la santé et difficultés de différente nature que rencontrent les confrères obligent le CP à parer au plus pressé. Le provincial fait allusion à l’abandon des frères C. Gaba et Bien-Aimé N’Kuagata, ainsi qu’au retour en Italie du p. M. Cremaschi. A Accra ce sera le p. F. Machado qui rejoindra le p. Dasilva à partir du 15 janvier. Les deux feront des démarches en vue d’une future paroisse combonienne dans la capitale du Ghana, sans oublier la PV et l’AM.

Le provincial donne aussi des chiffres : jamais nous n’avons été si nombreux en province, 41. Nos étudiants sont 20 : 14 scolastiques et 6 frères. 13 sont les novices et 30 les postulants. En mission nous avons 12 prêtres et 2 frères. 7 sont les membres radicaux qui travaillent en province : 5 frères et 2 prêtres. 12 les africains, c’est-à-dire le 33% des membres présents. Le provincial rappelle l’importance de la vie en communauté avec la prière (personnelle et communautaire), la rencontre de communauté, la récollection mensuelle. New People est imprimée à Sogakopé à 3mille exemplaires. Afriquespoir : nous en recevons 4 numéros par an, en raison de 1700 exemplaires par numéro. Ce n’est pas beaucoup. Nous pouvons faire mieux, soit au Togo qu’au Bénin. La collaboration avec les OPM est presque nulle. Autre lieu important d’animation est la radio. Des possibilités nous sont offertes au Togo et Bénin surtout. Pourquoi nous n’en profitons pas ?

La collaboration avec les comboniennes s’est améliorée. Elle porte sur une présence en paroisse soit à Adidogomé soit à Asrama : catéchisme, groupes des jeunes, apostolat des laïcs, ainsi qu’au niveau de l’AM et de la PV. Quant au LMC, au courant de l’année 2000, le couple Nelsen qui travaillait à Abor est rentré au pays. Un jeune, Yan, est venu, toujours envoyé par la NAP. Mais pour le moment, c’est toujours et seulement à Abor que nous avons la présence et la collaboration des LMC. Ailleurs on n’en parle pas… Il faut continuer la sensibilisation.

L’assemblée a formulé des propositions concrètes. Le CP recommandera de s’attaquer surtout au projet pastoral communautaire à préparer en collaboration avec la communauté paroissiale, à créer des communautés de base dans nos paroisses comme chemin privilégié d’évangélisation et de compréhension de la vie chrétienne, à faire en sorte que les plus pauvres aient une place bien claire dans nos projets de pastorale et même dans notre budget, à préparer une charte pour l’évangélisation et, enfin, à développer l’Amicale combonienne. Mais quelle difficulté à passer au concret ! Un exemple : à quelques jours de la date butoir du 31 mai, aucune communauté n’avait encore fait parvenir au CP le texte du projet pastoral communautaire !

Ferme agro-sylvo-pastorale

 

Le fr. C. Tsomafo est officiellement affecté à la communauté d’Akoumapé, où il se trouve d’ailleurs depuis avril 2000, pour projets et travail pastoral. Il remplace le fr. Bien Aimé N’Kuagata quand il quitte l’institut. Il s’occupe en particulier du Centre de formation agro-sylvo-pastoral Daniel Comboni qui est la matérialisation du « programme de formation par action pour une agriculture durable dans le sud-est du Togo ». C’est un institut agricole initié par les comboniens alors qu’ils étaient encore à Vogan. Le centre, en effet, est situé à Vogan, à 2 km de la paroisse, sur la route du lycée de Vogan-Sévagan. Il forme pendant deux ans des jeunes désireux de faire de l’agriculture et de l’élevage leur métier. On apprend donc tout ce qui est d’une agriculture durable.

La formation englobe les cultures vivrières, la culture industrielle, les outils agricoles, les travaux du sol, les cultures maraîchères, le reboisement, l’élevage des volailles, des porcs, des chèvres et moutons, des canards. Le Centre dispose pour cela d’une ferme agro-pédagogique pour la formation pratique. Les jeudis et les vendredis, des cours théoriques sont dispensés pour appuyer la formation pratique. Le niveau minimum pour être admis est la 5ème du CEG. Le nombre de places est limité à 30 pour chaque année. La rentrée se fait en janvier tous les ans. La formation est assurée par des techniciens en agriculture et en élevage, un ingénieur agronome et un frère combonien qui est en même temps le directeur du Centre. La ferme agro-pédagogique du Centre produit des légumes de toute sorte (carottes, betteraves, oignons, piment, aubergines, laitue, gombo, persil, choux, haricots verts, etc.) ainsi que des œufs, canards, poules, porcs, chèvres et moutons. L’évêque d’Aného se laisse enthousiasmer par le projet au point qu’il voudrait en faire un modèle pour d’autres projets de ce genre dans son diocèse (sic !).

A partir du 1er février 2003 le fr. C. Adigbo sera affecté à la communauté d’Akoumapé pour seconder le fr. Constant dans le Centre. La ferme est une œuvre diocésaine que les comboniens avaient créée pour donner aux jeunes les moyens d’apprendre l’élevage (poules pondeuses) et pouvoir, la formation achevée, s’installer chez eux, au village, et s’épanouir au contact de la terre. L’exode dans la région vers la ville ou l’étranger est très fort : voilà la nécessité d’une école agricole qui avait été réalisée avec l’aide de la CEI (Conférence épiscopale italienne). Les élèves apprentis ne manquent pas et l’espoir non plus. Mais ce dernier finira par fondre comme neige au soleil, créant plus de problèmes que des solutions ! Une décision sera finalement prise au CP du mois de septembre 2004, car les recettes de l’école ne couvrent pas les dépenses.

L’arrivée de fr. C. Adigbo n’a pas résolu le problème du manque du personnel (frères comboniens). En dialogue avec la communauté d’Akoumapé et les deux frères qui s’occupent de la ferme-école, le CP décide de remettre l’œuvre au diocèse d’Aného pour la fin de l’année. C’est ainsi que le provincial et le p. Boscaini rencontrent l’évêque pour lui communiquer la nouvelle. L’évêque remercie les comboniens d’avoir initié la ferme et accepte notre proposition. Ce sera une œuvre plus petite qui pourra se soutenir avec l’élevage des pondeuses. Le 19 janvier 2005 la ferme passera dans les mains du diocèse. Mais l’amer restera dans la bouche des confrères qui avaient cru que l’on aurait pu réussir s’il y avait eu une gestion transparente.

 

 

Centre ‘Parole et vie’

 

Le CP prend acte de la nomination par l’archevêque lui-même de p. Gambin comme responsable de la catéchèse dans l’archidiocèse de Lomé à partir de janvier 2001. Le Centre parole et vie aura son siège à la paroisse de Kodjoviakopé, dans les locaux qui étaient habités à l’époque par le provincial et l’économe provincial. Le père organisera, petit à petit, son travail : il s’occupera spécialement de la documentation catéchétique offerte aux responsables des communautés paroissiales et scolaires (curés des paroisses et direction de l’enseignement catholique). Il sera assisté par une équipe de collaborateurs plus ou moins bénévoles : laïcs et religieux. Il travaillera avec une équipe composée d’un prêtre diocésain, une religieuse et un catéchiste autochtones. L’œuvre sera non combonienne mais ‘diocésaine’. Le Centre se compose d’une salle de travail et d’exposition de manuels catéchétiques, située au rez-de-chaussée. A l’étage, on trouve le bureau du responsable, la salle d’impression des manuels de catéchèse et des brochures pour la formation des catéchistes dans les paroisses ou/et les écoles catholiques.

Le p. Gambin (qui fait partie de la communauté de la paroisse d’Adidogomé) se rendra vite compte de l’état pas très exaltant de la catéchèse dans l’archidiocèse et du manque de formation des catéchistes. Les objectifs du Centre vont donc se préciser : effectuer une analyse de la situation de l’éducation de la foi dans l’archidiocèse ; élaborer, imprimer et diffuser un programme d’action à partir du nouveau programme de la catéchèse rénovée, en suivant la nouvelle méthodologie en vigueur ; observer les directives du Directoire général de la catéchèse ; organiser des sessions de formation des catéchistes et des maîtres d’école par secteur en utilisant les documents préparés dans ce but (cf Manuels de formation des catéchistes) ; renforcer et promouvoir les institutions proprement catéchétiques, dont celle du catéchuménat baptismal dans chacune des paroisses et des stations secondaires par l’animation catéchétique des communautés chrétiennes. Il s’agit aussi d’insérer dans le catéchuménat un accompagnement liturgique (rites et étapes) qui n’existait pas auparavant.

 

 

Rencontre des provinciaux francophones

 

Le 16-17 février 2001, les provinciaux de l’Afrique francophone se retrouvent au scolasticat de Kintambo à Kinshasa pour leur rencontre annuelle. Participants : les pères V. Milani, vicaire général, S. Cadei, Kike Rosich (Tchad), G. Zaffanelli (Centrafrique) et F. Zolli (Congo). On y parle du deuxième noviciat francophone au Bénin. On n’est pas encore fixé ni sur le terrain ni sur le plan. Quant à l’équipe formatrice, les provinciaux font des noms : João Correia, S. Cadei et N. Rangu. Le noviciat sera interprovincial et international. Le début de ce 2ème noviciat est prévu pour le mois de septembre 2002…

Pour le noviciat de Kinshasa, depuis que le p. R. Eguíluz, père maître pendant 9 ans, a quitté pour éviter l’épuisement, le p. T. Hounaké est seul. Le p. Enzo Bellucco, affecté depuis le 1er janvier 2001 comme nouveau père maître, n’est pas encore arrivé. La ‘diaria’ par novice est fixée à 8 euros.

Les provinciaux ont prêté une grande attention à la formation de nos candidats frères et ont décidé de revoir le projet de formation pour les postulants frères avec la collaboration des secrétaires provinciaux pour la formation de base et de la pastorale des vocations. Le p. Raphael Wokorach sera le formateur du postulat-frères, alors que le p. Odjo pourrait donner une aide ponctuelle. Comme 2ème formateur pour le postulat-frères, les provinciaux proposent le fr. P. Latévi.

Les provinciaux étudient aussi le problème de l’aide aux familles des candidats. La consulta de mars-avril 2001 revient sur le sujet, en disant « qu’il faut que ce soit clair que les candidats doivent être libres de responsabilités de famille comme une condition d’admission au service missionnaire dans l’institut ; et que l’institut comme tel n’a aucune responsabilité directe envers les familles de ses membres ». Le CG demande que l’on réfléchisse au sujet et que les provinciaux en donnent les normes : « Les cas exceptionnels doivent être évalués à la lumière de la charité chrétienne et de la transparence ».

Les provinciaux francophones se penchent encore sur le projet CAE (Centre Afriquespoir). Avec le numéro d’avril, la revue aura quatre ans d’existence. Malgré les difficultés (situation de guerre, inflation, transports précaires...), la revue a paru régulièrement et a été envoyée aux autres provinces. Un discret succès ont eu aussi les livres publiés : Rions un peu ; Les mots de ma foi ; Ils vous ont guettées ; Sans blague. En janvier le CAE s’est installé dans l’ancienne maison provinciale, dans le quartier Lemba. On a parlé de la future activité dans le domaine radio et TV, confiée en particulier au p. L. Moser, et à une possible coopération avec d’autres confrères qui travaillent dans le même secteur ailleurs. On a souligné l’importance que des confrères africains soient engagés dans l’œuvre d’animation par les médias et l’urgence de prendre contact avec d’autres pays francophones dans lesquels nous ne sommes pas connus pour une campagne de promotion de la revue et d’autres moyens d’AM. On a pensé aussi à un séminaire de formation dans le secteur de l’AM auquel participeraient deux ou trois confrères par province : très belle idée restée dans l’air…

 

 

Chronique 2001

 

Le 25 janvier le CG envoie à tous les confrères une lettre Attention à la personne dans la communauté combonienne. C’est le rendez-vous annuel du CG avec les confrères « par un message qui nous aide à approfondir et à vivre dans une fidélité, toujours renouvelée, les thèmes principaux du XVè Chapitre général ». Le CG est convaincu « que la personne de chaque missionnaire est le don le plus précieux que Dieu ait fait à chacun de nous, à nos communautés, à l’institut et à la mission » (cf RdV 162.1). La lettre doit être lue personnellement et en communauté. Il est important de se familiariser avec les textes comboniens qui nous sont envoyés. Nous nous plaignons parfois qu’il y a trop de papiers à lire… mais la FP exige tout cela.

Le 28 janvier se termine, avec une célébration en l’église St Augustin d’Amoutivé, le synode de l’archidiocèse de Lomé. Le tout premier synode de l’archidiocèse avait été annoncé le 8 décembre 1996 et solennellement ouvert le 5 décembre 1999. Le livret des décrets synodaux - qui entreront en vigueur à partir du 9 mars 2003 - sera publié le 1er novembre 2002. A travers réunions, échanges, travaux en commissions et sessions plénières, l’Eglise de Lomé a voulu écouter ce que l’Esprit lui disait.

P. E. Ziliani est affecté à la paroisse de Fidjrossè à partir du 15 avril. Il remplace p. Ruffino Ezama qui est rentré au pays pour des raisons graves. P. Fred Ahiro, à Issy-les-Moulineaux pour apprendre le français, à son arrivée en province, ira à Adidomé, où il fera son stage de langue.

Le 1er mai tous les frères se sont retrouvés avec le p. Provincial pour réfléchir sur leur présence dans la province et pour fêter dans la joie le renouvellement des vœux des frères Tsomafo, Dalikou, Tsoklo et Latévi. La veille, au cours de la récollection, le fr. André des Frères du Sacré-Cœur avait développé le thème Frères plus que jamais. Le frère est appelé à porter le Christ avec son être à tous ceux qui ont encore à être évangélisés. Le fr. Salandini, qui nous est ‘prêté’ par la province d’Italie depuis 1992 et s’occupe des travaux des constructions, continue son chantier de construction de l’église pour la communauté d’Avedzi (paroisse d’Adidogomé). Sa surface est de 700 m².

Dans la première semaine de juin, cette année encore, le secrétariat pour l’évangélisation organise à Cacavéli la ‘semaine d’inculturation’. C’est une tradition dans la province. Le sujet de cette année : « Initiation traditionnelle et initiation chrétienne : un moment de réflexion pour l’inculturation de la foi dans le domaine de l’initiation chrétienne ». La participation a été bonne parce que la semaine est ouverte aussi aux membres des autres instituts et au clergé local. Une manière de souligner les aspects positifs de la culture traditionnelle et qui pourraient être ‘baptisés’ en entrant dans une liturgie inculturée. Le texte de référence a été Enraciner l’Evangile de Luneau et A. T. Sanon. Les rites d’initiation chrétienne des adultes et des enfants en âge scolaire ont été présentés par les pères Zulianello et Gambin. A chaque présentation a suivi un débat et un travail en groupe pour permettre à chaque participant de pénétrer davantage  la réalité profonde de l’âme africaine.

Le CP du mois de mai nous informe que le terrain pour l’œuvre à Cotonou a déjà été acheté et la personnalité juridique octroyée (ce qui a permis l’achat du terrain). Le prix d’achat et frais y afférant tournent autour de 45millions de f cfa. C’était un peu la somme prévue depuis. La superficie est de 3 hectares, « donc largement suffisante pour y pratiquer un jour l’élevage de poules et de moutons… pour alimenter les novices ». Distance du terrain jusqu’à la paroisse de Fidjrossè, 22 km. C’est le terrain de Kpahou. Le CG pour sa part après réflexions, contradictions, évaluations, etc. est d’accord pour l’achat du terrain et pour commencer à construire pour une activité d’AM et PV. Le noviciat se sera pour plus tard. Le CG pense donc que le lieu le meilleur serait la banlieue de Cotonou. On s’oriente alors vers Fidjrossè où un confrère pourrait commencer en ville, dès que le terrain acheté se trouve en pleine brousse. Le CP, lui, demande au CG de revoir sa décision car elle perturbe le plan que les provinciaux francophones sont en train de mettre sur pied. Sur le terrain de Kpahou sera creusé un puits et puis il faudra penser à la clôture. La consulta d’octobre revient sur le sujet. Le CG n’est pas convaincu du bon choix du terrain et il est surpris d’apprendre qu’il n’y avait pas de terrain plus proche de Cotonou à acheter ! Et de répéter son avis de commencer le noviciat dans une maison louée.

Pour intensifier l’AM et la PV au Bénin il y aura à Cotonou 5 confrères dont deux frères. Un frère et un père seront chargés à mi-temps de la PV et l’AM. Les jeunes méritent d’être suivis de plus près et accompagnés pendant un temps assez long avant qu’ils ne soient admis au postulat.

Pour le Ghana le discours devrait être le même. Il faut penser à 5 confrères (paroisse, AM et PV). Les candidats ghanéens qui auront été admis, après la semaine de discernement, au postulat pour l’année 2001/02, feront une année d’étude du français à Cacavéli. Le CP rappelle une fois de plus la nécessité d’un bon discernement avant l’entrée au postulat.

Le CP nomme R. Wokorach supérieur et formateur du postulat-frères à partir du 1er juillet. Le fr. Latévi est affecté de Tabligbo à la communauté de Cacavéli pour le CAM, avec présence dans la PV surtout celle du frère. Il collaborera avec le p. Odjo. Il donnera un coup de main aussi au p. Wokorach dans la formation des postulants. Le fr. Anku termine son service comme formateur avec l’année scolaire (fin juin) et continuera le travail du projet puits jusqu’au 31 décembre. Le 1er janvier 2002 le projet puits passe au diocèse d’Aného.

P. E. Sindjalim quitte au mois de juillet pour un cours à la Grégorienne à Rome, pour une formation, avant de revenir comme formateur ‘attitré’ au postulat d’Adidogomé.

L’été 2001 (16 juillet-6 août) voit le p. Montresor avec un groupe de jeunes italiens visiter notre province. Une équipe de Mundo Negro vient aussi pour quelques tournages et se procurer ainsi du matériel audiovisuel. Une autre équipe des médias d’Espagne demande aussi de passer dans notre province. La disponibilité des confrères est demandée.

Le couple Nelsen des LMC qui avait déjà fait 3 ans à Abor veut revenir travailler pour fin 2001. Il ira s’installer à Accra et s’occupera des enfants de la rue de la capitale ghanéenne. Pour eux on louera une maison à proximité de la nôtre. Pour ce qui est des laïcs autochtones près d’Adidomé suivis par Mlle Jennifer de la NAP, ils ont perdu le contact avec le p. Machado affecté à Accra. Le CP pense qu’il est trop tôt pour s’occuper de cet aspect du laïcat dans notre province. Mais la porte reste ouverte.

Le samedi 11 Août 2001 à Fidjrossè sont ordonnés prêtres par l’imposition des mains de Mgr Agboka, évêque d’Abomey, nos deux diacres béninois Saturnin Comlan Pognon et Théophile Bessan. Les deux sont des cousins, parce que leurs mères respectives sont sœurs. L’évêque d’Abomey avait demandé de pouvoir prendre part au rite d’ordination parce que, lui aussi, est ‘cousin’ de nos deux confrères. Une nombreuse foule, composée de nos paroissiens, mais surtout de wla, l’ethnie de Théophile et Saturnin, a littéralement envahi notre grande église pour participer activement à la messe. La même chose s’est répétée le lendemain pour la célébration de leur première messe au bord de la mer à Ouidah. Sur cette esplanade, à côté de « la porte de non retour », symbole de l’esclavage, a été érigée « la porte du salut », construite pour l’année du grand jubilé de l’année  2000, qui rappelle l’arrivée sur ce rivage des premiers missionnaires catholiques au Bénin, les pères SMA Francesco Borghero et Fernandez, le 18 avril 1861. Aujourd’hui l’Eglise du Bénin envoie ses propres missionnaires : Théophile travaillera dans son pays pour l’AM et la PV, tandis que Saturnin sera missionnaire au Tchad.

La consulta du mois de juin 2001 prévoit l’ouverture du noviciat de Cotonou pour l’année 2003. On préparera le père maître et le socius : S. Cadei et N. Rangu. « On se demande s’il ne vaudrait pas la peine avant de construire, de prévoir un commencement du noviciat dans une maison prise en location d’autant que le nombre des novices ne sera pas élevé ».

Le 19 septembre le provincial présente à l’archevêque d’Accra le p. Fred Ahiro qui vient d’être affecté au Ghana comme chargé de l’AM et de la PV. Quant à la paroisse confiée aux comboniens elle est à New Achimota, une localité au nord de la ville d’Accra sur la route pour Koumassi. La paroisse est en construction et beaucoup de travail reste à faire. Responsable est nommé le p. F. Machado qui sera aidé part time par le p. Ahiro.

Le 29 septembre, Mgr Benoît Messan Alowonou est sacré nouvel évêque de Kpalimé. Il succède comme 2ème évêque de la ville à Mgr Pierre Koffi Seshie, décédé lé 24 avril 2000.

Le CP du mois d’octobre prend note de la nomination du p. Saverio Perego comme nouveau provincial. Il souhaite, pour ce qui est des conseillers, qu’un discernement puisse être fait lors de la rencontre du 10 octobre, pour que des critères soient respectés, selon la tradition de la province : un représentant par pays, un représentant frère et aussi faire confiance à des jeunes ‘africains’.

Commence officiellement au Bénin une communauté pour l’AM et la PV. Ses membres : p. Théophile Bessan et fr. S. Tsoklo. N’ayant pas encore de lieu propre à eux, les deux feront communauté avec les confrères de Fidjrossè. Ils s’entendront pour bien collaborer dans leur travail propre. P. Bessan donnera un coup de main en paroisse surtout pour le ministère de fin de semaine et le fr. Simon s’occupera de quelques groupes de jeunes.

Au cours de la rencontre des provinciaux sortants et des nouveaux avec le CG au Caire (du 10 au 17 novembre 2001), les francophones se sont rencontrés entre eux le 15 et 16 novembre. La communauté du CAE (Centre Afriquespoir) s’est enrichie d’un nouveau membre, le p. Louis Adjétey de retour des études à Rome. On insiste sur un plus grand engagement pour la JPIC qui devrait être constitutif de notre service missionnaire. La session sur l’AM se tiendra à Lomé du 1 au 8 mars 2002 et comprendra aussi la rencontre du Centre Afriquespoir. Celle de formation des promoteurs des vocations, formateurs et formatrices se tiendra à Cotonou du 26 au 31 août 2002. On prévoit un grand nombre de novices pour l’année 2002/2003 (une trentaine seulement en première année). Plutôt que la proposition des formateurs de commencer à Cotonou déjà en 2002 avec un petit nombre de novices, on propose un troisième formateur à Kinshasa (p. S. Cadei ou fr. Duilio Plazzotta ; finalement ce sera le p. S. Cadei à être nommé socius du père maître à partir du 1er juillet 2002). Il faudra aussi commencer la recherche à Cotonou d’une maison en location et d’un terrain pour le 2ème noviciat francophone. Quant au postulat-frères de Cacavéli, p. Miante (nouveau secrétaire général de la formation, remplaçant p. João Correia) a préparé un avant projet de charte éducative. Il faudra bien l’étudier. L’équipe des formateurs devra comprendre aussi un frère. On décide aussi que la première profession soit célébrée au noviciat même.

Avant la fin de l’année, le CG, après une énième réflexion, remet dans un même lieu (même si dans des maisons séparées) le noviciat et les activités d’AM et PV à Cotonou. Le tout à réaliser progressivement. Le lieu : la banlieue de Cotonou, de manière à permettre la réalisation de différentes finalités de notre présence. Pour cela le CG invite à vendre le terrain antérieurement acheté parce que trop loin de la ville. Le CG paye la moitié de l’achat du nouveau terrain (1 hectare). Le reste est à la charge de la province. Pour la construction on demandera la collaboration des provinces francophones. Si la construction ne peut pas se faire pour 2003, année prévue pour le début du noviciat, on cherchera une maison en location. Quant au personnel : le p. N. Rangu, prévu comme socius, suivra à Rome un cours pour formateurs d’octobre 2002 à juin 2003. Le p. S. Cadei reste disponible pour le postulat-prêtres de Lomé jusqu’à juin 2002 (le p. Perego est devenu provincial et donc il quitte sa place au postulat d’Adidogomé). Il partira ensuite pour le noviciat de Kinshasa comme 2è socius. Il sera enfin affecté comme père maître du noviciat de Cotonou. L’expérience de Kinshasa remplace le cours prévu et lui sera très utile pour son service futur, en connaissant mieux le Congo et les congolais.

Le 25 novembre 2001, fête de la Christ Roi, l’archevêque de Cotonou a érigé en paroisse une des implantations secondaires de notre paroisse à Fidjrossè dans le quartier d’Agla Akplomey. Nous étions arrivés à Cotonou en octobre 1989 et un terrain sablonneux nous avait été confié dans la banlieue, qui bien vite commença à se peupler. Le défunt Mgr I. De Souza avait pensé un moment d’ériger la nouvelle cathédrale sur le lieu même de notre paroisse, mais le nouvel archevêque jugea plus opportun de la bâtir ailleurs, pendant qu’il proposait de construire un sanctuaire pour l’adoration perpétuelle là où aurait dû surgir la cathédrale et de le confier aux Sœurs du Sacré Cœur de Modena (Italie).

Le 25 novembre, l’archevêque a ainsi posé la première pierre du futur sanctuaire et a confié cette partie de la paroisse combonienne, comme nouvelle paroisse, à un religieux d’une congrégation béninoise Africa Mission. Cette nouvelle paroisse n’a aucune structure sinon un grand salon qui sert d’église. Pour le nouveau curé, la communauté a trouvé une maison en location. En 1997, une première paroisse avait déjà été détachée de la paroisse combonienne, et cette seconde ne sera certainement pas la dernière, vue la croissance des communautés catholiques.

 

 

 

 

Septième Partie

P. SAVERIO PEREGO PROVINCIAL

(2002 - 2004)

 

 

Avec la nouvelle année, le nouveau CP prend sa responsabilité d’animation de la province. Provincial: p. Saverio Perego ; conseillers : les pères E. Petrogalli (vice provincial et représentant du Ghana), C. Odjo (secrétaire du CP), E. Ziliani (représentant le Bénin) et A. Boscaini (représentant le Togo). On remarque l’absence d’un représentant des frères…, ce qui n’est pas conforme au texte du directoire provincial et à la tradition déjà consolidée.

Déjà dans sa toute première rencontre le 3 janvier 2002, le CP parle noviciat : le nouveau terrain sera acheté dans un bref délai. Le projet de la maison est déjà à Rome auprès de l’économe général, le p. Guarda. Il a été conçu avec l’approbation des pères maîtres de Kinshasa. On pense envoyer une demande d’aide à Missio. Au mois de mars, au cours de la réunion des provinciaux francophones à Lomé, on verra comment partager les dépenses pour la construction du noviciat. Les travaux pourraient déjà démarrer au mois d’avril, afin que la maison soit prête pour la rentrée des novices au mois de septembre 2003. Cela éviterait des dépenses pour la location d’une maison. Après on pensera à la maison pour l’AM/PV, à construire sur le même terrain.

Du 28 au 31 janvier se tient à Cacavéli l’assemblée provinciale, moment fort de partage et d’écoute. Le thème était d’actualité : Globalisation, un défi. Plusieurs spécialistes ont traité le sujet sous différents aspects : social, économique, moral. Le travail en carrefour nous a donné de ramener le problème à l’échelle locale pour en mesurer les conséquences. Et cela en vue de mieux comprendre et vivre la globalisation dans une optique chrétienne. Le monde se dirige vers une exclusion systématique des pauvres du ‘banquet des noces’, ce qui est inacceptable pour un chrétien. Au plus, aux pauvres ‘lazare’ on donne les miettes… Alors nous devons, tous, redoubler de vigilance pour ne pas tomber dans cette logique dominante et perverse qui nous fait raisonner comme les puissants de ce monde dans l’administration de notre argent et qui nous fait dépenser sans réflexion un tas d’argent pour des choses banales et non essentielles à notre travail.

Le défaut de notre assemblée a été une fois encore le ‘va et vient’ des confrères (ce sera la même chose pour l’assemblée de l’AM). On ne reste pas du début jusqu’à la fin. On a la tête ailleurs. Suis-je combonien ? Alors je donne la priorité à tout ce qui touche à ma vie combonienne : assemblée, secrétariats, retraite,  journées de rencontre…

Le 23 février, tous les membres du CP se sont déplacés à Cotonou pour une descente sur les lieux du futur noviciat (commune de Godomey, quartier Atropokondji, avant d’entrer à Cotonou de l’ouest). Le p. Cadei, ancien provincial et futur père maître, et p. Arbor, économe provincial, étaient du groupe. On s’est d’abord arrêté sur le terrain de Kpahou et puis, en compagnie du propriétaire, on a visité le nouveau. Le terrain semble bon, encore épargné en partie par l’avancement de la ville qui finira par tout envahir. Il semble facile d’avoir le courant électrique et le téléphone… mais que des démarches avant de les avoir ! Et surtout, chose non vue (c’était la saison sèche…), le terrain est… inondable ! Que des polémiques on aura entre confrères autour de ce noviciat !!! Mais finalement il se fera quand même. Le prix du terrain? 3millions et demi de f cfa le carré. La proposition la plus réaliste c’est d’acheter 30 carrés (12mille m²) : 150m de longueur sur 80m de largeur pour pouvoir mettre les deux bâtiments du noviciat l’un face à l’autre et celui de l’AM et PV au fond.

2ème assemblée francophone de l’AM

 

Après avoir accueilli en novembre 1999 la première assemblée sur l’AM de l’Afrique combonienne francophone, notre province a eu l’honneur d’accueillir aussi la 2ème. C’était du 5 au 8 mars 2002. Une trentaine de confrères et consoeurs, venus du Tchad, Congo, RCA et de notre province se sont retrouvés chez les Canossiennes à Agoégnivé, Lomé. De Rome nous avait rejoint le p. Jaime Calvera, nouveau secrétaire général de l’AM en remplacement de p. Tenías.

Objectif de l’assemblée est de répondre à la question: quelle animation missionnaire pour l’Afrique aujourd’hui ? On a commencé en mettant en commun les réponses au questionnaire qui avait été préparé en vue de cette rencontre, et cela à la présence des personnes ressources (trois togolais : l’abbé Raphaël Tossou, l’avocat Paul Apevon Dodji et l’abbé Gustave Prosper Sanvee, directeur de Radio Maria/Togo) et du facilitateur, lui venu de la RDC, le jésuite p. Rigobert Minani.

L’attention de tous a été capturée par le p. Minani quand il nous a décrit la situation en RDC, en l’insérant dans un cadre géopolitique qui donne raison de l’intervention de tant de pays africains dans la crise que le pays vit depuis quelques années et qui y défendent leurs intérêts. En nous écoutant trop, nous avons peut-être perdu de vue la nécessité d’établir un véritable plan d’action, mais… nous sommes là, avec Afriquespoir (depuis le numéro 22  avril-juin  2003, la revue sera imprimée pour la province non plus à Kinshasa mais à Sogakopé par le p. R. Novati, à 3mille exemplaires), le CAE (qui à Kinshasa produit livres et cassettes) et New people pour le Ghana, dont le p. E. Petrogalli est le ‘maître incontesté’. Surtout il ne faut pas oublier la ressource fondamentale que nous représentons, nous, animateurs missionnaires du peuple de Dieu.

Le p. Jaime nous a présenté les racines et les raisons de notre service d’AM en parcourant les différents documents concernant notre service, sans oublier la collaboration avec d’autres agents pastoraux pour la réussite de notre travail. Sœur Mary Luz Sánchez nous a entretenu sur l’AM dans l’histoire de l’institut des sœurs comboniennes.

Selon le directeur de Radio Maria/Togo, poser la question des médias et de l’AM c’est exprimer la volonté de relever les défis que le monde pose à l’Eglise ou à notre foi par le biais des moyens de communication. C’est aussi exprimer la volonté d’une présence chrétienne et féconde au monde d’aujourd’hui. Le meilleur moyen c’est la radio (pas lourd, pas cher…). Il faut trouver le langage pour arriver au cœur de la jeunesse car l’avenir lui appartient. L’abbé Sanvee ne cache pas le problème représenté par notre pauvreté, car les médias demandent de l’argent !

 

 

Visite du Père Général

 

Du 1 au 15 mai 2002, le supérieur général, Manuel Augusto Lopes Ferreira et le p. Rafael Ponce Gonzáles, conseiller général, viennent en visite ‘canonique’ à la province. C’était la première fois que nos deux visiteurs mettaient le pied dans nos trois pays. Dès leur descente d’avion, une chaleur humide et collante ne les a plus quittés jusqu’à leur départ. Ils passent dans toutes les communautés (12) pour y rencontrer personnellement les confrères dans un dialogue franc, serein et constructif. Une visite de courtoisie aux évêques avec qui nous travaillons a permis au p. Général de mieux connaître les problèmes auxquels les Eglises locales sont affrontées. Le 11 mai dans notre paroisse d’Adidogomé un événement important  marquait cette visite, la profession perpétuelle de deux frères togolais : les frères Simon Tsoklo et Constant Tsomafo. En présence du p. Général, des confrères et d’une foule nombreuse, les deux frères se sont engagés pour toujours dans la famille combonienne.

Au terme de la visite, le jour même du départ, une assemblée provinciale extraordinaire nous a tous rassemblés autour de celui qui incarne la communion dans notre institut et la continuité avec notre Fondateur. Le Général a souligné certains aspects de notre vie qui sont un peu déficients comme le manque de programmation de notre pastorale, une certaine indépendance vis-à-vis de l’Eglise locale et de l’Etat… Il nous a encouragés à travailler dans un esprit de communion et de partage et à abandonner l’esprit individualiste qui parfois nous habite. Il a, enfin, insisté sur la création d’une commission JPIC dans chacune de nos paroisses pour aider les gens à ‘lire’ la réalité, surtout au Togo, dans un esprit critique et constructif.

Les deux membres du CG remarquent la différence qu’il y a entre la situation au Togo, particulièrement délicate du point de vue politique et social, et celle qui prévaut au Bénin et au Ghana et qui exprime des moments uniques de croissance et de transformation. Nous sommes invités donc à un engagement majeur dans le discernement pour la mission. « A cause de votre inertie - nous lisons dans la lettre après la visite - il vous arrive de lire le présent avec des critères du passé mais ce temps de changement et de transformation de la société, de l’Eglise et de l’institut vous demande un engagement de recherche et de nouveaux critères de discernement pour votre mission, de façon à revoir vos engagements d’évangélisation et à qualifier toujours d’avantage les engagements de formation de base, d’AM et de PV ». Ils insistent ensuite sur la vie communautaire : « L’engagement à améliorer votre vie communautaire n’est pas quelque chose qui vous détourne de la mission ; au contraire, c’est ‘votre première forme d’annonce qui porte les gens à la suite du Christ’. Notre communauté est apostolique, une fraternité pour la mission, et pour cela votre vie communautaire vous prépare à la collaboration avec l’Eglise locale dans l’exercice de votre service missionnaire : le projet communautaire s’insère naturellement dans le projet pastoral, l’instrument qui doit guider votre mission dans le contexte de l’Eglise locale ».

Autre aspect important de la province est l’interculturalité. « Vous vivez déjà la réalité qui caractérise notre famille dans le futur immédiat ; les communautés interculturelles, composées par des membres qui proviennent de différentes Eglise et cultures. Cette variété enrichit la vie de notre famille missionnaire et rend plus fort notre témoignage. Mais c’est aussi un défi à nous accueillir réciproquement, à savoir programmer, travailler et vérifier ensemble le travail missionnaire, à instaurer des rapports communautaires qui tiennent compte de cette diversité. A vivre sereinement le don que chacun est pour l’autre, pour la communauté et pour la mission, avec ses qualités personnelles et ses limites ».

Les deux confrères nous mettent en garde aussi contre la tentation de céder trop à l’argent. Les moyens de la mission sont d’abord spirituels : la force de la Parole de Dieu, le pouvoir de l’Esprit, l’efficacité de la grâce… Dans l’usage de l’argent il faut donc coresponsabilité et clarté dans le compte-rendu des dépenses. Il faut travailler pour assurer le nécessaire pluralisme des situations et des orientations des trois pays qui forment une seule province.

 

 

Assemblée francophone des formateurs et promoteurs

 

Du 26 au 31 août se tient à Atropokondji-Cotonou, chez les Eudistes, la seconde assemblée des formateurs et formatrices, promoteurs et promotrices des provinces francophones. La première assemblée avait eu lieu à Nairobi en août 2000. 19 les participants, provenant des 4 provinces. Etaient également présentes deux comboniennes de la province Congo/Togo, le p. Vincenzo Percassi comme expert et le p. G. Miante comme secrétaire général de la formation. La rencontre était présidée par le p. V. H. Matarrita Castillo, supérieur provincial de la RCA, délégué pour la formation dans l’espace francophone. Le thème de la rencontre : initiation et formation. On a voulu ainsi réfléchir et approfondir tout ce qui est proposé dans le document de la « Vérification de la formation » qui invitait à privilégier la méthodologie de l’initiation dans notre service de promotion des vocations et de la formation (VdF 2001, 29).

Pour commencer ce chapitre sur l’initiation, c’est Mgr Anselme Sanon, évêque de Bobo-Dioulasso (Bourkina Faso), qui a ouvert la séance comme anthropologue et expert du sujet. Un homme de Dieu, d’une grande sagesse, un expert de son ethnie, qui nous a aidés à comprendre les valeurs profondes de l’initiation traditionnelle, se liant à l’initiation chrétienne et à ce qui pourrait être le chemin initiatique d’un ou d’une jeune en formation dans la vie religieuse.

La seconde grande contribution a été apportée par le p. V. Percassi, formateur au scolasticat de Rome et psychologue, qui nous a proposé de relire les moments forts du chemin de formation (connaissance de soi, dialogue de formation, prière et Parole de Dieu, vie communautaire, conseil de communauté, rôle des formateurs et des accompagnateurs, etc.) à la lumière de la méthodologie initiatique. La participation active de tous, le partage, les innombrables questions venant de l’expérience de chacun... ont enrichi remarquablement la réflexion pour pouvoir l’incarner ensuite dans le concret de nos communautés de formation.

C’était la première fois, peut-être, que s’affrontait avec une grande concrétisation et une perspective immédiate d’application un thème aussi important qui nous faisait entrer au cœur de l’inculturation. Un pas en avant, certainement, dans la réalisation d’une promotion des vocations et de la formation combonienne plus incarnée dans le contexte africain.

Autre point de grand intérêt a été le partage et la réflexion sur la promotion de la vocation du frère et sur le postulat interprovincial des frères. C’est le désir de tous de s’engager pour la promotion de la vocation du frère dans les provinces francophones. Mais la baisse de candidats commence à poser problème.

 

 

Chronique 2002

 

Quelques faits à ne pas oublier pour l’année 2002.

Avec la nouvelle année, le p. C. Pegoraro exprime le désir de renoncer aux charges de curé et supérieur de Toffo. C’est  p. R. Andrade qui le remplace.

Le CP se réunit du 25 au 26 juin 2002 à Kaneshie (Accra) pour rencontrer aussi les confrères du Ghana et voir de près notre présence dans la capitale du Ghana.

La veille les deux économes, les pères Arbor et Dasilva, sont partis pour signer à Cotonou chez le notaire les documents de l’achat du terrain pour le noviciat. Pour la construction, nous avons tenu compte des suggestions faite par le p. G. Miante, secrétaite général de la formation, en demandant à un architecte de refaire le plan. Les dépenses sont estimées autour de 100 millions de f cfa. Le plan accepté comporte 26 chambres : 22 pour les novices, 2 pour le père maître et son socius et 2 pour les hôtes. Nous sommes d’accord sur le principe de la sobriété et de la simplicité au noviciat, mais on voudrait rechercher cela dans la nourriture, le travail, les moyens de transport et que la maison soit bien… commode (nous sommes aux tropiques !). Le provincial a rencontré le chargé d’affaires de la nonciature près le Bénin et le Togo, Mgr Pierre Nguyen van Tôt (il sera nommé nonce le 24 novembre suivant), pour lui soumettre la demande de financement du noviciat. Il la transmettra au Vatican. Au nom du CP est demandé à p. Boscaini d’adresser une lettre de demande d’aide au CG pour la construction du noviciat. Le bilan de l’économie de la province est toujours positif mais il diminue, par rapport à l’exercice précédent, à cause des dépenses liées à l’achat du terrain et à la construction du noviciat. Le CG offre 30mille euros, tout en souhaitant la collaboration des autres provinces francophones.

Le 14 juillet, la paroisse de Tabligbo a la joie d’accueillir pour son eucharistie de prémices son premier enfant prêtre, ordonné la veille dans la cathédrale d’Aného : il s’agit de  Simon-Pierre S. Siliadin. Comme nombreux autres prêtres du diocèse, il est le fruit de la promotion des vocations de la part des confrères.

Le nombre des candidats frères postulants est exigu, mais le CP pense de ne pas jumeler les deux postulats car cela signifierait signer ‘l’acte de mort’ du postulat-frères. Mais on ne fera que retarder l’irréparable. 16 sont les postulants admis au noviciat (4 frères et 12 candidats prêtres). Le 4 août depuis Cotonou ils s’envolent pour Kinshasa Kimwenza.

Quant aux affectations : le p. A. Dasilva est affecté à la maison provinciale à partir du 1er juillet. Selon la programmation sexennale il avait été pressenti comme économe provincial. Il se préparera à la tâche en se rendant d’abord à Rome et puis à Paris. A partir du 1er janvier 2003 il sera le nouvel économe provincial. Le p. Justin Dossou-Yovo, qui nous revient d’Ouganda, est affecté à la communauté d’Accra-New Achimota. Il sera proposé à l’archevêque d’Accra comme vicaire de la paroisse Our Lady of Assumption (OLA). P. João Correia, de retour en province (le 4 septembre) est affecté à la communauté de New Achimota comme économe. Lui aussi sera proposé comme vicaire de OLA. P. F. Machado est nommé supérieur de la nouvelle communauté, alors que l’archevêque l’a déjà nommé curé de la paroisse de OLA. P. A. Arbor est pressenti pour être supérieur et curé à Asrama, mais il finira à… Tabligbo comme économe. P. F. de Matos Dias passe d’Asrama à Adidogomé comme supérieur du postulat à partir du 1er septembre 2002. Le p. Claude Bernard Wakouzou est affecté à la communauté de Tabligbo à partir du 1er octobre 2002.

Le 4 septembre meurt à Coimbra le p. Antonio Maria de Oliveira : il a 56 ans. Il était arrivé au Togo le 19 octobre 1981. Il passera dans la province, entre Lobogo et Afagnan, 7 ans. Le problème de la langue le gênait beaucoup. Il préféra donc quitter le Togo pour l’Amérique Latine.

Le 14 septembre, c’est la rentrée des postulants à Adidogomé avec une nouvelle équipe de formateurs : les pères F. de Matos Dias, F. Gilli et E. Sindjalim de retour de Rome. Une équipe internationale et que nous espérons bien… stable !

Du 21 octobre au 2 novembre, la province a eu comme hôte Mgr Michele Russo, évêque de Doba, au Tchad. Il venait en province à la recherche de prêtres fidei donum. Le provincial avait  déjà contacté des évêques disponibles à l’accueillir. But atteint.

2002 est aussi l’année qui précède le Chapitre général. Des lineamenta sont dans les mains de chaque confrère. Il faut étudier le texte, y apporter d’éventuels amendements, ajouts, corrections. Une commission est aussi composée pour rassembler le travail des confrères et des secrétariats, eux aussi invités à ‘étudier’ le texte dans la partie les concernant. Ce travail sera présenté à l’assemblée provinciale (qui aura lieu du 7 au 10 janvier 2003) et, après débat, adoptera un texte unitaire pour la commission préparatoire au Chapitre.

Le CP approuve le projet de la maison paroissiale de la communauté de OLA à Accra, qui avec l’arrivée des pères Correia et Dossou-Yovo est désormais au grand complet, ainsi que l’achat d’un terrain à Zossimé (Adidogomé) pour la construction d’une chapelle. Aux communautés qui accueillent les novices pour le stage communautaire et apostolique sera versé une ‘diaria’ de trois mille f cfa par jour et par novice. La clôture du terrain à Cotonou est terminée et on attend la permission des autorités compétentes pour construire. Les temps s’allongent.

Le CG nous invite, au terme de la consulta d’octobre, à commencer la révision du directoire, sans attendre le Chapitre. Ce sera un travail qui aboutira seulement en… 2006 ! Le CP est invité aussi à ‘accélérer’ et approfondir la sensibilisation pour le fonds commun. Il s’agit d’un sujet ‘sensible’ qui ne cesse de provoquer des réactions. Mais le fait que le fonds commun rencontre des fortes résistances, souligne la nécessité et l’urgence de la sensibilisation.

Le 20 décembre, au dépouillement des bulletins de vote pour les élections des délégués au Chapitre, le p. Boscaini est élu comme délégué (substitut : p. C. Odjo). Pour les provinces francophones, le frère délégué sera Hernán Arias Romero (substitut : fr. Tsomafo). Le fr. Constant sera de toute manière présent au Chapitre en qualité d’observateur pour l’Afrique.

Mort de fr. V. Negrin

 

Le 21 octobre, le fr. Virginio Negrin est passé parmi les bienheureux qui contemplent le visage de Dieu. Cela se passait à la maison mère à Vérone, où il avait été accueilli quelques mois auparavant au CAA. Le frère a travaillé pendant 20 ans au Togo : il est donc normal que, comme Eglise au Togo, nous fassions monter ensemble vers le Père une action de grâce pour la présence, oh combien bienfaisante !, du fr. Virginio au service de la mission. Le samedi 16 novembre, Mgr Dossavi, évêque d’Aného, a présidé à Tabligbo, où le frère avait vécu ses dernières années occupé à construire l’église paroissiale, une messe d’action de grâce.

« En Afrique Centrale, les Frères artisans bien préparés sont très utiles à notre apostolat, en effet ils coopèrent aux conversions beaucoup plus que les prêtres, parce que les élèves et les néophytes qui sont là pour apprendre un métier, ou pour travailler, doivent rester assez longtemps avec les ‘maîtres et les artisans’. Ces derniers par leur exemple et leurs paroles sont vraiment des apôtres pour les élèves. Ceux-ci restent avec les frères laïques, les observent et les écoutent beaucoup plus qu’ils ne peuvent écouter et observer les prêtres ». Ces mots de Comboni (Ecrits 5831) disent mieux que tout ce que le fr. Virginio a été et vécu.

Il n’était pas fait pour apprendre les langues et donc il parlait un mélange de patois vénitien, sa langue maternelle, d’italien et de castellan (qu’il avait essayé d’apprendre au Mexique). Mais ses ouvriers n’avaient pas de difficulté à le suivre. Il y en a eu même un qui essayait de l’imiter dans sa manière de parler !

C’était un autodidacte et de cuisinier il était devenu… architecte. Ses constructions au Mexique (à rappeler surtout le CAM  dans la ville de Mexico, construit avec des critères antisismiques et qui ne s’écroula pas - unique construction dans tout le quartier - à l’occasion du grand tremblement de terre de septembre 1985) l’amenèrent à achever l’Eglise de Kodjoviakopé (on ne trouvait pas la personne capable de couvrir le bâtiment construit par fr. Santi sur plan de Michelini). Reparti au Mexique, selon les accords, il retourna au Togo l’année suivante (1979) pour y rester le reste de sa vie de combonien et de travailleur génial et infatigable.

A peu près toutes nos communautés ont profité de son expertise, même les moines de Dzogbégan. L’église paroissiale de Tabligbo fut son dernier chef d’œuvre : il y prodigua toute son ingéniosité, sa capacité artistique et son bon goût, ainsi qu’une énorme fatigue et un immense travail.

Et si au cours de la semaine il était sur le chantier comme n’importe quel ouvrier, le dimanche il mettait sa soutane et son surplis, en se plaçant au presbytère pour la célébration eucharistique à côté du célébrant et distribuer, le moment venu, la communion aux fidèles. C’était un frère fidèle à son eucharistie quotidienne, à sa méditation, à son chapelet, à son examen de conscience. Quand il était libre, il était entouré par une nichée d’enfants : il se sentait comme leur grand papa.

La maladie de son frère lui donna l’occasion, début 1999, de rentrer en Italie. Il partit en pleurant. Il ne se sentait plus de lutter ni la force de monter sur les échafaudages. Et à 80 ans il reprenait son métier d’agriculteur : il travaille le jardin potager de Thiene (Italie) en y produisant ce dont la communauté a besoin.

Merci, Virginio, pour avoir été frère de et pour chacun d’entre nous. Merci pour ta vie de travail fait prière. Nous reproduisons dans ces mots le témoignage que le fr. L.Giacomelli a voulu donner de lui.

 

 

Abor passe au clergé local

 

Le 5 janvier 2003, l’équipe du CP, dirigée par le provincial, p. S. Perego, et composée, entre autres, des p. Boscaini et Odjo, a pris la route pour le Ghana, plus précisément pour Abor. Après 45 minutes passées à la frontière pour les formalités douanières, le cortège a pu atteindre la paroisse d’Abor pour la cérémonie de passation au clergé local. C’est la fête de l’Epiphanie. L’évêque de Keta-Akatsi préside l’eucharistie en présence d’une foule de fidèles en liesse. Mgr Adanuty a fait l’historique de la paroisse créée en 1923 pour être confiée en 1975 aux comboniens, dont l’un des premiers fut le p. Giuseppe Rabbiosi, actuel curé.

Maintenant le p. Joe passe à Adidomé, comme supérieur de la communauté, et il est proposé à l’évêque comme curé de la paroisse. Le p. Petrogalli est nommé supérieur de la communauté d’Accra-Kaneshie à compter du 1er janvier. Même si le contraire semble vrai, la passation d’Abor au clergé diocésain est un fait positif. Cela signifie que l’on a bien travaillé et qu’on a mis le diocèse dans la condition de continuer le travail pastoral.

 

 

Assemblée provinciale 2003

 

L’assemblée provinciale se tient au Centre Léon XIII, chez les canossiennes, du 7 au 10 janvier 2003. C’est la première fois que la province organise une assemblée en dehors de la maison provinciale. Deux thèmes ont été choisis, notamment la mission et l’économie, que nous avons abordés à la lumière des lineamenta du Chapitre et du questionnaire pour sa préparation.

Cela nous a permis de jeter un regard plus vrai sur la réalité qui prévaut dans les trois pays qui constituent la province. Tandis qu’au Ghana et au Bénin on entrevoit une croissance démocratique et économique, la situation au Togo se dégrade chaque jour un peu plus. La misère augmente. Les employés sont payés irrégulièrement. L’économie ne tourne pas et l’avenir reste incertain. Les conséquences de la dégradation sont évidentes, surtout dans le domaine de la santé. Les gens ne sont plus en mesure de payer les frais qui y sont liés. Cette situation alarmante représente un défi qui nous pousse à nous demander comment faire ‘cause commune’ avec les gens qui, désormais, vivent non pas un état de pauvreté mais de misère, et comment les aider à sortir des difficultés.

L’assemblée offre aussi l’occasion de revenir sur le problème du fonds commun. Le CP oeuvrera auprès des communautés de la province, en collaboration avec le nouvel économe provincial, le p. Dasilva, pour que les budgets soient bien établis et présentés, et que les comptes économiques de chaque communauté soient mensuellement dressés. Il est souhaité que l’économe provincial visite ses pairs de nos communautés.

Pendant l’assemblée, on a parlé aussi de la percée vers le nord du Togo et du Bénin. C’est surtout le provincial à insister, même si l’assemblée ne donne pas l’idée de se laisser chauffer particulièrement par la perspective. Au cours de la programmation après le Chapitre, on étudiera de près la concrétisation de cette percée. Dans un futur proche on organise deux expéditions vers le nord du Togo et du Bénin. Mais c’est le Bénin qui retiendra notre attention et, ensuite, le Ghana.

 

 

Mort du père Légonou

 

Le 8 mars 2003, une triste nouvelle nous surprend tous : tandis qu’il était en visite aux novices de sa délégation et qu’il dirigeait la retraite des novices à Sahuayo au Mexique, meurt le p. Jean Pierre Légonou, délégué de la DCA. Il avait 43 ans. La famille Légonou, le 22 février 1960, avait été réjouie par la naissance de jumeaux. Papa Anselme, homme de foi et d’Eglise, instituteur, se rappela que ce jour-là était la fête de la Chaire de St Pierre et il voulut donner à ses fils les noms de Jean-Pierre et Jean-Paul. Durant l’enfance des jumeaux, la famille, originaire du Bénin, se déplaça au Togo en s’installant dans le quartier de Kodjoviakopé. C’est là que Jean Pierre grandit avec les comboniens.

Alors qu’il était jeune lycéen et membre de la légion de Marie, qui le marqua beaucoup, il décida d’être comme ces missionnaires qui desservaient sa paroisse. Il était parmi les enfants de chœur lors de la consécration de l’église paroissiale de Kodjoviakopé. Un des trois premiers postulants à Lomé, il fait son noviciat à Isiro et passe à Rome pour le scolasticat. Il sera le premier combonien prêtre de l’Afrique occidentale. Etant doué d’une intelligence très vive, il fut conseillé de se spécialiser en droit canon, ce qu’il fit à la Grégorienne. Ayant achevé ses études à Rome, il fut affecté en Amérique centrale : c’était le premier africain combonien à arriver dans la délégation. Il apprit vite le castillan et s’adonna à la promotion des vocations dont il était chargé.

Il avait aussi le don d’autorité; c’est ainsi que les confrères le choisirent pour être leur délégué : un pas certainement prophétique pour l’Amérique Latine ! Resteront célèbres ses éclats de rire qui disaient sa joie de vivre et d’avoir des frères avec lui. Il se préparait à partir pour Rome comme membre de la commission précapitulaire, heureux de donner son service à tout l’institut.

Dans une atmosphère spirituelle de participation émouvante, nous nous sommes retrouvés le soir du 18 mars, avec les comboniennes et les postulants présents au Togo, autour de la famille Légonou et de la communauté chrétienne de Kodjoviakopé pour faire mémoire de lui. Elle était pleine de fidèles ce soir-là, l’église qui le 25 juillet 1992 l’avait vu ordonné prêtre par le Nonce apostolique d’alors, au cours d’une célébration animée par une chorale d’Abomey (Bénin), lieu d’origine de la famille Légonou. Des amis de San Vigilio avaient fait le déplacement depuis Rome.

Au cours de l’homélie, le provincial s’est demandé ce que le Seigneur voulait bien nous dire par cette mort soudaine, à un âge où tout le monde mettait en lui de grands espoirs. Nous étions fiers que les confrères de la DAC lui aient renouvelé leur confiance en le choisissant comme délégué et qu’il fut appelé, en tant que premier africain, à faire partie de la commission préparatoire au Chapitre général (et dont faisaient partie les pères Fabio Carlo Baldan, qui sera choisi comme vicaire général, Teresino Serra, qui deviendra Général et Tesfamariam Ghebrecristos Woldeghebriel, qui sera élu assistant général), l’année de la canonisation du Fondateur. La réponse est dans la croix du Seigneur, au pied de laquelle naît et grandit l’œuvre d’évangélisation. Le provincial a rappelé que Jean Pierre, comme l’avait déjà dit le p. Enrico Cordioli à ses funérailles au Mexique, était « un homme bon, avec un esprit d’enfant, un cœur de père et une force de guerrier ». La famille, profondément chrétienne, contrairement à la tradition ancestrale, a voulu que Jean Pierre demeure avec sa nouvelle famille, celle des comboniens, là où le Seigneur l’avait rappelé à Lui. Dans le cimetière familial à Mexico ville, il est en bonne compagnie avec des confrères qui ont dépensé leur vie missionnaire au Mexique.

Emouvant le salut traditionnel à la famille au terme de la célébration : une longue queue de fidèles qui allait du presbytère à l’église s’était spontanément formée pour exprimer solidarité humaine et chrétienne au provincial pour la disparition de ce bon géant qu’était Jean Pierre. Nous mettions en lui de grands espoirs. Nous sommes certains que, du ciel, il ne nous oubliera pas.

 

 

Noviciat en diaspora !

 

Au mois d’avril, les travaux du noviciat de Cotonou avancent doucement mais sûrement. On est au niveau de la première dalle. Le fr. Salandini quitte Cacavéli pour se rendre sur le chantier, chaque semaine, pour des conseils techniques. Le problème du financement de l’œuvre reste, car notre principal bailleur de fonds, Missio, a refusé notre demande d’aide.

Nos novices nous reviennent de Kimwenza le 28 juin pour le stage apostolique et de communauté. Ils sont 14 et ils iront dans les différentes communautés de la province, déjà à partir du 1er juillet. Après le stage ils resteront en province, comme les nouveaux candidats, jusqu’à leur profession. Pour les novices de la première année, ceux du Congo iront à Kinshasa, ceux du TGB restent en province. Les provinciaux de la RCA et du Tchad décident où envoyer leurs candidats et communiquent la décision aux respectifs pères maîtres et provinciaux.

Père maître est nommé le p. S. Cadei et socius le p. N. Rangu, de retour de Rome où il a suivi un cours pour formateurs d’octobre 2002 à juin 2003.

La maison du noviciat TGB sera au début l’ex postulat-frères à Cacavéli. Ce n’est évidemment pas la solution idéale, mais ce serait un contre témoignage de louer quelque part et de laisser Cacavéli vide ! Un gardien de jour sera au portail pour créer, dès le départ, les conditions de silence et de recueillement et donc pour ouvrir et fermer et ‘filtrer’ les personnes qui désirent entrer dans l’enceinte. Il faudra prêter aussi attention aux travaux manuels (menuiserie, mécanique…) afin que le climat de silence soit sauvegardé.

Le noviciat est ouvert le 1er juillet et érigé le 10 octobre comme noviciat interprovincial de l’Afrique francophone, dédié à saint Daniel Comboni et à la mémoire de p. P. Basso et fr. A. Santi. Le noviciat sera déplacé à Cotonou au mois de septembre 2005 et la maison inaugurée en la fête de S. Daniel Comboni.

Le CP réitère sa position concernant les deux noviciats (Kimwenza et Cotonou) : qu’ils soient interprovinciaux. Donc nous restons disponibles à envoyer de nos novices à Kimwenza.

 

 

Chronique de 2003

 

A la rencontre annuelle des provinciaux francophones à Kinshasa on lit la charte du noviciat de Kimwenza avec des remarques. Quant au noviciat de Cotonou, les opinions sont divergentes. Pour l’année 2003-04, vu le manque de candidats, il y aura fermeture temporaire du postulat-frères. Pour l’année scolaire 2004-05, toutes les provinces s’engagent à envoyer leurs candidats à Lomé. Mais un sondage auprès des promoteurs des vocations, montre qu’il faudra au moins deux ou trois ans pour rouvrir ce postulat. Chaque provincial reçoit quand même la charte éducative du postulat interprovincial frères, mais le temps de la lire et l’amender a fait défaut.

Pendant le CP du mois de février à Cacavéli, l’économe provincial nous fait part du bilan de l’exercice 2002, qui présente un déficit annuel de presque 69 millions de f cfa, dû aux dépenses liées à l’achat du terrain du noviciat de Cotonou et au commencement des travaux de construction. Ces travaux se feront sous la direction de fr. M. Citterio, une fois de retour de l’ACFP au Mexique. Pour permettre à toutes les communautés de bien présenter leur budget 2003, le CP renvoie à sa prochaine rencontre l’approbation des budgets 2003 de nos communautés. On insiste sur l’importance de préparer un budget prévisionnel clair et fiable.

Le fr. C. Adigbo est affecté à la communauté d’Akoumapé à partir du 1er février pour seconder le fr. C. Tsomafo dans la ferme agro-pastorale de Vogan.

Le 15 mars 2003 nous nous retrouvons à Toffo dans l’église St Benoît pour les vœux perpétuels de fr. Luc Todjohon (au travail au Tchad). Le 15 mars marque aussi l’ouverture des célébrations de la canonisation de notre Fondateur fixée au 5 octobre suivant.

La canonisation sera préparée en province par une commission ad hoc qui organisera un concours sur la vie et l’œuvre de Mgr Comboni dans des domaines tels que la musique, la poésie, la peinture, le dessin, la sculpture, la photographie, conte, petits articles, etc., qui se terminera le 15 septembre. Du 1er au 3 octobre il y aura un triduum de prière sur chaque paroisse combonienne. Le 4 octobre, concert spirituel à Adidogomé. Le 5, jour d’incidence, une messe est prévue avec l’archevêque d’Accra. Le 10 tous les comboniens et comboniennes se retrouveront à OLA (Accra) pour la solennité de saint Daniel et le 12 une messe sera célébrée toujours à OLA avec toute la communauté catholique. Le 19 octobre, une grande messe d’action de grâce sera concélébrée au bas-fond du collège St Joseph avec les missionnaires SVD.

Le 1er mai c’est le tour du fr. Pierre-Fourrier A. Latévi de faire sa profession perpétuelle. Cela se passait à Cacavéli. La chapelle était pleine de confrères, parents et amis. Pour symboliser sa consécration, le fr. Pierre présenta une palme comme signe de sa vie au service du monde. Sa famille avait apporté un manguier, arbre aux fruits délicieux, symbole des fruits que leur fils devra donner pour le salut du monde. Le supérieur lui remit une croix, signe de l’amour de Dieu.

Au terme de la cérémonie, le provincial, après avoir remercié toute l’assemblée, a fait mémoire de p. J. P. Légonou. En sortant de la chapelle, nous nous sommes rendus à quelques mètres, devant la statue de la Vierge, où à côté du souvenir du novice A. N. Rémi Magloire, décédé en 1996, une plaque a été posée en son honneur et souvenir. La cérémonie a montré que dans la vie, la joie et la souffrance se côtoient : joie pour un confrère qui se consacre au Seigneur et souffrance pour un autre qui s’en est allé prématurément.

Le provincial rencontre tous les évêques avec qui nous travaillons pour leur remettre copie de la convention à signer et une lettre sur la canonisation de notre Fondateur et fixer des initiatives communes en vue de la fête. Une occasion pour que nos évêques soient davantage ‘missionnaires’, attentifs aux besoins des diocèses plus pauvres de leur pays. Ils doivent percevoir la convention comme un signe de communion et un instrument pour que les Eglises locales sachent que nous sommes à leur service ad tempus et donc toujours ouverts à aller vers de nouveaux champs d’action selon notre charisme.

Pour nous préparer à la canonisation, le p. Enrique Sanchez viendra du scolasticat de Kinshasa nous prêcher la retraite annuelle. Une première session se tiendra chez les bénédictins à Dzogbégan, du 29 juin au 5 juillet, et la 2ème chez les Canossiennes, du 6 au 12 juillet.

Quant à la percée vers le nord, le provincial rencontre les évêques béninois de Djougou et de Natitingou, lors de la rencontre de la conférence épiscopale béninoise à Ouidah au mois de mai.

Quant au personnel, p. R. Wokorach quitte pour le scolasticat de Chicago, p. D. Benedetti et le fr. M. Citterio pour un service dans leur province d’origine.

On prépare la relation de la province pour le XVIè Chapitre général à partir des réponses au questionnaire, données par les différents secrétariats provinciaux. Le provincial est chargé de finaliser le texte et les pères Odjo et Sindjalim se chargent de sa traduction en anglais.

Au cours de la rencontre des frères chez les Canossiennes, du 29 au 30 avril, le problème de l’oeuvre significative pour les frères est ressortie. Au CP l’initiative semble bonne car elle permettrait aux frères de s’affirmer et de faire mieux ressortir leur identité. L’œuvre significative pourrait être la ferme-école du Centre agro-sylvo-pastoral de Vogan. Vivre une vie simple de travail avec les jeunes qui y viennent pour apprendre l’agriculture et l’élevage, et de donation au Seigneur sera l’atout de cette expérience et un témoignage pour les jeunes qui fréquentent le Centre. Deux frères sont déjà sur place, on pourrait créer une communauté de trois. Le CP demande aux frères d’élaborer une ‘charte’ qui explique les buts de l’oeuvre. Sans oublier d’étudier le volet économique, pour voir si l’œuvre pourrait s’autosuffire ou si elle aura besoin d’un support extérieur. Le CG trouve l’initiative très intéressante, et aimerait donc qu’elle soit bien suivie et projetée mais aussi que l’œuvre soit autosuffisante.

Des affectations sont opérées au cours du CP au mois de juin : p. A. Arbor est affecté à la communauté de Tabligbo comme économe à partir du 1er juillet. Une lettre sera envoyée à l’évêque d’Aného pour qu’il le nomme vicaire de la paroisse. P. B. Gilli est affecté à la communauté du postulat d’Adidogomé à partir du 1er août. Il continuera l’enseignement à l’Institut Supérieur de Philosophie et de Sciences Humaines (ISPSH) ‘Don Bosco’, sis à Akodesséwa, chez les salésiens, où nos postulants fréquentent les cours, et aidera les postulants dans leur formation intellectuelle. A noter qu’avec la rentrée 2002-03 l’ISPSH d’institut exclusivement religieux était devenu un institut universitaire ouvert aux requêtes de la société actuelle. Affilié à l’université du Togo, il peut délivrer aux étudiants le diplôme universitaire de licence en philosophie et en sciences de l’éducation reconnues par le CAMES et l’Etat togolais.

Le p. T. Bessan partira à Nairobi pour des études en théologie pastorale à partir du 1er septembre. Fr. J. Anku - qui revient de l’année combonienne de formation permanente au Mexique - fera partie de la communauté d’Asrama et sera chargé du projet-puits. Après déplacement à Asrama, le CP décide que le p. Grotto soit le supérieur, le p. Songho curé, le fr. Giacomelli économe.

Du 14 au 20 juillet, le p. provincial, accompagné par les pères Ricardo Andrade et Théophile Bessan, visite les diocèses de Djougou et de Natitingou sur invitation de leurs évêques. Il y aurait beaucoup à faire pour des missionnaires, soit dans l’un que dans l’autre diocèse!

Pour l’année 2003-04 il y a fermeture temporelle du postulat-frères, faute de candidats. On pense de reprendre avec la rentrée 2004-2005. Mais un sondage auprès des promoteurs des vocations montre qu’il faudra au moins deux ou trois ans pour rouvrir le postulat !

Le 11 novembre, une messe est célébrée à Vogan en mémoire des pères A. Zancanaro et Pierino Re. C’est le Nonce apostolique, Mgr Pierre Nguyen Van Tôt, à présider : à plusieurs reprises il avait exprimé le désir de se recueillir sur leur tombe. Nous y étions tous ce jour-là à Vogan : les confrères, le clergé local, les religieux, les fidèles, l’évêque d’Aného. Les deux confrères resteront sûrement pour longtemps dans le cœur et la mémoire de ceux qui les ont connus.

 

 

Canonisation de Comboni

 

Au mois de septembre 2003 se tient à Rome le XVIè Chapitre général, qui se terminera avec la canonisation du Fondateur. Comboni est reconnu par l’Eglise comme un formidable disciple du Christ et un apôtre de premier plan plus particulièrement pour l’Afrique. L’intuition du Chapitre est que la foi en Dieu s’exprime dans l’engagement pour la personne. Le défi sera donc celui de tenir ensemble la dimension religieuse et la dimension sociale de la mission.

Le CP avait choisi d’envoyer à Rome pour la canonisation du Fondateur l’évêque de Kpalimé, l’archevêque de Cotonou, l’évêque de Kéta-Akatsi et un fidèle laïc : ce sera M. André Sokémawu Missoh qui a tant travaillé avec les comboniens, surtout ces dernières années avec le Centre Emmaüs. Finalement même Mgr Dossavi arrivera à Rome pour l’occasion, grâce à la… complicité des confrères qui travaillent dans son diocèse.

Dans la province, chaque communauté s’organise au mieux pour le dimanche 5 octobre, jour de la canonisation. Le 10 octobre toute la province se donne rendez-vous à la paroisse de OLA pour célébrer St Daniel, après sa canonisation place St Pierre à Rome. Nombreux les confrères qui découvrent Accra, OLA et son nouveau presbytère. C’est le nonce apostolique au Ghana, Mgr Kotcherry qui préside l’eucharistie.

Le 26 octobre une ‘gigantesque’ célébration eucharistique a eu lieu à Lomé pour remercier le Seigneur de la canonisation du fondateur des SVD, p. Arnold Janssen, et de celui des comboniens, Mgr D. Comboni. Avec eux, un autre SVD a été canonisé, le p. Joseph Freinademetz, d’origine italo-ladine et missionnaire en Chine. C’était sur le site dénommé ‘basfond du collège St Joseph’. Le rite a réuni tous les évêques du Togo, à l’exception de celui d’Aného, en Europe, et une cinquantaine de prêtres. Sous un bien brûlant soleil d’après midi, une foule de 5 mille fidèles s’était amassée, avec religieux et religieuses et séminaristes.

C’était dans cette assemblée vêtue de pagnes, tricots et foulards portant l’effigie des nouveaux saints, qu’une longue procession d’entrée s’était ébranlée. Ouvrant la célébration qu’il présidait, Mgr Ph. F. Kpodzro, archevêque de Lomé, a invité l’Eglise famille de Dieu au Togo en général et celle de Lomé en particulier à rendre grâce à Dieu pour deux raisons majeures : le jubilé pontifical d’argent du Saint Père et la canonisation de ceux qu’il a définis des « géants de l’évangélisation ». Dans son homélie il a brossé la vie des trois nouveaux saints, dont les héritiers sont présents dans son diocèse. Il faisait ensuite l’historique de l’arrivée des verbites, des sœurs du St Esprit, des comboniens et comboniennes au Togo. Il terminait en lançant un pressant appel à Dieu afin qu’il suscite parmi les jeunes des vocations à la mission.

La célébration a eu des moments forts : la prière des fidèles dans les langues du pays, la présentation à l’offertoire de certains moyens qui éternisent l’esclavage dans notre temps (la chicote, l’argent, le féticheur…) et la mise en scène - au cours de la liturgie de la parole - de la misérable condition des esclaves que Comboni avait combattue.

Le 9 novembre c’est le tour de la paroisse st François d’Assise de Fidjrossè d’accueillir la célébration diocésaine pour remercier le Seigneur d’avoir donné à l’Afrique un nouveau saint. La célébration a été présidée par Mgr Nestor Assogba, archevêque de Cotonou, entouré des confrères de la paroisse et de ceux venus de Toffo. Des prêtres diocésains, des religieux et bon nombre de religieuses étaient là pour témoigner de leur amitié et de leur attachement à notre Fondateur. Après la communion, la chorale Hanye (langue fon d’Abomey) a présenté un résumé de la vie et du message de Comboni par des chants et des danses. Une grande foule en liesse, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’église, a participé à l’eucharistie et aux réjouissances qui ont continué après le repas fraternel. L’annonce de la prochaine ordination sacerdotale du premier combonien de la paroisse de Fidjrossè, Bernard Megnihoué, a enthousiasmé la foule et a souligné, une fois de plus, l’amour de Comboni pour les africains.

L’eucharistie pour la canonisation du Fondateur au niveau du diocèse de Kpalimé a été célébrée à Asrama et présidée par Mgr B. Alowonou, évêque du diocèse. Plusieurs prêtres diocésains étaient présents, ainsi que des religieuses. Dans l’assistance on remarquait la présence d’un invité de marque, M. Dahuku Péré, ancien président de l’assemblée, venu avec sa famille rendre grâce avec nous.

La dernière célébration ‘combonienne’ s’est tenue à Adidomé, diocèse de Keta-Akatsi, où l’évêque du lieu, entouré des confrères venus aussi d’Accra et d’un bon nombre de prêtres diocésains, a voulu par sa présence remercier Dieu d’avoir suscité un prophète pour l’Afrique et remercier en même temps ses fils qui œuvrent dans son diocèse.

La canonisation de Comboni a permis à un bon nombre de prêtres, sœurs et fidèles laïcs de connaître et apprécier notre Fondateur. Parmi les réactions, il est bon peut-être de souligner celle de p. Marcel du Foyer de Charité d’Aledjo. Après avoir remercié le Seigneur Jésus pour les œuvres merveilleuses au service de la mission, grâce au trois missionnaires inscrits dans le catalogue des saints le 5 octobre, le p. Marcel termine ainsi : « Nous avons la grâce et la joie, en accueillant en retraite de nombreux retraitants, de constater avec quelle richesse l’apostolat de leurs disciples a porté des fruits ».

 

 

2004 : 40 ans au Togo

 

Du 12 au 15 janvier 2004 se tient l’assemblée provinciale, chez les Canossiennes à Agoégnivé. Thème : Elaboration d’un nouveau directoire de la province à la lumière du XVIè Chapitre général.  Les confrères se sont engagés, tout en s’exprimant avec beaucoup de liberté. Un travail préliminaire avait déjà été accompli par les secrétariats provinciaux, ce qui a fait avancer et faciliter l’élaboration du nouveau directoire. A remarquer que l’ancien (sorti en 1996) avait plusieurs fois été retouché surtout dans sa partie économique. Pour la rédaction finale du directoire provincial le CP choisit les pères B. Gilli et E. Sindjalim. Mais il faudra attendre l’année 2006 pour arriver à l’édition définitive.

Le 19 janvier nous fêtons les 40 ans de notre arrivée au Togo. Quel bilan tracer ? Le milieu n’a jamais été facile, à cause de la religion traditionnelle liée au vaudou. 40 ans c’est beaucoup, plus que la période des verbites au début de l’évangélisation au Togo. Et pourtant, dans certains endroits il semble que ces 40 ans soient passés sans laisser une véritable trace de vie chrétienne ou alors une trace très superficielle. Oui, après 40 ans de présence, nous sommes encore au début de l’évangélisations tant le nombre d’animiste reste élevé ! Dans plusieurs de nos paroisses les catholiques représentent le 5% ou 10% . C’est en ville que les choses ont changé. C’est en ville que nous voyons des communautés chrétiennes vivantes, avec un nombre de fidèles important. C’est en ville qu’on voit des adultes et des personnes âgées fréquenter l’église. A Cotonou, comme à Lomé et Accra, les ‘foules’ ne manquent pas. Mais dans les villages on est encore au petit nombre, composé essentiellement d’enfants et de jeunes. Même si nous devons reconnaître que notre travaille en brousse a préparé bon nombre des chrétiens des villes.

Mais les changements les plus visibles, on les remarque au niveau des agents dans l’Eglise : les diocèses se sont multipliés : 18 au Ghana, 10 au Bénin, 7 au Togo. Le nombre des prêtres a augmenté beaucoup, surtout dans la partie sud de nos trois pays. Un exemple ? L’ordination sacerdotale de 18 nouveaux prêtres à Cape Coast par le nouveau cardinal de l’archidiocèse. Même dans les petits diocèses, le nombre de prêtres est en constante augmentation, que ce soit à Keta-Akatsi, Kpalimé, Aného ou Lokossa. Le phénomène se répercute aussi chez nous : au cours de l’année on devrait avoir 4 nouvelles ordinations sacerdotales. Le défi reste le nord : les diocèses du nord restent pauvres en clergé. Voilà donc l’enjeu : nous allons continuer notre travail d’évangélisateurs au sud de nos pays mais en regardant vers le nord où la présence du clergé diocésain et missionnaire est insuffisante. Comboni nous donnerait sa pensée sans hésiter. Mais avons-nous assez de forces (en personnel) et de courage pour tenter l’aventure ? Pour sa part, l’évêque de Djougou, Paul Vieira, nous attend depuis des années.  Il nous attend « avec une grande patience et espérance ».

 

 

Groupe de réflexion

 

En accord avec les orientations du XVIè Chapitre général (AC ’03, 61.2), les provinciaux francophones ont invité les pères D. A. Esquivel Hernández, G. Pezzi, N. Rangu et R. Eguíluz Eguíluz à former un groupe de réflexion théologique pour la mission et la formation permanente (GRAF). La première rencontre du groupe s’est tenue à Bangui (RCA) avec la présence du p. F. Zolli, secrétaire général de l’évangélisation, du 27 au 30 janvier 2004. Toute la journée du 27 janvier, le groupe a participé à la rencontre des provinciaux francophones qui, avec le p. Odelir J. Magri, conseiller général, ont fait le point sur la nature du groupe, ses tâches, ses données, ses rapports avec les autres secrétariats provinciaux et sur d’autres questions pratiques. Ensuite le groupe a commencé sa réflexion. Il a proposé une série de thèmes et d’initiatives pour aider à promouvoir le partage de la réalité vécue dans notre quotidien de missionnaires et à susciter des réflexions pour situer les nouvelles exigences de la mission dans les provinces francophones.

Entre autres, le GRAF a proposé de prendre en considération : l’approfondissement du message et des Actes du Chapitre, en vue de la rédaction de la Ratio missionis ; l’analyse de la réalité et la lecture des signes des temps ; comment parler de Dieu et annoncer Jésus Christ dans un contexte de guerre, de violence, de retour au paganisme, de corruption politique et de dégradation des conditions de vie, de la perte d’identité et des valeurs traditionnelles ; mission et dialogue interreligieux ; la nécessité d’instaurer une nouvelle théologie et praxis de l’économie ; méthodologie missionnaire ; charisme et spiritualité combonienne, etc . Le groupe se retrouvera à Cotonou du 21 au 27 juin.

Chronique 2004

 

Dans le CP du 9-10 mars a été approuvé le budget prévisionnel 2004 de la province. Toutes les communautés ont présenté le budget 2003, alors que plusieurs n’ont pas présenté le budget prévisionnel 2004. Le CP approuve le projet de construction d’un presbytère à Sê Ahito, où devrait se déplacer la communauté de Toffo quand la paroisse St Benoît sera passée au clergé local. Le CP s’arrête à examiner de près les comptes de la ferme de Vogan qui traverse un moment difficile. Elle a terminé l’année avec un solde positif grâce aux aides venues de l’extérieur. La production n’a pas été satisfaisante. Le CP s’est rendu sur les lieux le soir même pour évaluer la situation. A la ferme est accordé encore une année afin d’évaluer la situation et prendre une décision.

Le CP, sous proposition de la communauté du postulat d’Adidogomé qui souhaite un changement d’école pour les postulants, décide qu’avec la rentrée 2004-05 les postulants de la première année n’iront plus à l’Institut ‘Don Bosco’ pour la philosophie, chez les salésiens, mais au grand séminaire. On revient au début, avec quelques regrets des intéressés, mais il est question… d’économie (les cours sont chers) et de proximité avec le clergé diocésain de demain. La 2ème et 3ème année termineront chez les salésiens. Le CP décide de donner un million de f cfa comme contribution pour la construction des nouvelles classes au grand séminaire, plus bondé que jamais!

Le samedi 17 avril, le diacre Victor Kouandé est ordonné prêtre à Kodjoviakopé par Mgr B. Alowonou, évêque de Kpalimé. Une importante délégation était venue de Londres, où le nouveau prêtre avait fait son scolasticat. A partir du 1er juillet, il est affecté au CAM de Lomé, en tant que promoteur des vocations et animateur.

Du 23 au 30 mai se tient à Rome, via L. Lilio, l’assemblée intercontinentale en vue de préparer la Ratio missionis. C’est le p. Rabbiosi qui représente la province. Le nouveau secrétaire général de l’évangélisation, le p. F. Zolli (nommé à partir du 1er juillet 2002), a pris la chose vraiment à cœur.

Du 21 au 24 juin, des membres du bureau missionnaire de la Conférence épiscopale italienne rencontrent les missionnaires italiens travaillant au Togo.

Le 10 juillet à la cathédrale d’Akatsi est ordonné prêtre notre diacre Ruben Awuye par Mgr. Anthony Adanuty. Ruben est originaire d’Abor, a fait la théologie à Kinshasa et est destiné à la Centrafrique pour le service missionnaire.

Le 7 août à Fidjrossè sont ordonnés prêtres Bernard Megnihoué et Paul Djago par l’imposition des mains de Mgr Agbanou, évêque de Lokossa, leur diocèse d’origine. Le premier est affecté à la communauté de Cotonou comme vicaire de la paroisse St François d’Assise, à partir du 15 septembre, et le second est lui aussi affecté à la même communauté comme promoteur des vocations et animateur missionnaire à partir du 1er octobre.

Du 22 au 31 août se tient à Lomé l’assemblée générale des promoteurs des vocations et des formateurs des postulats des provinces francophones. Elle se tient à la maison Don Bosco où les postulants suivent les cours de philosophie. Des propositions sont faites. Il faut connaître les familles des candidats, ainsi que leur contexte social et ecclésial. La famille ne doit pas attendre du jeune qui devient combonien un appui économique. On réaffirme la validité du principe d’un postulat unique interprovincial frères à Lomé et on souhaite sa réouverture pour l’année académique 2005-06. Il faut penser à l’équipe formative.

Le 1er et 2 septembre, toujours à Lomé, se tient le conseil francophone de la formation de base et PV.

Le p. S. Cadei se déplace à Cotonou pour suivre de près les travaux du noviciat pour leur finition et préparer la rentrée des novices. Les problèmes du noviciat nous donnent du fil à retordre (la route qui y mène est inondée et donc il est impossible de faire arriver l’eau de la régie… 25 millions de f cfa seraient  à débourser pour pouvoir y faire arriver le courant, et il faudra attendre un an pour l’exécution des travaux. Finalement la société électrique d’Etat prendra en charge 17 millions). L’introduction au noviciat donc débutera le 17 septembre à Cacavéli : ils seront 6 les novices de la première année. L’année canonique débutera toujours à Cacavéli le 10 octobre. Cotonou verra donc nos novices s’installer là-bas l’année prochaine.

Nous allons pour la première fois imprimer notre calendrier (celui de 2005) chez nous ici (à Cotonou). Avant c’était toujours à Vérone que cela se faisait.

Le secrétariat de l’évangélisation, sur invitation de l’évêque de Yendi (Ghana), lui a rendu une visite de courtoisie. Le diocèse, érigée en 1999, a à sa tête un évêque SVD ghanéen. C’est un diocèse pauvre de tout point de vue. L’évêque voudrait que nous prenions une paroisse ou rouvrir le centre catéchétique, fermé par manque de personnel et d’argent. Une visite comme celle-ci et d’autres du genre, sans aucun engagement de notre part, nous donnent de connaître d’autres réalités d’Eglise en vue d’une future programmation qui tiendrait compte des besoins de ces jeunes Eglises.

Le 2 novembre, meurt au Mexique le p. Joaquín Martínez, qui avait travaillé à Abor et à Liati. Dans une lettre de condoléances (6.5.2005), Mgr. Lodonou, évêque de Ho (Ghana) présentera au provincial du Mexique ses condoléances. « A Golokwati et Liati, où il a laissé ses indélébiles empreintes, des services funèbres ont été organisés, avec la participation de toutes les stations secondaires ». Et il rappelle la dernière période du p. Joaquín à Liati. « Il nous a aidé à diviser la vaste paroisse en deux, en construisant une belle paroisse à Ve Golokwati – Our Lady Queen of Peace (Notre-Dame Reine de la Paix). Il nous a laissé l’architecture mexicaine, spécialement dans la construction de la grande église paroissiale ! ».

L’année 2004 est aussi une année électorale. Le nouveau CP qui prendra fonction le 1er janvier 2005 sera composé par les pères Manuel João P. Correia, provincial, Elias Sindjalim, vice provincial, les pères Joe Rabbiosi et  Habtû Teclai Tiluck et le fr. Alfio Guzzardi.

 

 

Annexe 1

 

 

LOME - CONVENTION 1964

 

 

Entre Monseigneur l’Archevêque de LOME, Robert Casimir DOSSEH-ANYRON, d’une part, et le Très Révérend Père Supérieur Général de la Congrégation des Fils du Sacré Cœur de Jésus, Sac. Gaetano BRIANI, d’autre part.

 

I.         OBJET - Son excellence Monseigneur Robert Casimir DOSSEH-ANYRON, Archevêque de LOME (TOGO), a demandé la collaboration de la Congrégation des Fils du Sacré-Cœur de Jésus pour l’évangélisation et la préservation de la foi dans son Diocèse. Dans ce but, Son Excellence Monseigneur l’Archevêque confie au départ deux paroisses de son Diocèse aux membres de la dite Congrégation. Ces deux premières paroisses seront comme des foyers de rayonnement et le point de départ d’autres fondations nouvelles allant de proche en proche à la cadence des besoins et des possibilités et de commun accord.

 

II.        PERSONNEL

1.       La Congrégation des Fils du Sacré Cœur de Jésus s’engage à envoyer le personnel nécessaire pour le développement envisagé à fur et à mesure des exigences et des possibilités.

2.       Toute la vie religieuse des membres de la Congrégation sera toujours régie par les Constitutions de la Congrégation : Partie IV, vie missionnaire ; Partie V, des biens temporels.

3.       Le Supérieur Général nommera un Supérieur Religieux pour les membres de la Congrégation :

a)       Son devoir principal sera de faire observer les Règles de la Congrégation et de pourvoir au bien spirituel et matériel des confrères ;

b)      Il sera en outre le Représentant du Supérieur Général auprès de l’Ordinaire ;

c)       Il serait souhaitable que le supérieur religieux participe au Conseil des consulteurs diocésains.

 

III. TRAVAIL APOSTOLIQUE

1.       Le Supérieur Général met le personnel à la disposition du Diocèse. Il appartient à l’Ordinaire en liaison avec le Supérieur Religieux, de nommer les Pères aux fonctions et travaux du Diocèse.

2.       Quand l’Ordinaire juge opportun de retirer à la Congrégation une Paroisse ou une œuvre qui lui est confiée, il en avertira le Supérieur Religieux au moins six mois à l’avance.

3.       Si le Supérieur Religieux juge que la Congrégation ne peut plus continuer à assumer la charge d’une paroisse ou autre œuvre qui lui est confiée, il en avertira l’Ordinaire au moins six mois à l’avance.

4.       Le Supérieur Général a la faculté, après avis à l’Ordinaire, de rappeler un membre de la Congrégation quand il le juge opportun pour le bien de la Congrégation ou de l’individu. Dans ce cas, après entente du Supérieur et de l’Ordinaire, le bien des âmes sera sauvegardé soit par le remplacement du Missionnaire rappelé soit par une nouvelle répartition des charges ou du personnel.

5.       Dans le cas ou l’Ordinaire se rendrait compte de défaillances aux devoirs d’un Missionnaire, ou que le Supérieur Religieux estimerait opportune une mutation pour le bien spirituel ou matériel d’un sujet, on suivra les normes des saints canons (296,307 etc.) et de la Constitution de la Congrégation des Fils du S.C. de Jésus (N°s 443, 444, 445).

 

IV.      VIE RELIGIEUSE

Pour tout ce qui concerne la vie proprement religieuse, les membres de la Congrégation dépendent exclusivement du Supérieur Religieux (Canons 630 ; Can. 296 § 2). Les Religieux doivent toujours se trouver dans les conditions de pouvoir observer leur Constitution et règles (Const. 447, 448, 449). Dans chaque communauté au moins deux prêtres religieux et si possible un Frère Coadjuteur doivent demeurer ensemble.

 

V.        DIVISION DES BIENS : Charges à supporter dans le Diocèse et dans l’Institut ; Soins aux malades.

1.       La distinction des biens du Diocèse et des biens de la Congrégation sera réglée par les Saints Canons (296 § 1 etc.) et par les Constitutions de la Congrégation des F.S.C.J. (Partie V, Chap.II).

2.       Il appartient à l’Ordinaire de pourvoir églises, écoles, chapelles, et autres édifices nécessaires au travail pastoral comme les moyens de locomotion pour l’apostolat. Le concours des Missionnaires par la constitution d’un reseau de bienfaiteurs d’Europe ou d’ailleurs fournira en ce domaine un précieux appoint. Le Diocèse prendra en charge la subsistance convenable et l’entretien (habillement) des Missionnaires suivant les normes en vigueur dans l’Archidiocèse (Const. 493, 494, 495).

3.       Il appartient à l’Ordinaire de payer les dépenses pour les études de ceux qui, demandés ou envoyés par lui dans les écoles appropriées devront suivre des cours de spécialisation (Const. 497).

4.       Les Religieux concourront bien volontiers dans la mesure de leurs possibilités à subvenir aux dépenses de la paroisse ou de l’œuvre à eux confiée (Const. 480-493).

5.       La répartition des honoraires de Messes est ainsi établie : chaque mois, sept (7) intentions seront réservées au Supérieur Général (Const. 463) ; trois (3) intentions sont laissées à la libre application du Religieux (Const. 110) ; les autres seront au bénéfice de la paroisse ou de l’œuvre.

6.       Les voyages d’aller en mission et de retour en congé sont aux frais de l’Ordinaire (Const. 499).

7.       Le voyage d’aller et retour sont aux frais de la Congrégation (Const. 500) si un Religieux doit abandonner la mission à deux ans ou moins de deux ans de sa toute première arrivée en mission.

8.       Tous les huit (8) ans, les religieux auront droit à un an de congé en Europe (Const. 263).

9.       En cas de maladie, les soins médicaux sont aux frais de l’Ordinaire ; cette même règle vaut pour les missionnaires en congé d’un an en Europe ; passé le délai normal d’un an en congé, les soins médicaux incombent à la Congrégation.

10.     Toute question qui pourrait être soulevée entre l’Ordinaire et la Congrégation sera discutée et résolue selon les Saints Canons et les Constitutions ; et l’on tâchera en tout de regarder avec charité et compréhension chrétienne la seule Grande Gloire de Dieu et le Bien des Ames.

 

 

FAIT A ROME CE 13 OCTOBRE 1964

 

T.R.P. BRIANI, Sup. Gén. F.S.C.J. +  Robert Casimir DOSSEH-ANYRON

 


Annexe 2

 

 

LOME - CONVENTION 1989

 

 

Entre l’Archevêque de Lomé et la province du Togo des Missionnaires Comboniens du Cœur de Jésus.

L’an mil neuf cent quatre vingt neuf et le 19 Janvier, jour d’incidence des 25 ans de l’arrivée - à la requête de l’Archevêque de Lomé - du premier groupe des Missionnaires Comboniens au Togo, entre les soussignés :

Son excellence Monseigneur Robert-Casimir Tonyui Messan DOSSEH-ANYRON, archevêque de Lomé, d’une part, et le Révérend P. Antonio Del Pozo Alvarez, Supérieur provincial des Missionnaires Comboniens du Togo, d’autre part.

 

Il a été convenu et arrêté de commun accord ce qui suit :

I.       Son Exc. Mgr R. C.T.M. Dosseh-Anyron, archevêque de Lomé, donne à la Province du Togo des Missionnaires Comboniens l’usufruit in perpetuum du terrain de la paroisse d’Adidogomé-Aflao, Préfecture du Golfe (Togo), tel qu’il figure sur le plan ci-joint.

II.      1.           Le R. P. Antonio Del Pozo Alvarez, Supérieur provincial des MCCJ du Togo, acquéreur de l’usufruit in perpetuum dudit terrain, l’accepte et le reçoit au nom de la Province. Celle-ci aura pleine jouissance dudit terrain pour y procéder aux activités propres d’une maison de formation en faveur des candidats de l’Institut des Missionnaires Comboniens du Cœur de Jésus.

          2.           Les Pères Provinciaux auront soin d’informer l’archevêque de Lomé à chaque étape des développements ultérieurs du projet.

III.    En retour, la Province des Pères Comboniens du Togo s’engage à prendre en charge la Pastorale de ladite Paroisse en formation d’Adidogomé. Elle s’engage, en outre, à l’assumer dans le souci de « faire Eglise » avec l’Eglise diocésaine de Lomé et en communion avec celle-ci, selon le charisme de l’Institut des MCCJ et suivant les règles du Droit Canonique.

IV.    Dans la gestion, elle veillera à distinguer les biens de la Paroisse et les biens propres de l’Institut.

V.      Vocations : de la part des Missionnaires Comboniens, priorité sera donnée à la promotion des vocations pour l’Eglise diocésaine, en cultivant les différentes vocations sacerdotales et religieuses (Séminaires, Noviciats N.D.E., Petits Frères de l’Evangile). Les Missionnaires Comboniens pourront éveiller et accueillir des vocations missionnaires pour leur Institut.

VI.    Les Missionnaires Comboniens insuffleront aux membres autochtones l’esprit et la conscience d’entrer en pleine communion avec l’Eglise diocésaine de Lomé, se considérant comme en faisant partie; ils la servent et acceptent les priorités dans une attitude de collaboration avec tous les agents locaux de la pastorale.

VII.   1.           Cet acte de passation de l’usufruit in perpetuum du terrain dont il est l’objet entre en vigueur  à partir du jour de sa signature et pourra être révisé de commun accord.

          2.           En cas de résiliation, l’archevêque et la Province procèderont à la répartition des biens avec équité et dans le même esprit du « faire Eglise » qui a présidé à la signature de la présente convention.

 

 

R. P. Antonio DEL POZO ALVAREZ                     + Mgr R.C. T.M. DOSSEH-ANYRON

 

    Supérieur provincial des MCCJ                                           Archevêque de Lomé


Annexe 3

 

Inculturation : œuvres des confrères

 

P. Roberto Pazzi :

-        Initiation à la langue populaire du sud-Togo. Ronéotypé.

-        Notes de grammaire des  langues Aja, Ewe, Gén- Mina. Lomé 1972, ronéotypé.

-        Notes d’histoire des peuples Aja, Ewe, Gén et Fon. Lomé 1973, ronéotypé.

-        Grammaire des langues ewè, aja, gén. Lomé 1975, ronéotypé.

 -       L’Homme Ewe, aja, gén, fon et son univers. Lomé 1976, ronéotypé.

-        Ancienne littérature ewe mina. Lomé 1977, ronéotypé.

-        Cours d’initiation aux langues ewe, aja, gén. Lomé 1977, ronéotypé.

-        Introduction à l’histoire de l’aire culturelle Ajatado. Lomé 1979, ronéotypé.

-        Dictionnaire de la Langue Gén (avec Grammaire et Recueil de Textes Ancestraux). Lomé 1981, ronéotypé.

-        Kafuhawo, les psaumes en gegbe. Anécho 1983, ronéotypé.

 

NB. Le père Pazzi a publié en ronéotypé toute une série de fascicules « Notes sur l’aire culturelle d’origine Aja » qui ne sont pas tous cités ici.

 

P. Bruno Gilli :

-        Naissances humaines ou divines? (Analyse de certains types de naissances attribués au vodu). Ed. HAHO, Lomé 1997. Thèse de doctorat de 3è cycle soutenue à Paris en 1982.

-        Heviesso et le bon ordre du monde. (Approche d’une religion africaine). Ed. HAHO, Lomé 1987. Mémoire EHESS, Paris 1976.

-        Recueil inédit de cent- soixante chants du Vodu-Heviesso. Chez l’auteur.

-        Recueil inédit de cent- quatre-vingts noms concernant les initiés du Vodu Heviesso. Chez l’auteur.

-        « Heviesso et le bon ordre du monde » in : Annales de l’Université du Bénin. N° Spécial, Lomé, 1979, pp.101-115       

 

P. Nazareno Contran :

-        Il figlio di Avhatse e la preghiera della pioggia a Dzabi automatico. Lomé 1975, ronéotypé.

-        La morte è una cosa antica. Afanya 1975, ronéotypé.

-        Zo badha: il fuoco cattivo. Afanya 1975, ronéotypé.

-        La mort dans la littérature orale du sud-Togo. Lomé 1984

 

P. Paolo Corazza:

-        Approche anthropologique du marché parmi les Ouatchi du Sud-Togo. Maîtrise en ethnologie, U.E.R. Paris 1979.

 

P. J.L. Giménez :

-        Une ethnie menacée, les Ouatchi du Togo. Mémoire EPHE, VIè section, Paris 1979.

 

Nous avons collaboré sous différentes formes à la préparation de textes de prière, chants, missels, lectionnaires, catéchismes, etc. Les Centre Emmaüs a publié plusieurs cahiers de formation des catéchistes, ainsi que des brochures d’inculturation, fruit du travail de BERTA. Un exemple pour tous : L’âme africaine dans les traditions du sud-est du Togo. Centre Emmaüs, Afanya.

 

 

 

 

 



12/09/2011
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